mardi 21 avril 2020

ordre illégal et désobéissance civile


                 Ordre illégal et désobéissance civile.
                   Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Dans cette période de pandémie beaucoup plus confuse que par le passé où ne planaient pas de risques pour la santé mais des menaces identifiées, s’y sont ajoutées l’anxiété et la peur car il y a des inconnues de toutes natures importantes à court et moyen terme. Même si les réactions ou revendications parfois brutales de diverses catégories sociales comme celles des individus durent depuis très longtemps on l’a vécu ces derniers mois, l’on a pris la mauvaise habitude par manque de courage pour ne pas faire de vagues donc à tort, de constater que certains ne respectent rien dans le courant ordinaire de la vie. Ce n’est donc pas faire un procès d’intention à quiconque de déplorer que pour toute décision publique il y a un refus de l’autorité, une répugnance à appliquer la loi, à considérer que toute disposition impérative voire toute simple recommandation, toute instruction générale sont inacceptables et abusives, à ne tolérer aucune contrainte quelconque et à croire qu’en désobéissant on est dans le camp du bien.  
Cette rébellion ou pour ne pas exagérer cette propension à discuter, protester, pinailler, douter, dire tout et son contraire, se retrouvent dans tous les domaines et chacun d’entre nous doit l’affronter : par exemple  dans la famille avec les enfants ; à l’école où les parents viennent agresser les enseignants ;  dans l’entreprise où la moindre remarque est considérée comme du harcèlement moral et de la discrimination ; en justice où les jugements rendus font polémiques ; et bien sûr dans la sphère publique quand les politiques votent des lois à la suite d’un processus démocratique. A peine élu, le responsable n’est plus légitime et il est soupçonné de prendre des mesures dangereuses voire régressives pour les droits acquis, de limiter les libertés individuelles et publiques au nom d’un objectif non avoué, et de prendre des décisions que l’on ne peut accepter.  Car seule l’opinion publique a raison, c’est -à- dire une infime partie de la minorité qui prétend savoir de source sûre et avec certitudes pour tout, ce qu’il faut faire.  Avec la crise sanitaire des sommets sont atteints avec les prétendus experts et les spécialistes du bavardage qui conduit au néant, qui réinventent le passé et avaient tout prévu.
Je ne sais pas si le « nouveau monde » voulu au moment de l’élection présidentielle mais désormais différent que l’on nous promet pour après la crise changera cet état d’esprit ou si les habitudes de l’ancien monde ressusciteront. J’espère que les vieux démons ne resurgiront pas.  Notre monde actuel est devenu un mode d’empêcher de gouverner en rond, sans avoir la moindre responsabilité et je pense à des médias en particulier, sans répondre de ses actes si on se trompe, au prétexte que la démocratie est une vérification permanente par le peuple ou ceux qui prétendent l’incarner, et qu’il est normal de s’opposer ou de dire non y compris par la violence. C’est de la vigilance active voire activiste dans le cadre d’un régime représentatif. Ce n’est pas ma conception de la gouvernance qui doit être évidemment contrôlée par les instances institutionnelles et l’application de la constitution, au nom du peuple qui n’appartient à personne même pas aux beaux esprits se disant plus éclairés que d’autres, mais comme je suis un senior qui a failli être confiné à vie, je dois être un has been. Je l’assume.
On voit bien cette tendance avec les violations des mesures concernant le confinement, les millions de contrôles, les centaines de milliers d’infractions, les PV dressés et les renvois devant les tribunaux. Avec le déconfinement il faut s’attendre à encore plus de protestations et d’indignations sur les mesures du plan global de redressement comme on dit au tribunal de commerce pour faire repartir les activités et donc la croissance, pour déterminer qui fera les efforts, qui paiera la note finale, malgré l’explosion de la dette publique qu’il faudra un jour rembourser nous ou les générations futures que l’on veut préserver ? Chacun aura sa bonne idée. Celle qui vise surtout les autres. 
 Va-t-on demander la solution facile de l’ancien monde d’un impôt dit du coronavirus, plutôt que d’innover et d’imaginer d’autres solutions qui toutes, soyons réalistes, demanderont des efforts.  Surtout que le processus à inventer du déconfinement sera progressif et que des commerces risquent de rouvrir plus tard que d’autres ce que je déplore pour les entreprises les plus fragiles mais bonnes pour le moral comme les bistrots restaurants et hôtels, marchés et spectacles. Mais peut -être d’ici le 11 mai va-t-on trouver des solutions pratiques qui permettront la reprise d’une vie normale pour tous.  Le rétropédalage est aussi un moyen d’avancer si je peux dire, et de n’être pas contre -productif. Revenons à mon approche un brin partiale je l’avoue sur l’autorité mot qui fait geindre, et son non- respect. 
 Je voudrai me tromper et croire qu’il va y avoir un consensus, un défi commun, et un enthousiasme à tous relever les manches. Mais je crains que dans un avenir proche il y ait une vague de refus, plus ou moins motivés, plus ou moins dans l’intérêt général, qui va renforcer l’esprit de désobéissance qui nous anime. Et la détestation de recevoir des ordres même élaborés démocratiquement. Guignol rosse le gendarme sous les applaudissements.  C’est le sujet de ces lignes.  
N’en faire que selon ses désirs est devenu un sport national, une manière de vivre et d’être, de se croire rebelles -sans risques d’ailleurs- de s’en prendre aux pouvoirs publics tout en profitant des avantages et en négligeant que l’Etat ce n’est pas « moi » comme le disait Louis XIV mais nous, tous les citoyens. Refuser d’obéir, de se soumettre à la loi, c’est considérer que la liberté individuelle est un principe supérieur à toute autre considération, en particulier si elle nous concerne. L’intérêt général devient secondaire.
On doit se rappeler ce que prêchait le père Henri Lacordaire (1802-1861), membre de l’Académie française et homme politique : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Examinons cependant deux concepts : l’ordre illégal et la désobéissance civile.
La 1ère catégorie de désobéissance consiste pour un militaire surtout (un fonctionnaire aussi) à ne pas exécuter un ordre qui lui parait illégal. C’est la théorie des « baïonnettes intelligentes ». L’article 122-4 du code pénal précise que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime sauf si cet acte est manifestement illégal ». La difficulté en justice est de savoir comment on interprète le « manifestement illégal » : un ordre exagéré, mal conçu, ambigu, mal formulé… ne correspondent pas forcément à la définition, ni celui qui est contraire à sa conscience. J’ai plaidé jadis quelques dossiers de ce genre quand le tribunal aux forces armées existait encore. Ce fut toujours difficile en faits, en sémantique, en morale, donc en droit. Je donne l’exemple atypique et ancien des gendarmes qui sur ordre du préfet ont mis le feu à des paillottes sur une plage corse. Ils ont été condamnés. Mais cette théorie veut dire aussi que désobéir à l’autorité est admis par la loi dans des conditions très strictes cela va de soi.
Dans le cadre de la crise du coronavirus, des mesures qui restreignent les libertés individuelles pour un temps déterminé ont été votées dans le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, et le confinement a été ordonné. L’ordre est légal. Les pseudos résistants à son application qui inventent des prétextes aussi farfelus que dérisoires pour circuler librement, sont dangereux pour eux -mêmes, leurs proches, et tous ceux qu’ils croisent. Cela me permet d’aborder un autre aspect de la désobéissance.
La 2ème catégorie de désobéissance concerne ceux qui sont persuadés de détenir la vérité, par exemple sur le réchauffement climatique ou l’environnement en général, avec la décroissance nécessaire, et qui dénoncent la main nocive de l’homme partout notamment avec les méfaits de la finance. Ils occupent des terres, ils se battent pour que tel projet soit abandonné.  Ils n’ont pas tout faux, mais ils n’apportent aucune vraie solution. Avoir des intuitions ou des certitudes non vérifiées et validées (voir la polémique actuelle sur les médicaments ou le vaccin) ne garantissent pas des résultats heureux. Et le pouvoir ne peut prévoir des politiques publiques sur des hypothèses. Tout chef d’entreprise le sait. On ne joue pas à la roulette russe avec la santé, ou l’économie. Comme on a les modèles et les penseurs que l’on mérite, je cite mon maître du bon sens Coluche qui définissait le capitalisme « comme l’exploitation de l’homme par l’homme, et le syndicalisme par le contraire ».
Les militants qui désobéissent en se disant pacifiques mais en n’hésitant pas à faire le coup de poing avec les forces de l’ordre, utilisent le concept de désobéissance civile pour se justifier. Elle a été décrite en 1849 par le philosophe, naturaliste et poète né en 1817 à Concord (usa) Henry David Thoreau.  En juillet 1846 il avait refusé de payer un impôt à l’Etat américain pour protester contre l’esclavage dans le sud du pays et la guerre au Mexique. Il ne va passer qu’une nuit en prison car sa tante va payer sa caution. Furieux il décide de théoriser son action sans oublier « le discours de la servitude volontaire ou le contr’un » d’Estienne de la Boétie (1530-1563) qui est une remise en cause de la légitimité des gouvernants à propos d’une révolte antifiscale - déjà - en Guyenne en 1548. Ce texte de La Boétie traduit le désarroi d’une partie de la population souvent cultivée devant la réalité de l’absolutisme. La question est : « pourquoi obéit-on ? ».
Avec la désobéissance civile on refuse de se soumettre à une loi ou une mesure qui nous paraissent injustes. On s’interroge : « le légal est-il juste ? » alors que l’on est en république et que l’absolutisme n’existe plus et sauf à penser que l’Etat est totalitaire.  On en appelle à la conscience personnelle, aux valeurs qui nous motivent, à la définition du bien et du mal, à l’intérêt collectif outre à l’impuissance des Etats face à des firmes mondialisées.
On connait les désobéisseurs collectifs (les anti-zadistes) qui défendent une cause et les quasi- professionnels proches des mouvements anarchistes, nihilistes ou anticapitalistes. On a pu vérifier que la violence était un moyen d’action fréquent. Dans une démocratie c’est intolérable.
  Il y a aussi des désobéisseurs individuels qui font passer l’humain avant tout comme récemment M.Cédric Herrou agriculteur installé près de la frontière franco-italienne qui aidait les migrants illégaux.  Son cas a fait progresser le droit. La cour de cassation par le biais d’une QPC a interrogé le conseil constitutionnel qui a jugé que le principe de la fraternité à but humanitaire bien sûr, faisait désormais partie de notre bloc constitutionnel comme la liberté et l’égalité de notre devise [décision du 6 juillet 2018].
Une société moderne complexe par définition, qui ne sait pas répondre immédiatement à ce qui n’est jamais arrivé et est imprévisible, ou qui envisage les meilleures décisions pour l’avenir par des réformes, ne peut bien fonctionner qu’avec l’acceptation par le plus grand nombre des lois et règles votées démocratiquement. C’est de la responsabilité de chacun. Certes il n’est pas interdit d’avoir une confiance raisonnée envers nos décideurs et de conserver l’esprit critique, car nul n’est parfait et on peut se tromper. Mais la désobéissance pour avoir raison ou par principe ne peut mener qu’au désordre civique, à l’incapacité d’agir, à la chienlit aurait dit le général de gaulle. La vérité est protéiforme et seule la légitimité démocratique par l’élection permet de progresser. La désobéissance conduit à l’impasse exceptés quelques exemples historiques. 

dimanche 19 avril 2020

du civisme selon notre bon vouloir


                Du civisme selon notre bon vouloir.
                 Par Christian FREMAUX avocat honoraire
« Confinée, confinée, est-ce que j’ai une gueule de confinée » aurait peut- être dit Arletty si elle était encore en activité en se promenant sur la passerelle au- dessus du canal saint martin à paris allant vers l’hôtel du nord, alors qu’elle serait contrôlée par un agent de police à vélo dans le cadre des mesures sanitaires actuelles ? Le cinéma permet tous les rapprochements même les plus improbables. 
Tout le monde a une bonne raison pour sortir de son domicile et s’exposer au coronavirus qui ne distingue pas ceux qui sont de bonne foi et les autres. Dans un sketch célèbre, Coluche accompagné de sa femme et de son chien est dans sa voiture et peste coincé dans les embouteillages. Il dit avec son langage direct : « mais où ils vont tous ces cons-là ? Nous on se le demande avec ma femme, car nous on va chez sa mère ! ». Le confinement me donne l’occasion de parler de civisme et de déplorer de façon  générale que nous manquions du sens de la responsabilité, c’est -à -dire de ce que l’on doit aux autres.  J’espère que l’épreuve que nous subissons nous conduira à être dans tous les domaines et notamment celui de la démocratie et de la solidarité, moins désabusé, moins cynique, moins égoïste : on peut rêver. Il faut y croire. 
Selon les dernières statistiques, il y aurait eu 11 millions de contrôles pour vérifier les attestations de déplacement dérogatoire qui auraient entrainé près de 800.000 infractions constatées pour l’instant à 3 semaines du 11 mai ce qui est beaucoup dans un pays d’environ 47 millions de majeurs électeurs, et des centaines de gardes à vue (on parle de 1700 !) pour ceux ou celles qui ont franchi la ligne rouge ou que le comportement a été outrageant voire violent. Les tribunaux ont été saisis et déjà des peines de prison ferme ont été prononcées. C’est un début, mais ne continuons pas le combat pour paraphraser mai 68.
Il faudra dresser quand on aura envie de rire, le bêtisier des excuses proférées avec impudence pour prétendre que l’on est en règle : c’est à pleurer et par moment surréaliste. Il faut aussi préciser pour être juste que parfois l’agent verbalisateur a eu une interprétation très personnelle voire ridicule des consignes. Les juges trancheront.
Je n’accuse pas ce n’est pas ma tendance et je suis avocat, mais comme citoyen je constate que des habitants de certains quartiers mettent moins de bonne volonté que d’autres pour respecter la règle du confinement  sous des prétextes vaguement sociaux, de manque d’espace chez eux, ou culturels au sens large pour ne stigmatiser aucune croyance voire tout simplement parce qu’ils n’acceptent par principe aucune autorité serait- elle sanitaire pour les préserver eux ou leur famille et que tout contrôle est considéré comme une agression et une discrimination qui méritent des représailles. C’est un débat récurrent sur la sécurité qui se poursuit et qu’il faudra bien régler un jour, sauf à baisser les bras définitivement, laisser faire, donner toujours plus, et prier pour ceux qui croient que rien n’arrivera, ni émeutes, ni revendications ni désordres, avec la disparition des trafics ! Puisque on dit que rien ne sera comme avant, faisons- en sorte que cela ne soit pas qu’une parole verbale.   
Tout ceci est un problème de civisme, ce vieux mot qui n’a pas encore pénétré le nouveau monde - qui est mal en point ce jour - promis par notre jeune président qui se bat dans la tourmente comme il peut soyons honnêtes, surtout que l’Etat a montré des carences et que les médecins et divers experts ne sont pas unanimes sur les solutions à choisir. 
Selon ceux que je critique, la loi est faite  seulement pour les autres « puisque elle a été élaborée et votée par des élites que je déteste, les parlementaires que je ne reconnais pas et pour qui je ne me suis pas déplacé pour mettre mon bulletin de vote dans l’urne  et que je soupçonne de n’en faire qu’à leur profit, en nous méprisant sans nous donner nos chances » (sic selon moi). Pour ceux qui ne veulent faire aucun acte civique l’Etat est en faute :il n’a fourni ni masques, ni gel, et il n’y a aucune raison individuelle de respecter un confinement arbitraire dont l’efficacité n’est pas prouvée. D’autant plus que les médicaments seraient pour des privilégiés les riches ou les proches du docteur Raoult… On n’est donc pas civique pour des raisons que l’on estime justes et vraies bien que théoriques et non prouvées bien sûr.  Le soupçon fait office de certitudes et de prétexte pour être rebelles. On a les exploits que l’on peut !  
Pour les  délinquants occasionnels (parfois avec casier judiciaire quand même) se croyant  légalistes et dans leur bon droit  , ils ajoutent que les avocats quand ils reprendront le chemin de leurs cabinets et des palais de justice, plaideront avec des arguments de droit que je ne développe pas, la nullité des poursuites, l’illégalité du confinement, l’absence de bases légales pour limiter des libertés individuelles, la violation des libertés publiques constitutionnelles fondamentales, et que les ministres comme le premier d’entre eux seront poursuivis. D’autant plus que l’on a relâché des prisons par anticipation 10.000 condamnés…
Ce qu’on retient de cette absence de civisme-qui est une tendance lourde de notre société- c’est que beaucoup de gens doutent de la parole publique et ce n’est pas nouveau. Ces citoyens qui ne savent pas bien ce que cette conquête sociale veut dire, considèrent que le civisme est une notion à option au choix, qui n’est valable que si elle leur rapporte personnellement un avantage. C’est donc un droit individuel et pas un devoir au bénéfice de l’intérêt collectif.
Or la loi et les mesures contraignantes qui en découlent souvent sont l’émanation de la volonté générale, ont des motifs sérieux et servent à tout le monde. Je ne prétends que tout est parfait, que nos parlementaires ont la science infuse, que le pouvoir exécutif ne commet ni erreurs ni fautes, ou qu’il fait des choix merveilleux où il n’y a que des gagnants, y compris pour ceux qui attendent tout sans faire le moindre effort ne serait-ce que moral, ou qui ont des stratégies particulières. Je ne suis pas naïf et je connais un peu les jeux du pouvoir et de la politique sans oublier l’appétit de la finance mondialisée.   
Mais la société ce qu’on appelle la communauté nationale va au-delà des obligations structurelles et à court terme. La nation ne se résume pas à faire confronter ou cohabiter les individus et les groupes ; à créer volontairement des inégalités ; à poursuivre tel ou tel par principe ; à écarter tel autre ; à favoriser certains ; à faire exploiter le plus grand nombre au profit d’une minorité ; à comploter pour tout et rien ; à provoquer la division … Je crois au contraire en l’union des différences au service d’un destin commun, dans notre démocratie, notre état de droit, nos institutions, nos élections libres, notre parlement, notre justice, sous l’œil attentif et critique des médias donc de l’opinion publique qui est prompte à s’enflammer puis de passer aussi vite à autre chose. Les idoles sont déboulonnées à peine écloses.  Certes il y des manques et des insuffisances car nous ne sommes que des hommes et des femmes avec nos qualités et nos défauts. Dieu s’il existe a été remplacé par ceux qu’il a créés.
 Mais comparons-nous avec les autres peuples sur la planète, voyons comment nous 5ème puissance du monde nous réagissons : les USA pays le plus riche du globe est celui qui est le plus atteint par le coronavirus. La Chine d’où vient la maladie, a mis les genoux à terre. Les autres pays européens et la Russie essaient de limiter les dégâts. Je ne veux pas évoquer le sort dramatique de nos frères africains, et celui de ceux très nombreux qui en plus sont en guerre ou soumis à des violences internes et qui ajoutent de la souffrance à leurs malheurs. 
Et on se plaint du confinement certes désagréable mais il y a pire comme punition.  On fait le scandalisé, on tord du nez alors qu’on évoque le tracking un repérage électronique permanent à l’étude dont il va falloir bien baliser l’utilisation si c’est décidé et que on (mais qui est « on » ?) sait tout de nous par les informations confidentielles voire intimes que nous diffusons volontairement sur les réseaux sociaux, avec le suivi par les g.p.s , nos cartes bancaires, la sécurité sociale, les impôts… On crie au flicage et à un manque de liberté parce qu’il faut remplir une malheureuse feuille de papier, un papelard où il suffit de cocher une case et d’être sincère voire vraisemblable ! Mais être civique c’est aussi faciliter l’action de l’Etat qui est une entité abstraite, mais qui est chacun de nous tout simplement, et c’est naturel et simple comme de dire bonjour sans s’approcher pour se toucher la main ou s’embrasser. On n’en meurt pas, on n’est pas marqué à vie.
Le civisme c’est le respect du citoyen pour la collectivité dans laquelle il vit et de ses conventions dont la loi, qu’elle satisfasse ou pas. Ce n’est pas du simple savoir- vivre ou de la civilité qui relèvent du respect d’autrui dans le cadre de rapports privés. Le civisme c’est de la citoyenneté. Expliquons par un contre- exemple d’actualité classique (au-delà de la polémique sur le 1er tour récent en France des municipales) : ne pas aller voter, s’abstenir alors que dans le monde les citoyens se battent physiquement pour avoir le droit concret de voter c’est de l’incivisme, qui est d’ailleurs sanctionné dans des pays démocratiques !  Et après on hurle que c’est un scandale si le 2è tour des municipales ne peut avoir lieu ! Sic transit gloria mundi.
Dans sa réflexion sur le rapport critique à l’Etat le philosophe américain John Rawls (1921-2002) dans ses ouvrages sur « la théorie de la justice » et « la justice comme équité » rappelle l’histoire de la désobéissance civile (que certains en France appliquent comme les zadistes de notre- dame- des landes). Il croit en un système de coopération : « ceux qui s’engagent dans la coopération sociale choisissent ensemble par un acte collectif, les principes qui doivent fixer les droits et les devoirs de base, ce qui détermine la répartition des avantages sociaux ». On ignore contingences et inégalités.  C’est une situation idéale. Un égale un.
Le civisme est une valeur fondamentale de la république, comme la fraternité que le conseil constitutionnel vient de porter au panthéon des principes fondamentaux. 
Alors soyons civique cela ne coûte rien. Confinons-nous, protégeons les autres, et attendons le déconfinement avec les seniors dont je suis car j’ai le droit d’exister librement même avec un contrat de vie à durée relativement déterminée.
Le civisme ne peut être selon notre bon vouloir. Comme il y a des intermittents du spectacle qui voudraient bien travailler tous les jours pour nous cultiver et nous distraire, il ne peut y avoir des intermittents de la citoyenneté, qui n’usent du civisme que lorsque cela les arrange.

jeudi 16 avril 2020

je ne suis pas un héros

                                  Je ne suis pas un héros
                                     Par Christian FREMAUX avocat honoraire.
« Je ne suis pas un héros, il ne faut pas croire ce que disent les journaux » chantait Daniel Balavoine un petit jeune en blouson : il n’était qu’un chanteur populaire qui faisait rêver certains et surtout certaines. Il est mort dans un banal accident d’hélicoptère, certes en Afrique sur le rallye paris-dakar mais sans exploit particulier. On l’aimait surtout quand il a piqué sa colère face à F.Mitterrand lors d’une émission de télévision. Mais c’est le passé.
Les héros se font rares ou ils sont fugaces sur le moment de l’émotion.  On n’a pas reconnu le titre de mort au champ d’honneur au colonel Beltrame lors de l’attentat de Trèbes en mars 2018, et on salue les soldats qui tombent au combat au Sahel quelques minutes le temps de leur rendre un hommage, les décorer, leur dire merci, rappeler qu’ils se battent pour nos libertés et la démocratie puis on passe à autre chose. L’actualité comme l’opinion change très vite en oubliant.
En ce moment on applaudit -à juste titre-tous les soirs à 20 heures tous ceux et toutes celles qui combattent le coronavirus, sans qui il y aurait encore plus de morts et de drames. Pourvu que ça dure comme disait Laetitia la mère de Napoléon pas le virus mais les applaudissements, qui avait tendance comme moi à croire que le bien n’est pas naturel et que l’homme doit être guidé pour son amélioration.  J’espère qu’en outre ils seront récompensés pécuniairement et dans leurs carrières professionnelles. Il serait décevant qu’ils n’aient été que des héros intermittents.
 Personnellement je serai un « quasi héros » - que l’on évoque parfois pour ceux qui sont dans le même cas que moi - puisque le président m’a remercié dans son discours car je reste confiné à mon domicile, et ainsi je sauve des vies en n’encombrant pas l’hôpital, ce dont je me réjouis. Je plaisante bien sûr et la notion d’héros à tendance à se galvauder.   
Mais c’est quoi être un héros et pourquoi certains n’en sont pas ? Les mots ont un sens et l’exagération ne sied pas en l’occurrence.
Un héros c’est une personne qui se distingue par sa bravoure ses mérites exceptionnels, qui a accompli des faits extraordinaires, qui s’est distingué face au danger, par un courage qui sort de l’ordinaire. Le héros peut être mythique ou légendaire. Il a des qualités physiques et morales. Il se bat pour des valeurs. L’héroïne est de la même trempe. Racine les a versifiées. Antigone résiste à Créon.   C’est Ulysse qui rejoint tardivement pénélope (pas celle de M.Fillon) ou selon Homère Achille, malgré son talon fragile.
Dans la vie de tous les jours qu’en est-il ?  Chacun a son idée sur ce qu’est et qui est un héros ou une héroïne. Pour un individu le fait d’accomplir son métier où il y a des risques certains, dans des conditions non prévues, inimaginables, stressantes est-il suffisant pour devenir un héros, alors que le légitime droit de retrait existe dans la loi ? Mais il est pour le moins téméraire et sait se sacrifier faire preuve d’abnégation.  C’est remarquable.
Je pose néanmoins une question politiquement incorrecte : accomplir son devoir doit- il être récompensé et est-on moins ou pas courageux quand on se protège pour ne pas faire prendre de risques aux autres ?  Chacun juge son propre comportement à l’aune de ses valeurs profondes et relatives.
Qui peut critiquer et décider ou décréter qui est ou non un héros, en tous les cas pas celui qui est au chaud chez lui ? Dans les circonstances actuelles soutenons et admirons ceux qui font plus que leur devoir et qui méritent une considération pérenne.
Il y a aussi des anti-héros, des méchants, qui sont sympathiques ou qui suscitent une certaine admiration. On ne donnera pas de nom ou d’exemple pour ne vexer personne, car il ne s’agit pas de faire l’apologie de celui qui vit pour lui, est égoïste, et s’en tire toujours au mieux. Il peut être héros malgré lui comme Gaston Lagaffe. 
A-t-on besoin de héros qualifiés comme tels et correspondants à des critères objectifs dans la vie quotidienne ? oui car il faut des exemples, des miroirs, des modèles pour se comparer et donc progresser individuellement et pour la société. Je vais nommer des catégories professionnelles mais aussi en oublier, comme le sont les pompiers, les forces de l’ordre, les soldats, les soignants de toutes natures et tous ceux et celles qui font fonctionner le pays dans leurs domaines respectifs. Voire ceux qui voudraient bien participer mais à qui on a interdit d’agir.  S’ils n’existaient pas on croirait que tout est un dû, on ne s’interrogerait sur rien puisque cela serait normal, on n’imaginerait même pas que le mal existe puisque on ne l’aurait jamais rencontré, et la vie des autres, de ceux qui l’exposent n’aurait ni sens ni prix. Une société est donc la somme de ce que chacun à son niveau fait, représente, incarne et crée. Il ne peut y avoir de plus importants que d’autres, des moins égaux ou des sur- estimés. Tout ceci vaudrait et encore quand il y a péril, quand les difficultés graves existent, quand il faut les affronter voire sauver sa peau.
 Mais que se passe- t -il quand tout est revenu à un rythme de croisière, sans danger imminent et réel, où on se bat pour les problèmes quotidiens de l’existence, où chacun défend ses intérêts matériels et trouve que l’autre exagère dans ses revendications et qu’il ne vaut pas ce qu’il réclame ou qu’il profite ?  Que vont devenir nos principes humanistes face à la réalité et les héros que nous avons qualifiés ainsi dans l’enthousiasme, et la nécessité surtout soyons francs ?
Il n’y aura pas de miracles. La personnalité qui est exceptionnelle par sa dimension personnelle, le restera. D’autres émergeront en raison des circonstances, mais tout ceci ne sera pas suffisant. Certes des poursuites seront déclenchées, car il faut sinon des coupables au moins des responsables qui ne peuvent pas être moi, ou nous les petits, les sans grades. On ne peut faire passer en jugement le virus, et la justice des hommes sait condamner ceux qui ont fauté surtout les élites prétendues et les soi- disant sachants.
La nature nous dépasse. Il faut être humbles et ne pas faire croire que l’on peut la dominer pour tout et en permanence. Il faudra en priorité que chacun d’entre nous fasse un ou des efforts pour ne pas exiger plus ou qu’il n’y ait plus aucun risque.
On vient de comprendre que la vie est fragile, et que collectivement nous sommes faibles quelques soient nos institutions ( très solides) , notre niveau technologique (de pointe) ou de la connaissance de l’homme (toujours à améliorer) ,notre argent (qui ne peut pas tout), notre prétendue puissance (relative selon les menaces). Et notre propension à déléguer l’essentiel à d’autres pays dans le cadre d’une coopération économique que l’on a cru heureuse. On vient d’en voir les limites.
 Il va falloir abandonner un peu de nos prétentions ,ne plus vivre avec l’égo pour horizon et ses libertés individuelles comme  objectifs, ne plus tirer sur la corde qui se casse facilement, et développer une solidarité réelle, participative c’est -à -dire non confiée à des experts ou à des communicants ; croire en la démocratie représentative au plus près des particuliers et entreprises  dans les territoires, demander à l’Etat  de ne pas se mêler de tout et de se contenter de ce qu’il doit savoir faire : préserver l’essentiel à savoir  la protection globale et la cohésion nationale ; prévoir le pire ; assurer les fonctions régaliennes, et faire confiance aux citoyens.
On n’attend pas un héros ou un père la victoire. On n’a pas besoin de mea culpa mais d’un chef pour organiser et bâtir les fortifications, même en temps de paix. Car on sait que la ligne Maginot se contourne, que l’ennemi joue de l’effet de surprise, et qu’un territoire a encore une signification. Nous sommes des adultes qui ont une conscience et de l’expérience.   On est assez lucide pour savoir qu’une guerre se gagne sur tous les fronts les plus exposés comme ceux qui sont à l’arrière, avec des citoyens qui ont besoin de croire en la parole publique et gardent l’espoir en participant modestement à leur manière. Et qu’une société ne vit que dans l’union et la tolérance de tous

mardi 7 avril 2020

Billet d’humeur d’un confiné : que nous arrive-t-il ?


Billet d’humeur d’un confiné : que nous arrive-t-il ?
Par Christian Fremaux, dépourvu de tout titre utile.
J’écris dépourvu de tout titre utile, car être avocat honoraire, ancien élu local, diplômé de prestigieux instituts, ou décoré de ci et de ça n’a aucune portée dans les difficultés actuelles, sauf pour les soignants au sens large et les médecins à la condition qu’ils soient d’accord entre eux sinon leurs commentaires sont plus anxiogènes que rassurants .Et pardonnez- moi d’être futile et long par ces moments dramatiques, car si tous n’en mouraient pas tous étaient atteints je veux dire du n’importe quoi . C’est dû à l’air ambiant. Soyez indulgents on atténue son angoisse comme on peut. Et on écrit pour passer du temps.   
 Dès la fin de la pandémie chacun va vouloir faire croire qu’il le savait, qu’il aurait fallu prendre telle ou telle mesure et que les décideurs ont été en dessous de tout, qu’ils méritent d’être condamnés pour leur nullité qui a fait des morts. L’impudence n’a pas de scrupules. Il va y avoir aussi des remises en ordre, des égos qui vont s’effondrer, des prétendus experts qui vont être démasqués, des donneurs de leçons qui vont s’effacer toute honte bue, des certitudes qui vont voler en éclat et des exigences ou des comportements qui s’estimaient fondamentaux redevenir ce qu’ils sont :  de l’écume, du secondaire pour beau temps, du bidon.
 En revanche cette séquence qui dure oblige à réfléchir à ce que nous sommes individuellement et collectivement et à quoi nous servons, si nos valeurs de toujours plus, de libertés sans limite, de droits individuels sans fin, ont un sens et nous permettent de créer une société meilleure, plus sûre, plus ouverte, plus reconnaissante .Il va falloir changer de paradigme et remettre à leur vraie place c’est- à -dire le néant  tous ceux qui ne servent à rien mais qui croient être indispensables,  et valoriser  tous  ceux  qui construisent et font tourner la société les obscurs, les sans grades,  ou ceux qui réfléchissent et organisent  à partir de leurs compétences. Attention chaud devant comme on dit dans les restaurants quand ils réouvriront, il va y avoir du dégât. Du moins je l’espère, car si on fait comme avant pour rattraper ce qui n’a pas été produit comme richesses et qu’il faut à juste titre reconstruire mais pas seulement à l’identique, on n’aura rien compris. On fait une pause imposée ce qui est inespéré dans la course folle que nous menions, et il nous est donné d’expirer fort et de penser. Profitons- en . Ne marchons plus faisons du surplace.
 Nous nous essoufflons globalement derrière une société qui a pris comme credo la mondialisation le nouveau Leviathan-celui de thomas Hobbes qui voyait l’homme ennemi de l’homme- celle qui facilite voire encourage les échanges entre les personnes et les biens pour ceux qui savent bouger et en profiter, qui n’a plus de frontières, donc d’espace ni de temps puisque internet et les réseaux sociaux n’informent plus mais aboutissent à ce que chacun donne un avis, critique, démolit l’autre sans aucune responsabilité ni regret ni remord. Qui accepte n’importe quelle thèse y compris la plus dangereuse, qui a pour nouvelle idole comme veau d’or les finances alors que la bourse vacille au premier coup d’escopette, et l’économie qui flanche immédiatement puisque les industries y compris les vitales pour notre souveraineté ont été délocalisées, ce qui a vidé nos territoires et mis à l’arrêt forcé ceux qui veulent travailler tout simplement pour vivre sans exiger de faire fortune !  Ces prétendues avancées selon les élites qui en bénéficient sont -elles un bien, comme le serait le progrès technologique ou biologique dans tous les domaines qui conduit à modifier l’homme/la femme, pour l’augmenter ou lui permettre d’obtenir ce que la nature lui refuse ?
  L’inégalité des chances ne se résorbe pas forcément en jouant à l’apprenti sorcier et en démolissant ce qui existait ou ce qui avait fait ses preuves.  Une nation n’est pas une start-up qui n’a pas d’archives, qui invente des applications sans savoir si elle va satisfaire le plus grand nombre, et à quels prix tant matériellement que moralement.  Il y a des valeurs immatérielles qui ne supportent pas d’être passées à la moulinette du prétendu progrès. Il faut donc profiter de l’obligation d’être immobile, de rester chez soi, pour profiter du temps d’arrêt contraint et réfléchir pour après car il y en aura un à plus ou moins long terme.  De s’interroger soi -même, car nous sommes tous responsables d’avoir laissé la société divaguer comme cela, sur ce qui est fondamental, puis essentiel, puis important et ce qui relève de l’accessoire et de nos désirs. Et de quel genre de société nous voulons, de nos valeurs collectives qui doivent être coulées dans le marbre et non négociables, de notre socle commun qui permet à chacun de bâtir un avenir commun d’où qu’il vienne avec sa personnalité et sa culture, de nos libertés publiques et individuelles, de notre solidarité, de nos ambitions, de notre puissance, de notre exemple humaniste. Et j’ose le mot engagement spirituel -je ne veux pas dire drôle, mais de l’ordre de l’esprit, de l’âme pour certains sans croire en quiconque- surtout que la laïcité chez nous est une digue que dis- je après Edmond Rostand, un roc, un cap, une péninsule … je me réserve le pic quand celui de l’épidémie sera atteint !  
Le confinement doit nous permettre de faire  une sorte d’introspection individuelle et collective, pour pouvoir ensuite discuter démocratiquement de notre avenir, et de prévoir ce qui pourrait arriver de pire, le pire n’étant jamais certain , et surtout de vivre en bonne harmonie -je n’aime pas le terme vivre-ensemble qui pour moi n’a pas grande signification réelle dans une société individualiste où chacun a sa vérité et ses rejets on le voit avec l’interprétation personnelle du confinement-- sans exagération ou indignation  pour tout et rien .
 Sans crier au racisme, à la discrimination, au scandale pour tout sujet.  Notre classe politique et intellectuelle sans oublier le milieu artistique qui bien qu’intermittent du spectacle avec le régime social avantageux qui va avec est prompt à s’enflammer en robe de soirée surtout chez de prétendues stars,  devraient  apprendre à être plus mesurés, et que l’opposition soit constructive, car personne n’a LA solution efficace et indiscutable sur aucun dossier y compris et surtout médical, et on entend parfois des  déclarations saugrenues pour ne pas écrire irresponsables ou  carrément idiotes. La démocratie n’est pas le concours Lépine d’arguments éculés ou démagogiques ou de propositions belles sur le papier ou morales à géométrie variable qui éclatent en morceaux à l’épreuve de la réalité. Ceci vaut pour tous nos éminents élus ou représentants du peuple, peuple qui n’en demande pas tant.   
Quand on est confiné comme moi, et que l’on participe à la résolution du problème sanitaire en ne faisant rien et en me calfeutrant à domicile ce qui calme sur notre importance, on s’interroge pour savoir si en temps « ordinaire » on sert à quelque chose ?   On relativise car on sait que l’on ne sait rien comme l’a déjà dit le vieux Socrate mort d’avoir bu volontairement la cigüe et non pas d’un virus quelconque, mais qu’en plus personne n’est indispensable.
Revenons à l’actualité sécuritaire ou judicaire qui est mon domaine habituel. Car rien n’arrête ceux qui ont choisi de n’obéir à rien pas à la loi surtout, qui n’ont aucune conscience morale, et qui pensent jusqu’au bout de leur nez pour faire une «  ligne » et pas plus loin, même pas à la protection de leur voisin. Le temps s’est figé mais les coups de pied aux fesses sont en réserve, je veux dire la sanction par les tribunaux. Voyons le comportement de l’homme en temps de crise ce qui permettra de dessiller les yeux et de ne pas croire que tout le monde peut être bon, et que la société le pervertit comme l’a écrit Rousseau en se promenant dans les bois enchanteurs d’Ermenonville (Oise mon département de famille).Certes il faut donner sa chance à celui qui a fauté, mais certains ont moins besoin de chances que d’autres et la société a le droit de se protéger, dans le respect des droits de la défense , des droits de l’homme et des grands principes humanistes qui sont notre marque mondiale d’existence et de reconnaissance, qui peuvent néanmoins  être adaptés à des circonstances exceptionnelles. Comme le disait Clémenceau : « le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas » (discours de Verdun 14 juillet 1919) et il ajoutait : « il faut savoir ce que l’on veut ».   
Il fallait bien que cela arrive car la crise sanitaire qui concentre nos attentions n’a pas éliminé les autres sources de tracas.  Il y a eu à Romans-sur-Isère un attentat au couteau qui a fait deux morts et des blessés, commis par un soudanais. Je ne sais pas s’il s’agit d’un migrant illégal, ou d’un réfugié politique qui à l’issue d’un processus judiciaire a reçu la protection de la France, sa confiance et qui reçoit des subsides et des droits. J’ai peu lu sur son cas dans la presse qui est publiée au compte- goutte, mais il semblait vivre en foyer, et n’aurait pas supporté le confinement, aurait ainsi été « aigri » (sic) mais se serait quand même référé au classique Allahou Akbar qui doit être un cri de détresse ou de joie puisque nous sommes en période des rameaux, même si le pape abandonné provisoirement  par les fidèles au Vatican prononce la messe seul , ce qui montre son humilité . Le parquet antiterroriste s’est saisi du cas de l’assassin déconfiné mais pas décomplexé ou déradicalisé. Il a été arrêté vivant, et on va essayer de connaitre ses motivations (même si on se doute de celles-ci) et je souhaite que son enfermement en prison n’aille pas le perturber encore plus, pauvre victime indirecte du covid-19 !  
La sécurité est d’autant plus importante que certains profitent de la situation pour escroquer, voler, détruire, être violent. Les forces de l’ordre équipées comme elles le peuvent tentent de maintenir l’ordre public et dans les familles où les violences conjugales se multiplient. Seront-ils considérés aussi comme des héros comme après les attentats contre Charlie Hebdo, l’avenir le dira.
Il parait que des habitants dans certains quartiers ne peuvent observer le confinement car ils vivent serrés dans de petits appartements ( ce fut mon cas jusque 20 ans y compris pendant mai 68 dans un  minuscule deux pièces à Asnières avec ma mère, mon frère, et mon père d’1,88 m et 110 kg, policier de surcroît) et n’ont que des portables et de grandes télévisions mais pas d’ordinateurs ou d’imprimantes, et qu’ainsi ils sont discriminés, que les inégalités entre les territoires se dévoilent et s’il y a de la haine, c’est par inadvertance, à leur insu de leur plein gré ! Bien sûr les forces de l ’ordre ou les pompiers et médecins continuent d’être caillassés ce qui doit faire partie de l’activité sportive autorisée pendant le confinement, quand ils osent se montrer. Une fillette a été blessée le 4 avril lors d’un affrontement entre les dealers qui continuent leurs trafics en renouvelant les modes de paiement et en livrant à domicile, et les policiers.  Malgré les efforts des exécutifs qui se succèdent, va-t-on un jour réussir à éradiquer cette économie souterraine et permettre aux habitants honnêtes de ces quartiers perdus, avec leur aide de vivre comme tous les citoyens dans le calme et la légalité ?  
 Mais c’est faire preuve de racisme que de vouloir critiquer. Alors cachons les faits sous le tapis (je ne veux pas écrire qui vient d’orient) et je serai ainsi politiquement correct. 
Je change de cible car il en faut pour tout le monde y compris dans de beaux quartiers où vivent des habitants belles âmes, cultivés et humanistes proclamés souvent à condition que l’on mette ceux qui dérangent chez les autres, ne manquant de rien, pas même d’espace ou d’affirmations je veux dire de culot, de certitudes car eux ne doutent jamais. C’est à cela qu’on les reconnait disait Michel Audiard, avec une autre catégorie très répandue.  Certains sont partis se confiner au vert : au moins ils ne manqueront pas d’air ce qui est leur qualité première pour dénoncer l’injustice, l’inaction de l’Etat en matière de climat et de santé publique ; et exiger la transition énergétique sur le champ, celui qu’ils viennent de quitter. Sans oublier les méfaits du libéralisme débridé voire le retour de l’Etat qui n’en peut mais.      
J’aborde un autre sujet sans aucun rapport avec ce qui précède.  Ceux qui dénoncent de façon anonyme leurs voisins qui prennent leurs aises avec les consignes officielles n’ont pas raison. Ce n’est évidemment pas civique de prendre un risque -sauf s’il l’est pour le bien commun - et ainsi d’en faire supporter un aux autres, mais la dénonciation rappelle de mauvais souvenirs et n’est pas à la hauteur des principes qu’il faut respecter. Ces deux attitudes nous obligeront à réfléchir sur le sens de la loi, notre rapport moral au prochain, ce que l’on peut tolérer et ce que l’on rejette, le respect de la règle, le droit des minorités, celui de la majorité même silencieuse, des devoirs collectifs et à revoir notre adhésion personnelle à ce qui a été décidé dans l’intérêt de tous.
On ne peut approuver ceux qui demandent à des soignants d’aller habiter ailleurs pour ne pas les mettre en danger, par le simple fait qu’ils sont au contact de malades. Ces angoissés n’honorent pas la république et je les plains d’avoir peur qui est toujours mauvaise conseillère.  Ils sont ou seront contents comme les habitants des quartiers que j’ai cités ci- dessus, de trouver du personnel soignant pour les accueillir si besoin dans les hôpitaux et seront les premiers à exiger tout ce que la thérapeutique moderne permet, qu’ils soient assurés sociaux ou non, qu’ils paient des impôts ou non, qu’ils aient des ressources ou non.  
Comme d’habitude en période de crise, les individus se révèlent et si on applaudit les héros à 20 heures, il y a des zéros pointés plus nombreux qu’on ne le pense.  On le vit depuis des années avec les donneurs de leçons, les spécialistes du bon et du bien, de leur morale, les détenteurs de la vérité scientifique ou humaine voire de la nature, du ciel et de la terre, les dénonciateurs de ce qui ne leur apparait pas comme moderne ou tendance…  
Tout cela au-delà du règlement de la crise sanitaire, va nous obliger à repenser les priorités de notre société, à revitaliser les valeurs de la république, à déboulonner les fausses idoles et les grands prêtres autoproclamés du progrès , à reconsidérer ce que sont nos intérêts vitaux, à reconstruire  une industrie essentielle relocalisée dans nos territoires, irrigués par les commerces, les artisans, les services publics de proximité,  avec des citoyens  qui veulent être vivants sur place et protégés,  produire , participer et être considérés en ayant voté pour choisir leurs dirigeants locaux, ceux qui partagent avec eux  les bons moments comme les mauvais. L’heure de la vraie décentralisation est arrivée.
  Il faudra aussi revoir nos systèmes de solidarité et de redistribution, ne pas calmer des exigences particulières sous le chantage d’émeutes ou du droit à la différence par du saupoudrage financier, ou au prétexte de discrimination structurelle. L’Etat providence vient de jouer son rôle, mais il ne doit pas être gérant. Il doit permettre à chacun de se prendre en mains et d’avoir les mêmes chances.  L’Etat doit être garant, et l’état de droit sert à sanctionner toute fraude, toute inégalité causée volontairement, et le non -respect de la loi votée démocratiquement au parlement, qu’elle nous convienne ou non.
 N’ayant aucune responsabilité, je viens de beaucoup critiquer l’Etat et le pouvoir exécutif sur sa gestion de la crise, son impréparation, ses doctrines contradictoires qui masquent des carences et des hésitations même s’il s’agit d’une pandémie qu’aucun dirigeant le plus avisé n’avait anticipé.  C’est vrai mais la priorité ne me semble pas de trainer en justice tous ceux qui sont responsables et/ou qui ont fauté. On pourra s’en occuper à loisir quand tout sera rentré dans l’ordre car personne n’échappe à sa responsabilité politique, morale, judiciaire, y compris ceux qui n’ayant aucun pouvoir jugent décontractés, ou ceux qui ayant quelque influence ont préféré se mettre aux abonnés absents voire se confiner là où ils pensent que le virus ne les trouvera pas, ou font supporter leurs décisions sur les autres.
Nous sommes tous un peu responsables non pas du virus, mais des institutions que nous avons voulu par nos votes , de la lourdeur de nos administrations qui sont cependant notre colonne vertébrale, de notre recherche des économies dans tous les secteurs, d’avoir cru que plus rien de grave n’arriverait puisqu’il n’y avait plus de guerre en Europe depuis 1945 avec une sorte d’entente cordiale et que nous gérions au mieux les conséquences des trente glorieuses, avec le danger de crises financières qui avec le réchauffement climatique étaient l’ennemi. C’est tout. On s’est leurré et on ne s’est pas méfié. Nos dirigeants nous ont suivi puisque ce sont les chefs. Et nos polémiques ont porté sur des sujets subalternes souvent minables. La violence endémique y compris dans les débats publics et les réclamations de tout ordre nous ont caché l’essentiel. Il faut donc payer la facture après avoir pansé les plaies et aider à rebondir.  Ce n’est pas la faute de quelqu’un, ou d’une catégorie sociale ou d’un monstre froid et caché en particulier. Il ne faut pas voir des comploteurs partout.  Il va falloir se rassembler de nouveau et rebâtir de façon différente en profitant d’avoir compris ce qui n’allait pas, comment aider et protéger, qui étaient essentiels à la vie de la société et qui n’étaient pas vitaux, qui sont des fausses gloires.   
 C’est une bonne nouvelle. C’est un projet de société exaltant. Ordo ab chao disent les philosophes. Ce qui permet de construire une nouvelle organisation plus efficace, plus soucieuse d’égalité, plus protectrice, plus rassembleuse, porteuse d’un projet commun, et qui fonctionne démocratiquement chacun y ayant sa place à son niveau.  On dit que des périodes de crise majeure peuvent engendrer des bénéfices nouveaux et donc un progrès général. Certains se dépassent, se révèlent dans le mieux et l’abnégation le plus grand nombre heureusement. D’autres sont petits, intolérants, égoïstes et ne participent à rien. C’est désolant mais c’est la nature humaine qu’il faut essayer d’améliorer comme Sisyphe remontait inlassablement son rocher. 
 J’accepte l’augure que du mal sortira le bien.
Mais je ne me berce pas d’illusions ce n’est pas le moindre de mes défauts. Dès la sortie de la crise, ceux que l’on ne voient plus -car ils n’ont aucune légitimité pour agir- ou qui se taisent à l’abri puisqu’ ils sont confinés et respectent les consignes, en dispensant ici et là des critiques voilées ou sévères car eux savaient ce qu’il aurait fallu faire, vont réapparaitre sur les écrans et devant les micros. Ils vont dénoncer avec des mots forts  ce scandale qui vient d’avoir lieu, cette atteinte inouïe  aux libertés qu’on leur a fait voter voire avaler  de façon abusive,  ces mesures liberticides, ces restrictions ou extensions pour le patronat  jamais vues au droit du travail, les inégalités qui ont surgi entre ceux qui pouvaient aller se réfugier en province et ceux qui restaient confinés dans leur cellule familiale… et  ils demanderont  sérieusement que des têtes tombent comme du temps de Robespierre pour les ennemis du peuple,  et  si on n’a pas glissé vers un régime autoritaire que l’on voudrait poursuivre, l’état d’urgence permettant au pouvoir exécutif de gouverner par ordonnances, donc sans  un vrai contrôle du parlement. La tentation totalitaire résultant du covid-19 me parait être un fantasme et le virus peut être dans les têtes même de porteurs sains. Le président Macron n’a pas tenté de gouverner avec l’article 16 de la constitution et les ordonnances suite aux lois votées sont limitées dans le temps et l’espace.
J’espère avoir tout faux et imaginer des déclarations d’intentions. Attendons pour voir.
 Comme la démocratie doit vivre, on parlera des élections municipales car  il y a eu plus de 30.000 maires élus au premier tour le 15 mars et autant de communes qui ont un conseil municipal qui va pourvoir s’activer aussitôt .Mais les plus grandes ou les moyennes villes  celles qui permettent aux exégètes politiques de dire si tel parti a gagné ou non le scrutin et de tirer des plans sur la comète pour l’avenir, n’ont eu qu’un tour non décisif  pour  la plupart, et il faudra soit organiser seulement  le 2ème tour, soit tout recommencer les professeurs de droit constitutionnel ayant chacun une théorie.   Puis on discutera d’un plan de relance pour l’économie comme celui du plan Marshall après la 2ème guerre mondiale comment sauver commerces et entreprises, sans oublier les professions libérales. Sauf qu’il faudra que ledit plan soit de préférence européen, voire mondial pour éviter qu’un pays fasse main basse sur les autres. Suivez mon regard vers l’ouest s’il le peut, ou l’orient qui a donné le signal de départ de la pandémie. Et le mieux serait que l’on trouve en nous les ressources morales et financières nécessaires ce qui serait le renforcement de notre souveraineté. Mais cela veut dire des efforts et de savoir qui paiera ?  Les syndicats voudront avoir la récompense du travail de ceux qui ont préservé l’essentiel. Et peut- être évoqueront- ils la grève, symbole de l’ancien monde et de l’avant crise ?  Je ne sais pas quelle autre question sera posée la première, si les réformes qui ont tant plombé le 1er trimestre 2020 comme celle des retraites auront encore un sens, et si les gilets jaunes reprendront leur combat. La vraie bonne nouvelle quand il y aura reprise c’est que le virus aura disparu et que nous reprendrons le cours ordinaire de notre vie. 
Albert Camus que l’on a beaucoup relu ces temps- ci et il faut s’en féliciter déclarait à Stockholm en 1957 au moment de la remise du prix Nobel de littérature dont il était le lauréat : « chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ». Je crois que c’est aussi le défi qui nous attend désormais. Bien que nous soyons dans un village global et que la planète est à feu et à sang.
 Nous voulions protéger les générations futures lors de la discussion sur la réforme des retraites. Si ces générations futures ne constatent pas que nous avons réfréné nos envies, si nous avons maintenu nos acquis, si on n’a voulu rien changer alors nous les aurons sacrifiées. La crise sanitaire n’aura pas eu de sens : nous serons restés sur nos positions irréductibles ce qui est consternant et nous aurons préféré couler debout plutôt que d’écoper ou de céder en lançant des chaloupes à la mer pour sauver ce qui peut l’être. Il ne doit y avoir que des gagnants.
 L’utopie est belle et nécessaire mais elle ne peut prospérer que s’il y a des fondements solides à la société, et s’il y a des projets communs, un destin d’hommes et de femmes qui poursuivent le même but tout en pouvant emprunter des chemins de traverse, au service d’une ambition globale.  
Je pense que cette crise nous a permis de nous immobiliser pour faire le point. Il faut en profiter pour inventer un nouvel art de vivre, de rénover nos principes de gouvernance, avec plus de transparence, de participation et d’écouter les gens plutôt que de suivre pour toute chose  les experts ou prétendus sachants  qui ont un rôle naturellement à jouer mais ne sont pas les décideurs ;  de consolider nos valeurs en les explicitant pour qu’elles soient bien comprises ; de renforcer la république qui rassemble  et de concentrer l’Etat sur ses fonctions régaliennes ; de libérer les initiatives  et les énergies avec une administration plus agile comme on le dit actuellement ; de faire confiance aux élus de proximité ; et de ne voter que des lois utiles, générales et non destinées à une infime minorité,  non bavardes, claires que la justice fondamentale dans un état de droit doit protéger et interpréter si nécessaire.   On ne doit plus tout attendre de l’Etat sauf crise majeure et qu’il soutienne les plus faibles en réduisant les inégalités ou les discriminations et en favorisant l’émergence d’une société plus juste, sans qu’il y ait de boucs-émissaires car chacun est un anneau de la chaine. Et en entretenant des relations diplomatiques, commerciales, économiques et sociales, linguistiques et culturelles, donnant l’espoir à ceux qui en ont besoin, ouvertes et fraternelles car tout n’a pas un coût, avec les autres pays et leurs peuples surtout ceux qui sont très mal au point et souffrent, car il y a toujours plus mal loti que soi.  La vocation universelle de la France ne se marchande pas et le repli sur soi n’est jamais positif.
Que nous arrive-t-il ? D’être lucides sire car c’est une révolution pacifique des esprits qui se prépare et elle débouchera sur une société française pacifiée et active. A ceux qui demandaient au duc de Talleyrand -Périgord ce qu’il avait fait pendant la révolution où les têtes tombaient comme les corps à Gravelotte (bataille de 1870), Maurice répondait : « j’ai vécu » et pour justifier son rôle à Vienne pour préserver après l’échec de Napoléon la place de la France dans le concert des grandes puissances il disait « j’ai boité ».
L’espérance c’est la vie.