jeudi 31 mars 2022

L’avenir dépend de nous.

 

                               L’avenir dépend de nous.

                        Par Christian FREMAUX avocat honoraire.

Il est toujours hasardeux de transférer des concepts anciens à l’époque contemporaine et prétendre que tel ou telle aurait pris la décision que l’on suggère et qui nous fait plaisir. Ainsi en 2022 pour justifier leurs positions et leurs visions du pays beaucoup de candidats évoquent- ils en vrac Charles Martel, Jeanne d’Arc, Clémenceau ou Jaurès et Charles de Gaulle surtout pour ceux qui ont combattu le général dans leurs partis politiques respectifs dont ils sont les héritiers. La mémoire est sélective et tous les arguments sont bons, même les inaudibles. Des candidats pensent qu’être élu vaut bien une messe ou d’aller à Canossa. Après selon la conjoncture et les faits qui sont têtus on improvisera et l’électeur floué devra se soumettre. Ce n’est pas certain par les temps agités qui courent et l’électeur sent que son vote va déterminer son avenir qui lui appartient : il veut des résultats concrets, de la tranquillité, de la sécurité d’esprit et matérielle, et au plus vite. Il ne veut pas se déranger pour rien !

On dit que la campagne électorale présidentielle a été inexistante en raison de la crise de la covid-19 où l’on voyait jours et nuits à la télévision des infectiologues et experts médicaux qui ne savaient rien mais nous rendaient malades de peur. Puis que la guerre Ukraine -Russie a entrainé une telle angoisse que l’on ne parle que de cela les hauts militaires de réserve et les stratèges de toute nature ayant remplacé les scientifiques dans les étranges lucarnes. On est dans l’émotion, dans l’humanitaire. J’apprends ma géographie de l’Est de l’Europe et son histoire tous les jours, qu’il y a un méchant et un gentil pathétique, que l’Otan est revigorée, que les énergies vont manquer, que les victimes innocentes sont nombreuses … sujets très importants qui se mêlent à nos problèmes internes fondamentaux qui doivent se régler à l’occasion de la présidentielle qui est faite pour cela.

Je ne partage pas cette objection qu’il n’y a pas eu de campagne électorale qui va d’ailleurs se poursuivre jusqu’aux élections législatives de Juin. D’abord parce qu’il est utile et instructif de connaitre le passé à savoir que l’histoire est tragique, que la sérénité de la république démocratique qui est la nôtre n’est pas un long fleuve tranquille à vie, et que tout peut arriver chez nous y compris des soubresauts violents et des confrontations locales entre communautés ou contre les représentants de l’Etat et pour des motifs sociaux voire sociétaux. L’électeur doit voter avec ces hypothèses en tête. Et cela devrait inciter les candidat(e)s à faire des offres ou des projets consensuels, mais réalistes, applicables et non reliés à une idéologie ou au soutien de tel ou tel camp. Ensuite parce que la campagne électorale a lieu de meetings olfactifs à des réunions plus ciblées, et à des joutes entre deux candidats voire à des insultes outre les sondages permanents. L’électeur apprend les propositions de tel ou telle candidat(e) au fur et à mesure qu’il ou elle les révèle ou… en change !  Les candidats se déplacent et vont sur le terrain pour se faire interpeller : c’est sain. On ne peut pas dire je ne savais pas.

 Certes il n’y aura pas un ring réunissant tous les candidats dont M. Macron qui s’invectivent, se disputent et que l’on arbitre 1 (le président sortant) contre 11 (les prétendants qui l’accablent). Il y aurait un vainqueur par KO ou aux points (et non aux poings) ou un match nul et les français(es) admirateurs des épreuves de force auraient été contents. Dans les élections précédentes il n’y a pas eu un débat général avec le président sortant comme nouveau candidat. Je ne parle pas de M. Hollande qui avait renoncé. Pourquoi créer une jurisprudence ? C’est grotesque et inutile dans une démocratie où la raison doit l’emporter, où le dialogue doit être constructif et où le gagnant pourra mettre en œuvre sa politique dans les 5 ans. Sans encourir le reproche d’illégitimité faute de campagne contradictoire avec échange d’arguties en direct. La télévision ne fait pas l’élection. Il y aura le débat du 2ème tour. La rue partiale et partisane et non représentative ne peut jamais diriger et exiger quel qu’en soit le prétexte.  Il lui suffit d’aller voter. On n’a pas besoin d’un boxeur ou d’un karatéka verbal voire d’un débatteur blablateur hors pair qui prodigue des promesses. Le futur chef de l’Etat doit être au-dessus de la contingence sans l’ignorer, écouter tout le monde puis faire l’union en décidant.

Alexis de Tocqueville au 19ème siècle disait que la démocratie a besoin de contre-pouvoirs pour se protéger de la tyrannie de la majorité. On est arrivé au contraire et on cède aux minorités surtout bruyantes et celles qui déconstruisent et veulent que la France se repente, s’excuse et se transforme contrairement à ses valeurs traditionnelles et surtout républicaines. Tout ne se vaut pas. On ne peut remplacer ce qui existe en faisant un pari sur un prétendu apport. La nation n’est pas un territoire où chacun s’installe et fait ce qu’il veut.

Les électeurs détiennent la clé de l’avenir. C’est facile de dire je m’abstiens parce que les politiques sont nuls, corrompus et insuffisants. Et le citoyen a- t -il toutes les qualités pour aller passer quelques minutes dans un isoloir tous les 5 ans pour choisir son futur ? L’électeur ne doit pas se rendre sourd pour ne pas entendre les solutions des candidats, et il doit savoir lire pour examiner ce qu’on lui promet. Les crises nous ont ouvert les yeux : la covid- 19 a montré les limites des pouvoirs de l’Etat et combien il était nécessaire de le réformer avec les services publics et de faire confiance aux élus. Le travail doit redevenir une vertu cardinale et doit mieux payer en première ligne et ailleurs .Il n’y a pas d’argent magique quelqu’un paie à la fin. La proximité s’impose pour tout.

La guerre Ukraine -Russie montre que la démocratie est fragile et qu’elle n’est jamais acquise. Nous devrions être fiers de notre pays et de nos institutions et plus modestes dans nos revendications même s’il est normal de défendre ses intérêts. La violence et les émeutes pour tout et rien ne résolvent aucune difficulté et crispent les esprits. Il ne suffit pas de vouloir et de croire ou de réclamer en hurlant pour que cela soit la vérité. Les minorités peuvent se tromper. Et le progrès pour les uns est une régression pour les autres. Une autre campagne électorale n’aurait rien apporté de plus. Nous avons suffisamment de choix pour aller voter en toute connaissance de cause, en conscience et libertés.

Pensons à ceux qui sont sous les bombes ou qui meurent de faim et de soif ou qui sont victimes de régimes politiques tyranniques. Ne faisons pas les enfants gâtés. Donnons ce qui ne coûte rien l’exemple au monde entier de ce qu’il recherche à savoir pouvoir décider librement. Faisons notre devoir de citoyen éclairé et majeur. Allons aux urnes en masse ne serait- ce que pour déjouer tout pronostic. Nous avons notre destin en mains.      

dimanche 27 mars 2022

Paroles verbales bien qu’écrites.

 

                   Paroles verbales bien qu’écrites.

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire.

On dit qu’il y a parole verbale lorsque le verbe sert à remplacer l’action et ne conduit qu’à des généralités sans conséquences concrètes. C’est de la communication. Une campagne électorale se prête à des annonces parfois échevelées qui ne seront jamais mises en œuvre. Il s’agit de séduire l’électeur. Et les orateurs ne sont pas avare d’effet de manche. Parfois un document officiel écrit peut être considéré comme une parole verbale.

Dans le conflit Ukraine -Russie les instances internationales sont à la manœuvre, l’Onu d’abord. Ensuite les juridictions internationales comme la Cour internationale de Justice [C.I.J.] qui est un organe des Nations Unies et ne juge que les Etats, par exemple pour une difficulté de frontières ou autre sujet plus grave sur plainte d’un Etat. Puis la Cour Pénale internationale [C.P.I.] qui est une juridiction indépendante s’intéressant aux individus, ceux qui décident les chefs d’Etat et leur état- major pour examiner leurs responsabilités en cas de génocide ou crimes contre l’humanité ou de guerre ou crimes d’agression. La C.I.J. fait connaitre ses décisions par voie d’ordonnance ou d’arrêt. La C.P.I. de même.  Nous sommes dans l’écrit mais je fais un parallèle osé avec les paroles verbales car il arrive - c’est le cas en ce moment - que les écrits ne soient suivis d’aucun résultat.

Une résolution à l’ONU est l’expression formelle des Etats avec un préambule qui expose les motifs et un dispositif qui décide et ordonne. Il y a 193 Etats membres. L’assemblée générale de l’ONU dans une résolution du 24 Mars 2022 adoptée par 140 Etats, 5 ayant voté contre et 38 s’étant abstenus a exigé l’arrêt immédiat de la guerre, la protection des civils et le respect du droit international humanitaire. M. Poutine certainement rendu sourd par le bruit de ses bombes n’a pas bronché. Mais il sait lire.

La C.I.J. plus haut tribunal de l’Onu avait déjà ordonné le 19 Mars 2022 à la Russie de suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine. Mais en droit les « ordres » de la cour ne sont que des mesures provisoires édictées dans l’urgence en attendant un jugement sur le fond dans un temps lointain. Par ailleurs l’ONU n’a ni le pouvoir prévu par les textes ni les moyens d’envoyer sur le terrain des soldats ou des policiers pour faire respecter ses décisions notamment ses résolutions. Les casques bleus qui se battent contre aucune partie sont forces d’interposition et de maintien de la paix et ne sont déployés que par une décision spécifique du conseil de sécurité où la Russie a un droit de veto, ou par l’assemblée générale. Et sauf si on décidait au cas d’espèce de changer brutalement les règles du droit international et les statuts de l’Onu ce qui ne sera pas demain la veille mais je peux me tromper.

La C.P.I. s’est aussi prononcée fermement. Alors que la Russie n’a pas daigné comparaitre devant la cour, celle- ci a rendu le 16 mars 2022 une ordonnance (c’est comme un jugement) exigeant que la Russie cesse son agression et veille à ce qu’aucune unité militaire régulière ou non (des mercenaires) ne commette d’actes tendant à la poursuite de la guerre y compris sur éventuelle demande des pro-russes du Donbass .Nous sommes encore dans le cadre de mesures conservatoires qui bien qu’obligatoires ne peuvent être appliquées de force à la Russie. M. Poutine qui a compris que les occidentaux ne veulent pas être des co-belligérants continue donc son offensive.

On dit que l’autocrate russe méprise le droit international. C’est vrai quand celui -ci lui est défavorable. Mais il l’utilise à son profit quand il soutient qu’il a déclenché la guerre pour arrêter le génocide des populations anti ukrainiennes dans les régions de Donetsk et Louhansk et pour « dénazifier » l’Ukraine afin qu’elle devienne plus démocratique et se libère d’un régime de profiteurs les oligarques ukrainiens et d’un gouvernement à la solde des USA je suppose ?  Le bluff est énorme et le droit international qui est fondé sur des valeurs universelles ne peut tolérer qu’on lui torde le cou ainsi. Ceci dit que fait- on pour sortir de l’impasse ?  

Soyons pratiques. Pour que les résolutions de l’Onu et les décisions judiciaires de la C.I.J. et de la C.P.I. soient efficaces il faudra créer des moyens d’intervention forcée pour les rendre exécutoires sur place. Sinon on restera dans les intentions louables et on sera à la merci de la bonne volonté d’un agresseur qui décide d’arrêter ou de persévérer voire d’accentuer ses exactions selon son bon vouloir et ses intérêts. La communauté internationale est ridicule en réalité impuissante et les beaux discours les plus raisonnables et émouvants soient-ils ne servent pas à grand-chose. Sauf à mobiliser l’opinion mondiale. Mais un agresseur comme M. Poutine qui doit avoir aussi des visées internes et personnelles se soucie- t- il de l’avis des autres et de la clameur indignée ?

Les coups de menton qui rappellent des mauvais souvenirs de l’histoire ne règlent rien. Les responsables des institutions internationales sont dépourvus quand la bise glaciale vient de l’Est profond. Il faut cependant maintenir la pression et utiliser toutes les sanctions économiques ou individuelles possibles même si elles ont un effet pervers en nous frappant par ricochet. Pourquoi interdire aux entreprises françaises de ne plus travailler en Russie ce qui va entrainer du chômage sur place et chez nous ? Personnellement je trouve injuste de bannir la culture ancienne et les artistes russes contemporains et faire en sorte qu’ils soient tenus pour complices de M. Poutine alors qu’ils sont aussi victimes. On n’est pas obligé de se servir des armes excessives de la guerre et de tout balayer y compris le passé des peuples. On ne lutte pas contre des individus mais contre un régime politique qui a dérivé et un homme submergé par une volonté de puissance et peut être désormais dépassé par le monstre qu’il a créé. Il a « gagné » déjà : l’Otan est ressuscitée ! Et l’Union Européenne s’est soudée et a compris quoi faire pour son avenir. Le tsar de l’ex- KGB ne peut que perdre sur la longueur car la Russie ne sera jamais le maitre du monde. Et un Etat grand par la taille et la population outre son histoire ne peut être au ban des nations ad vitam aeternam. Les diplomates vont devoir trouver un compromis même s’il apparait injuste. En justice souvent toutes les parties sont mécontentes du jugement rendu.

 Les paroles s’envolent mais parfois elles sont plus fortes que les canons et les missiles catalogués comme « défensifs » mais qui tuent aussi. Ne nous donnons pas bonne conscience en se mentant à soi -même. Les écrits, les décisions de justice restent mais souvent ils sont théoriques et posent des pétitions de principe. Soyons réalistes demandons l’impossible : que la guerre cesse et que l’on règle le conflit sur le tapis vert. Que le droit soit une arme de dissuasion massive. La vie y trouvera son compte.      

mercredi 16 mars 2022

Dictateur

 

                                 DICTATEUR

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.  

Lors de l’émission sur TF1 lundi 14 Mars 2022 où les 8 principaux candidats à l’élection présidentielle répondaient à des questions sur le conflit en Ukraine et un peu sur leurs propositions pour les français dans le prochain quinquennat, le journaliste Gilles Bouleau a posé à chacun la même question : M. Poutine est-il un dictateur ? comme si le vocable pouvait avoir une influence sur les combats ou expliquer la motivation de celui qui est un agresseur patenté.

Tous les candidats même ceux qui étaient soupçonnés d’avoir des penchants pour M. Poutine et pour la Russie ont refusé de répondre à la question au prétexte principal qu’un chef d’Etat réfléchit et ne cède pas à l’émotion, n’insulte pas l’avenir, qu’il n’a pas à qualifier péjorativement un collègue Président qu’il va fréquenter et avec qui il va falloir négocier. Ils ont eu raison. Mais personne n’est dupe face à la concentration de tous les pouvoirs dans les mains d’un seul homme. Les candidats ont donc esquivé une réponse franche et massive sauf M. Jadot l’excellent chef de ceux que certains qualifient de khmers verts ! Il a affirmé que oui M. Poutine était un dictateur. Je pense que ce dernier en a tremblé de peur.

Mais qui doutait que les méthodes brutales du chef de guerre russe ne respectaient pas le caractère humain de la vie, ni les canons du droit international et humanitaire ni les règles du droit de la guerre sur la protection des civils notamment ? Si l’on peut admettre qu’il y a des guerres propres qui ne font qu’un minimum de dégâts ! Au Proche et Moyen Orient, en Afrique avec les divisions internes dans les Etats ou sur des territoires, on constate tous les jours les conséquences des guerres ou de ce qui est appelé à l’est de l’Europe « une opération spéciale extérieure ». La guerre ne se divise pas en bonnes et mauvaises actions. 

La Cour Pénale Internationale [C.P.I] de La Haye a ordonné une enquête sur les actes de M. Poutine et de ses complices qui peut être dans l’avenir seront incarcérés pour génocide, crimes contre l’humanité et de guerre et crimes dits « d’agression ».  Mais observons que ni la Russie ni l’Ukraine n’ont ratifié le traité de Rome de 1998 fondateur de la C.P.I. On en profitera pour examiner ce qu’ont fait les dirigeants ukrainiens dans le Donbass où ils sont accusés de diverses « exactions » pour prendre un mot faible. Dans les causes rien n’est jamais tout blanc ou tout noir malgré les apparences. Et on est solidaire de toutes les victimes.

Le terme dictateur est surtout à usage interne. Ce sont les citoyens russes qui ont déjà connu l’ère soviétique et le goulag qui peuvent qualifier leur président. S’ils osent s’exprimer sans se retrouver en prison ou subir des représailles.  Que nous rapporte à nous démocrates et défenseurs des massacrés et exilés l’épithète de dictateur accolée à M. Poutine ou qu’il soit paranoïaque voire fou ? Qu’il le soit ou non, la guerre reste ce qu’elle est : mortelle.  Et la responsabilité du méchant Poutine est la même. Il y a 50 nuances de dictature ou de totalitarisme mais le résultat est constant : le mal, l’intolérance, la volonté de puissance, la peur de disparaitre ou d’être amoindri, la certitude que sa vérité exclut toute humanité, entrainent des souffrances et des vies brisées. Tout le reste n’est que sémantique. 

Des guerres ont été déclenchées aussi par des dirigeants sains de corps et d’esprit, humanistes déclarés et entourés d’hommes et de femmes raisonnables attachés aux libertés, à la démocratie et au droit. Et dans le respect de la vie la seule querelle qui vaille.  On a vu les conséquences pour les plus récentes en Serbie-Bosnie Herzégovine, en Irak, en Lybie, en Afghanistan, voire en Syrie et chacun a son exemple. Les motifs de guerre étaient louables, d’essence humaniste et libérale vérifiés et avérés du moins en théorie. On combattait pour le bien, pour la civilisation et pour chasser du pouvoir un tyran comme dans la philosophie athénienne. Mais aussi pour défendre des intérêts matériels et stratégiques des Etats ne le rappelons pas trop fort. La décision avait fait l’objet de débats publics et celui qui avait donné l’ordre n’était pas un dictateur. Mais il y a eu la guerre, sale par définition. Il ne faut pas avoir la mémoire courte et sélective.

Que M. Poutine soit un dictateur ce que je déplore peu me chaut. On prend les faits tels qu’ils sont. Serait-il un prétendu démocrate à la mode russe ou de fer que cela ne changerait rien. Saint-Just qui n’hésitait pas à faire couper des têtes affirmait que le bonheur est une idée neuve en Europe. On peut y ajouter que la démocratie telle que nous la concevons est une idée à implanter et conforter en permanence avec ses qualités et ses défauts. Chaque individu a le droit de vivre en liberté sans être à la merci d’autocrates persuadés de savoir ce qui est bon pour leurs peuples ou les autres. Deux guerres mondiales ont déjà eu lieu, évitons la 3 -ème en n’en rajoutant pas. Ce qui n’est pas défendre M. Poutine je le dis aux bien-pensants en proie à l’empathie ce qui est honorable mais ne modifie rien et donneurs de leçons de morale.

Alors dictateur, barbare, mégalomane, despote ou criminel ou tout autre qualification ne changent pas l’action néfaste de M. Poutine. Mais il faudra bien un cessez-le-feu et une sortie de crise qui sont du domaine des diplomates et des politiques. Georges Clemenceau disait que la guerre est une chose trop sérieuse pour la confier aux militaires. Elle est aussi trop grave pour la laisser à un dirigeant totalitaire et « possédé » comme l’aurait dit     Dostoïevski, sauf à le convaincre que son intérêt est de lâcher du lest sans exiger l’impossible à savoir que l’Ukraine perde de fait sa souveraineté. L’Ukraine devra aussi faire des concessions comme renoncer à son adhésion à l’Otan et/ou perdre le Donbass et la Crimée outre Odessa ? On essaie de trouver un compromis sans choisir son interlocuteur. Personne ne doit perdre la face il faut un gagnant -gagnant.Une guerre se termine mais il faut s’assurer d’une paix solide et durable. Charlie Chaplin le génial Charlot a réalisé en 1940 le film « le dictateur » en visant Mussolini et Hitler. Il contribua à mobiliser l’opinion en faveur des démocraties. Il n’empêcha pas la guerre.

 On peut se faire plaisir par le vocabulaire mais l’essentiel est de trouver des solutions concrètes pour arrêter la lutte armée. Et on doit faciliter l’action de notre chef de l’Etat qui maintient à juste titre le dialogue et essaie de trouver des mesures justes et efficaces. Sans que la France devienne une nation co-belligérante.          

mercredi 9 mars 2022

guerre ou paix et justice

 

                                         Guerre ou paix et Justice.

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 Accoler les termes guerre-justice c’est écrire un oxymore comme une douce violence. La guerre entre Etats se termine sur un champ de bataille avec un vainqueur et un vaincu et surtout deux éclopés, ou sur le tapis vert par la diplomatie qui conduit à la signature d’un traité international donc par des clauses de droit. Voire par une juridiction qui rend un avis ou un arrêt qui tranche juridiquement le conflit. Tout ceci peut entrainer ensuite des difficultés d’exécution ou d’interprétation et reconduire aux armes, le 20-ème siècle nous l’a appris. La justice internationale a-t-elle le pouvoir d’arrêter la guerre ou d’ordonner le cessez- le -feu puisque l’Ukraine a saisi diverses instances pour que la Russie soit contrainte de mettre fin à son agression. M. Poutine va -t- il avoir peur des juges ? La paix dépend-elle du droit international ?

Le philosophe Pascal Bruckner écrit que « les européens prenaient la paix [depuis 1945] pour la norme alors qu’elle n’était que l’exception. La parenthèse est fermée. Le réveil est effroyable ». On ne croyait plus au mal et on pensait que l’Europe permettrait l’harmonie par le droit, avec des frontières ouvertes facilitant l’accueil des plus exposés ou des plus utiles, outre des religions pouvant s’exercer dans l’ignorance de ceux qui ne croient pas et sans les nations devenues désuètes. On a péché par bienveillance et naïveté dans le cadre de la mondialisation qui devait abolir tous les antagonismes malgré quelques perdants. Restaient d’autres valeurs historiques pas matérielles mais humaines et spirituelles avec des individus avides de libertés et de démocratie que l’on a négligées. Notamment le poids de l’histoire des populations longtemps sous le joug, l’espoir de vivre mieux et indépendantes avec des ambitions qui ne plaisent pas à certains. Francis Fukuyama avait annoncé la fin de l’histoire après la chute du mur de Berlin et le triomphe de la démocratie occidentale. Il s’est trompé. On vient de faire dans la précipitation une révision urgente et drastique de la nécessité de la nation, de notre protection contre toute menace sur notre civilisation ou simplement sur notre territoire soyons modestes. Ou pour pallier les errements de dirigeants y compris en Europe qui par leurs comportements hégémoniques ou de puissance entrainent des dommages collatéraux loin de leurs bases. Le terrorisme islamique a redistribué les cartes et a choisi la voie de la terreur, la guerre tous azimuts et permanente. Nos yeux se sont dessillés mais parce qu’en France les grands principes démocratiques prévalent à juste titre on hésite encore à considérer que l’on est attaqué par idéologie globale. On prend des mesures préventives et nos tribunaux jugent les responsables des attentats. Nos forces armées sont prêtes à toute éventualité.

 Il y a des dizaines de conflits armés dans le monde sur tous les continents et parfois plusieurs dans un pays ou une même région. Chaque Etat défend ce en quoi il croit ou parce qu’il est concerné directement, et quand il le peut essaie de participer si on veut de lui à résoudre les difficultés des autres peuples. Les victimes se comptent par millions. L’émotion submerge plus ou moins soyons francs selon les intéressés. Un agresseur ne regrette jamais et se trouve des justifications. Les printemps arabes ou celui de Maïdan en Ukraine ont dégénéré ou n’ont pas produit les fruits attendus. Des démocraties illibérales tendent plus vers des démocratures que des états de droit. L’Ukraine vient de s’apercevoir que l’Otan n’interviendrait pas et que l’union européenne non plus puisque ce pays n’en fait pas partie. Morale ou indignation au vu des souffrances humaines et réalisme politique ne se confondent pas. Le président Zelensky vient de déplorer que « les occidentaux ne tenaient pas leurs promesses ». Il n’aura pas d’avions venant d’un Etat de l’atlantique nord sauf à prendre le risque d’élargir les combats à ceux qui les ont fournis. Est-ce vraiment une surprise un Etat n’ayant que des intérêts et pas d’amis selon la formule cynique classique ? L’Ukraine s’est tournée vers des juridictions internationales, faisons- en la distinction.

L’Ukraine a saisi la Cour Internationale de Justice [C.I.J.] créée en 1945 qui siège à La Haye et qui est un organe de l’ONU où la Russie a un droit de veto. Seul l’un des 193 Etats de cette organisation peut saisir la cour et ses 15 juges. La C.I.J. juge des Etats. Des particuliers ou des Ong ne peuvent être demandeurs. L’Ukraine accuse la Russie d’avoir abusé de la convention pour la prévention et la répression du génocide. Moscou soutient en effet qu’il y a eu des génocides contre les pro-russes dans les régions de Donestsk et Louhansk. La Russie ne s’est pas présentée à la première audience du 7 mars 2022.Aucune mesure d’exécution provisoire à titre conservatoire n’est possible. Les avocats de M. Poutine connaissent certainement leur travail. La procédure est longue, très longue.

La Cour Pénale Internationale [C.P.I.] qui siège aussi à La Haye a été saisie. Elle juge des individus et pas des Etats qui peuvent se retrouver en prison après un long procès selon la procédure anglo-saxonne méticuleuse, contradictoire sur preuves, avec accusation et défense. La CPI a été créée en 1998 par le traité de Rome qui doit être ratifié par les Etats. Les Usa, la Chine, Israël en particulier n’ont pas ratifié le traité et la Russie s’est retirée après l’enquête préliminaire engagée et liée à la Crimée en 2014.La cour juge les crimes de génocide ou ceux contre l’humanité ou de guerre. On se bat sur les définitions et le contenu de ces crimes. Puis sur la réalité des faits. C’est interminable.

Enfin l’Ukraine a saisi la Cour Européenne des droits de l’Homme [C.E.D.H.] qui siège à Strasbourg. Ce n’est ni une juridiction de l’union européenne ni une instance française puisqu’elle dépend du Conseil de l ’Europe. Cette institution regroupe 47 Etats dont la France notamment, puis la Turquie, la Russie et l’Ukraine. La procédure est particulière. Un individu peut la saisir. Cela dure des mois voire des années. Mais il y a des cas d’urgence. Elle s’appuie sur la déclaration universelle des droits de l’homme dont l’interdiction de la torture, de la violence, le droit d’expression et de conscience, d’aller et venir… Je ne crois pas que M. Poutine certain de son bon droit ait la même lecture des droits de l’Homme qu’un vulgaire démocrate « ordinaire » : son argument de droit massue est la raison du plus fort !    

La paix doit venir au plus vite du théâtre de guerre, sur le terrain. Le cessez- le- feu permet aux diplomates donc au droit d’intervenir.  Comme la justice interne la justice internationale a un temps long, et n’évitera ni les drames humains ni les désolations.  Ce n’est pas juste. Mais entre ce qu’il ne faut pas faire qui est injuste et l’ambition humaine il n’y a parfois rien. A chacun de faire ce qu’il peut et à l'Etat qui nous représente d’agir.

 

 

  

mercredi 2 mars 2022

La liberté denrée rare sur le marché

 

                  La liberté denrée rare sur le marché.

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 C’est la guerre sur un territoire aux portes de l’union européenne. On est choqué. Elle l’est déjà ailleurs dans le monde en orient notamment où la réaction chez nous est moins grande pour des motifs divers sauf en ce qui est l’immigration.  La politique internationale, les intérêts des puissances, les égos démesurés, et les rancœurs historiques entrainent souvent des conflits. La mobilisation est générale dans les esprits évidemment pour ceux qui ne sont pas en première ligne et les conseilleurs ne peuvent être les payeurs. Les va-t’en guerre défensive pour des raisons idéologiques et des raisonnement tirés des Ong ou de Saint -Germain des prés avec la réponse du faible au fort doivent mettre un silencieux, sur leur verbe bien sûr ! Des êtres humains ont perdu leurs libertés voire leurs vies et souffrent. Il faut les aider sans restriction. Chacun a son opinion sur l’origine de la lutte armée mais quelles que soient ses raisons l’agresseur a tort. La force ne résout rien. Elle envenime et laisse des séquelles. L’histoire nous l’a appris. Les sentiments submergent mais la diplomatie doit gagner. La Russie ne pourra triompher car elle est déjà au ban des nations. Il faut négocier, concilier et qu’il n’y ait ni vainqueur ni vaincu. Facile à écrire j’en ai conscience. Mais l’avenir est en jeu et nos libertés collectives avec. Il faut réfléchir à deux fois avant de s’emparer de la liberté comme d’un étendard qui peut être aussi belliqueux que défensif. Et ne pas affirmer qu’on ira au bout (de quoi ?), qu’on ne cédera jamais : paroles verbales ! Eugène Delacroix a peint la liberté guidant le peuple. Il peut arriver que l’on n’aboutisse nulle part ou qu’il faille retourner en arrière, les divers printemps politiques nous l’ont montré. Mais espérons, car les démocraties sont la seule solution possible et souhaitable.  Avant d’être guillotinée Mme Rolland a soupiré : « Ô liberté que de crimes on commet en ton nom ».

Comparaison n’est pas raison mais il faut savoir parfois en profiter pour réfléchir sur nous- mêmes et voir si on n’est pas des enfants gâtés à propos de libertés. Nous avons l’habitude en France de disperser ou mépriser ce que l’on possède à profusion sans même s’en rendre compte. Le mot liberté est sur toutes les lèvres de nos concitoyens et on est prompt à dénoncer ce qui l’amoindrirait ou serait une atteinte forcément scandaleuse. Peut-on être plus mesuré dans les revendications et tolérant sans juger l’autre avec qui on n’est pas d’accord et en essayant de le comprendre sans l’approuver ou le persuader pour aboutir globalement à une société plus apaisée ? Ce qui n’enlève rien à ceux qui réclament un meilleur sort et combattent les injustices. La liberté qui se trouve sur le marché à l’étranger avec parcimonie et avec une loupe mais qui est plutôt en excellente diffusion en France doit se partager et ne pas être l’apanage de minorités inclusives ou de personnes qui pensent détenir la vérité. La collectivité a des droits. La liberté ne peut être illimitée sinon c’est le désordre et la loi du plus fort, et ne peut résulter que du résultat d’un dialogue objectif. Les ayatollahs de la liberté tous azimuts me critiqueront. Mais j’essaie de ne pas galvauder ce qui est précieux et rare car les mots ont une signification et à trop les interpréter ils se vident de tout sens concret. Prenons dans notre pays peu suspect de dictature ou de totalitarisme les exemples du terrorisme et de la pandémie qui mettent à mal par obligation pratique l’absolu de la liberté. 

 D’abord le terrorisme a obligé nos dirigeants pour préserver nos libertés à faire voter démocratiquement des lois qui ont été qualifiées par certains de liberticides. C’est exact sur le principe. Des libertés ont été quelque peu rognées mais peut-on ne pas se préparer à se défendre contre des actes de guerre et à les sanctionner ,contre la destruction de nos valeurs, de nos choix collectifs, de notre civilisation. Nous avons une culture et un passé que nous devons accepter globalement avec le bon et le mauvais : Clemenceau disait que la révolution est un bloc. Qui peut sérieusement soutenir que le terrorisme n’est pas une attaque pour tuer et déstabiliser, qu’il vient de l’extérieur et encore pire de l’intérieur c’est-à- dire mené par des individus qui ont été élevés en France avec le principe liberté, égalité, fraternité et j’ajoute laïcité, et qui ont profité de la république ? Certes les dispositions légales prises pour lutter contre le terrorisme ont été incluses dans notre arsenal juridique. Et pourraient être utilisés contre ceux qui ne sont pas terroristes, mais délinquants de grande envergure, voire plus modestes ce qui est relatif pour les victimes. C’est un débat concernant l’aspect régalien de la campagne présidentielle et surtout législative qui va suivre. Qui va oser plaider pour les libertés individuelles absolues ? Qui accepterait que le pouvoir exécutif ne prenne pas des dispositions pour protéger la population innocente et pour punir ceux qui nous agressent. Il suffit de lire les comptes rendus de l’actuel procès d’assises qui juge les responsables des attentats de 2015 pour être convaincus que les libertés n’existent que parce que parfois il faut fixer des limites et dire non.Tendre la deuxième joue est réservé à ceux qui croient sans restriction en l’homme bon. Les humanistes ont le devoir de réfléchir et d’allier sagesse et grands principes avec ouverture d’esprit et fermeté.  Jean Bodin a écrit que la seule querelle qui vaille c’est l’homme. Mais parfois la réalité nous rattrape et la liberté peut avoir le visage de Janus. La guerre est une chose trop grave pour la confier aux militaires ou à l’émotion.  

Ensuite la pandémie qui est un autre exemple où les libertés ont été malmenées, mais dans l’intérêt collectif. Le pouvoir toujours avec des votes du parlement a pris des mesures provisoires qui ont concerné nos libertés, celles d’aller et venir, de fréquenter tel ou tel lieu, de devoir porter un masque, et a incité à la vaccination. Certains « résistent » (je n’insiste pas sur le grotesque outrancier de ce terme), car ils veulent être libres de leurs corps, de leur santé donc de mourir ou être malades mais selon leurs choix. Et bien sûr d’être pris en charge si nécessaire dans nos hôpitaux.  Au nom de leur liberté ils refusent toute directive gouvernementale servirait-elle à protéger le reste de la population. La solidarité ne compte pas pour ces rebelles de papier : leurs convictions dominent. C’est un débat de société pour riches puisque dans de nombreux pays il n’y a ni vaccin, ni hôpitaux, ni sécurité sociale, ni solidarité nationale. L’homme / la femme sont ce qu’ils sont avec leurs qualités et leurs défauts. Il faut essayer de les convaincre car le bien n’est pas une donnée naturelle, innée, surtout chez les autres. Il faut plutôt réfléchir au mal en général qui est beaucoup plus difficile à définir et à canaliser ce qui est aussi un problème de liberté(s).  

Descartes a dit que le bon sens était la chose du monde la mieux partagée. Je n’en suis pas certain. Mais je suis sûr que la liberté et la démocratie ne se monnayent pas. Chacun a le droit de vivre selon ses convictions bien que le moi soit haïssable selon Blaise Pascal. Dans le cadre républicain qui soude dans la nation avec ses valeurs et son histoire en ce qui nous intéresse, en écrivant partout liberté comme le poète Paul Eluard en …1942 !