jeudi 21 avril 2016

DÉFICIT DÉMOCRATIQUE OU DÉMOCRATIE A RÉNOVER ?

Déficit démocratique ou démocratie  à rénover ?
Par Christian FREMAUX, avocat honoraire et élu local.
Les mots ont un sens .Après l’annonce de la faillite de la justice par le ministre, qui rejoint celle plus large de l’Etat-tous les observateurs et institutions de contrôle tirent la sonnette d’alarme, mais selon le Président la France va mieux !- on parle désormais de déficit, mais démocratique c’est-à-dire que les français n’auraient pas suffisamment la parole ou ne sont pas écoutés ou que le pouvoir  n’obéît pas immédiatement à chaque demande de  groupuscule minoritaire, sans aucune légitimité, avec des membres cooptés qui partagent le même avis :rien ne va .Fi des élections qui ont porté au pouvoir des élus  politiques nationaux ou locaux : fi des élections professionnelles avec  des représentants de syndicats ; fi tous les corps intermédiaires ou institutions qui réfléchissent aux problèmes inédits de société ; fi contre tous ceux qui détiennent une légitimité même petite. On remet tout en cause. On veut du direct comme à ATHENES jadis sur l’agora, avec le peuple ou plutôt quelques individus qui s’expriment, pétitionnent contre tout, exigent par exemple un salaire pour tous à vie, dénoncent pêle-mêle les méchants selon eux , les riches, le capitalisme, la police, un philosophe, la politique nucléaire, la loi travail, la sélection à l’université, la mondialisation… et la liste n’est pas exhaustive. Et on les prend au sérieux : les médias ne cessent de les interroger,  et diverses élites dont certains politiques qui ont du participer à MAI 68 avant de devenir députés, sénateurs, ou ministres (on ne cite aucun nom mais on peut les reconnaitre), ou des nostalgiques du CHE ou de FIDEL, enfin de héros « modernes »qui ont échoué et plongé leur pays dans la misère,  d’anciens adeptes d’idéologies qui ont conduit à des massacres de masse et l’anéantissement de l’être humain,  pensent que tout ceci est rafraichissant et qu’il faut que la parole se libère  sans trop savoir ce qu’on va en faire des belles paroles, des slogans  creux et des injonctions irresponsables. Au passage lesdits politiques se tirent une balle dans le pied car si on en est à un tel rejet, ce sont eux qui sont visés au premier rang car ils sont au pouvoir depuis des décennies. Notre démocratie se caractérise par  un état de droit certes perfectible mais l’un des meilleurs au monde avec une liberté d’expression que beaucoup de pays  mêmes démocrates nous envient, des alternances sans drame, des élections libres pratiquement tous les ans pour les divers échelons  de notre administration locale ; un parlement où l’on discute ferme et où toutes les tendances et groupes de pression  s’invectivent plutôt que dialoguer ; où le pouvoir exécutif  essaie de faire voter des réformes et est surtout paralysé par sa propre majorité !Et où le président de la république à peine élu par une majorité est décrié (parfois à juste titre),contesté  dans ses choix et décisions, avec des sondages sur sa popularité au jour le jour. On connait donc l’avis du peuple ou de ceux qui prétendent parler à sa place sans en avoir reçu mandat. On entend évidemment pas la majorité silencieuse, celle qui travaille  ou est utile dans une activité quelconque, sans profiter d’aides diverses, qui va voter, respecte le choix des autres,  se conforme à la loi même quand elle est injuste pour elle, ne commet pas d’infractions ou de violences, enfin est  composée  de citoyens ordinaires, apaisés même s’ils n’en pensent pas moins.
Il n’y a donc pas de déficit démocratique même si on peut et l’on doit améliorer le fonctionnement des institutions de la V ème république créée en 1958 pour le général de Gaulle. On ne veut plus d’un chef qui dirige tout, selon son instinct et sa grandeur ou la haute idée qu’il a de ses qualités, (malgré les référendums et les fameuses conférences de presse du général) avec une majorité qui ne discute rien et dont les députés  se contentent d’être des godillots  pour pouvoir se faire réélire ; avec un premier ministre suiveur ou sans personnalité voire simple collaborateur… Ce temps est révolu car le temps s’est accéléré, les problèmes sont devenus complexes et inédits (il faut inventer des solutions nouvelles les anciennes recettes comme pour tenter d’éradiquer  le chômage ne marchent plus) ; la mondialisation à ses effets positifs et aussi des conséquences négatives ; les menaces au-delà du terrorisme qui ne vient plus que de l’extérieur sont multiples et anxiogènes, et il est difficile de communiquer  à leur propos sans provoquer une inquiétude encore plus forte. On discute de tout , dans tous les domaines, et le passant lambda , celui qui n’a aucune compétence particulière, aucun avis motivé mais est de bonne foi et semble honnête , répond aux journalistes à propos de n’importe quel sujet fût-il fondamental :faut-il faire la guerre au sol en Syrie ? Faut-il remplacer le nucléaire par autre chose ? Comment résoudre le chômage ? faut-il taxer les riches et augmenter les impôts( pour les 50% de français qui en paient) ?Doit-on passer aux 32 heures  et augmenter les charges des patrons qui ont reçu un « cadeau » du gouvernement pourtant de gauche ?  L’islam est –il compatible avec la laïcité ? (quand le questionné sait définir la laïcité ce qui n’est pas évident) . La crise de la démocratie ne peut-elle se résoudre par la simple parité et l’interdiction du cumul des mandats ? Et les fonctionnaires : doivent-ils garder leur statut à vie ? (si on interroge un chômeur du privé, on connait la réponse) !:Et encore dans le plus léger, quoique !: M.MACRON est-il de droite ou de gauche : ferait-il un bon président de la république ; Karim BENZEMA doit-il revenir en équipe de France ?.L ‘I.S.F. est-il un impôt qui fait fuir les élites (si on pose la question à un SDF on devine sa réaction !)… Cela devient ridicule. On n’est plus dans le déficit démocratique mais dans le trop-plein car on ne gouverne pas  avec des sondages et pour faire plaisir à l’opinion qui est versatile par nature, changeante au gré de ses propres intérêts ce qui est naturel , et qui est soumise au présent de l’émotion avec une vision courte .En revanche  il va de soi  que tous ceux qui contestent un projet  quelconque, peuvent avoir raison et qu’un élu  n’a pas la science infuse, sortirait-il d’HEC et de l’ENA réunis, voire de maternelle supérieure puisque pour être élu il n’est pas nécessaire d’avoir fait des études et d ’avoir de grands diplômes (contrairement à un métier manuel où le brevet professionnel est obligatoire) : mais cette remarque est une boutade, quoique ! et je m’applique la remarque à moi-même puisque je suis un très ancien élu local. Il faut toujours commencer par balayer devant sa porte. Le problème est qu’actuellement rien n’est prévu pour revenir dans la sérénité sur une décision qui apparait mauvaise, sauf manifestations, violences, destructions et désespoirs. Il y a là un déficit de lieu de rencontres et de discussions raisonnables .Le  citoyen se sent méprisé alors que celui qui a pris souvent collectivement la décision  est sûr de son bon droit,  et de l’argent qu’il va dépenser grâce aux contribuables.
Cela veut dire que l’on ne peut pas continuer comme cela. On n’est pas couchés comme dirait L.RUQUIER avec le mouvement NUIT DEBOUT qui campe sur la place de la république qui n’est pas la place MAIDAN ou celle de TIAN AN MEN (aucune révolution ne prendra son essor en France en 2016 ou 17 à partir de la place de la république  PARIS 11- ème arrondissement, espérons le, et soyons modestes) et veut enlever les dalles fraichement posées à la suite de travaux pour des centaines de milliers voire millions d’euros, pour y faire pousser des carottes et des radis. Sans commentaire, sauf que quand les casseurs s’en mêlent tout est ravagé alentour (commerces divers, banques ,mobilier urbain ), avec des forces de l’ordre blessées ce qui est honteux, et on ne poursuit pas pénalement alors que les marcheurs défendant la famille il y a quelques mois se sont vus envoyer par la mairie de PARIS la facture des réparations de la pelouse… foulée aux pieds. Deux poids et deux mesures qui semblent n’offusquer personne : on est là dans le déficit de justice, mais au nom d’une politique orientée qui ne veut pas déplaire à son électorat. Pour moi, les débats de NUIT DEBOUT sont confondants de naïveté et de bonne conscience-sauf quand ils s’en prennent à un académicien dont on peut ne pas partager son opinion sans lui cracher dessus !- et ne peuvent conduire à rien de concret. Ils sont cependant révélateurs : les français veulent participer à la prise de décision en amont car l’application les concerne dans leur avenir, et si la loi ou la décision prise devient un échec, c’est eux qui subiront et paieront les pots cassés. La loi générale et faite pour «  l’éternité » sous l’appréciation et l’interprétation des tribunaux, n’est plus forcément la bonne solution même si on a besoin de sécurité juridique donc de stabilité de la réglementation. Il faut donc inventer un nouveau style  de régime représentatif-même si les députés ou les sénateurs, et encore plus les élus locaux sont à l’écoute de leurs électeurs et font remonter les attentes  et parfois des idées de bon sens- pour que la loi soit la plus consensuelle possible, que le dialogue avec les spécialistes et les usagers ou consommateurs (les français de base) ait eut lieu avant l’écriture des textes et leur vote ; qu’il soit prévu une période d’essai et une date de « revoyure » pour corriger ce qui ne donne rien ou accentuer ce qui est efficace ; que l’on simplifie les textes…et s’ils sont mauvais qu’on les abroge. Que l’on se dispense des effets d’annonce et que l’on explique et explique encore les tenants et aboutissants de telle ou telle mesure.
Faut-il aussi rédiger une nouvelle Constitution que certains réclament sans en donner le contenu en détail sauf à réclamer un pouvoir plus réduit pour le président de la république (que tous les français choisissent) ; avec un nombre de députés et de sénateurs diminué et qui ne feront que la loi (est-il bon de les couper d’un territoire et de leurs électeurs ?; avec la suppression du conseil économique et social (vieille idée de vouloir se priver des avis des forces vives du pays même s’il y a parfois des désignations de « copinage » bien que les conseillers soient compétents pour la plupart) ; quel doit être le rôle des juges qui disent le droit et protègent les libertés individuelles et doivent avoir une place centrale  pour arbitrer et participer à l’équilibre des pouvoirs (comme MONTESQUIEU le préconisait) ?...La Constitution actuelle a permis de franchir toutes les crises majeures depuis 1958 notamment la grave crise financière qui perdure depuis 2008 , et faire face au terrorisme qui va durer, malheureusement. Il faut donc y toucher d’une main tremblante car elle a fait ses preuves et on ne sait pas ce qui peut advenir en se lançant dans l’inconnu. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Nous sommes entrés dans la précampagne  présidentielle qui va s’accélérer et se crisper dans tous les camps. Nous allons osciller de la démagogie à la surenchère   je le crains, et certains vont essayer de flatter leur clientèle électorale habituelle, plutôt que de penser à l’intérêt général et à la France. Les candidats sérieux, ceux qui sont responsables, auront un vrai programme, courageux, novateur, chiffré  et applicable au plus vite ,  et devront annoncer ce qu’ils vont faire, comment et avec quoi et qui. En renouvelant les genres, avec l’enthousiasme d’une nouvelle génération celle du numérique et l’expérience des anciens .C’est parce qu’ un candidat n’a pas prévenu de ce qu’il allait faire –ou ne le savait pas d’avance et a été pris par les circonstances- et a suivi une politique qui était parfois le contraire de ce qu’il avait dit, mais en le faisant mal car il ne pouvait aller au bout, hué par son propre camp, que l’on parle actuellement de déficit démocratique. En réalité  c’est une politique de gribouille, improvisée, arbitrée pour ne déplaire à personne de son camp, qui ne peut que conduire à la déception de tous. Ce n’est jamais assez pour personne, mais toujours de trop pour les autres, et tout le monde est mécontent.
La démocratie de PERICLES, le pire des régimes à l’exception de tous les autres selon Sir W.CHURCHILL, est à réinventer dans un monde nouveau et une société où les valeurs et les espoirs ont profondément changé ,pour que le citoyen se sente concerné en permanence : il ne lui suffit plus de voter (voir le niveau très élevé d’abstention pour toutes les élections y compris communales pourtant  de proximité) et d’attendre des résultats jusqu’à la prochaine élection. Il veut pouvoir influer à tout moment s’il considère que l’élu n’a rien fait, ou mal fait, ou est finalement incapable tout le monde atteignant son niveau d’incompétence à un moment donné, selon la courbe de PETER. Il faut donc lui donner les moyens juridiques et réels (pétition ? référendum local ? réclamation officielle  quelconque ?)… pour lui permettre de manifester son désaccord et demander un changement de direction.  Naturellement il ne s’agit pas d’accepter n’importe quoi, des demandes saugrenues et qu’une petite minorité –autoproclamée sachante-remette tout en cause à tout moment. Pour réussir il faut de la stabilité donc de la durée. Mais il faut inventer des respirations, des remises à plat, des rediscussions. C’est avant tout vers  une modification des comportements, que la loi doit encadrer donc préciser,  des responsables élus et des citoyens, à laquelle il faut tendre. La démocratie mérite que l’on réfléchisse à son avenir. Elle le vaut bien, et cela nous économisera des querelles inutiles et des propositions débiles qui nous font perdre du temp

jeudi 7 avril 2016

T'AS PAS CENT BALLES

« T’as pas cent balles( ou 1 euro) : chronique de la faillite  de la  Justice ».
Par Christian FREMAUX, avocat honoraire, conseiller prud’homme et élu local.
M.URVOAS nouveau garde des sceaux, ministre de la justice , après avoir audité diverses juridictions et entendu des responsables et des praticiens de la justice  vient d’ énoncer une vérité simple, incontestable et dramatique : ladite justice est en faillite : il n’y a plus de thunes comme disent certains jeunes, pour la faire fonctionner correctement  et pour qu’elle remplisse ses missions qui ressortissent au domaine régalien de l’Etat comme la sécurité, la défense  ou la monnaie. C’est grave docteur ! mais le diagnostic est exact. Les juridictions et donc les magistrats saisis de litiges de toute nature, plus ou moins importants, n’ont plus de sous ne serait-ce que pour acheter du papier, des stylos ou des gommes, téléphoner , photocopier, imprimer les jugements ,envoyer des télécopies ou des courriels, et manquent de personnel pour les aider et rendre les décisions rendues légales et exécutoires. Ils ne peuvent plus non plus payer les experts qu’ils ont missionné et comme ceux-ci ne sont pas des bénévoles des dossiers vont rester en plan. Le service public de la justice a coulé . Ce sera comme d’habitude la faute de personne car la lente agonie a commencé il y a des années. Quand c’est un artisan, un commerçant ou un chef d’entreprise qui fait faillite, quelque soit la raison, on le liquide, ou il y a un repreneur,  et on le poursuit souvent en l’envoyant devant…. Le tribunal compétent. En matière de comptes publics et de gestion politique  il y a des «  responsables qui ne sont pas coupables » selon la célèbre formule de Mme DUFOIX quand elle était ministre de la santé pendant le scandale du sang contaminé, et l’échec étant collectif c’est l’irresponsabilité générale : sauf cas extrême un politique n’est pas poursuivi  pour gestion calamiteuse ou insuffisante voire nocive: il quitte le gouvernement, retrouve d’autres fonctions, et parfois se fait réélire.
La justice est pourtant une institution essentielle dans notre société contemporaine où le droit (« fabriqué » par nos excellents parlementaires qui réagissent souvent en fonction de l’émotion) est partout et doit fixer des limites en régulant les comportements ; où la mondialisation oblige à garantir des règles pour tous sauf à devenir la loi de la jungle ; où l’ubérisation de pratiquement tous les domaines d’activité  tire tous les prix vers le bas ( ce qui en ma qualité de consommateur  me réjouit mais me désespère comme professionnel), entraîne une certaine insécurité juridique (car trop d’informations générales  émanant de sites  émis par les start-up peut tuer l’information spécifique du professionnel ayant pignon sur rue et expérience, et adaptée au cas concret) et où le besoin d’arbitres impartiaux est impératif ; où le contribuable exige que ses litiges personnels (familiaux : de propriété ;de voisinage ; de consommation , d’achats et de ventes divers; de travail ; de ses rapports avec sa commune ou les services publics…) soient tranchés au plus vite voire l’urgence pour lui qui doit passer en priorité et si possible, au moindre coût ; où le citoyen s’indigne si le délinquant qui pourrit sa vie, ou le criminel qui lui fait peur et enfin le terroriste qu’il exècre, n’est pas « pendu »sur l’heure et si de surcroît il considère que la justice pénale est laxiste avec ceux qui dévient de la vie normale. C’est humain comme réaction , sauf que tout ceci a forcément un coût. Ceux qui ne paient pas d’impôts ou très peu (soit environ 50% des français), ne se posent pas la question du financement de la justice qui selon eux doit être gratuite, ce qui est d’ailleurs le cas outre les honoraires d’avocat (qui ne défendent pas gratis)  ou les tarifs des huissiers ou notaires (collecteurs de frais pour l’Etat) ou experts qui doivent vivre de leur métier et faire fonctionner leurs entreprises, sauf à tomber en faillite !
Chaque avocat a du s’expliquer devant ses clients de la lenteur de la justice pour rendre son jugement ; des renvois d’audience qui parfois profitent aux justiciables de mauvaise foi ; de péripéties judiciaires que l’on a pas pu anticiper…Il y a souvent deux mécontents quand le jugement ou l’arrêt de la cour d’appel est rendu : celui qui gagne mais jamais assez d’autant plus qu’il a du payer son avocat ; et  celui qui perd, ce qui est pour lui injuste et qu’il a du aussi payer son avocat et les frais !
Le citoyen s’intéresse surtout à la justice pénale, celle qui condamne à de la prison, de l’inéligibilité, à des amendes. Chaque citoyen est un juge en puissance devant sa télévision , au café du commerce ou en lisant son journal. Les procureurs d’occasion  dans leurs canapés qui ne connaissent rien du dossier au fond, mais ont la vérité partielle voire partiale des médias, sont légion et d’autant plus exigeants que le fonctionnement de la justice leur échappe sauf s’ils y  ont comparu pour un accident de la circulation, une conduite en état d’ivresse, des coups, des injures , un peu de shit pour les plus jeunes… On veut croire que les puissants sont traités comme les misérables, même s’il y a un léger doute à ce sujet. On a du mal à distinguer le rôle des juges dit du siège (qui sont indépendants ,inamovibles, et souverains dans leurs appréciations) , des membres du parquet (procureurs et substituts) dont on sait qu’ils sont nommés par la chancellerie c'est-à-dire le ministre de la justice donc le pouvoir exécutif. On subodore que ces juges sont à la « botte »  du politique, ce qui est injurieux à leur égard et globalement faux, sauf quelques cas individuels qui ne les honorent pas.  A ce sujet il y a un grand débat de fond : alors qu’ils sont tous formés dans la même école de la magistrature à BORDEAUX, faut-il séparer les juges du siège, magistrats sans contestation, des membres du parquet dont la COUR EUROPÉENNE des droits de l’homme de STRASBOURG considère qu’ils ne doivent pas être qualifiés de magistrats, et interdire de passer d’un statut à l’autre. Vaste débat aurait dit le général de GAULLE qui rappelons le, est  à l’origine du malaise actuel, avec l’évolution du droit international et  la volonté nouvelle  des citoyens. C’est lui qui dans la Constitution de la Vème république en 1958 pour asseoir son emprise sur la gouvernance, a créé une simple autorité judiciaire, et non un pouvoir : le général considérait que seul le pouvoir exécutif était légitime, et que les juges en  particulier n’avaient qu’à se cantonner à dire le droit en appliquant ou interprétant la loi votée par les parlementaires : et surtout de ne pas être un contre pouvoir ou devenir un « gouvernement des juges », comme dans d’autres pays anglo-saxons.
Mais la justice pénale a des besoins criants de fonds pour augmenter le nombre de magistrats ou démultiplier les audiences avec un juge unique : elle a besoin de greffiers et de personnel administratif pour préparer les dossiers et faciliter la tâche du juge englué  dans des contentieux qui pourraient être confiés à d’autres structures (médiation ?) ,dans des missions  chronophages de gestion , de statistiques, de gestion de  locaux, de matériels divers ; de représentants pour l’exécution des peines ou de moyens de substitution à l’enfermement ; et pour les cas les plus graves de places de prison sachant qu’il y a 68000 détenus pour environ 57000 places disponibles, et encore sans les conditions de dignité élémentaires. Je ne parle évidemment pas de prison dites trois étoiles car j’ai conscience que la victime par exemple ou le citoyen honnête, ne comprennent pas cette prétendue sollicitude pour le coupable avéré .Ils choisissent à juste titre le camp des victimes. La sanction est nécessaire et elle doit être exemplaire, la punition n’est pas un gros mot. Mais notre société n’obéît pas aux jeux du cirque où CESAR baissait le pouce pour le gladiateur qui avait succombé. Nous nous glorifions de notre état de droit et de nos valeurs républicaines que nous voulons universelles . Il faut donc être logique, et construire des prisons  modernes (peu de maires en acceptent sur leur territoire et on comprend pourquoi) – ce qui coûte cher, et il y a des priorités ailleurs, peut être en privatisant certains services ?, ne serait –ce que pour protéger les surveillants de prison exposés tous les jours à l’agressivité de certains détenus, et aussi pour organiser la libération –qui viendra un jour- des détenus et ainsi tenter de limiter la récidive .Ce qui indigne le citoyen , c’est l’erreur d’un magistrat qui fait libérer un détenu ou un éventuel coupable parce qu’un délai a été oublié ou qu’il n’y avait plus de papier pour la télécopie voire  parce qu’il a estimé à tort que la personne concernée ne présentait plus de danger. Mais ces fautes individuelles -on peut réfléchir pour ces cas extrêmes et rares à la mise en cause individuelle de la responsabilité du magistrat, comme un salarié que l’on licencie pour faute grave ou lourde ?, tout en préservant l’ indépendance de jugement des juges sinon on ouvre la boite de PANDORE- ne doivent pas cacher l’ensemble  des magistrats qui font leur métier en appliquant la loi (si celle –ci est mauvaise il faut la reprocher aux parlementaires) en accomplissant leur devoir avec rectitude, honnêteté intellectuelle ( même si comme citoyens ils ont le droit d’avoir des opinions partisanes et défendre leurs intérêts avec des syndicats, sans pour autant construire le mur des cons).
Mais la justice pénale représente un très petit pourcentage du fonctionnement  global de la justice qui s’intéresse  surtout aux affaires civiles, commerciales, sociales,  donc à notre vie de tous les jours. Tout justiciable se plaint des délais très longs (avec la loi TRAVAIL présentée par Mme EL KHOMRI on s’est rappelé au fonctionnement du conseil de prud’homme qui « terrorise »tout employeur surtout petit ou moyen ):s’y ajoute la complexité de la procédure contradictoire qui est pourtant une garantie fondamentale ; on dénonce son incertitude avec une jurisprudence fluctuante qui est source d’insécurité juridique ; on déplore la difficulté pour faire exécuter les décisions et récupérer ses sous ou son bien  notamment en matière de loyers impayés dans les logements : ( en matière pénale il y a des dizaines  de milliers de jugements ordonnant la prison , non appliqués ou transformés en des sanctions plus souples, ce que la loi permet) ;on estime ainsi que la justice est devenue une sorte de loterie judiciaire, ce qui n’est pas acceptable…
Le ministre de la justice a donc eu raison de dénoncer la réalité. Le budget alloué à la justice est ridicule alors qu’elle a un rôle central dans la chaîne de la sécurité : à quoi ça sert que la police et la gendarmerie, et nos services de renseignement se «  décarcassent », si les présumés innocents selon la loi, mais virtuels coupables sont jugés des années après ; ou n’accomplissent pas la peine prononcée au nom du peuple français ? Le citoyen ne le supporte pas.
De même, et toute personne qui a eu à saisir la  justice le sait, il est indispensable que nos litiges divers grands comme petits, ou plus personnels  par exemple pour les divorces, les gardes d’enfants, les pensions alimentaires….soient jugés au plus vite, car on a besoin d’être fixés et s’organiser en conséquence quitte à maudire le juge qui ne nous a pas compris dans « sa tour d’ivoire ».
Mais tout ceci a un coût. Même en doublant le budget actuel de la justice, on part de si bas que cela sera toujours insuffisant. Il faut le faire bien sûr et donner à nos 9000 magistrats environ (sur 66 millions de sujets français et autant de sujets de mécontentement comme le disait HENRI ROCHEFORT du journal LA LANTERNE au 19 ème siècle) les moyens de travailler vite et bien. Mais cela nécessite un préalable et de trouver un consensus sur la réponse aux questions suivantes ; que demandons nous à nos juges ? Quelle doit être la place de la justice dans nos institutions : voulons nous ou non un pouvoir judiciaire, avec des garanties et la responsabilité des juges ? Devons nous les élire et/ou nommer un Super Procureur de la nation ou de la république qui soit totalement indépendant des autres pouvoirs et nous diriger vers un système accusatoire ? quid du juge d’instruction ?Devons nous revoir la philosophie du code pénal de 1810 de NAPOLÉON, même si elle a été révisée et corrigée au fil des années et des événements ,en fonction de l’évolution de la société , de nos besoins, de l’ordre public que nous désirons avec la protection des libertés individuelles et publiques , ce qui est compatible .Quelle place avec droits et devoirs pour nos mineurs dont certains sont plus dangereux que des « grands » de 18 ans et plus  ? Et nos aînés comment les aider ? Devons nous revoir notre modèle social issu de la Libération et nos grands principes sont –ils gravés dans le marbre à vie ? En un mot est-il possible de réformer sans drame en France y compris la Justice ? Donc payer la reconstruction.
Chacun a soif de justice mais il veut que ce soit l’autre qui fasse l’effort. Nous n’échapperons pas à une évolution drastique et certainement pénible pour nos habitudes. Il faut juger plus rapidement avec  les mêmes garanties de rigueur et de recours, mais en dépensant moins ou plus efficacement. On doit donc résoudre la quadrature du cercle. Il n’est pas scandaleux de réfléchir à des partenariats public- privé ; on peut imaginer que des contentieux de masse soient confiés à d’autres que les magistrats qui ne conserveraient que l’essentiel et ce qui concerne les intérêts vitaux du pays par la fixation des grands principes de droit .Pourquoi ne pas reprendre l’idée  de faire payer, de façon symbolique, l’accès à la justice. ? Personne de bonne foi ne peut croire que la justice n’a pas un prix de revient et des frais fixes. On paie bien une prime aux assurances de protection juridique ! Naturellement les conditions de l’aide juridictionnelle doivent être complètement revues : un avocat ne peut être efficace  en étant payé au minimum, même s’il est consciencieux et compétent : il a un cabinet à faire tourner. Et le client doit être certain qu’il sera bien défendu quelque soit sa situation financière. Si les parlementaires, voulant bien faire, votaient des lois obligeant juges comme avocats, à être prêts dans des délais courts, il faudrait s’y faire, à condition que les conditions matérielles suivent.
Nous n’avons donc pas le choix. La justice est un monument en péril et faute de confortement, elle va se déliter progressivement  et s’effondrer sur elle-même, droite dans ses bottes… Il y a déjà sur la marché des propositions, ou l’existence de justice « privée », d’arbitrage , de lieux -souvent payants - de règlement des litiges. Seuls ceux qui ont les moyens financiers peuvent se permettre de les saisir. C’est… injuste et inégalitaire. Nous devons donc tous, quelques soient nos choix partisans, militer pour trouver un consensus sur les mesures à prendre, les budgéter, et faire l’effort financier, ce qui ne plaira à personne. Il faut associer à la réflexion tous les professionnels concernés et les potentiels justiciables pour ne pas parler de consommateurs de justice ce que l’on peut être un jour ou l’autre dans notre vie qui s’allonge.
Avant d’être une organisation matérielle qui rend des jugements, et départage des parties ou sanctionne au nom de l’intérêt général, la Justice est une valeur, comme la liberté, l’égalité et la fraternité .Le citoyen a besoin de croire en ce qui le dépasse pour se surpasser aux côtés des considérations matérielles, qui  sont fondamentales. Le vivre- ensemble –dont je ne comprends pas exactement le contenu et la portée  quand certains s’en éloignent volontairement voire le combattent de façon violente- se nourrit de symboles qui grandissent. Remettons la justice sur son socle pour qu’elle domine notre société. C’est un élément d’apaisement dans notre société qui en a besoin. Si le progrès selon certains (par exemple les lycéens et étudiants contre la loi travail)  consiste dans le conservatisme alors notre société reculera. Et on aura la justice que l’on méritera : inexistante ou discréditée et inaudible.