vendredi 16 mai 2025

Revenons aux fondamentaux de la justice

 

                          Revenons aux fondamentaux de la justice

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire

En ce moment je suis un peu désespéré par la justice sous toutes ses formes. Je m’inquiète car je sens une dérive dangereuse. J’ai entendu des personnalités politiques dire qu’un non- lieu ou une relaxe ne changeaient rien aux faits qui étaient reprochés et que ce n’était pas la preuve d’une innocence ! Mao Tse Toung ou Trotski sortez de ces esprits. Je cite en vrac quelques interrogations.  

 L’émotion est la base de tout. Les faits deviennent secondaires. L’honneur des uns et des autres est bouleversé sur une simple affirmation. Tout le monde s’en mêle et l’indignation vaut réalité. Attention ce qui arrive à des personnalités peut un jour concerner le quidam puisqu’on ne veut plus de prescription. On pourrait accuser à vie. Naturellement les coupables avérés doivent payer. Les victimes ont droit à réparation ou d’avoir l’esprit libre. Avec des souvenirs qui se révèlent tardivement. Elles n’y sont pour rien. Mais ne cherchons pas des coupables quoiqu’il arrive avec des raisonnements contemporains. La justice n’est ni la vengeance ni la condamnation d’une faute globale ou par inaction. Ni la volonté de créer une société pure et sans tâche. Sinon on ne cessera de sortir du placard les cadavres coupables ou non de l’histoire et on installera la désunion. Ou la repentance perpétuelle.

Quand le parlementaire enquête et enlève son écharpe pour revêtir le costume du juge on est dans la confusion. Si ce n’est dans l’arbitraire puisqu’on veut une Justice indépendante de toute pression. Qu’il s’occupe de contrôler nos finances et de bâtir un budget en équilibre ; qu’il vérifie le fonctionnement des institutions ; qu’il fasse tout pour participer à des débats dignes qui renforcent la nation... Mais qu’il laisse de côté son aspect justicier surtout quand le présumé suspect est un adversaire politique. Et je n’évoque même pas les qualités nécessaires juridiques et judiciaires, le sens du débat contradictoire, des droits de la défense, de la présomption d’innocence et sans juridiction d’appel.  Outre la neutralité et l’impartialité c’est à dire les qualités que l’on exige des magistrats professionnels. Diffamez, insinuez, il en restera toujours quelque chose. On n’est pas dans une instruction judiciaire à charge et à décharge d’où rien ne doit filtrer sous peine de délit !  L’élection ne confère ni compétences ni hauteur. S’il y a eu jadis des manquements collectifs ou des insuffisances voire des « protections » pour ne pas faire savoir, qui sera condamné ?

J’ai écouté M. Bayrou1er ministre mais surtout parent d’élève donc intimement concerné pour le scandale de Betharram interrogé par M. Vannier de LFI plus proche de Fouquier-Tinville que d’un simple procureur membre du syndicat de la magistrature.  M. Vannier a décrété que M. Bayrou avait menti sous serment quelles que soient ses explications et preuves. Il ne cherchait pas la vérité des faits. Il a instruit à charge politique exclusivement.  La commission d’enquête n’en sort pas grandie. Il va falloir revoir ses compétences et sa procédure.

C’est le président Mitterrand qui avait parlé de la force injuste de la loi. Le juge doit naturellement appliquer la légalité, quand il ne l’interprète pas.Il doit mesurer les effets pratiques de sa décision sur les citoyens, sur la démocratie ou sur une future élection. Il ne peut se substituer au peuple. Ou vouloir privilégier telle ou telle victime même si on est d’accord avec lui que le délit ou le crime est odieux. Sinon l’unité de la nation est ébranlée. Le doute s’installe.

On n’ose pas critiquer les juges sauf à être taxé de populiste voire d’extrême. Mais ils n’ont pas toujours raison. Au procès Depardieu ils ont condamné plus sévèrement sous le curieux concept de victimisation secondaire à l’audience parce que l’avocat du prévenu que je ne défends pas particulièrement, aurait eu un comportement outrancier et méprisant pour les parties civiles. Mais on peut tout dire à condition d’avoir du talent. Y compris contester des accusations. Outre que le président du tribunal a la police de l’audience et peut demander à un avocat de se modérer, sous l’autorité du bâtonnier. L’avocat peut et doit être libre de choisir sa stratégie et son expression de défense qu’il pense utiles à son client. Quitte à être contre -productif.

Après 1981 j’ai eu modestement l’occasion de plaider notamment avec ou contre Mes Jacques Vergès ou Thierry Levy pénalistes ténors qui s’attaquaient aux puissants et à l’Etat et prononçaient des plaidoiries de rupture. Féroces et parfois très blessantes pour leurs adversaires, avocats compris. Personne ne les a condamnés pour leurs propos parfois insupportables. Leurs victimes ont encaissé. A l’époque le combat judiciaire n’était pas uniquement émotionnel.   

Les parties civiles ne subissent pas une deuxième victimisation à l’audience car un tribunal juge des faits qui doivent être prouvés, les personnalités et en droit. S’il faut demander pardon et aller à Canossa en ménageant les parties civiles ou les opposants en croyant aveuglement à leurs paroles, la défense ne sera plus ce qu’elle devrait être. Elle doit être ferme et incisive et sans haine. Et subtile envers le malheur réel ou exagéré ou non démontré des plaignants. Les avocats des parties civiles peuvent redresser la barre au lieu de se plaindre de la méchanceté du confrère et remettre en place l’insolent ou l’insultant. On juge le prévenu pas son conseil. Le tribunal n’est pas l’arbitre des élégances et du bon goût ou de la compassion. La défense ne peut être censurée sinon c’est l’Etat de droit qui vacille. La vérité n’est pas univoque.

Dans les affaires sensibles l’avocat est souvent seul contre tous, contre la société, contre la doxa. Faisons en sorte que la défense puisse toujours être présente et s’exprimer. Tout le reste est polémiques stériles.   

Revenons aux fondamentaux. Aux parlementaires la loi et la politique. A la justice neutre et impartiale l’examen de la culpabilité ou de l’innocence. Et le devoir de trancher les litiges qui lui sont soumis. Pas de bâtir une société idéale socialement ou par les mœurs qui d’ailleurs évoluent. Ou politiquement.  Aux avocats la lourde responsabilité de défendre tous ceux qui font appel à eux. Et de choisir leurs arguments.

 C’est ainsi que la confiance reviendra.    

vendredi 18 avril 2025

La quadrature du cercle

 

                                   La quadrature du cercle

          Par Christian Fremaux avocat honoraire

Gavroche chantait « je suis tombé par terre c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau c’est la faute à Rousseau ».  On ne sort pas des raisonnements binaires. L’actualité judiciaire le prouve.  Une candidate à la présidence de la République va-t-elle faire défaut en 2027 ? S’en remettrait- on ? Un seul être vous manque et le monde est dépeuplé.

Comment concilier la Justice c’est -à- dire le droit sans privilégiés et la politique c’est- à- dire le bien pour tous ? Arriverons nous à dépasser nos préjugés pour sortir d’accusations sans fin. Peut-on aboutir à un gagnant -gagnant et ainsi avoir une société qui ne s’émeut pas quand la justice se mêle de politique ? Doutons-nous de nos principes suprêmes, ceux qui sont les piliers de la République ?  Peut- on débattre avec la raison sans émotion ?

Une société moderne qui fonctionne harmonieusement c’est comme un triangle qui devrait être isocèle : en pointe en haut la démocratie, à une base le peuple et à l’autre la justice. Mais des géomètres ne l’observent pas ainsi.

M. Pierre Rosanvallon a déclaré au journal Le Monde « que les juges incarnent, autant que les élus, le principe démocratique de la souveraineté du peuple ». Quand il était président du conseil constitutionnel M. Fabius avait fait savoir par avance sauf erreur, que tel référendum sur tel sujet ne serait pas conforme au texte suprême. Sauf à réformer la constitution.

 Si une autorité qui n’est pas dans le camp du bien s’était ainsi prononcée comme ces deux intellectuels, ça hurlerait dans le landerneau médiatique. On crierait au coup d’Etat juridique et au gouvernement des juges outre le déni démocratique ! Et que le peuple est secondaire face à une élite éclairée ! L’Histoire bégaie.   

 Je ne peux me comparer avec ces sommités philosophique et sociologue ou juridique mais comme j’ai une voix/un bulletin de vote comme eux je m’exprime comme électeur de base, membre du peuple d’en bas. Je m’autorise à parler de démocratie et des juges. Je ne suis pas d’accord avec ces personnalités qui réfléchissent subtilement. Le peuple n’a pas besoin qu’on lui tienne la main dans l’isoloir. Ou que des juges agitent leur couperet légal. Il est sur le terrain et y a appris la vie. Il subit depuis des années les politiques publiques versatiles qui ont mené dans le mur sinon à la faillite, sans oublier les menaces de toute nature. Et on lui dit que c’est sa faute ! Si désormais les juges sont à égalité avec lui voire ses supérieurs, il désespère. Alors que les décisions sont prises au nom du peuple français qui est donc le souverain unique. La souveraineté ne se partage pas, comme la bombe atomique.  

Les citoyens croient trouver en la justice des arbitres impartiaux malgré tout ce qui se colporte et des bavures conduisant au mur des cons. Et ce seraient les 9000 magistrats de France qui après avoir réussi jeunes un concours difficile, sont nommés à vie, en gardant leurs convictions et croyances, en ne rendant quasiment pas de comptes puisqu’ils sont indépendants -les procureurs étant un peu à part- qui montreraient la voie à suivre à des millions d’électeurs ? Ou qui par leurs jugements parfaitement légaux en appliquant les lois que les parlementaires votent, pèseraient même indirectement sur un scrutin public et ainsi orienteraient ou contrarieraient le vote des citoyens. Ou empêcheraient telle volonté. La citoyenneté démocratique serait avant tout ou aussi judiciaire ? J’ai dû comprendre de travers MM. Rosanvallon et Fabius en croyant qu’il y aurait deux légitimités égales avec un penchant favorable pour la Justice. Exit les manants.

Il ne s’agit pas de remettre en cause l’état de droit qui se caractérise par la séparation des pouvoirs, la hiérarchie des normes donc la constitution et la loi d’abord, et une justice indépendante. Qui veille sur les libertés fondamentales et les déclarations des droits. Et des devoirs qui protègent la collectivité. Souvenons-nous qu’en 1958 la constitution a qualifié la justice d’autorité judiciaire et non de pouvoir. Mais rien n‘interdit de muscler le droit pour faire face à ce qu’on n’avait pas prévu dans les années passées et à la conjoncture mondiale qui change. Au lieu de lois parfois fumeuses et qui clivent à portée sociétale attaquons nous aux vrais problèmes quotidiens qui engagent aussi l’avenir. Et ne voulons pas tout règlementer. Faisons confiance à la conscience des citoyens et des professionnels en fixant seulement des limites. Ne remettons pas toute question à la sagesse des juges. En revanche respectons le vote des citoyens qu’il faut convaincre, pas exclure. L’arc républicain tire des flèches empoisonnées. C’est cela la démocratie élémentaire. Il appartient ensuite aux élus de faire taire leurs inimitiés voire plus et certitudes dogmatiques et de trouver des solutions consensuelles. Les donneurs de leçons n’ont pas la science infuse.   

 Pour résoudre la quadrature du cercle Il est peut- être temps de revoir le rôle de la justice qui est essentielle dans un état de droit. A la condition qu’elle ne se substitue pas au peuple au nom de qui elle se prononce. Il y a un équilibre difficile à trouver mais on peut le faire. Pour sortir de nos querelles et que le soupçon n’existe plus. Quand on touche aux juges, quand on les attaque, quand on les contourne, la démocratie vacille. Et le peuple en subit les conséquences. Mais il faut aussi que les magistrats y mettent du leur, qu’ils ne se drapent pas dans leurs robes immaculées et qu’ils acceptent d’être critiqués. Que leurs responsabilités puissent être engagées comme pour tout citoyen d’une démocratie. Il n’y a pas de plus égaux que d’autres.

Les réformes sont connues et sont dans les tiroirs. Que nos parlementaires -forcément courageux comme l’aurait écrit Marguerite Duras - aient la hardiesse de voter une grande réforme urgente. Une fois n’est pas coutume !  On ne peut continuer de s’étriper à chaque fois qu’un politique est jugé. Et ce n’est pas fini puisqu’on veut laver plus blanc que blanc. A qui le tour M. propre ? La justice a les yeux bandés mais porte la balance et le glaive.   

Il ne peut y avoir des juges contre la démocratie ou la démocratie contre les juges. Les légitimités se complètent et ne se combattent pas. Ce que veut le peuple il doit l’obtenir. Que cela plaise ou non à des minorités ou à ceux qui pensent avoir la vérité. 

vendredi 11 avril 2025

Erreur d’aiguillage

 

                                                Erreur d’aiguillage  

                         Par Christian Fremaux avocat honoraire

J’ai lu le jugement qui indigne Mme Le Pen et ses amis. Décision hâtivement et beaucoup commentée surtout par ceux qui ne l’ont pas lue ou par des militants outrés que l’on touche à leur idole devenue un espoir pour 2027. Il est très motivé et bien écrit de façon claire et didactique en listant toutes les hypothèses y compris les conséquences politiques de l’inéligibilité. Mais il peut y avoir erreur en droit. D’où le double degré de juridiction comme la deuxième chance ou plus si affinités pour les délinquants récidivistes ordinaires ! Se contenter d’appliquer la loi n’est pas automatiquement une excuse et un solde de tous comptes surtout quand la sanction n’est pas obligatoire.

Je ne suis pas d’accord avec toutes les considérations générales des juges notamment pour l’exécution provisoire ou sur l’affirmation que les citoyens exigeraient pour l’avenir de plus en plus de fermeté pour les élus qui ne respecteraient pas la loi. C’est le souhait d’une société idéale pas une réclamation globale. Les citoyens veulent aussi juger avec leurs bulletins de vote. Mais ces analyses relèvent du pouvoir d’appréciation des magistrats, liberté qui doit être approuvée. Voudrait-on des décisions rendues par la seule intelligence artificielle ? J’attends l’appel car il est possible que sur le fond il y ait culpabilité ? Je crois en la présomption d’innocence jusque le point final. Je m’abstiens de toute observation car ma voix n’est pas autorisée et pour ne pas en rajouter dans l’approximation et le doute envers les juges.

Quand le sage montre l’infraction, l’idiot utile ou le partisan regarde le doigt qui désigne son chef pour lui forcément innocent.

 Il ne faut pas se tromper de débat. Ce n’est pas le procès d’une personnalité qui compte. C’est le rôle fondamental de la Justice dans la démocratie. Puisque la Justice est rendue au nom du peuple français il est normal que les citoyens la critiquent et s’étonnent de certains jugements, à tort ou à raison. Les juges avec leurs subjectivités interprètent la loi votée par les parlementaires qui parfois font n’importe quoi sous l’émotion, sans mesurer la portée de leurs textes.  Ils estiment incarner le bien et ce que veut le citoyen. C’est- à -dire l’intérêt général. Mais il peut y avoir des effets boomerangs. Et des conséquences secondaires discutables. Outre le fait que le citoyen peut changer d’avis.

On voudrait que la Justice reste à l’écart sauf pour ses adversaires ou concurrents. Qu’elle ne se mêle pas à son insu de son plein gré à la vie politique. Mais la justice ne s’auto-saisit pas et les juges du siège répondent à une plainte ou à une accusation du parquet et aux arguments des parties.

Depuis des décennies on discute surtout sur le statut des procureurs placés sous le magistère du ministre de la Justice. Mais on ne touche à rien. L’indépendance des magistrats est un serpent de mer car on n’ose pas mettre sur la table les difficultés et réformer. Qu’entend-on par indépendance, comment et par rapport à qui, avec quelle légitimité et quels contrôles ?   Il ne s’agit pas de contraindre les juges ou de les enfermer dans un cadre rigide. Il faut leur donner les moyens de juger vite et mieux, car sans arbitres neutres une société ne peut progresser dans la sérénité. Il y aura toujours des cas qui émeuvent, révulsent notamment pour les crimes et délits ou qui sont considérés comme une injustice. Mais le domaine pénal est une partie du contentieux avec le civil, le social, ou le commercial qui comptent dans la vie quotidienne. 

 Les juges sont des hommes et des femmes qui peuvent se tromper, de bonne foi. Il ne leur est pas interdit de faire leur auto-critique et de suggérer des mesures pour évacuer la méfiance ? Ils ne reçoivent pas d’instructions individuelles mais ils peuvent vouloir être conformes à la doxa ? Ils ne sont pas tous partiaux comme les membres du syndicat de la magistrature qui n’ont jamais leurs responsabilités engagées, ce qui pose un problème pour l’institution. Ou qui sont décidés à se substituer au vote populaire pour imposer une société selon leurs convictions personnelles. Ce serait la nation construite par une minorité prétendument visionnaire et utopique en droit. Le devoir de réserve devrait être accentué. Les justiciers n’ont rien à y faire.

On doit avoir confiance dans la Justice donc envers les juges. L’état de droit que l’on met à toutes les sauces soit pour dénoncer des menaces extrêmes sur la société et les libertés soit pour justifier ou combattre telle décision judiciaire, est dévoyé de son contenu. L’état de droit c’est la séparation des pouvoirs, la hiérarchie des normes et l’égalité de l’accès au juge, avec des élections libres (sans exclusion d’électeurs). La justice en fait partie mais elle n’incarne pas en exclusivité l’état de droit. D’autant plus que notre Constitution de 1958 parle d’une autorité judiciaire.  Il est donc possible d’apprécier les jugements et arrêts mais sans s’attaquer à la personne des juges.

On peut aussi sans changer notre organisation réformer le droit pour s’adapter aux circonstances et menaces nouvelles. Ce n’est pas détruire l’état de droit. Tout n’est pas liberticide. Depuis des décennies on a choisi les droits individuels. Mais la société a le devoir de se défendre et de répondre par des mesures fermes à ce qui la menace. Ou à la violation de la loi qui concerne par nature tous les citoyens. Les valeurs républicaines dont on s’enorgueillit à juste titre deviennent des incantations quand elles sont régulièrement bafouées, en retournant leurs contenus contre elles- mêmes. Autorité et humanisme sont compatibles. Mais tolérance et libertés ne veulent pas dire impunité et laxisme.

 La Justice doit participer à ce combat avec les armes légales dont elle dispose. Au lieu de s’invectiver au parlement les députés surtout feraient mieux de légiférer après étude d’impact dans un consensus minimum puisque le but est de conserver une société apaisée et d’envisager l’avenir dans une harmonie acceptée. Aucun parti ne détient la vérité. Il appartient aussi aux électeurs de faire des bons choix car le grand soir n’est pas souhaitable et de constituer des majorités qui permettent d’agir. Les politiques ne sont pas seuls responsables du chaos. Le citoyen a le résultat de son vote. 

Les juges ne peuvent être cloués au pilori car à chaque décision les soutiens changent de camp. Habituons-nous à la modération et à l’objectivité sachant que dans un procès il y a deux mécontents. Celui qui a gagné et ce n’est pas trop tôt et pas assez. Et celui qui a perdu, les juges n’ayant rien compris ou étant iniques. En plus de dizaines d’années d’exercice comme avocat je n’ai jamais entendu qu’un jugement pour une affaire sensible faisait l’unanimité des opinions. Les juges n’y peuvent rien. Ne tirons pas sur les magistrats ils sont désarmés et muets. 

Il ne faut pas faire d’erreur d’aiguillage. L’étape ultime de destination est le bon fonctionnement de la justice dans toutes ses composantes ; des moyens accrus ; des délais les plus courts possibles avec appel ; des magistrats indépendants de toute influence mais rendant aussi des comptes au moins à un organe institutionnel avec des élus, des experts, des représentants de l’Etat et des citoyens potentiellement justiciables.  Donc devant le peuple français dans sa diversité. Il n’est pas question de mettre des bracelets démocratiques aux juges. On a besoin de professionnels insoupçonnables incarnant l’intégrité Intellectuelle sinon morale.  

La vie n’est pas binaire. La justice est une et indivisible. 

mardi 1 avril 2025

Deux pour le prix d’une

 

                                            Deux pour le prix d’une

               Par Christian Fremaux avocat honoraire

Au secours la justice viendrait de mettre à bas la vie démocratique de notre vieux pays. C’est un scandale historique ! dans une semaine judiciaire agitée (pour M. Sarkozy par exemple).  La justice partiale empêche une femme politique représentant des millions d’électeurs de se présenter en 2027. L’émotion est à son comble et même des adversaires politiques s’interrogent sur l’opportunité qu’il y avait à prononcer une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire contre Mme Le Pen. Qu’elle soit coupable est secondaire.

 D’autres approuvent les juges et sont extrêmement sévères jusqu’au moment où eux -mêmes auront des soucis. Avec l’effet boomerang de la loi en cause forcément injuste. Ou mal pensée. Me Maisonneuve avocat partie civile pour le parlement européen avec courage et une grande honnêteté intellectuelle a considéré que la culpabilité sur le fond était établie mais qu’il était réservé sur l’exécution provisoire. J’approuve cette analyse et ouverture d’esprit qui respecte en plus les règles légales. Car personne n’est à l’abri d’une mauvaise surprise surtout avec un droit malléable.

Relativisons car les guerres en Ukraine et à Gaza restent ainsi que tous les problèmes que nous devons affronter quotidiennement. Mais l’heure est grave. Le destin d’une femme politique n’est plus entre ses mains. Mais dans celles des juges ce qui est plus inquiétant. Il faut savoir ce que l’on veut. Soit on laisse les magistrats juger à partir des lois existantes en se désolant qu’ils interviennent indirectement dans l’échéance électorale. Soit on réduit leurs pouvoirs juridictionnels. Et on les empêche de prononcer des peines d’inéligibilité ou pouvant entraver une candidature.  La confiance des citoyens envers les dirigeants a besoin de certitudes et pas de géométrie variable.        

Si on cède au partisanisme, il faut alors se poser la question de l’étendue et de la garantie de l’état de droit. M. Trump ne s’embarrasse pas de scrupules à ce sujet : il s’attaque frontalement aux juges. Comme dans des démocraties illibérales sinon dans les régimes totalitaires. En Turquie M. Erdogan incarcère les avocats et ses opposants. Avec exécution provisoire et peut être exécution tout court et disparition ?

 Voulons- nous faire de même ou confirmons-nous la théorie de Montesquieu sur la séparation des pouvoirs et la nécessaire indépendance des juges. Avec la mise en cause de leurs responsabilités en cas d’erreurs avérées. Ils jugent au nom du peuple français qui est le souverain et qui leur a délégué son pouvoir régalien. Ils doivent donc être aussi insoupçonnables comme la femme de César. Justice et politique ne font pas bon ménage. Douter des juges est hasardeux. Même si parfois ils se donnent des verges pour se faire battre. Rappelons-nous le mur des cons et la réaction supersonique du parquet national financier à l’encontre de M. Fillon. La petite musique sur le gouvernement des juges s’amplifie. Allons-nous vers une crise de régime avec l’élimination judiciaire d’une opposante ? Sans recours réel.     

Dans le cas de Mme Le Pen les procureurs avaient tapé très fort, trop pour mon goût. Car en droit les délits poursuivis pour la période 2004 à 2016 se discutent. En raison de l’obscurité des textes. Y a -t- il - eu système pour détourner de l’argent public ?  Seul le tribunal peut trancher comme pour les autres affaires de nature similaire. M. Bayrou a été relaxé au bénéfice du doute. Il doit attendre l’appel avec inquiétude ? M. Mélenchon a ri jaune. Car il ne croit qu’au bon sens du peuple. Donc des juges ?   

 Les trois juges qui ont condamné sont indépendants. Ils ont entendu le débat dans l’opinion publique. Ils connaissaient la portée de leur jugement. Ils ont quand même baissé le pouce comme à Rome.   

Une décision de justice aussi importante soit -elle ne peut bouleverser l’ordre de la nation. Que la sidération retombe car nous ne sommes qu’à une des mi-temps du match. L’élection n’est pas un brevet de blancheur et ne confère pas une immunité pour tout mais les élus nationaux ont tendance à penser que le seul verdict qui compte c’est celui des électeurs. Oui et non car s’ils commettent des délits ils doivent en répondre. Pas plus mais pas moins que le modeste justiciable.

Je n’ai pas lu le jugement comme la plupart des commentateurs devenus experts judiciaires. J’ai entendu les indignés. Je vais faire quelques observations secondaires.

- Si l’inéligibilité est de droit, les juges pouvaient écarter sinon limiter l’exécution provisoire par une motivation appropriée.  La loi Sapin de 2016 l’autorise.

-l’exécution provisoire est fondée sur la possibilité de récidive : c’est un argument osé purement hypothétique. Et elle serait justifiée par le fait que Mme Le Pen et ses amis ont été dans le déni et n’ont pas accepté de reconnaitre leurs fautes à l’audience. C’est stupéfiant : faut-il avouer être coupable et ne pas se défendre pour bénéficier de circonstances atténuantes voire d’une relaxe pour coopération ? Les procureurs sont- ils infaillibles au nom de l’intérêt général ? Détiennent-ils la vérité et la morale quoiqu’il arrive ? L’ordre public est menacé par une décision outrancière, pas par celui ou celle qui use des droits de la défense piliers de la justice. Dont la possibilité d’une deuxième chance.

-il y aura appel. Le parquet général qui est l’accusation peut fixer l’audience très rapidement. On le voit fréquemment pour les affaires sensibles ou de principe. Par exemple en septembre avec une décision pour fin 2025.Soit le jugement avec l’inéligibilité est confirmé soit il est infirmé. Le droit et l’élection sont tous deux gagnants. Et la justice ne pourra être accusée de manœuvrer pour écarter une candidate. Qui va faire de la résistance.  

Enfin si M. Bardella remplace Mme Le Pen toujours députée bien qu’inéligible désormais, qu’il soit élu président de la République et qu’il nomme celle -ci premier ministre ou conseiller spécial on aura ainsi deux exclus de l’arc républicain pour le prix d’une. Et si le RN n’était cyniquement pas mécontent de ce coup de théâtre prévisible ?

 Mal joué les malins. De tous les camps.   

jeudi 27 mars 2025

La justice spectacle

 

                                            La justice spectacle

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

La loi est formelle : l’instruction judiciaire est secrète. Rien ne doit être divulgué des investigations en cours et seul le procureur de la République peut s’exprimer. Les avocats sont soumis au secret professionnel d’ailleurs malmené actuellement pour des impératifs sécuritaires. On leur concède chichement le droit de s’exprimer publiquement dans l’intérêt de leurs clients soupçonnés ou poursuivis ne serait- ce pour qu’il y ait un équilibre avec l’accusation. Les droits de la défense sont cependant les piliers de l’état de droit. Mais entre les dispositions légales qu’il faut respecter sous peine de sanctions et la pratique échevelée, intervient l’opinion publique, cette intruse à chasser, prostituée qui ne doit jamais entrer dans le prétoire car elle tire le juge par la manche, comme le disait l’illustre avocat d’assises Me Moro-Giafferi.

Chaque citoyen honnête est un justiciable qui s’ignore même pour des futilités. On peut être accusé par n’importe qui et de n’importe quoi. Ce qui peut prendre de l’ampleur. Surtout sur des sujets de la vie privée ou les croyances. C ’est la tendance. Je ne parle pas évidemment des délinquants d’habitude ou des criminels y compris mineurs pour qui la justice doit passer et vite et forte. Sans s’affranchir des règles car la société n’applique pas la vengeance.

Les exigences de la société obligent. On doit communiquer même sur rien. On est dans un collectif sincère ou orienté qui veut laver plus blanc que blanc. Pas pour soi car l’individu est innocent pour tout, mais pour les autres. Les mots transparence ou vérité sont dans toutes les bouches. On exige le droit de tout savoir même sur ce qui ne nous concerne pas. Peu importe les lois et les codes notamment celui de procédure pénale qui protège celui qui est accusé présumé innocent et donne des droits aux victimes qui intéressent moins le chaland. Le public est avide de savoir qui a fait le coup et pourquoi. Et de se prononcer.  Les journalistes se prennent pour Rouletabille et font leurs propres enquêtes avec révélations parallèlement à celles des gendarmes ou des policiers. Le voyeurisme judiciaire est la norme. Il y a autant de juges que de citoyens intéressés qui ont un avis !  Les donneurs de leçons de morale pullulent, sans légitimité et peuvent se tromper en toute impunité. Ils projettent leurs inimitiés et sectarismes. 

En ce moment on assiste à un spectacle vivant dans les palais de justice assimilés à des théâtres. Je ne parle pas de Me Dupond-Moretti passé du rôle d’avocat talentueux avec ses propres textes à celui de ministre plus controversé avec éléments de langage. Il nous explique les coulisses de son oui à M. Macron alors qu’il disait non depuis des années à tous les honneurs. Mais seuls les sots (garde des sceaux ?) ne changent pas d’avis.

Dans une histoire dramatique qui n’est pas une comédie, M. Depardieu s’explique devant les juges et semble de pas savoir définir en droit une agression sexuelle. On lui fait confiance pour la pratique. Il a de l’expérience. Il y a la présence d’une plaignante victime de l’acteur mais qui ne se rappelle plus vraiment dans quelles circonstances. En demandant d’être crue sur parole. Les avocats s’affrontent devant les caméras.  Je ne connais pas ce que dit le scénario pour la fin judiciaire. Et j’ai fini de manger mon sachet de pop-corn.

 M. Sarkozy est un habitué du palais comme avocat bien sûr mais surtout dans son rôle de politique. Un ancien président de la République qui comparait pour répondre d’éventuelles infractions de droit commun, avec des seconds rôles anciens ministres tous prétendus complices, l’affiche est belle. Mais comme citoyen elle me désole car à travers l’ex- chef de l’Etat c’est le citoyen qu’on atteint. Surtout si le prévenu est reconnu coupable.   

Et on attend le jugement pour Mme Le Pen.

 Ce qui se joue au palais de justice est une fête en pleurs. Les puissants sont rabaissés. Ce qui rassure les misérables ou les simples quidams. Personne ne peut échapper au respect de la loi. La justice devra être exemplaire. Mais je ne sais pas si la société se portera mieux ou si telle ou telle décision ne fracturera pas plus la nation ?  

On connait l’affaire du petit Gregory depuis des décennies qui s’est perdue en justice. J’espère qu’on fera mieux avec celle du petit Emile qui éclipse tous les autres sujets de l’Ukraine à Gaza, de la dette publique à la censure. Jusqu’à l’âge de la retraite. Le pays s’est arrêté de vivre. Son cœur bat avec les péripéties de la famille Soleil nom du garçonnet. On s’interroge sur le grand-père qui serait bizarre dans son comportement et sa foi. Ce qui n’a rien à voir a priori directement avec le crime. Les journalistes dénoncent presque le fait de n’avoir pas été autorisés à mettre un micro et filmer dans les locaux de la garde à vue. Et que les quatre personnes entendues ont été libérées sans charges, intrigue.  Ce qui n’est que l’application de la loi.

L’émotion et le parti pris n’aident pas la justice qui ne défend pas une cause. Elle doit caractériser des faits qui sont prouvés et en tirer les conséquences. Prévues par la loi. Elle n’est pas là pour bâtir une société telle que certains voudraient qu’elle soit. Elle juge au nom du peuple français qui est divers. Elle doit mesurer les conséquences de ses jugements dans le cadre du pouvoir d’appréciation qu’elle détient. Les juges sont des hommes et des femmes avec leurs convictions personnelles, sinon leurs engagements. Ils doivent les surpasser ce qui est très difficile.

Dans un procès il y a souvent deux mécontents : celui qui a gagné mais pas assez et celui qui a perdu et pense que le tribunal n’a rien compris. Dans le procès pénal il y a la satisfaction ou non des victimes .Et l’innocence ou la culpabilité du prévenu.  L’accusation représente la société mais ne peut jamais être gagnante puisqu’elle est la voix de l’intérêt général donc des citoyens et ne demande rien pour elle. 

Ne transformons pas la justice en jeu du cirque.     

vendredi 14 mars 2025

Le droit malléable

 

                                                        Le droit malléable

                          Par Christian Fremaux avocat honoraire

Le droit doit apaiser les esprits et résoudre les conflits. Est -ce le cas ?

Le droit interne comme international réserve des surprises. Rien n’est jamais sûr et définitif puisque soit la loi ne prévoit rien d’affirmatif, soit elle est interprétée par des juges outre les diplomates, soit elle dépend de rapport de forces ou de circonstances, sans oublier les arrière -pensées. Tout le monde est de bonne foi et s’estime juste.  L’insécurité juridique et judiciaire ne sera pas corrigée par l’intelligence artificielle car ce sont des hommes et des femmes avec leurs subjectivités, leurs vérités et leurs défauts qui auront le mot final surtout dans la société globalisée où de vieilles rancœurs ressurgissent.   

Le citoyen qui est perdu dans un monde qu’il ne maitrise pas et qui va trop vite pour lui essaie de savoir si telle information est vraie ou non, et si ce qu’il a entendu comme vérité le matin est confirmé ou démenti le soir. Est- ce que la décision prise est légale ? Le droit est devenu malléable car l’émotion submerge la raison.

 M. Bayrou quand il était haut-commissaire au plan n’avait rien vu venir et surtout pas une économie de guerre. Sans penser qu’il serait premier ministre. Il faut désormais se mobiliser. J’ai ressorti du grenier mes galons de caporal -chef quand je faisais mon service militaire à Balard Paris 15ème, dans les bureaux. Et il va falloir produire plus d’armement.  Donc recréer des industries. Le concours Lépine va commencer pour trouver de multiples milliards d’euros. Des magiciens vont nous expliquer comment les fabriquer sans les rendre et sans aucun préjudice pour personne. Il y aura de l’impôt virtuel devenu patriote. Et de l’épargne militarisée. Sans toucher à l’Etat providence ?  

 Il faut ajouter des moyens au combat fondamental déjà existant sur le plan intérieur (terrorisme et islamisme radical avec violences individuelles) et financer sur le plan extérieur puisque la menace est réelle. La crainte est peut -être exagérée ? Mais le principe de précaution s’impose :  on doit combattre les deux en même temps. Va- t -on voter des lois dites d’exception qui seront immédiatement taxées de liberticides et de va -t -en guerre. Et si on ne faisait rien et que la prophétie se concrétise ? « Père gardez -vous à droite père gardez- vous à gauche » a dit Philippe le hardi futur duc de Bourgogne lorsque son père le roi de France Jean Le Bon a été défait lors de la 3ème bataille de Poitiers en 1356.

Prenons un exemple chaud de question juridique à résoudre entre Etats.  

Pour accélérer une paix forcée qu’on espère durable, on entend des éminents juristes affirmer qu’il est possible de s’approprier de fait les intérêts sinon la propriété des sommes et des biens qui ont été confisqués aux autorités Russes qui sont l’agresseur. Et donc des hors- la -loi. Ce serait aussi moral ? Et de les mettre à la disposition des Ukrainiens, sinon indirectement de l’Union Européenne qui va les utiliser. D’autres aussi savants jurisconsultes crient au scandale et expliquent que le droit international interdit une telle spoliation en raison de l’immunité des Etats. L’illégalité justifie-elle le non-respect du principe ? Une nation doit- elle être malhonnête comme les voyous ?  Cette sanction serait en outre contre- productive : qu’aurions-nous à  proposer aux russes pour les victimes comme deal sonnant et trébuchant si on a dilapidé leurs sous ?  

 Notre assemblée nationale a adopté une résolution sur la confiscation, comme pour les biens mal acquis, avec les pour et les contre ! Le droit est flexible en politique.

 Le droit international est à géométrie variable et dépend de la puissance des Etats. D’autant plus que l’ordre d’après -guerre vole en éclat, qu’il n’y a pas eu la fin de l’histoire en 1989, et que des puissances émergent ou renouvellent des ambitions anciennes. Le territoire européen n’a pas apporté une paix irréversible. Et la solidarité ?

 Les juridictions internationales et la communauté des Etats démocratiques surtout vont devoir revoir leurs corpus juridiques et ce qui était considéré comme du droit acquis. Et d’autant plus que des Etats ne jouent plus le jeu de leurs obligations comme avec les OQTF. Ou le respect des souverainetés. En entamant des guerres en toute conscience plus ou moins éclairée et en écartant les prohibitions publiques.     

Observons un autre exemple de droit mouvant tiré d’un récent contentieux français.

Après large concertation pendant des années il avait été décidé de construire l’autoroute A.69. Cela engageait des millions d’euros. Les autorisations administratives ont été données et le chantier a commencé. Un peu hâtivement a priori ? Mais le tribunal administratif saisi plusieurs fois en référé a validé les travaux qui ont été exécutés à près de 70 %. Et brutalement sur le fond des mois plus tard à la requête d’associations défendant l’environnement et estimant que ce projet n’avait aucune utilité, le tribunal administratif a annulé les arrêtés des préfets du Tarn et de Haute Garonne faute" d'intérêt public majeur". Et de risque sur la bio- diversité. L’aspect positif économique est rejeté. Chacun appréciera le vague du motif principal qui au -delà du droit et de son respect dépend de l’appréciation de chacun...On aurait pu s’en rendre compte plus tôt. Il y a appel avec demande de reprise des travaux ! Une cour administrative d’appel peut déjuger un tribunal administratif. C’est la beauté de la justice. Et l’insécurité judiciaire dans toute sa splendeur. C’est du droit chewing- gum.

Compte tenu des contraintes et menaces actuelles, il n’est pas question de remettre en cause l’état de droit avec la hiérarchie des normes, des élections libres, une séparation des pouvoirs avec une justice indépendante. C’est la démocratie. Mais il n’est pas interdit de revoir le droit, de voter des lois plus soucieuses du collectif, de redéfinir ce qu’est l’intérêt général qui n’est pas la volonté de bâtir une société telle qu’on voudrait qu’elle soit. En considérant que la collectivité a le droit de se protéger et de prendre des mesures qui profitent au plus grand nombre.  La sécurité juridique fait partie de la protection des citoyens.

 Salvador Dali a peint les montres molles. On voudrait que les juges nous donnent l’heure exacte et ferme.

       

vendredi 28 février 2025

Le droit et les barbelés

 

                                                Le droit et les barbelés

                 Par Christian Fremaux avocat honoraire

Que les vrais spécialistes des conflits armés et des relations internationales ainsi que les professeurs de droit mes maitres me pardonnent. Je ne suis qu’un civil et surtout un avocat honoraire qui s’est battu devant les tribunaux ce qui est un front peu risqué pour les droits de la Défense. Et ceux des victimes ainsi que pour l’Etat dans les dossiers anti-terroristes ; ou pour des militaires quand le tribunal aux forces armées existait. Sans oublier les policiers et les gendarmes quand je me préoccupais de sécurité intérieure dont la dégradation m’inquiète. A l’ère du néant intellectuel on donne son avis et chacun, surtout s’il n’a ni responsabilité ni mandat, se croit important. J’en fais partie. Le philosophe Coluche disait : « de tous ceux qui n’ont rien à dire les plus agréables sont ceux qui se taisent ». On ne l’a pas écouté car la désinformation tous azimuts fait rage. 

Dans ma campagne picarde où j’ai été élu on me pose des questions qui franchissent les bornes. On discute de la pluie et du beau temps qui déterminent le cours mondial du blé, du sucre, des produits venant de contrées lointaines difficiles à fixer sur un globe. Ou de régions sous le feu ennemi ou interne. Ce qui fait parler de guerres en cours. Je suis le modeste correspondant défense de la commune. A ma surprise on m’a demandé de m’exprimer sur le sujet suivant : qui ment ?  Qui a le droit de faire ou le devoir de s’abstenir ? Qui est l’arbitre ?  c’est quoi le droit international public dont on parle partout ? Est-il efficient et utile?

Je n’ai pas osé répondre que pour être pertinent ce sont des années très longues d’études, des conférences, des séjours à l’ONU à New York notamment, avec des ONG ou dans des juridictions ou institutions internationales. Des voyages et comparaisons. La reconnaissance de ses pairs. Des discussions sans fin pour une virgule. Ou un m2. Ou l’épaisseur de la ligne d’une séparation. Donc des compromis. Des définitions à trancher : qui est l’agresseur et qui est l’agressé ? C’est quoi un Etat et un groupuscule terroriste ?  Enfin d’avoir la maitrise des diplomates ou de combattre sur le terrain. Le droit public international concerne la vie ou la mort de groupes d’êtres humains ou de peuples entiers. La paix surtout. Le monde rural conduit parfois loin. Et il s’intéresse aux individus dans leurs essences. J’ai restitué le peu que j’avais appris.

—On sait que le droit international public entendu comme celui de la guerre ou humanitaire est malmené. Les Etats font- ils ce qu’ils veulent ?  Les frontières et les murs sont transpercés. Il y a des camps avec des barbelés, des tunnels et des planques cachés dans les déserts et les villes sous les hôpitaux ; des massacres y compris dans le même peuple, des génocides pour les uns, des résistances pour les autres. Des crimes contre l’humanité de tous les côtés. Les atrocités des guerres, sales par nature.  Les innocents sacrifiés comme des bébés otages notamment. Et tout ce qu’on devine confusément avec les réfugiés.  S’il suffisait de siffler la fin du match pour que tout s’arrête on le saurait. Chaque jour des éminentes personnalités en bombant le torse et au nom de leurs vérités exigent un cessez -le -feu immédiat. Et comme rien n’intervient on continue. Comme les résolutions enflammées aux Nations Unies avec les 5 membres permanents les puissances nucléaires dont la France avec leur droit de veto ou les appels à la paix des plus hautes autorités politiques comme morales et religieuses.

Le droit international public régit les relations entre Etats. Sa fonction première est d’établir un ordre. Ce qui implique que les Etats valident sa légitimité et respectent les règles contraignantes qu’il établit. Il n’y a pas une police ou une armée qui fait la loi de force et impose la paix. La Cour Internationale de Justice qui dépend de l’ONU siège à La Haye et poursuit des Etats ou juge des contentieux interétatiques. Elle ne condamne pas le chef de l’Etat ou de gouvernement pour sa politique y compris militaire.   

Et s’il s’agit non pas d’un Etat mais d’une organisation terroriste, la difficulté s’aggrave. Comment appréhender une nébuleuse fantôme mais barbare ?  

La Cour Pénale Internationale créée à Rome en 1998 et siégeant aussi à La Haye peut poursuivre des dirigeants politiques, des militaires et chefs de guerre, des génocidaires présumés ou avérés et d’autres catégories de criminels du même acabit à titre individuel, émettre des mandats d’arrêt et envoyer les coupables en prison.  

Les domaines du droit international public sont multiples : droits de l’homme ; désarmement ; criminalité transnationale ; conduite de la guerre ; mer et espace...Les sources applicables du droit sont la coutume ; les principes généraux du droit, les Chartes et Conventions ; les Traités que chaque partie doit faire ratifier sur le plan interne et qui sont supérieurs à notre Constitution pour notre cas ; les accords bilatéraux ou plus larges qui engagent les Etats. Il n’y a pas un code écrit pénal ou civil mondial avec une jurisprudence générale exploitable en pratique. 

Le droit international humanitaire a pour but de limiter les conflits armés dans leurs conséquences matérielles et physiques. Les principes d’humanité, neutralité impartialité et indépendance dominent. Le droit de la guerre vise la proportionnalité, les souffrances inutiles (blessés et prisonniers de guerre) et l’honneur. Il faut protéger les faibles et limiter les moyens de la guerre. Comme LA bombe. 

Les conventions de Genève qui sont dans l’actualité fixent aussi les limites à la barbarie et le respect des populations civiles. Israël et la Palestine sont signataires. La Russie est membre du conseil de sécurité. Chacun peut apprécier l’efficacité !

—on m’a objecté : « s’il n’y a aucun vainqueur sur le terrain y -a- t-il des tirs au but [ou obus] pour savoir qui a gagné ? ». J’ai botté en touche car il y a de la triche au plus haut niveau. Et des retournements d’alliances inattendus. Le devoir fondamental d’un Etat est de protéger ses ressortissants et prendre ses responsabilités quitte à déplaire. Un Etat n’a pas d’amis mais des intérêts. Le droit international public est fait pour des objectifs universels.

—Le droit et la raison humaine peuvent-ils l’emporter sur l’idéologie et l’émotion ?

Mes interlocuteurs ont rejoint leurs foyers un peu dubitatifs. La paix est un long combat.     

     

jeudi 20 février 2025

Le degré zéro de la politique : justice et démission.

 

                         Le degré zéro de la politique :  justice et démission.

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire

Dès qu’il y a un débat délicat et une défense hésitante ou une affaire qui est sordide, ou un soupçon qu’un politique ou l’Etat n’a pas agi à temps, on entend d’abord des cris indignés avec les mots plaintes et procès ce qui veut dire justice hâtive. Comme si les juges devaient remplacer les citoyens qui comprennent et sanctionner en urgence. Sans savoir précisément. Alors qu’ils usent de la lenteur pour des raisons diverses. Puis immédiatement après on réclame le départ sur le champ. Honteusement.   

La plupart du temps ceux qui hurlent à mort en baissant le pouce agissent avec des fonds publics car ils sont subventionnés. Ils attaquent l’Etat ou telle personnalité publique qui les a nourris. Je ne suis pas d’accord qu’avec l’argent de mes impôts certains fassent n’importe quoi en fonction de leurs convictions particulières. Ils se donnent bonne conscience croyant sauver la planète. Et implanter un vivre-ensemble heureux. Ou laver plus blanc ou moins noir soyons prudents sur les termes. Ils ne doivent pas regarder les faits divers en France et ce qui se passe dans le monde. Ils se rangent dans le camp du bien. C’est confortable sans sortir ses sous. Et sans risques.  

 N’oublions pas le débat sur l’état de droit qui nous empêcherait selon les défaitistes de tenter quoique ce soit. M. Macron a promis un référendum mais on ne sait pas sur quel sujet. Les questions ne manquent pas. Il parait que nous serions ligotés juridiquement par nos engagements internationaux ; les droits de l’homme ; les dispositions des instances européennes ; le droit humanitaire international ... Les autres nations ont elles les mêmes scrupules ? Notre constitution peut être revue. Des politiques refusent.  

 Si la jurisprudence change constamment grâce aux juges français, nos parlementaires peuvent défaire une loi et en voter une autre. Ce n’est pas interdit. Et après M. Fabius socialiste revendiqué, le nouveau président du conseil constitutionnel M. Richard Ferrand validé à une voix près bien que très proche du chef de l’Etat, peut nous étonner en devenant véritablement indépendant de toutes influences dont son avis personnel et en entendant sans filtre la voix du peuple qui est celle de son unique maitre. On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise et de l’honneur d’un homme. Bien que non juriste, mais ancien président de l’Assemblée nationale avec de l’expérience.   

 On pourrait trouver des économies en revoyant les critères d’attribution des recettes qui permettent les actions d’associations ou structures opaques. Il n’y a aucun droit acquis à ses faiseurs de contentieux. Ni à des profiteurs étatiques d’énormes fonds publics sans contrepartie. La générosité et le respect du droit ne vont que dans un sens contre la nation française. Le constater ce n’est pas du populisme mais du simple bon sens. Des Etats à qui l’on donne des centaines de millions pour leurs développements nous maudissent comme l’Algérie ou sont plus riches que nous comme la Chine. La réduction des dépenses publiques commence par assécher des filets d’eau qui se regroupent et forment des fleuves qui débordent. 

 Les plus auto -intelligents estiment qu’il faut trouver beaucoup de dépenses à supprimer et prendre l’argent où il est : chez les riches en général y compris les retraités. Ou les profiteurs. Mais sans s’attaquer aux déficits structurels, comment fait-on ? Si tout est inutile alors ne faisons jamais rien. 

Et ensuite on parle censure pour tout et rien. 

C’est le retour vers la IVème république alors que M. Mélenchon réclame une VIème république avec un parlement élu à la proportionnelle et omniscient. Le président de la République irait pêcher des moules et des frites au Touquet. On supprimerait le premier ministre qui ne sert à rien et coûte cher au profit de quelques citoyens tirés au sort qui gouverneraient l’administration. Avec un DRH et un DAF. Et c’est le chef de la majorité composite qui coordonnerait. Naturellement je caricature mais un peu seulement. La démocratie doit évoluer ! Tous les problèmes seraient réglés car comme on le sait seuls les extrémistes ont la vérité.

 M. Bayrou avait anticipé. Il est resté maire de Pau. Et la justice le rattrape, ce qui se traduit par l’injonction : démission.   

Même si elle est très ancienne autant que M. Bayrou dans la vie publique l’affaire de l’école catholique Bétharram est grave. Il y a des victimes qui souffrent et exigent que les coupables paient. Les tribunaux ne sont pas faits pour rendre des services à un parti politique. Serait-il le défenseur de la laïcité ce qui se discute vu son positionnement actuel. Les juridictions émettent des jugements en appliquant le droit dans le contexte de l’époque qui n’excuse rien et ses répercussions d’aujourd’hui. Les juges ne donnent pas de leçons et ne se prononcent pas sur des pratiques prétendument religieuses sauf celles qui sont contraires à la loi. Ils examinent aussi le comportement des hommes politiques. Mais pas leurs paroles dans l’hémicycle sauf infractions avérées. La démission du 1er ministre acte politique de sa seule conscience ou par censure ne servirait à rien sinon il faudrait l’actionner tous les jours sur ordres de procureurs occasionnels avec effet boomerang pour eux. Laissons la justice faire son travail.

 Nos parlementaires n’ont- ils pas mieux à faire qu’hurler avec les loups ? En attendant que l’affaire se décante et que la présomption d’innocence soit une valeur réelle dans l’intérêt de tous. Sans oublier le principe cardinal de la prescription dont des personnalités puissantes ou proches des pouvoirs ont bénéficié. Outre le respect du débat contradictoire. Et le fait que malgré la tendance actuelle une parole, un ressenti, une émotion ou une certitude personnelle ne remplacent pas des accusations vérifiées et débattues objectivement. Les victimes n’ont pas besoin de récupération politique et de la démission du premier ministre qui aurait menti à l’Assemblée. M. Bayrou n’est pas M. Clinton à propos de Monica. Il va se défendre peut -être en bottant en touche, dans le marigot ?  

N'abusons pas de la justice et de la démission. Personne n’est en état de faire la morale.    

 

samedi 8 février 2025

La justice a deux fléaux

 

                                        La justice a deux fléaux

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire

Quasiment tous les jours on s’indigne en entendant des décisions de justice. On les trouve laxistes ou partiales ou déconnectées de la réalité.  Les tribunaux règlent les litiges individuels sur le plan civil, avec le tribunal de commerce et les conseils de prud’hommes pour le social, et pour les contentieux liés à la personne avec le droit de la famille. Dans des délais malheureusement très longs et avec des décisions aléatoires la jurisprudence étant flottante et peu prédictive. Les citoyens pensent que les juges n’ont pas à se prononcer au nom de la France telle qu’ils la rêvent. Au pénal on aime l’hallali sur les puissants mais on déplore la miséricorde pour les criminels et les mineurs délinquants. Des places de prison manquent, soyons imaginatifs trouvons d’autres lieux. Et des contraintes.

S’ajoutent maintenant les procédures qui touchent directement la collectivité que les préfets ou l’Etat engagent dans l’intérêt de l’ordre public, de la sécurité et de la lutte pour que la France reste telle qu’on l’aime. Tout en intégrant ceux qui se reconnaissent dans les valeurs républicaines et lui apportent du bien ou leurs talents et travail.

 La tragicomédie de l’influenceur algérien Doualemn mis dans l’avion et revenu aussitôt par un autre ridiculise la France. Le gouvernement algérien qui nous tape dessus en permanence au nom d’une créance imprescriptible venant de la colonisation, aurait pu en profiter pour mettre dans l’aéronef de retour l’écrivain français Boualem Sansal, toujours détenu. C’est le tribunal administratif de Melun qui a ordonné que l’influenceur quitte le centre de rétention malgré son passé chargé et les actes graves qu’il appelait à commettre sur notre territoire. Et que le préfet revoit le dossier. Et le pauvre innocent recevra 1200,00 euros, je suppose pour lui rembourser ses frais de procédure !

 Les Français avalent mal la pilule. Ce n’est pas un camouflet pour le ministre qui a appliqué les textes avec courage mais pour le peuple qui s’étonne qu’un juge puisse décider en son nom, ainsi. Les droits de l’homme de 1789 doivent être compris et interprétés à l’aune de 2025 avec ses menaces et les déviations de certains. C’est une victoire à la Pyrrhus car le ministre persiste en faisant appel. Le charmant prêcheur donnera peut- être des leçons d’humanisme à son gouvernement de cœur en vivant  à Alger-la -blanche dans un pays de libertés.

 La sûreté et la violence légitime font partie des droits de l’homme. La justice a deux fléaux : le glaive et la balance. Les juges savent faire évoluer les règles prétoriennes. La jurisprudence et le droit ne sont pas immuables.

On a appris aussi que la cour administrative de Bordeaux enjoignait à la mairie de Biarritz de débaptiser le quartier dit de « la négresse » depuis des lustres. On devine que c’est pour encourager le combat antiraciste ? Le changement va -t -il dissuader ceux qui sont visés ou les conforter ? La démocratie oblige à entendre tous les avis.

Les citoyens découvrent ainsi qu’il y a un tribunal spécifique qui s’occupe de dossiers dits fondamentaux tels que l’installation à Noël de crèches surtout pas sur un lieu public ; ou de calvaires et de statues qui sont implantés depuis des temps immémoriaux sur des endroits non privés ce qui choque désormais quelques individus ou minorités qui préfèrent d’autres symboles. Ou de dénominations et références à des personnalités du passé qui n’ont pas l’heur de plaire à certains. Comme si l’effacement d’un sujet le faisait disparaitre !  On se réjouit que les juges du tribunal administratif submergés par des dossiers très lourds de conséquences aient le temps de faire respecter les libertés publiques et par exemple au nom de la laïcité fassent savoir aux habitants que leurs habitudes sont illégales, leurs paysages à restructurer et qu’ils doivent se conformer à une culture nouvelle. Vive la justice qui façonne les territoires et dit aux citoyens ce qu’il faut accepter ou non, là où ils vivent. La loi peut conduire à des aberrations. L’enfer est pavé de bons sentiments.  

Les tribunaux administratifs sont formés de hauts fonctionnaires indépendants qui jugent sans robe noire. Le Conseil d’Etat est la juridiction suprême. La procédure est surtout écrite et longue sauf s’il y a urgence et une menace sur une liberté. Le citoyen peut s’attaquer notamment aux décisions de l’Etat, des établissements publics ou des collectivités locales. Le droit des étrangers est aussi de sa compétence.

Naturellement je ne méconnais pas le fait que le tribunal répond en droit à des requêtes et des demandes qui lui sont posées par des justiciables de bonne foi défendant sans aucun mandat officiel l’intérêt général et pas du tout orientés ! Ou par des associations sans responsabilités qui vivent de subventions publiques et qui s’échinent à démolir les valeurs traditionnelles. Au nom de leurs croyances et de leurs vérités appuyées sur les droits de l’homme, les grands principes humanitaires et du vivre-ensemble ; de la lutte contre toutes les discriminations et de la certitude que les gens s’aimeront spontanément surtout si on leur force un peu la main. Ceux qui ne croient pas à ce prétendu progrès étant des extrémistes voire des odieux conservateurs sectaires.

 Nos impôts servent donc à combattre ce qui a fait la France. Les juges qui ont un pouvoir d’appréciation pourraient admettre que l’intérêt général c’est aussi ou d’abord la protection de la collectivité tant physiquement que matériellement et spirituellement, ou l’art de vivre dans des paysages choisis et sculptés par nos prédécesseurs. Avec de l’autorité.  L’avocat que je suis se réjouit qu’on défende les libertés individuelles et que les pouvoirs publics soient contrôlés et ne deviennent pas Léviathan. Mais dans le contexte actuel le citoyen que j’incarne prône la préférence pour le collectif. Il va falloir bouger le curseur et trouver un nouvel équilibre entre l’individu et les citoyens.

Il faut être sans pitié judiciaire pour ceux et celles qui prêchent la haine sinon l’élimination physique sur notre territoire ; qui sont des agents de l ’étranger et nous minent ; qui veulent transformer la France à leurs profits. Tout le monde doit s’y mettre : les tribunaux et les média aussi. L’Etat doit être ferme avec l’aide des parlementaires qui doivent voter des armes légales plus adaptées. Et suivre le peuple qui est le souverain. Sinon on périra de nos principes. L’état de droit n’est pas un état de faiblesse et de tolérance illimitée.    

samedi 1 février 2025

Sentiment ou sentimentalisme

 

                                     Sentiment ou sentimentalisme

                     Par Christian Fremaux avocat honoraire

Que demande le peuple aux politiques ?

D’avoir un gros cœur, de préférer l’émotion, de ne pas voir ce que même un non -voyant perçoit et de ne pas prendre les décisions qui s’imposent au -delà des tactiques électorales ?  Le peuple ne vit-il que d’empathie et de fraternité en plus de ses besoins matériels ?

Ou d’agir, la raison en tête avec l’autorité et de la bienveillance ferme tous azimuts.

Le sentimentalisme est une approche philosophique selon laquelle nos états affectifs jouent un rôle décisif dans nos jugements de valeur. En politique contemporaine on réagit d’abord, on anathème puis on réfléchit mais on ne change pas d’avis pour ne pas paraitre être des girouettes. Et réserver l’avenir en changeant de discours.

On parle désormais de la formule employée par le premier ministre qui a dit qu’il avait le sentiment qu’on approchait d’une « submersion migratoire. » Immédiatement les grands généreux, les donneurs de leçons ou les intéressés pour les élections futures surjouent le drame et l’indignité. Mais pour qui ? A priori pas pour tous les citoyens qui ont aussi une âme. Et sont inquiets. C’est humain.  

Mme Tondelier souvent excessive pour EELV néanmoins minoritaire a sommé M. Bayrou de s’excuser et de retirer sa formule. Sinon il y aura censure. La menace émane d’irresponsables et elle est scandaleuse. Car ce sont les contribuables qui paient les errements et les gesticulations de leurs élus. La censure de M. Barnier a coûté plusieurs milliards aux français. En vain. Et il faudrait recommencer ? Halte à la démagogie et au chantage. On attend un budget conforme aux nécessités, juste et efficace. Sans coupables présumés. Ni perdants par état.   

On en est toujours à craindre de nommer les choses, ce qui n’est pas nouveau. Le philosophe J.J. Rousseau écartait les faits qui ne collaient pas avec ses réflexions. Robespierre coupait les têtes. Dans certains pays les dirigeants vous font disparaitre. Si on ne parle de rien, si on nie les faits de société ou divers on sera dans le mur encore plus rapidement que prévu. On a le droit de défendre nos intérêts et de vouloir rester qui nous sommes. Avec nos valeurs républicaines.  Ce qui n’exclut pas l’ouverture mais celle qu’on choisit. C’est de la souveraineté.   

M. Bayrou a évoqué un « sentiment » ce qui est une formule édulcorée pour décrire la situation dans laquelle vivent des électeurs (de gauche aussi) dans certains quartiers. C’est un fait il suffit de suivre l’actualité, de comparer, et de savoir que toutes les nations dans le monde sont confrontées aux mêmes défis. On diverge sur les solutions. Un sentiment n’est pas une action. Il permet de vérifier la réalité et l’étendue du problème et d’imaginer avec quels moyens y faire face. Ce n’est en rien la trahison des grandes valeurs de notre civilisation. A défaut de poser la question et d’en discuter arguments contre arguments on n’avance pas.  

Et si M. Macron tenait sa promesse de saisir les citoyens sur un ou des sujets qui défraient la chronique et créent un climat délétère ? La ou les questions est le support technique pour se mettre d’accord sur les causes et trouver des solutions consensuelles pour les effets. On appelle cela de la démocratie et non de la politique politicienne ou un plébiscite même si l’auteur de l’interrogation est la cible. 

On avait déjà le débat sur le sentiment ou non d’insécurité. On a un peu évolué car les statistiques sont formelles, les sondages confirmatifs et les drames sont vécus quasiment en direct. Naturellement on évoque un minimum les victimes survivantes pour s’intéresser surtout au sort des coupables et de leurs détentions dites inhumaines.

Personnellement j’ai plus que le sentiment que la violence est débridée et qu’il faut sévir fortement ce qui n’est pas incompatible avec de l’humanisme. Qu’il faut revoir le statut judiciaire des mineurs et leurs réinsertions outre la punition pour ceux qui sont « récupérables ». Que selon des théories qui n’ont plus cours la prison est l’exception même pour des délinquants avérés. Que les responsables des trafics ne craignent pas grand-chose car ils sont organisés à l’extérieur et ont de gros moyens avec une main d’œuvre jeune à bas coût. J’attends de voir l’effet concret des annonces que j’approuve des ministres de l’intérieur et de la justice aidés par la diplomatie, chacun étant dans son couloir avec ses contraintes, mais se rejoignant sur les objectifs.

M. Faure et Mme écologiste ont demandé au premier ministre « Rodrigue as-tu du cœur ? ». M. Bayrou, François de son prénom, qui ne manque pas de lettres mais n’a pas les yeux de Chimène pour la secrétaire nationale des verts et négocie avec le social -démocrate allié à LFI, pourrait répondre en rétropédalant que « le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas ». Mais surtout de la raison. Il est préférable d’être pragmatique car les problèmes ne sont pas du sentiment : ils sont têtus, très concrets.

M. Bayrou doit persister et signer car selon ce que j’ai entendu les binationaux ne sont pas en cause. Ils sont des citoyens égaux aux autres. Les réfugiés ne sont pas concernés, nos principes demeurent. Ceux qui travaillent et paient impôts et taxes ne sont pas visés. Ils ont vocation à être régularisés après examen de leurs cas personnels d’autant plus que des patrons ont besoin d’eux. J’ai l’impression diffuse que la gauche qui se vante d’avoir obtenu des reculades contre une non-censure -ce qui ne règle pas à terme nos déficits et notre dette abyssale- craint que les partenaires sociaux trouvent une solution pour les retraites. Ce qui déconsidérerait un peu plus la classe politique. Il faut un contre feu !

A la place de submersion parlons de débordements ou d’inondations mais pas de même nature que celles que vivent malheureusement actuellement des désespérés.  Ou naufrage annoncé puisque sur le bateau France il y a des passagers clandestins. En nombre croissant. Sans billets ni identités. Avec un capitaine qui hésite sur le cap à suivre.  

Est-ce être extrémiste que de constater que le sentiment ne remplace pas les actes et les preuves d’amour. Et que le sentimentalisme politique conduit à une impasse ?

mercredi 22 janvier 2025

Pour l’empirisme et le cumul des mandats

 

                 Pour l’empirisme et le cumul des mandats

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire

Notre ancien Haut – commissaire au plan devenu premier ministre vient de déclarer à propos de l’élection de M. Trump et de ses discours tonitruants : « si on ne fait rien on va être dominés, écrasés ». L’éléphant républicain américain va aplatir comme une crêpe -spécialité bretonne -la colombe tricolore française et l’Europe en passant. Il va y avoir un effet de souffle mais je ne sais pas dans quel sens va siffler le vent. M. Bayrou a naturellement raison et il faudrait sortir au plus vite de nos blocages idéologiques et lancer des projets concrets car personne ne détient la vérité. Et n’a la solution miracle ou le monopole du progrès surtout pour les conditions de vie.

 On promet tout, des agriculteurs aux écologistes, des salariés aux patrons, des citoyens aux maires, mais rien n’avance. La solution facile de taxer à tout va sans réduire ce qui est inutile et improductif est illusoire. La classe moyenne qui subit est dans le viseur. Une entreprise a besoin d’actionnaires pour vivre, embaucher et investir. Ce qui ne veut pas dire que l’on sacrifie les travailleurs qui produisent aussi de la richesse, les pauvres et les nécessiteux victimes de la vie. Ni la violence institutionnelle, ni la taille à la serpette ou à la tronçonneuse ne sont à juste titre admis chez nous. Ni la brutalité ou l’imagination sans limites ni morale. Comme celle de M. Musk qui a réussi dans son domaine, soyons franc. On aurait besoin de telles personnalités en France. Mais on déteste les riches et notre culture, nos valeurs, nos habitudes ne lui faciliteraient pas la vie surtout sans majorité politique. Et sans un président mirobolant qui délivre les décrets à la chaine.   

La fin ne justifie pas tous les moyens. Mais il faut commencer à agir vigoureusement au-delà de nos tabous. Et des ambitions de certains et certaines, qui nous fatiguent.  Ce serait aussi bien que l’on sorte de la sinistrose et que l’on ait un peu de joie.

 Puisque on a échoué depuis des décennies et qu’on est guetté en devenant le mauvais élève de la classe, il faut changer de méthode. Ce sont peut- être les rodomontades de M. Trump dont on va attendre les résultats qui vont nous encourager ?  Seul le pragmatisme vaut en ce moment et pour l’avenir il fait donner des perspectives à ceux qui travaillent et vont assumer le poids de la dette par moins de dépenses publiques et plus de travail. Ce qui permet la redistribution et la solidarité par l’action de l’Etat qui trouve l’argent au fond des poches de ceux qui ne sont responsables de rien, les retraités dits aisés notamment. Sauf d’avoir l’insolence de vivre en ayant beaucoup cotisé pour leurs anciens. Le philosophe André Comte- Sponville âgé de 72 ans vient de dire : « Si, quand j’avais 20 ans on m’avait dit que 50 ans plus tard le principal problème des français serait l’âge de la retraite, cela m’aurait affligé ». On a besoin d’espoirs et d’enthousiasme. Et de valeurs pas seulement matérielles qui grandissent et rassurent.

En attendant de bonnes surprises engageons la réforme de l’Etat et revenons à ce qui marchait et qui ne coûte pas cher. Le progrès c’est aussi de fixer le futur de reconnaissance et de respect  des autres par le dialogue permanent. 

Je me réjouis que le premier ministre soit resté maire de Pau. Il cumule ainsi deux fonctions à plein temps, en ignorant la loi sur la durée maximale du travail. Il est au forfait jour comme on dit chez les cadres. C’est vrai qu’il n’a qu’un CDD d’usage et que celui-ci peut être interrompu du jour au lendemain. Sans préavis. Sur le terrain il rencontre les gens et leur parle : il doit donc savoir ce qu’ils veulent. Il n’y a plus qu’à faire.

Je suis pour le cumul des mandats. Avec réalisme car je l’ai vécu comme élu municipal.  

Un député qui s’amuse avec la censure comme actuellement à l’Assemblée nationale devrait avoir obligatoirement un mandat local et vivre là où il est élu. A bas les parachutages. Il verrait les conséquences directes des lois qu’il fabrique ou de leurs inconséquences. Les sénateurs sont choisis par les élus locaux eux- mêmes au contact des administrés. Ils sont informés. Que le Sénat reste l’assemblée des sages.

On a créé des grandes régions dont on ne connait pas bien les compétences ni en quoi elles bénéficient au citoyen. On a voulu éviter l’édification de baronnies à l’ancienne mais on a construit d’immenses agglomérations et des métropoles ce qui est pareil. Le citoyen ne contrôle rien.  On a supprimé le conseiller général du canton qui vivait parmi les citoyens devenus connaissances amicales, pour regrouper plusieurs territoires. Le canton est devenu XXL. L’élu court mais ne s’arrête plus. Pourtant le département avec le préfet qui incarne le pouvoir central est un échelon pertinent si on lui donne les moyens et si l’Etat ne se décharge pas sur lui de fonctions qu’il devrait exercer. On jure depuis des années de réformer le millefeuille administratif : chiche. On veut de la proximité et on éloigne tous les services du quidam. Notre haute administration seule maintient la nation puisque les politiques se querellent et plombent le pays.     

Le domaine privé doit prendre sa part des réformes. Public ou non ce que veut le citoyen c’est un service. Et de l’écoute.  Il n’est pas interdit de confier à des entreprises sinon à des associations structurées des missions de service public et je ne suis pas sûr que le maintien d’une fonction publique à vie et pléthorique parfois, dans les collectivités locales aussi, soit la meilleure solution. Sauf pour les exigences régaliennes cela va de soi. M. Claude Allègre qui vient de décéder voulait dégraisser le mammouth. C’est lui qui a été vidé de sa substance. Et de son poste. Rien n’est facile surtout de modifier les acquis !

Nicolas Sarkozy avait inventé le conseiller territorial. M. Hollande l’a effacé. Et le référendum d’initiative partagée n’est pas utilisé. Le maire attend fébrilement la dotation d’Etat pour bâtir son budget. A défaut il ne peut rien faire. Notre décentralisation est un leurre. 

Au lieu de tirer au sort de prétendus sachants utilisons les moyens prévus par la Constitution. A condition que le président du conseil constitutionnel ne dise pas par avance qu’un référendum sur tel sujet est irrecevable. C’est au peuple de décider. 

En un mot multiplions les actions avec empirisme. L’immobilisme fait reculer.