lundi 4 juillet 2022

C’est celui qui dit qui l’est.

 

                        C’est celui qui dit qui l’est.

                   Par Christian FREMAUX avocat honoraire.

On se demande si la politique sert à régler des comptes personnels et à discréditer les personnes ad hominem ou si elle a vocation à traiter les problèmes de fond des français ce qui me parait la moindre des choses. Je suis un citoyen scandalisé sinon désabusé. Désormais dès qu’une personnalité homme et femme parité oblige est nommée à un poste public important, surgit une accusation d’agressions sexuelles ou de viols voire d’autres infractions considérées comme secondaires même si elles sont graves. Mais on n’évoque essentiellement que ce qui concerne la gent féminine. La plupart du temps pour des faits qui datent d’années antépénultièmes. Le silence pendant longtemps vaudrait vérité et a permis d’attendre le moment adéquat pour dénoncer : la nomination au gouvernement ou à la députation ou à une fonction prestigieuse et de pouvoir qui permet de libérer sa douleur et sa conscience. Je ne doute pas qu’il y ait des victimes avérées et que de parler soit difficile. Mais je ne peux admettre qu’il faille croire sur parole celle qui se plaint, qu’il y ait immédiatement un jugement médiatique de condamnation souvent par le truchement de Médiapart devenu auxiliaire de justice du procureur de la république, et que l’on ne respecte pas la présomption d’innocence.

 On ne se pose même pas la question de savoir si la personnalité est compétente ou non pour gouverner, pourrait apporter des actions positives dans l’intérêt général, et si elle peut contribuer à un exécutif qui réussit non pas pour la joie des féministes mais pour celle du citoyen de base, loin du microcosme parisien et des combats sociétaux à la mode sans imiter ce qui vient des pays extérieurs, et qui veut des résultats concrets. Sur le terrain. Le sort des individus dans la lumière n’est pas du domaine du quidam qui se débat dans ses difficultés. On ne voit du mis en cause que sa prétendue face sombre- ce qui est le lot de tous sauf pour ce qui est qualifié crime ou délit – avec sa personnalité cachée éventuellement perverse, et son comportement inapproprié selon ce concept qui ne veut rien dire. Pour accéder à un poste de responsabilités va- t-on définir un portrait type exemplaire avec des critères pré- établis on ne sait pas par qui, sans aucun défaut ni mauvaise pensée, ni attitude qui ne plait pas, de celui ou celle qui a le culot de vouloir exercer des fonctions publiques, au plus haut niveau. Et dont la nomination ne pourrait se faire qu’avec l’aval des féministes patentées ou d’autres groupes de pression « woke», anti tout notamment fasciste et raciste. Cela devient grotesque. Les minorités ne sont pas exemptes de critiques et ne sont pas légitimes. Halte à l’escalade verbale et au chantage.  

Le citoyen que je suis en a assez : il veut de l’action et pas du pugilat sur une scène où l’on pleure sur son malheur, en direct à la télévision sans contradicteur, et où il y aura bientôt plus de victimes que de coupables. Que la justice passe et on verra après. Que celle ou celui qui se dit agressé prenne ses responsabilités et dépose formellement plainte quitte à s’exposer à de la diffamation ou à une dénonciation calomnieuse. Et se soumet à l’enquête impartiale d’un juge d’instruction. Puis vient s’excuser dans les médias s’il y a non- lieu ou fausseté de ses assertions. C’est cela le courage. Le sort des concerné(e)s ne m’empêche pas de dormir. On ne va pas parler des prétendues turpitudes de tel ou telle à longueur de temps. Débattons politique c’est-à-dire du bien commun et des questions existentielles cela est déjà très prenant. 

Parfois l’actualité fait sourire et donne des leçons gratuites. Le parti de M. Mélenchon LFi est prompt à dénoncer méchamment les autres et à voir la paille dans l’œil de ses adversaires, sans reconnaitre qu’il peut se prendre une poutre dans le visage. Il est notamment contre le mâle blanc dominant et le patriarcat et soutient tout ce qui est néo-féministe avec des déclarations enflammées et parfois curieuses de Mmes Sandrine Rousseau et Autain députées et passionnarias ce qui n'est pas incompatible même si je préfère la raison au parlement. Elles ont le droit d’avoir des certitudes et de voir le mal partout.

M. Coquerel trotskiste assumé bras droit de M. Mélenchon a été élu à la plus puissante commission de l’assemblée celle des finances. Aussitôt une militante est venue le dénoncer de comportements douteux, d’avoir des attitudes pressantes et des mains baladeuses avec un regard glauque (on disait chez Mao de vipères lubriques). Elle a saisi d’un signalement la commission idoine de LFi. Ce qui au passage permet de comprendre que LFi tout progressiste que ce parti soit, est composée d’hommes ordinaires. LFi faisait la guerre à MM. Darmanin et Damien Abad .Ils ont obtenu par le principe de précaution le départ du ministre Abad qui n’est à ce jour pas mis en examen. Le soupçon pénalise et la rumeur abat. C’est d’ailleurs au gouvernement un revirement de jurisprudence puisque deux ministres sauf erreur mis en examen en font encore partie à des fonctions régaliennes. Mais la présomption d’innocence joue je m’en réjouis. Et je partage la nouvelle doctrine qui veut qu’on examine et décide au cas par cas. J’espère que la 1ère ministre que l’on dit grosse butineuse de travail ne fera pas l’objet par un membre de son cabinet d’une plainte en harcèlement … moral, je n’ose imaginer une autre infraction ! Le cas s’est produit récemment pour une secrétaire d’Etat. Tout cela pour rappeler la sentence immortelle du philosophe bien connu pour son bon sens le sapeur Camember : « Quand les bornes sont franchies il n'y a plus de limites ».

M. Coquerel et LFi sont les arroseurs arrosés. Il parait que des enquêtes journalistiques ont eu lieu secrètement depuis des mois, sans que la presse évidemment indépendante n’en ait parlé, et avec l’obligeance que le nom de M. Coquerel n’a pas été cité ni les faits reprochés.  Y -aurait- il deux poids et deux mesures chez les journalistes ? M. Coquerel qui soutient le mouvement Me too est exaucé au-delà de ses rêves. Je pense qu’en balayant ses écuries d’Augias LFi va exiger la démission de son militant célèbre ?  Ou va-t-on dire que pour lui c’est différent qu’une plainte certes vient d’être déposée mais qu’il est innocent, ce qui est possible.  Comme quoi tout ce qui est excessif est insignifiant.

Je souhaite que l’exemple de M. Coquerel calme les unes et les autres, que l’on s’en tienne aux principes de droit, que la communication ne l’emporte pas sur la dignité des gens, et qu’on laisse faire la justice avant de juger et d’éliminer de la vie publique s’il le faut. Je me félicite que des révolutionnaires soient présents à l’assemblée nationale. Ils vont apprendre outre la courtoisie et le style, la vie, la justice et surtout le principe de réalité. Le boomerang revient toujours sur la tête de celui qui l’a lancé. Par ces temps de canicule une bonne dose de fraternité, de modération, et de tolérance dans l’eau que nous partageons, ne nuit pas.

     

vendredi 1 juillet 2022

La poignée de main au palais Bourbon.

 

             La poignée de main au palais Bourbon.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Les citoyens ont du génie. Ceux qui n’ont pas voté ont approuvé implicitement ceux qui n’ont pas voulu donner une majorité absolue à l’assemblée nationale. On est revenu aux fondamentaux de la 5ème république version 1958 avant la réforme constitutionnelle de 1962 introduisant l’élection du président de la république au suffrage universel. Jupiter n’est plus. Le parlement est ressuscité dans ses pouvoirs et son importance dans l’équilibre des pouvoirs cher à Montesquieu. Sans même devoir passer par la 6-ème république que M.  Mélenchon exigeait. Il ne le fera plus d’ailleurs puisque ses amis de LFi bien que minoritaires en nombre et représentant une petite fraction des français ont désormais des responsabilités très importantes au sein de l’institution. En profitant de la manne financière. Le scrutin majoritaire à deux tours a eu des effets similaires à une proportionnelle réclamée à cor et à cris. Personne ne s’en plaint. Les rebelles de tout horizon vont-ils s’embourgeoiser ? On va voir ce qu’on va voir quand les maçons sont au pied du mur.

Je m’enflamme un peu hâtivement par ces temps de canicule ce qui n’est pas bon pour la nature. J’ai cru voir s’allumer un feu de brindille et je crie à l’aide des pompiers à titre préventif. C’est souvent par le petit bout de la lorgnette que l’on comprend la réalité des faits. Et des arrière-pensées. Je regardais à la télévision l’élection et l’installation du président de l’assemblée nationale qui détient le poste fondamental, comme des centaines de milliers de citoyens. Lors de cette cérémonie on demande aux plus jeunes députés d’être les secrétaires de séance et de veiller à la régularité du scrutin. Un député LFi est monté à la tribune vêtu selon les codes de ses croyances à savoir une simple chemise sans cravate et pas de veste qui doivent être les signes de la ringardise et de l’ordre établi ? C ‘est une provocation patente. Mais dérisoire. Je n’ai pas aimé car le débraillé reflète un état d’esprit, et un parlementaire représente la nation dont je fais partie et pas seulement sa circonscription ou des idées personnelles. Ce député croit- il qu’il est à l’image de l’électeur de base ce qui est un contre- sens. Et une insulte. Le citoyen mérite le mieux. Certes l’habit ne fait pas le moine, mais l’apparence souligne le respect et la dignité des fonctions publiques.

 Ledit député se tenait près de l’urne et serrait la main au passage de chaque collègue qui venait voter. Sauf pour les représentants du rassemblement national à qui il a refusé de donner une poignée de main en gardant obstinément les bras croisés. J’ai été choqué par ce que certains qualifieraient d’incident minuscule d’un idéologue qui voit du fascisme, de l’antisémitisme et du racisme partout excepté dans son camp. J’y ai vu plus que cela un symbole, avec une exclusion arbitraire notamment pour les millions de citoyens lambdas et de bonne foi qui ont voté pour ce parti légal et participant à la vie publique qu’on l’aime ou non. Et une approche du dialogue républicain très fermée. Ce député n’a pas dû trouver la clé du cadenas qui ligote l’ouverture d’esprit. Serait- ce un défaut de jeunesse ? Mon objection vaut naturellement pour toutes les composantes et membres de l’assemblée faut-il le préciser ? La démocratie a besoin de la diversité des opinions, c’est ce qui fait sa force car l’intérêt général résulte de discussions et de décisions ni technocratiques ni de principe pour une minorité donnée. Ce n’est pas la somme des intérêts partisans.

Il y a des poignées de main qui sont sans signification, mineures simplement polies, et majeures qui scellent un accord, un cessez-le feu ou la paix. Il y a celles qui réconcilient et qui permettent d’envisager un avenir plus apaisé. Donc de l’espoir. Certaines sont historiques comme avec Churchill, Truman et Staline ; ou entre Rabin et Arafat ; ou Adenauer et le Général de gaulle ; ou entre Obama et Raul Castro. C’est avant tout de la communication : on fait passer un message. Celui du député LFi est clair. Il refuse de se compromettre en serrant la main à un concurrent ou adversaire politique choisit par le peuple car ce parlementaire est un ennemi de la république. Seul le député LFi est crédible puisque le peuple c’est lui !  Cela augure mal des 5 ans qui viennent alors que le président de la république prône la main tendue. On n’a pas demandé aux députés de se serrer la main à la romaine c’est à dire jusqu’au coude. Un minimum suffira pour donner l’exemple de la civilité, de la tolérance, du respect du suffrage universel, et de la nécessité de faire des réformes qui sont urgentes selon tout le monde. Et de trouver des compromis sans compromission.

Le refus de la poignée de main ne peut devenir un geste politique sectaire : je ne salue que ceux qui pensent comme moi, les autres devant être ignorés sinon condamnés et rejetés.  Si tel était le cas notre société déjà violente et peu encline à admettre l’autre ne s’en remettrait pas. Le parlement doit être le lieu où le civisme règne et où les valeurs républicaines de liberté, égalité et fraternité s’appliquent plus largement qu’ailleurs. Dans une courtoisie élémentaire. Ce qui n’empêche pas le combat des idées. 

Dans le film « pour une poignée… de dollars » on se bat à coup de colts, mais le héros « l’étranger » rend la justice. En se battant contre le mal. Seul contre tous. A l’assemblée nationale chacun œuvre pour le bien et une poignée de main n’est ni une approbation ni une abdication. Qu’on se le dise. Pour que les séances télévisées du mardi et mercredi ne soient pas une foire d’empoigne. 

La répartition des postes et fonctions a eu lieu à l’assemblée. Les extrêmes opposants comme élus de la majorité ont été servis. Je m’en réjouis. M. Coquerel de LFi qui a lu Gramsci est devenu président de la commission des finances qui joue un rôle déterminant bien que de contrôle. Ce député répétait pendant la campagne électorale, à l’instar de son chef, « nous allons leur faire les poches ». Il parlait donc de moi aussi ! Je m’inquiète mais je table sur le sens de sa responsabilité qui comme l’innocence est présumée. Et sur son dépassement intellectuel au service de la collectivité. J’espère qu’il serrera la main des députés qui le contrediront quand il s’agira de parler de mes futurs impôts et taxes.

Je félicite Mme Yaël Braun- Pivet - par ailleurs avocate pénaliste ce qui me plait corporativement parlant ! - d’être la première femme élue au perchoir. Elle a immédiatement déclaré : « je ne ferai pas de tri entre les députés ». Que celui qui s’estime visé lève la main. Je pense qu’avec une femme à la présidence les conduites seront plus policées et les débats moins tendus. La raison doit l’emporter au- delà des egos, des postures, et des ambitions. Je me serre ma propre main pour y croire.