mercredi 11 janvier 2023

La justice en temps de guerre

 

                                  La justice en temps de guerre

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire

Malgré les appels déchirants du président ukrainien qui dénonce les crimes qu’il attribue à l’armée russe, la justice internationale ne bouge pas. Mais peut-elle agir d’initiative sur le champ ? Doit-on s’habituer à des cris dans le désert judiciaire celui du chaos et de l’indignation ?

 La justice est traditionnellement représentée avec un bandeau sur les yeux. Serait-elle aussi sourde ? L’agressé voudrait que l’on déclenche immédiatement des poursuites pénales contre l’agresseur et ses complices, qu’on les embastille et que la justice soit plus forte que le tir des armes. Ce serait simple et expéditif mais je ne sais pas si cela supprimerait les antagonismes profonds. L’heure de la justice n’est pas encore venue. Comment organiser un procès équitable aux normes juridiques universelles alors que quotidiennement les obus et les drones détruisent sous menace nucléaire, que les soldats meurent et que les victimes directes ou collatérales sont innombrables. Sans compter qu’il faudrait peut- être y ajouter des co-belligérants supposés qui sont sur une ligne de crête même si la cause est juste.

Sauf à souhaiter que la guerre s’éternise jusqu’à une capitulation totale ou partielle de l’Ukraine ou une défaite actée de la Russie ce qui bouleverserait l’ordre du monde sous l’œil attentif de la Chine, de l’Iran, de la Corée du Nord ou d’autres nations crispées sur leurs propres différends, il va bien falloir que la diplomatie s’en mêle, vœu qui n’est ni soutenir ni lâcher une partie. Ou qu’une médiation avec des personnalités neutres et insoupçonnables soit mise sur pied. La guerre est le prolongement de la politique par d’autres moyens disait Clausewitz. Et Clemenceau estimait que la guerre est une chose trop grave pour la confier aux militaires même si ceux- ci sont indispensables pour suivre les instructions et défendre la nation et /ou sortir au moindre mal des stratégies des gouvernants civils. Les opinions publiques ont choisi leurs camps.  Il ne s’agit pas de forcer la main de son destin à tel ou tel. La communauté internationale a montré ses limites, les grands principes des droits de l’homme ne sont plus acceptés sans réserve, et les espoirs notamment « plus jamais cela » d’après la 2ème guerre mondiale ont été déçus. Une victoire à la Pyrrhus ne servirait à rien. Elle est même parfois dangereuse, on a vu avec le traité de Versailles de 1919. Les professionnels savent concilier les contraires et trouver des solutions pratiques parfois inédites. Ou que l’on croyait impossibles.  Il faut leur faire confiance.

 L’obstination parce que l’on estime avoir raison peut entrainer des escalades et encore plus de victimes. La bataille des égos qui poussent à des sacrifices humains doit s’effacer au profit de négociations concrètes. Chacun a de prétendues bonnes justifications. Mais la Russie ne peut poser des conditions préalables comme la conservation de tous les territoires annexés par les armes. L’Ukraine ne doit pas exiger avant de parlementer le retour d’un seul coup à la situation ante, avant le 24 février 2022 voire aux accords de Minsk. Et la Crimée. Sinon il y aura blocage. 

Dans ces circonstances quel rôle peut jouer la justice internationale et de quelles juridictions parle-t- on au vu des expériences passées ?

La justice internationale ne pose aucune condition préalable. Quand elle est régulièrement saisie elle répond en droit aux questions qui lui sont posées : quels sont les crimes ? qui a fait quoi ? qui est responsable ? Elle ne fait pas de politique ou de morale. La justice internationale condamne les coupables avérés, après enquête, débats contradictoires et plaidoiries. Chaque accusé peut se défendre. On se rappelle le procès de Nuremberg en 1945-46 et la condamnation (à mort) de dignitaires nazis. Mais les hostilités étaient terminées.

*La cour Internationale de justice [C.I.J] basée à La Haye est l’organe judiciaire de l’ONU où la Russie dispose au conseil de sécurité d’un droit de veto. Il faut donc passer par l’assemblée générale où des pays peuvent être réticents et s’abstenir. Elle juge les Etats. Son contentieux le plus ordinaire porte sur les conflits frontaliers. 

*La cour pénale internationale [C.P.I.]  a été créée en 1998 par le traité de Rome et a son siège aussi à la Haye. Avec un centre de détention.  Elle est saisie par un Etat signataire du texte fondateur qui a été ratifié, par son procureur, ou exceptionnellement par l’Onu dans le cadre du chapitre VII du traité. Sont dans son viseur les individus, chefs d’Etat ou de guerre, soldats de métier, mercenaires, civils… enfin tous ceux qui ont une responsabilité dans les atrocités. Sa compétence est limitée aux crimes de guerre et d’agression, aux génocides, aux crimes contre l’humanité. Elle se substitue à la justice nationale si celle-ci est défaillante. Elle peut incarcérer. 

* Des tribunaux pénaux internationaux dédiés à des conflits déterminés ont été créés. Ainsi pour le Rwanda avec le génocide des tutsis ; ou pour le Cambodge avec les khmers rouges. Pour l’ex-Yougoslavie l’ancien président Milosevic a été condamné. Il est mort en prison. 

Mais la justice internationale n’a pas le pouvoir d’arrêter un affrontement violent. Dès le début de la guerre contre l’Ukraine la C.P.I. a ouvert une enquête et a pris une ordonnance (un jugement) pour enjoindre à la Russie de cesser toutes opérations militaires. On a vu le résultat. Ces juridictions ne disposent d’aucune force coercitive. Il n’y a pas l’équivalent de casques bleus magistrats. Le glaive de la justice est le droit international public, les traités internationaux, le droit de la guerre et celui qui est humanitaire. C’est un moyen pacifique. Et symbolique.

Le principe de conviction n’exclut pas celui de réalité. Quand les bornes sont franchies il n’y a plus de limites. Mais les victimes ont un droit inaliénable et non négociable à la vérité. Et à la réparation. Malgré les raisons d’Etat. C’est souvent long mais on y arrive. Personne ne peut bénéficier d’une immunité. Ce ne serait pas juste. Plaute a déjà dit que l’homme est un loup pour l’homme. On a besoin de croire en la justice et en des exemples pour l’humanité.

vendredi 6 janvier 2023

Mes vœux pour 2023 : vivement 2024.

 

              Mes vœux pour 2023 : vivement 2024.

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire

Le philosophe-écrivain Marek Halter a déclaré que l’on n’atteindra jamais le paradis mais en doit en rêver. Il évoquait notre vie actuelle sur terre, terrible et cruelle selon des pessimistes. En France bien sûr, pas à Kiev et Moscou, Pékin ou Pyongyang, ou en Afrique où il y a la guerre, et ailleurs où s’affrontent des ethnies, des communautés, au milieu de la misère, de la nature hostile et du manque de tout. Et sans une once de démocratie. Vérité en deçà des Pyrénées erreur au- delà.   

Des revêches et critiqueurs de tout et de rien mais systématiques attisent le feu en proclamant que nous vivons en France en enfer dirigé par un autocrate. Et une bureaucratie liberticide. En raison des lois votées certes démocratiquement mais avec l’article 49.3 de la constitution ! Autant affirmer fort cela ne coûte pas grand-chose sauf à créer un climat d’affrontements ce dont nous n’avons pas besoin. L’énergie est hors de prix. Ne la gâchons pas. Le conflit sanglant avec l’Ukraine n’a fait qu’accélérer nos défauts d’anticipation.

Je ne connais pas l’enfer décrit dans les livres, et encore moins le paradis car je ne sais pas s’il existe et si je mérite d’y aller. Mais je ne suis pas pressé de contrôler de visu. Et je ne pourrai revenir pour témoigner.

Je prends deux exemples emblématiques pour expliquer ce que je pense. 

 Chacun s’accorde à dire qu’il faut des réformes d’urgence, mais elles ne doivent pas le concerner. Lui est un cas à part. C’est l’autre qui exagère ou profite et qui doit être taxé. Pour les retraites le gouvernement qui tergiverse et recule en s’expliquant confusément n’est pas exempt de maladresse. Demander « voulez- vous travailler plus longtemps pour gagner moins à la fin » ne peut qu’aboutir à une réponse négative sauf pour les masochistes ou ceux qui ont intérêt à faire travailler les autres. Et même si sur le plan financier il est acquis que les déficits vont s’accentuer. Ce sera l’héritage des générations futures.

 On n’est pas obligé non plus de lier la délinquance automatiquement à l’immigration irrégulière. C’est possible mais pas certain. Il est préférable de prendre le problème réel avec raison et sans déni, car les citoyens ne tolèrent plus des comportements et que l’on brave la souveraineté du pays en leur reprochant un prétendu égoïsme humain. On doit trouver une solution pour une immigration choisie et contrôlée, sans tabou et dépassionnée.

Je n’aborde pas tous les autres sujets qui sont brûlants où chaque corporation ou minorités « n’en peut plus ». Ainsi des médecins libéraux malgré les déserts médicaux et les hôpitaux débordés et en manque de médicaments ; aux contrôleurs de bord dans les trains qui estiment avoir un métier pénible, plus que celui des boulangers qui se lèvent tôt et se couchent tard en ayant des factures énergétiques qui vont les ruiner ? Tant de travail et de tracas pour rien ... La liste est sans fin.

Au-delà des revenus nécessaires tous réclament plus de considération et le droit de vivre dignement. Ils ne veulent pas être assistés. Comment en est -on arrivé à cette situation ? Avons-nous trop demandé à l’Etat qui est désormais un distributeur de billets et d’aides. Plus on fait des dépenses publiques et moins cela marche. Ne faudrait-il pas commencer par la réforme essentielle de l’Etat -qui fait quoi et avec quels moyens- qui comme l’Arlésienne est annoncée depuis des années par de multiples rapports mais jamais commencée. Et débattue faute de courage politique. Car on ne peut continuer à donner des chèques pour éteindre les incendies, le feu est généralisé. Une dette se rembourse : qui paiera ? Comment sauver l’homme/la femme qui est dans le besoin. On peut discuter à vie. Je n’évoque même pas l’humanité vu ce qui se passe. On voit que l’Etat a atteint ses limites. Mais heureusement qu’il a été présent dans les crises. Il faut le conforter en l’allégeant pour qu’il se consacre aux fonctions régaliennes.  

Je vais suivre les conseils de M. Halter et rêver. Après tout  je ne suis pas moins compétent que ceux que l’on voit et entend comme  prétendus experts auto proclamés  dans les médias. Il va y avoir des polémiques et des mouvements de rue. Celle-ci ne peut gagner. J’abhorre la casse et le désordre. Les syndicats représentants entre 8 % et 10 % des salariés ont dit d’office Niet pour parler comme l’agresseur Poutine que l’on voudrait voir disparaitre. Les syndicats se substituent à la légitimité électorale. Ils ne veulent même pas discuter d’une mesurette sauf si on leur donne raison. Dont acte. Pour le projet du ministre de l’intérieur qui veut allier fermeté et justice avec l’humanisme concernant l’immigration et la délinquance les bien- pensants professionnels vont se déchainer. Et l’exécutif à tort ne m’a pas téléphoné pour me demander mon avis et pour programmer d’autres réformes : je ne peux donc rien deviner.

Pour que l’année 2023 soit sereine et efficace je propose un bref essai. On dit d’accord aux syndicats et à M. Mélenchon dont le mentor est le grand démocrate Vénézuélien Hugo Chavez pour appliquer leurs programmes et idées. On suit le RN dans son combat contre l’immigration. On interdit aux voitures diesel de rouler ce qui permettra aux jeunes rebelles qui aspergent de peinture les monuments de se coucher sans crainte sur le périphérique. On adopte le droit à la paresse prôné en 1880 par Paul Lafargue gendre de Karl Marx qui réfléchissait de son côté sur la valeur travail et le capitalisme.  On démantèle toutes les centrales nucléaires et à charbon pour que la France toute seule dans son coin règle le réchauffement climatique grâce au vent et au soleil. On enlève policiers et gendarmes des cités sensibles puisque ce sont des provocateurs. Comme les médecins et les pompiers qui sont caillassés. La justice n’a plus à punir car elle comprend les infractions et les violences liées à la société et à l’inégalité sociale outre le racisme ordinaire. Enfin on donne financièrement et généreusement ce qui est réclamé par tous. Si on peut arrêter les guerres ou le mal n’hésitons pas. Choisissons fermement le principe de conviction à celui de réalité.

 Puis on vérifie les résultats, on choisit qui paie de gré ou de force, et on fait une convention citoyenne permanente avec quelques individus tirés au sort pour tout sujet. On ne perd plus de temps avec le parlement et les discussions oiseuses. Les élus ont failli.

Enfin le rêve conduit au paradis. Composé de tolérance et à chacun selon ses besoins.  Ainsi il n’y aura plus de débats stériles et l’année 2023 permettra de préparer la suivante pour une apothéose. Si j’ai fait un cauchemar je vais m’en apercevoir rapidement ! Avec ma bougie s’il le faut. Pour 2023 je souhaite vivement que 2024 arrive.