samedi 26 novembre 2016

LA RESPONSABILITÉ DES CITOYENS ET DES MEMBRES DES CONSEILS SYNDICAUX EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ

«  La responsabilité des citoyens et des membres des conseils syndicaux en matière de sécurité. » par Christian FREMAUX avocat honoraire au barreau de Paris et élu local,(conférence « face à l’insécurité, face à la délinquance , face aux terrorismes : tous concernés ? » pour la FNAIM du Grand Paris lors du salon de la copropriété à PARIS ) ,24 novembre 2016 .
Notre société  a développé l’assistance dans tous les domaines et l’on a perdu l’habitude d’assumer ses responsabilités. On a même fait figurer dans la Constitution le principe de précaution ce qui a découragé beaucoup de citoyens de prendre des initiatives .Beaucoup croient que tout problème n’arrive qu’aux autres  ou que si on est face à une difficulté on n’y est pour rien, que c’est la faute des autres, des circonstances, de l’Etat, et que la collectivité paiera voire l’assurance, ou la copropriété sinon le syndic quand il s’agit de l’immobilier. En un mot on estime avoir surtout des droits, on a oublié les devoirs. Cette période d’attentats nous appelle à plus de vigilance et à plus de responsabilité personnelle. Le droit nous interpelle  et nous rattrape  pour que nous assumions nos obligations de citoyen en particulier, et aussi quand nous décidons de nous impliquer dans la gestion de notre immeuble en devenant membre du conseil syndical, d’abord parce que nous y avons un intérêt personnel , c’est humain et ensuite parce que nous aimons nous  engager pour que les choses marchent bien en l’espèce la gestion de nos biens. Certes le copropriétaire fait confiance aux professionnels syndics ou gestionnaires, mais c’est une confiance mesurée, et il préfère parfois  être au cœur des dossiers. Engage t-il sa responsabilité en droit pour autant : c’est à cette question que je voudrai répondre dans une matière qui nous préoccupe tous : la sécurité.
Nous sommes en effet entrés dans un monde nouveau -déjà depuis plusieurs années - où notre sécurité est au centre des débats .Et cela va durer. Il faut entendre sécurité au  sens large. Les catastrophes naturelles comme les inondations d’avant l’été nous ont montré  qu’il y avait des insuffisances-certains parlent de fautes-  et qu’il y avait des dégâts considérables à réparer : des commerces n’avaient pas ré ouverts ; des maisons étaient au bord de la destruction ;  de nombreuses personnes avaient tout perdu et l’ETAT ou les assurances « flottaient »si je peux dire  en ne déclarant pas telle zone en catastrophe naturelle ou en ne versant pas les indemnisations. C’est aussi un problème de sécurité et il est possible que des procès s’ouvrent où on recherchera la responsabilité de tel service de l’Etat, de telles mairies, de tel propriétaire qui n’avait pas fait de travaux d’entretien ce qui a concouru indirectement aux dommages ,de tel syndic qui n’a pas pris de mesures préventives pour l’immeuble alors que le risque était connu, de tel syndicat de copropriétaires qui avait refusé de voter des mesures de protection .Mais il n’y a pas que des catastrophes naturelles : il y a aussi des fautes qui sont commises volontairement je parle surtout d’infractions comme le cambriolage ou le vol ou les trafics divers, ce qui concerne les copropriétaires,   ou involontairement , par négligences souvent,   en matière de gestion immobilière, ou parce que l’on n’a pas envie de décider une mesure qui va avoir un coût. La sécurité c’est donc la lutte contre la délinquance en général et comment se protéger, et ce sont aussi des mesures matérielles à prendre pour éviter tout incident humain ou matériel entrainant des dommages.
Je n’évoquerai pas la responsabilité des syndics car la jurisprudence est bien établie à leur encontre s’ils commettent des manquements, ou ne suivent pas les décisions de l’assemblée générale. Mon propos est de faire un point rapide sur la responsabilité en droit du citoyen copropriétaire ,et du copropriétaire qui s’est fait élire, et je l’en félicite, membre du conseil syndical, dans le domaine de la sécurité qui est une partie des obligations légales  mais qui prend  de plus en plus d’importance.
1°)LA RESPONSABILITE PERSONNELLE DU CITOYEN DANS LA GESTION DE SON BIEN .
La sécurité nous concerne dans notre vie quotidienne  et a pris une dimension nouvelle. Elle est la première des libertés et quand un pays n’assure plus la sécurité c’est le chaos, l’anarchie et donc des risques pour les biens et les personnes. Tout le monde peut citer des Etats-comme l’Afrique du sud, le Brésil et autres, la liste est longue- où les maisons ou appartements ont les portes blindées ; des grillages aux fenêtres ;  de la vidéo- protection ; du gardiennage armé, des vigiles… je n’y insiste pas .Les propriétaires ou habitants ne pouvant plus faire confiance aux pouvoirs publics organisent eux-mêmes leurs propres protections. Nous n’en sommes évidemment pas là en France et l’on peut remercier l’Etat et nos forces de l’ordre et de secours d’être aussi efficaces, même si on voudrait toujours plus et qu’il n’y ait plus de cambriolages, ou de vols ou de destructions de biens, et que les trafics disparaissent. Mais l’homme est ce qu’il est et il faut ne pas être naïf, mais réaliste. Nous devons donc agir aussi à notre niveau personnel. C’est un devoir, et le droit nous le rappelle : par exemple ne pas porter assistance à personne en péril, ou mettre quelqu’un en danger par une action ou une abstention, ce qui est prévu par le code pénal,   sont répréhensibles .Le citoyen doit le savoir : ne jamais rien faire n’est pas une garantie  que l’on sera toujours tranquille. Nul n’est censé ignorer la loi, mais la loi est devenue si confuse et nombreuse que parfois  on n’imagine pas ce qu’il faut faire !  Mais soyons optimistes .Les pouvoirs publics ont inventé des dispositifs pour nous rassurer  et protéger nos biens. Ainsi par exemple, et sans être exhaustif,  quand on part en vacances on peut demander à des policiers de venir sur place en notre absence vérifier que notre domicile n’a pas fait l’objet d’intrusions. Cela renforce la tranquillité du vacancier. Les mairies peuvent conclure une convention de « voisins vigilants » qui permet de signaler aux gendarmes  tel événement qui parait suspect mais qui n’autorise pas le citoyen à intervenir lui-même : il y a des limites à ne pas franchir sous peine de se mettre hors la loi, alors même que l’on aurait envie de « faire justice ». Des professionnels comme la FNAIM du Grand Paris ont signé des conventions de partenariat avec la plupart des autorités : leurs syndics sont parfaitement informés et peuvent intervenir en cas de signalement quelconque. Le citoyen doit jouer un rôle en matière de protection de l’immobilier, d’abord pour soi soyons un peu égoïstes.
On a compris, pour les attentats qui se multiplient désormais, qu’ils émanent de bandes de radicalisé(e)s ou d’individus qui se donnent des missions et s’auto -proclament martyrs, outre naturellement tout ce qui est organisé par l’Etat islamique dit Daech, ou autre structure malfaisante,  que le danger vient de l’extérieur comme de l’intérieur et qu’il y a des risques permanents, protéiformes  et que chacun  -je veux dire tout citoyen - là où il est, avec ses moyens, doit participer à la vigilance globale, et ne rien faire qui pourrait faciliter une action qui cause des dommages. Je ne veux pas dire pour autant que le citoyen doit se substituer aux professionnels et aux spécialistes, et dénoncer tout ce qui lui parait ne pas être normal. Il ne faut pas tomber dans la paranoïa : il s’agit d’être attentif et surtout responsable. C’est le cas dans l’immobilier.
*le propriétaire occupant doit respecter la destination de son bien (habitation, professionnel, commerce)  et ne pas en changer selon son bon vouloir ; il doit en profiter paisiblement et assumer ses obligations :payer ses charges en premier ; se conformer au règlement de copropriété ; s’intéresser à la gestion de l’immeuble ou de son lot ; aller aux assemblées générales sauf motif légitime ou s’y faire représenter  et voter, car la gestion d’un immeuble est une responsabilité collective mais qui dépend du vote de chacun ;collaborer avec le syndic  qui  est présent pour rappeler si nécessaire les règles de droit, conseiller et enfin exécuter les décisions votées .Il ne décide pas de son propre chef. En matière de sécurité le copropriétaire -citoyen  a des responsabilités accrues. Il doit accepter-selon moi- s’ il y a les moyens budgétaires et une raison forte, d’installer des moyens de protection ou de prévention et de contrôles ; d’entretenir l’immeuble, ses accès , ses fermetures, vérifier le va et vient dans l’immeuble ;  renouveler ou mettre aux normes le matériel, même si cela revient cher ;il doit réfléchir sur d’éventuelles difficultés accidentelles (inondations, incendies, explosions ,chutes..) ; il doit renouveler  en assemblée générale tous les ans l’autorisation pour les forces de l’ordre et de secours de pénétrer en permanence dans l’immeuble… Cela va de soi comme citoyen, mais s’additionne à ses obligations de copropriétaire .Autrement dit le copropriétaire citoyen a les mêmes devoirs que tout individu , mais il doit y ajouter des obligations spécifiques pour son immeuble, concernant la sécurité.
*Les articles 1382,1383 du code civil, 1384 dudit code pour les biens que l’on a sous sa garde et d’autres articles ou textes particuliers du code de l’urbanisme, du code pénal ou des lois particulières permettent d’engager sa responsabilité relativement à son bien, pour un comportement personnel « inapproprié », ou une faute commise dans l’utilisation de sa propriété, pour des dommages causés aux tiers. D’où d’ailleurs, la nécessité d’une bonne assurance que l’on soit occupant ou non.
* le copropriétaire est responsable   de son locataire pour divers manquements que celui-ci commet dans l’utilisation des parties communes, mais aussi  en ce qui le concerne pour des défauts de construction de l’immeuble, ou insuffisance de moyens de protection. Le locataire pourrait  lui reprocher par exemple s’il a été cambriolé, que l’immeuble ne soit pas assez protégé et qu’en assemblée générale des dispositions de sûreté n’aient pas été acceptées ?.

*il est responsable des fautes de son locataire à travers la jurisprudence dite des troubles anormaux de voisinage (sur la base de l’art.1382 du code civil et de l’art. 544. du même code): c’est celui qui joue du violon ou du piano dans la nuit ; qui fait la fête à toutes heures ; qui fume du cannabis partout ;  qui a des colocataires inconnus  et nombreux … enfin qui fait du bruit au delà de ce que l’on accepte habituellement ou de façon normale. (à condition de savoir ce qui est normal).[ cour de cassation ch.civ.3 .16 septembre 2015  pourvoi n°14-14518 pour la pratique d’un culte religieux contraire à la destination de l’immeuble ; et Cour de cassation ch.civ.3. 11 février 2016 n ° de pourvoi 14-16.309  transformant un lot en parking  pour les clients d’une salle de sport à l’intérieur de la copropriété].
*enfin, mais ce n’est que mon avis personnel et je peux me tromper, il pourrait être responsable  s’il refusait systématiquement toute proposition du conseil syndical ou du syndic en matière de sécurité , d’amélioration ou de protection des parties communes, des divers locaux, des parkings, des caves…et qu’un incident grave survenait ou qu’un copropriétaire était victime et subissait des dégâts tant matériels que moraux. Naturellement cet avis se discute, mais l’évolution de notre société tend à trouver des responsables ET coupables et plus personne n’accepte de n’être pas indemnisé, et d’accepter la fatalité, personne n’étant responsable de rien. Le citoyen est exigeant : il veut les avantages pas les inconvénients. Il veut pouvoir être libre de faire ce qu’il veut de son bien et n’avoir pas à se justifier. Mais si on y touche, alors attention aux autres, tout devient urgent et il faut une solution immédiatement… C’est compréhensible.

La qualité de copropriétaire n’assure donc pas la tranquillité car on peut être rattrapé par sa qualité de citoyen. Et il ne suffira pas de dire que c’est la faute des autres ou du syndic. Le copropriétaire a en effet des droits pour tenter de trouver des solutions.
Il peut solliciter l’inscription de questions qui l’intéresse à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale (article 10 du décret du 17 mars 1967) en respectant le délai de 21 jours avant la date de la réunion ( article 9 du décret).Et si le syndic résiste ou refuse ,la procédure de référé existe pour les questions urgentes et sérieuses.
On peut préciser qu’en cette période d’extrême vigilance liée aux attentats le copropriétaire ne peut vendre (voir les obligations liées à Tracfin) ou louer dans n’importe quelles conditions y compris financières, en se désintéressant de qui est son locataire ; ne pas s’inquiéter s’il s’aperçoit de mouvements inhabituels ou d’occupation « curieuse » ou de va et vient  qui sort de l’ordinaire ; de propos provocateurs…Son devoir-selon moi- est de s’en ouvrir à qui de droit, d’abord au syndic. Il ne s’agit pas de dénoncer, ou de se mêler de la vie privée ou de la liberté d’expression ou de conscience. Ce n’est pas de la délation. Mais un citoyen a un devoir même non écrit : celui  de participer à la paix et à la tranquillité collectives et donc de faire savoir à ceux qui sont chargés d’agir-avec des éléments tangibles et vérifiés- que tel comportement parait enfreindre la règle générale. Cette évidence me semble valable pour un copropriétaire qui est d’abord un citoyen. La sécurité est l’affaire de tous.
2°)LA RESPONSABILITE DE MEMBRE D’UN CONSEIL SYNDICAL..
Le citoyen copropriétaire peut vouloir s’investir encore plus et se faire élire au conseil syndical .Il a raison et j’encourage tous ceux qui le peuvent à le faire et à prendre le destin de leur immeuble en mains .Il va être bénévole, perdre du temps et parfois dépenser un peu de frais : il va devoir prendre des décisions. Sa responsabilité peut elle être engagée ce qui serait injuste ou le comble ?. Rappelons d’abord quelques principes avant de répondre à la question.
a)     L’article  21 de la loi de 1965 dispose que « dans tout syndicat de copropriétaires, un conseil syndical  assiste le syndic et contrôle  sa gestion ». Il est donc obligatoire de créer un conseil syndical : rapport de M.BONNEMAISON assemblée nationale  loi du 31 décembre 1985 doc.parl. AN, 1985, n°2960 page 16.Il faut donc qu’il y ait des conseillers pour constituer le conseil syndical, c ‘est une évidence. Les candidats sont les bienvenus .Cependant une assemblée générale  peut décider, par un vote à la double majorité de l’art.26 de ne pas instituer de conseil syndical, ce qui n’est jamais recommandé. Une nouvelle assemblée peut alors décider de revenir sur ce vote à la majorité de l’article 25 et constituer un conseil syndical. S’il y a blocage ou aucun candidat, l’article 48 du décret prévoit qu’un juge peut désigner les membres du conseil syndical et fixer la durée de leur mandat. Les copropriétaires ont donc intérêt à se dévouer plutôt que la justice s’en mêle.
Les membres du conseil syndical défendent les intérêts de la copropriété, cela va sans dire mais il est préférable que ce soit clair. Ils ne défendent pas leurs intérêts propres ou ceux du syndic .Ils contrôlent ledit syndic et l’assiste. Celui-ci doit consulter le conseil syndical pour diverses questions : dépenses dépassant l’autorisation des décisions votées en AG; élaboration de l’ordre du jour ; préparation du budget notamment. C’est le syndic qui représente le syndicat de copropriété (art.18 de la loi du 10 juillet 1965). Il agit avec l’autorisation de l’AG. ( art. 24 de la loi). Sauf pour les actions en recouvrement de créances (art.55 al.2 du décret du 17 mars 1965) ou en cas d’urgence ou d’une action intentée contre le syndicat.
b)    L’article 14 de la loi de 1965  dispose que « le syndicat est responsable  des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d’entretien des parties communes   , sans préjudice de toutes actions récursoires ( ce qui veut dire concrètement que l’on se retourne contre le copropriétaire qui est présumé responsable).[ Cassation civile 3ème chambre .17 décembre 2015 pourvoi n° 14-16.372 FS-P+B. jurisdata n°2015 -02309].
Si des infiltrations causent un préjudice dans un lot par exemple, le syndicat des copropriétaires est responsable : [Cour d’appel de paris -pôle 4. Ch.2 -janvier 2015 RG n°13.04476 jurisdata 2015. 002067].
Le syndicat des copropriétaires voit encore sa responsabilité engagée s’il procède à des travaux nécessaires voire obligatoires- pour des raisons de sécurité par exemple- mais qui ont des incidences sur des parties privatives : par exemple des boutiques doivent fermer plusieurs mois .Il pourrait être condamné  sur le fondement de l’article 9 de la loi qui dispose « que les copropriétaires qui subissent un préjudice par suite de l’exécution de travaux… ont droit à une indemnité ».[Cour de cassation.3ème civ. 14 janvier 2015 arrêt n°23 FS+P+B+1 pourvoi n° 13.28.030].
c)     Les « risques » liés aux gardiens et concierges de l’immeuble.
Ils sont des salariés  mais sont dotés d’un statut légal spécifique et dérogatoire :[voir jurisclasseur travail. Traité. Fasc. 5.50 n°1 et s.].
En effet ils assurent la garde de l’immeuble, leurs abords et dépendances  . Leur statut est régi par les articles L.7211-1 à L .7215-1 du code du travail. Une obligation de sécurité de résultats pèse sur l’employeur, outre les actions de prévention, de protection , et désormais de la pénibilité au travail :article L.4121-2 du code du travail (voir aussi pour la simplicité  du code du travail la loi dite REBSAMEN  sur le dialogue social et l’emploi n°2015-994 du 17 août 2015, et celle dite de Mme EL KHOMRI votée grâce à l’article 49.3 de la Constitution et promulguée  le 9 août 2016 ,mais toujours contestée).L’employeur doit respecter des principes de prévention ( par exemple pour que la sortie des poubelles ne soit pas une tâche trop difficile). Il faut identifier les risques et les éliminer à la source (en tenant le document unique d’évaluation, pièce obligatoire (art.L.4121-3 du code du travail). D’où l’intérêt d’avoir des conseillers syndicaux qui s’y intéressent, transmettent leurs conclusions et proposent des solutions. L’obligation de résultats veut dire que s’il y a un accident l’employeur devra prouver avoir mis en place tout moyen pour qu’il n’y ait pas de conséquences en cas de mauvaise manœuvre, ou erreur, voire mauvaise manipulation du salarié qui a contribué à son propre dommage. On ne pourra pas dire « je ne savais pas ; ou on en a discuté mais on n’a pas décidé ; ou on n’avait pas le budget ». On ne regarde que le résultat, pas ce qui s’est passé avant  et s’il y a des circonstances atténuantes. Certes la Cour de cassation vient de nuancer la sévérité de sa jurisprudence par un arrêt du 25 novembre 2015 qui indique : « ne méconnait pas l’obligation légale lui imposant de prendre des mesures nécessaires pour assurer la sécurité et pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui JUSTIFIE avoir pris les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail »[Cour de cassation ch.civ.1 pourvoi n°14-21434].Cela ne veut pas dire que l’obligation de résultats est devenue une simple obligation de moyens. Elle reste au moins une obligation de moyens renforcée et les employeurs en cette matière de la sécurité doivent être très entreprenants. A défaut leur responsabilité peut être engagée.
Et je réponds donc à la question : les membres du conseil syndical constituent en fait le syndicat des copropriétaires  et c’est vers eux que l’on va se tourner s’il y a une grave difficulté. Ils répondront : «  je ne savais pas ; on ne m’a pas écouté ; les autres ont dit non ; c’est la faute de X ou Y, de l’entreprise… ». Peut être mais ils devront aussi répondre aux questions, ce que personne n’aime.
Alors faut il continuer à être conseiller syndical ? Je réponds fermement oui, car l’immeuble vous appartient, votre bien personnel et vos finances sont concernés et vous avez intérêt à vous investir. Le droit l’a bien compris, on peut être rassuré.
d)    LE DROIT EST BIENVEILLANT POUR LES MEMBRES DU CONSEIL SYNDICAL.
Il résulte d’une étude de Me Colette CHAZETTE avocate au barreau de Lyon [informations rapides de la copropriété n°620 .Juillet-août 2016 page 13 et suivantes] qu’il y a en réalité une redistribution des rôles au sein des copropriétés, et que si les professionnels sont indispensables et de mieux en mieux formés, les copropriétaires doivent plus participer et être soutenus. C’est une bonne nouvelle .On se dirige vers une nouvelle gouvernance : l’avenir nous dira si c’est vrai et surtout efficace. Y aura – t il plus de mise en cause de la responsabilité des membres des conseils syndicaux ?. J’espère que non, sinon la démocratie dans l’immeuble n’aurait plus de sens : on ne peut vouloir que les copropriétaires prennent des décisions et en même temps les sanctionner s’ils se trompent, forcément de bonne foi  .La loi évolue et parfois en contredit une précédente : on ne peut incriminer ceux qui essaient de comprendre et d’agir. Prenons un petit exemple. La loi ALUR  n°2014-366 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové de Mme DUFLOT  promulguée le 26 mars 2014 a imposé au conseil syndical une mise en concurrence du syndic lors de chaque désignation, entre autres diverses et nombreuses mesures qui sont encore décriées à ce jour, et qui ont fait l’objet de nombreux textes à connaitre , puis à interpréter par les tribunaux.(c’est ce que l’on appelle l’insécurité juridique même pour les professionnels du droit).Mais vous le savez dans notre beau pays les gouvernements changent et ce qu’un ministre a fait , un autre peut le défaire même s’il est du même parti politique, avec le même chef de l’ETAT.
Ainsi la loi de M.MACRON du 6 août 2015  n°2015-990  pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques contenait des dispositions sur le logement et a  assoupli ce que je viens de citer pour Mme DUFLOT : désormais l’article 21 dispose que « tous les trois (3 ) ans le conseil syndical procède à la mise en concurrence  de plusieurs projets de contrats de syndic ». Sauf si par AG à la majorité de l’article 25, celle-ci en a dispensé le conseil syndical. C’est donc moins contraignant et il y a moins de risque d’oubli des membres du conseil syndical, car en la matière –et c’est logique- le syndic en place ne va pas pousser  à sa sortie.
On tend vers plus de pouvoirs pré-décisionnels  pour le conseil syndical ce qui ne veut pas dire plus de responsabilité pour chacun de ses membres. Je vous invite donc à être candidat et vous faire élire   , à travailler collectivement, et à collaborer avec loyauté avec le syndic, réciproquement naturellement.
Le conseil syndical donc ses membres, a aussi des obligations. Il devra rendre compte verbalement ou par écrit ce que je conseille, de sa bonne gestion  ce qui n’est pas vraiment nouveau : [réponse ministérielle 30 novembre 2004 p.9511 n°46780].S’il y avait carences ou manquements avérés par exemple pas de mise en concurrence au moment voulu ; défaut de vérifications comptables ; choix d’un mauvais prestataire ou collusion avec des entreprises, ( ce que personne n’ose imaginer) il pourrait y avoir engagement de responsabilité  pour faute personnelle . D’où l’intérêt de contracter une bonne assurance pour ces fonctions ? : [lire J.M.GELINET la responsabilité des membres du conseil syndical Revue des loyers n°880 octobre 2007].
On peut être rassurés. On ne recherche pas particulièrement la responsabilité d’un membre d’un conseil syndical pour la raison suivante :«la complexité des textes juridiques et comptables actuels ainsi que le manque de formations théorique et pratique des conseillers syndicaux plaident en faveur d’une bienveillance du juge à leur endroit »[info.rapides copro. septembre 2011- J.M. ROUX].Le mieux est évidemment de n’avoir jamais affaire au juge ce qui évite tout stress.
           
                   EN GUISE DE CONCLUSION
En matière de sécurité, d’une façon globale, tout le monde doit prendre ses responsabilités  comme citoyen attaché à nos valeurs, à nos principes de droit, et à notre manière de vivre. Les pouvoirs publics et les professionnels ne peuvent être partout et tout faire. Il nous appartient d’être actif.
Un immeuble est un microcosme qui résume à lui seul les problèmes de sécurité qui nous défient et souvent nous bouleversent, par ses habitants permanents, ceux qui y passent, ceux qui y travaillent, les professionnels qui le gèrent, et les forces de l’ordre et de secours qui accourent quand nous en avons besoin. L’immeuble nous oblige à ne pas revendiquer que des droits, et nous impose d’accomplir nos devoirs même si notre intérêt direct est concerné. L’immeuble est un lieu de vie entre des individus différents, un espace de compromis, de négociations   ,de tentatives de comprendre les autres, donc d’être tolérants.
La sécurité est l’enjeu des prochaines années. Nous devons tous en être conscients et décidés à jouer notre rôle modeste. Restez citoyen en étant copropriétaire et la société tout entière y trouvera profit.







mardi 8 novembre 2016

A PROPOS DE LÉGITIME DÉFENSE.

A propos de légitime défense.
Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
Non  les policiers ne demandent pas un « permis de tuer » comme 007 le célèbre agent secret de sa majesté et ce n’est pas l’esprit de vengeance  ou la volonté d’imposer leur force qui les animent quand ils protestent contre leurs conditions de travail déplorables, leur manque de moyens, et le peu de considération dont ils bénéficient des bien –pensants autoproclamés alors qu’on les acclamait après les attentats contre Charlie –hebdo-. Il ne faut pas caricaturer une demande  qui consiste à avoir le droit de sauver leur peau  quand ils sont agressés et pouvoir faire usage de leurs armes dans des cas exceptionnels, peu nombreux, sous le contrôle des tribunaux  et des éventuelles enquêtes de  l’inspection générale de leurs services. Ils veulent un permis de vivre et de ne pas être blessés, pour simplement exercer leur métier dont chacun s’accorde à le considérer comme essentiel dans notre société en proie aux menaces de toute nature.
Il ne me parait pas  utile d’ essayer de comprendre la motivation des voyous ou des agresseurs divers, qui agissent souvent en bande , car seuls ils n’osent pas, et qui cherchent à se  justifier-quand ils n’ont pas pour unique raison de casser du flic- sous des prétextes sociologiques aussi fumeux  que faux, sauf pour préserver ce qu’ils considèrent être «  leur » territoire où personne ne doit pénétrer sans leur « autorisation» ce qui leur permet de continuer leurs trafics en toute quiétude !Mais si l’ascenseur ne marche pas bien dans certaines tours d’HLM ce qui est un problème matériel et peut s’arranger, en revanche l’ascenseur social est à leur disposition s’ils veulent se donner la peine de se lever tôt le matin, aller à l’école ou en formation, et respecter les autres , sans se prétendre victime de tout et tous  et en demandant encore plus à l’Etat providence qui est exsangue  et en quasi faillite. Les droits individuels ne peuvent l’emporter sur les devoirs collectifs, et la responsabilité personnelle n’est pas une option : il faut aussi se prendre en mains et assumer ses actes ou ses refus. On ne peut admettre de la violence ou une certaine forme de rébellion comme celle des zadistes, des casseurs en marge des manifestations autorisées, avec des politiques ou des personnalités qui prônent « la révolution »(sic) ou désignent des boucs émissaires (la finance donc les riches ; le patronat ; les élus…). Il faut  construire  une société juste, plus apaisée, tolérante, rassemblée, avec des valeurs communes et combattre sans merci tous ceux qui utilisent la violence pour faire triompher leur prétendue vérité ou leurs intérêts propres .Le devoir des autorités est de protéger les citoyens donc de donner aux forces de l’ordre, à celles de secours, à ceux qui se dévouent, les moyens d’agir et d’avoir une sécurité juridique.
Même si l’on met à part les actes terroristes combattus avec énergie par le gouvernement et qui reposent sur des causes spécifiques y compris chez nous en France pays des droits de l’homme, des lumières, de la démocratie et de la république, il n’en résulte pas moins de l’actualité que des voyous  avec des armes de guerre, des cocktails molotov (savent ils qui était molotov ?), ou avec leur voiture arme par destination, cherchent à tuer volontairement. Il me paraît donc logique qu’ils soient soumis- en théorie bien sûr car on ne peut imiter leur comportement et l’Etat ne peut encourager la mort même de ses pires ennemis- aux risques de leur métier illégal, et de leurs actions inhumaines, à savoir être blessés ou tués par ceux qui représentent la force légitime, qui ont une conscience et qui sont républicains, et qui ne font usage de leurs armes  que pour se défendre. Il va de soi que l’on espère le moins d’incident possible mais cela dépend des agresseurs  !Il ne s’agit pas comme aux USA, pour d’autres raisons, d’accepter que l’on tire à tort et à travers, même sans menace ou danger ou à titre « préventif », ou que la constitution autorise chaque citoyen de porter un colt à sa ceinture. Le nouveau Président américain devra essayer de faire mieux que Barack  Obama en matière d’armes et de tuerie de masse, mais c’est un autre problème. En France deux systèmes de droit cohabitent  dans le domaine de l’usage des armes par les forces de l’ordre.
Les gendarmes s’appuient sur l’article 174 du décret du 20 mai …1903 devenu l’article 2338-3 du code de la défense. Ils doivent d’abord faire des sommations et ne tirer qu’en cas d’absolue nécessité, condition exigée par la cour de cassation par arrêt du 18 février 2003. Elle a précisé sa jurisprudence par arrêt du 12 mars 2013 (pourvoi n°12-82683) :outre la confirmation de l’absolue nécessité (non définie par les magistrats ce qui laisse une incertitude), les gendarmes peuvent mettre fin à une situation  objectivement dangereuse.
Les policiers  doivent respecter les conditions de la légitime défense telles que prévues à l’article 122-5 du code pénal  qui dispose : « n’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui , accomplit dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ».L’exigence de proportionnalité est la source de nombreux contentieux et fait peser sur le policier une restriction à sa réaction.
A la suite des attentats du 13 novembre 2015, la loi du 3 juin 2016 a introduit une disposition spécifique pour les forces de l’ordre. L’article 122-4-1 du code pénal permet à un policier, un gendarme, un militaire, un agent des douanes de faire  «  un usage absolument nécessaire et strictement proportionné de son arme dans le but exclusif  d’empêcher la réitération , dans un temps rapproché, d’un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis, lorsque l’agent a des raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont il dispose au moment où il fait usage de son arme ». Ce texte est plus favorable aux policiers, mais ceux –ci  veulent encore plus de précisions et la discussion est ouverte car le débat est sensible et on ne peut autoriser n’importe quoi au regard de la vie d’un individu, serait –il un « malfaisant » ou un délinquant avéré, tout en sachant que ces derniers n’ont pas les mêmes scrupules ni de morale.
La présomption de légitime défense me parait délicate à mettre en œuvre voire dangereuse car elle peut conduire à des excès certes  rares mais qui relanceront les polémiques .Il serait peut être judicieux d’essayer de rapprocher  ou d’harmoniser sinon  de les confondre, les règles d’intervention des gendarmes qui sont des militaires et des policiers qui ont une autre culture même si une  uniformatisation est possible, car tous tendent vers le même but : faire respecter la loi  et arrêter les délinquants .Le gouvernement vient de lancer une réflexion confiée à l’INHESJ (institut national des hautes études de la sécurité et de la justice) dont le directeur est après un ancien préfet de région, une magistrate du  parquet de métier qui connait le sujet,  ce  qui à titre personnel me réjouit car je suis un ancien auditeur de cet institut qui fait se rencontrer les hauts cadres du public et du privé, et président d’honneur de l’association nationale des auditeurs.   Je ne sais pas si des décisions pourront être prises en raison de la campagne présidentielle, mais je souhaite pour nos amis policiers que ce point de droit fondamental soit éclairci  au plus vite, et que la peur change de camp, à savoir que ceux qui commettent des crimes, des assassinats, et des tentatives,  sachent qu’ils risquent leur peau s’ils attaquent. Ceci dit en toute fraternité  et sans haine, mais en  souhaitant que l’on rétablisse l’autorité en tous les domaines, la sécurité étant la première des libertés .Peut être aussi faudra-t-il associer à la réflexion les polices municipales et les entreprises de sécurité privée avec leur près de 240 .000 salariés ? Je sais bien que le débat sur la légitime défense n’est pas le sujet majeur de la campagne électorale qui débute. Mais celui de la sécurité l’est et chacun d’entre nous en a assez des prétendus « sauvageons », des bandes de casseurs, des jeunes trafiquants, des vols divers en zone rurale, des agressions permanentes, et de l’intérêt apparent des médias  pour les voyous plus que pour les victimes, ce qui crée un climat délétère qui ne permet pas  de s’attaquer  dans la sérénité aux problèmes structurels et de fond. Je mets de côté bien sûr le terrorisme qui nous oblige à être très vigilant et réactif, quelque soit le président élu   , et que nous devons combattre avec une extrême force en étant tous solidaires quelques soient nos choix partisans.

Dans la petite commune rurale  de l’Oise où je suis élu on rappelle chaque année lors des cérémonies du 11 novembre le nom de ceux qui sont morts au champ d’honneur ou pour la France. C’est un devoir de mémoire qui honore les vivants. Je ne voudrai pas qu’on y ajoute alors que nous sommes en temps de paix, les noms des policiers ou des gendarmes qui se sacrifient pour que nous puissions vaquer à nos occupations, tranquilles  et sans responsabilité .La sécurité est l’affaire de tous  et rien ne justifie la violence. Ce qui se passe à l’étranger, en Syrie par exemple où l’on bombarde les hôpitaux, ou ailleurs dans un monde proche à feu et à sang, devrait nous servir d’exemple. On a le devoir d’être modérés et de régler nos différends dans le cadre légal et digne d’une démocratie, et si on a « la rage » pour des raisons diverses de ne pas ajouter du malheur au malheur. Faire du mal à l’autre qui n’y peut rien et représente l’ETAT est vain et injuste. Le débat sur la légitime défense n’est pas qu’un problème de droit, de loi avec ses compromis, de justice (les magistrats appliquent les textes votés par le parlement) ,ou de simples conditions d’ouverture du feu. C’est aussi un symbole et le renforcement de nos valeurs républicaines car les rapports des forces de l’ordre avec la population, et l’application de l’ordre public, témoignent de la société dans laquelle on veut exercer le vivre-ensemble, notion un peu creuse certes, mais qui permet la tolérance et le respect de l’autre. Il faut que nous soyons tous d’accord sur un but commun : faire  primer la loi (même si elle nous déplaît), éradiquer autant que faire se peut car l’homme est un loup pour l’homme, la violence sous toutes ses formes et considérer que la société a le droit de se défendre, et donc de sanctionner ceux qui dévient  et ne suivent  pas la règle commune. Punir n’est pas un gros mot même si ce n’est pas la panacée .Il faut aussi éduquer et aider. Mais ne soyons pas naïfs :la prévention et l’amélioration des conditions de vie de chaque citoyen  sont indispensables, mais  certains individus sont inamendables, malheureusement, et leur  tendre la main une fois , deux fois… vingt fois,  ne sert à rien .La sanction est le pendant des droits individuels que nous recevons et s’assimile à un devoir d’exemplarité, qui que l’on soit, à sa place, avec ses moyens. Le débat sur la légitime défense s’inscrit dans celui des droits et des devoirs de l’homme.