mercredi 27 mai 2020

Vers quel monde post covid-19 allons nous?


                         Vers quel monde post covid-19 allons nous?
                                  Par Christian Fremaux.
Le président de la république a annoncé un avant et un après virus donc un changement de société qui signifie que ce qui existait et fonctionnait malgré ses défauts il y a trois mois, a failli et doit être remplacé. Par quoi c’est toute la question. Qu’a voulu dire le chef de l’Etat ? Est- ce possible, est -ce réclamé et par qui, est -ce prioritaire ? Ne serait-il pas préférable de faire redémarrer tout, monter en pleine puissance, puis réformer ce qui n’a pas fonctionné ? Faut- il ajouter des bouleversements vers l’inconnu en cette période déjà anxiogène et dont la crise n’est pas terminée puisqu’on ne sait pas si le coupable va disparaitre de lui -même et quand et si un vaccin va être trouvé. Je dois dire que j’ai découvert devant ma télévision qu’il y avait un nombre très important de professeurs d’infectiologie qui n’étaient pas d’accord entre eux et je n’évoque que comme pitrerie la pantalonnade des anciens et des modernes autour du professeur Raoult dont je ne sais s’il est un génie ou un simple professionnel qui ne croit qu’en lui.  Mais comme l’a écrit Paul Valéry « le vent se lève il faut tenter de vivre » et il va bien falloir continuer à se bouger quelques soient les effets d’annonce et les chicaneries.   
En général les changements profonds de société interviennent après une crise très grave : révolutions, guerres, krach financier, crise pétrolière ou naturelle enfin quand tout a été mal, quand les hommes ne supportent plus ce qui s’est passé surtout s’ils en sont responsables, qu’ils veulent effacer le passé en croyant qu’ainsi on oubliera, et qu’il faut reconstruire avec du neuf, innover pour penser que le futur sera plus radieux. Parfois cela marche : parfois on retombe dans les mêmes ornières ; parfois on ne fait pas mieux. Le progrès est d’acception personnelle : chacun y croit en fonction de ses intérêts et critères et de ses espoirs en se projetant dans la société qui lui convient et répond à ses besoins. Un peu d’égoïsme ne nuit pas !
Qu’en est -il actuellement ? Nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire. Nous essayons de rétablir la vie démocratique avec le 2ème tour des élections municipales. Nous rouvrons progressivement les écoles, les usines, les commerces puis les restaurants, les spectacles et la nature avec les parcs et jardins et les plages. Tous les jours le décompte macabre des hospitalisés égrène de tristes réalités mais entraine des attentes positives qui nous réjouissent. Les applaudissements pour ceux qui étaient au front s’estompent. La vie ordinaire reprend. La justice règlera des comptes et fixera les responsabilités mais je ne sais pas si c’est l’essentiel ? d’autant plus que le covid n’a pas d’avocat et il n’est pas cité en justice.
Les politiques mettent une certaine sourdine à leurs querelles subalternes et on se moque que le parti du président ait perdu la majorité absolue, qu’il y ait désormais 10 (dix !) groupes parlementaires à l’assemblée, ce qui satisfait toutes les ambitions mais ne règle pas les problèmes fondamentaux et vitaux de la société et des français.  Nous n’avons pas encore fait le bilan de ce qui n’a pas marché, des défaillances des structures étatiques et bureaucratiques, du manque de coordination entre le public et le privé. Nous allons subir-mais le pire n’est jamais certain -les effets collatéraux du confinement à savoir des difficultés économiques et sociales, que j’espère les plus limitées possibles. On a appris que le prix à payer des centaines de milliards d’euros n’avait pas de limites, car c’est l’union européenne qui empruntera et redistribuera.  On voit concrètement l’utilité de ce machin comme aurait dit le général de Gaulle !
Vers quelle société le président veut- il nous entrainer, de sa propre volonté et sans consultation du peuple pour l’instant. Doit- il céder aux injonctions de la pensée dominante, de la bien- pensance, des minorités qui croient avoir la vérité révélée, des experts qui se sont plantés, des humanistes ou soi- disant tels qui confondent émotion et raison ?  Sur quelles nouvelles valeurs va-t-on fonder cette société nouvelle ? Celles de la république qui étaient universelles comme liberté, égalité fraternité et j’ajoute laïcité ont besoin d’être revisitées, expliquées voire relativisées dans certains cas, car on favorise les droits et on néglige les devoirs. Le civisme doit être développé, et la responsabilité étendue à tous les niveaux. L’Etat ne peut tout faire et gérer tout du haut de l’olympe. Il doit être garant de l’état de droit, de la solidarité, de la redistribution après création de richesses, et de la protection en matière de menaces de toute nature, et de sécurité. En n’assurant que des fonctions régaliennes, l’Etat sera plus fort et plus efficace.  
Il ne faut pas jeter le bébé qui a grandi pendant les trente glorieuses et a apporté des satisfactions avec l’eau du bain.  Tout dans le monde d’avant n’était pas négatif. On doit garder ce qui a permis la prospérité même s’il y a des inégalités à résorber voire des discriminations à éliminer. On doit ressouder les citoyens autour de la nation qui ne doit pas se replier sur elle- même au risque de dépérir ou d’éclater en communautés ou en séparatisme.  Les maires ont montré leur disponibilité et efficacité sur le terrain, tandis que l’on se perdait dans les différentes strates de l’Etat et une bureaucratie tatillonne sinon brouillonne. Le principe constitutionnel de précaution est devenu celui de ne pas agir, de peur d’être poursuivi en cas d’action ratée .On peut d’ailleurs l’être aussi en ne faisant rien de concret. On est passé de la frilosité à l’empêchement et à une société de méfiance envers le particulier comme si celui-ci ne savait pas  ce qu’est être responsable de lui et des autres si on lui fait confiance, et de se prendre en mains s’il on lui met des moyens locaux à disposition, et je pense aux services publics.  J’ajoute qu’avec une information transparente, réelle et sincère pour des adultes, il n’est pas nécessaire d’infantiliser le citoyen, d’empiéter outre mesure sur sa vie privée, et qu’il est capable de « s’empêcher » comme le disait le père d’Albert Camus pour caractériser l’Homme.  On n’évitera pas les débordements et ceux qui sont rebelles à tout, de la loi à la consigne sanitaire. Personne ne croit en l’unanimité du bien. Mais on doit essayer pour le plus grand nombre.
Il est toujours facile de réécrire le passé, et de prétendre que l’on savait ce qu’il fallait faire. Je ne critique personne, je souhaite que l’on termine la séquence au mieux et qu’on envisage l’avenir. Je ne suis pas assez averti pour savoir ce que le président de la république va proposer, quelles réformes il va abandonner ou modifier, et quelles autres il va choisir. Il y aura des priorités surtout économiques et sociales, concernant le débat déjà engagé sur la fin du mois qu’il va falloir coupler autant que faire se peut avec les préoccupations sur la prétendue fin du monde en laquelle je ne crois pas, car l’homme/ la femme ont toujours su réagir. L’humain est supérieur à la matière voire à la nature qu’il faut protéger et il y a assez d’intelligence collective pour trouver les solutions et faire que les générations futures ne soient pas lésées. Certes il y aura une remise en ordre sévère à commencer, à conforter les valeurs (immatérielles) qui ont fait leurs preuves, expliquer ce qu’est une république et un destin commun, et que la démocratie s’entretient car elle est fragile. Nous reviendrons forcément à l’état d’antan sur nos libertés individuelles et publiques, mais nous les compléterons avec les devoirs collectifs, et le sens de la tolérance et de la mesure, sans polémiques inutiles, et avec des médias qui mettent plus l’accent sur le positif et ce qui portent sens. 
La cité idéale n’existe pas et le siècle de Périclès est révolu.  Les grandes généralités généreuses et compassionnelles voire humanitaires et dites écologiques comme « tout le monde il est beau il est gentil et il y a des méchants profiteurs » ne sont prises au sérieux que par ceux qui n’exercent aucune responsabilité mais vivent dans un milieu plutôt favorisé. Gouverner c’est essayer de définir La solution qui marche et qui est acceptée. Le plus fréquent c’est de décider entre des solutions généralement les moins mauvaises ou contradictoires et que l’on souhaite performantes mais toutes autant légitimes. Il faut pencher vers les plus consensuelles après avoir dialogué et convaincu.   
Changer de constitution et envoyer des responsables devant les tribunaux ne me parait pas l’urgence. Rendre la société plus souple et plus réactive me semble préférable. John Irving a écrit « le monde selon Garp » qui était la vision mi- loufoque mi -sérieuse mais vérifiable sur le terrain d’un individu lambda sur toutes sortes de relations entre les humains, dans la vie tout simplement. On a des surprises sur les gens.  N’attendons pas le monde d’après qui peut ne jamais survenir.  Améliorons l’existant, en éliminant ce qui a raté indiscutablement. Soyons à la fois progressiste je veux dire audacieux et conservateur et surtout modeste car le grand soir d’une société juste et parfaite n’est pas pour demain. Dans une société matérialiste qui doit apporter sécurité et 0 risque, libertés et bonheur, vivons en humaniste lucide puisque l’homme/la femme est la seule querelle qui vaille a écrit jean Bodin. Tout le reste n’est que bavardage. 
Et comme on le réclamait en mai 68 : soyons réaliste demandons l’impossible, c’est -à -dire une société plus fraternelle, plus soudée, plus attachée aux valeurs qui permettent de se rattacher à l’espérance et à se dépasser. C’est un changement de paradigme pour le moins.   

mardi 5 mai 2020

courage fuyons les responsabilités


                Courage fuyons les responsabilités !
   Par Christian Fremaux avocat honoraire du barreau des confinés.
Le confinement soudain a donné lieu à des difficultés imprévues mais on s’y est conformé car on avait peur de la maladie soyons francs. Les plus opportuns ou prudents des habitants des grandes villes ont pris la fuite en province là où ils pensaient que le virus ne passerait pas et que le confinement serait un moment le moins désagréable possible à passer.  Ce fut un choix révélateur en conscience et responsabilités, il n’y a pas à le critiquer. Chacun voit son devoir où il le situe. 
Mais pour le déconfinement cela va être la foire d’empoigne, chaque profession demandant à l’Etat -par ailleurs accablé de tous les maux pour ses insuffisances, manquements divers, hésitations, mensonges parfois- de prendre des mesures spécifiques car toute profession est un cas particulier. Même ceux qui avaient choisi de vivre dans le secteur privé, sans aide de l’Etat, crient au secours à juste titre car on leur a imposé de ne plus travailler, et ils ne veulent pas mourir économiquement après avoir échappé au virus.  A défaut ils attaqueront en justice, je ne sais pas précisément qui mais ils le feront.
N’ayant aucun talent pour la divination je ne peux dessiner avec précisions ce que sera le monde d’après qu’on nous annonce avec de grands principes généraux et humanistes ce dont je me réjouis, mais je crains qu’ils soient en partie illusoires face à l’urgence de la réalité car chacun va vouloir tirer parti de ce qui est arrivé. Qui pour voir ses salaires progresser (on a applaudi chaque soir des héros  du quotidien) ;qui pour travailler autrement (le télétravail chez soi) ; qui pour d’autres façons de vivre et de se déplacer ou  voyager ;  qui pour rénover les gouvernances  et les pratiques dans l’entreprise (on va réentendre les leaders syndicaux) ;qui pour relocaliser des industries à condition que les coûts de fabrication n’explosent pas ; qui pour mettre en avant les territoires et la ruralité avec les agriculteurs qui ont assuré notre alimentation et ce qui est constant pendant la période ; qui pour une nouvelle répartition vraiment décentralisée des pouvoirs ; qui pour revoir le rôle de l’Etat qui devra être réduit à ses fonctions essentielles avec une chaine de commandement plus réactive ;et qui pour son bon plaisir, pour la culture et le droit  de ne pas être matérialiste … La liste des réformes à faire est longue pour revenir au passé où nous étions heureux sans le savoir que l’on critiquait avec le luxe et l’impudence des enfants gâtés, mais en mieux bien sûr, en plus moderne et tendance en préservant l’avenir des générations futures et en n’excluant ni la transition énergétique, ni un autre mode de croissance ni d’autres valeurs qui se sont révélées avec la crise. Bon courage à ceux qui vont s’y coller pour trouver les solutions avec de beaux débats que je pressens parfois surréalistes car je n’imagine pas le contraire avec tous ceux qui savent toujours tout, après.
  D’autant plus que les problèmes courants demeurent : la sécurité et le terrorisme, les menaces, l’Europe et les autres pays avec qui il faut coopérer et composer, les catastrophes naturelles, le chômage, la création de richesses pour la solidarité et la redistribution, le séparatisme ou plutôt le bouillon de certaines banlieues avec la religion et les trafics sans oublier l’aspect social et économique et le respect de la loi, les violences  graves pour tous les prétextes, l’insatisfaction générale  parfois sans vraie raison et la polémique pour tout sujet, et chacun y ajoutera ses priorités. Il faudra affronter en même temps tous les problèmes sans recourir à une prétendue union nationale car comment concilier les extrêmes, et les opinions différentes doivent subsister pour que les électeurs tranchent et choisissent un cap une politique présumée gagnante et juste.  Il sera mieux d’obtenir néanmoins un minimum de consensus sur les décisions publiques à prendre pour redresser la barre du bateau devenu ivre, son capitaine n’ayant pas été atteint par le virus mais son équipage si, commandant naviguant à vue au nord vers l’inaccessible étoile.   
Je me demande quelle réforme emblématique de fond le gouvernement va pouvoir annoncer et introduire pour créer un choc positif qui enthousiasme et entraine des perspectives pour tous, celle des retraites (que je n’aimais pas au moins pour les avocats je vois midi à la porte de mon bureau) me paraissant impensable car il faut d’abord qu’un maximum d’individus retravaillent. Et celle de la réforme des allocations- chômage ou des économies sur les dépenses publiques pouvant conduire à des émeutes pour inopportunité. Comme aussi la réforme constitutionnelle prévoyant la limitation des mandats et la suppression du nombre de parlementaires, outre celle de la cour de justice de la république qui vient d’être saisie par des plaignants et autres dispositions qui nous paraissaient raisonnables, jadis c’est-à-dire il y a encore quelques semaines.  M.Macron doit se mordre les doigts de n’avoir pas trouvé l’année dernière une majorité des 3/5 ème au congrès !
Tout est évidemment possible même l’improbable. Les promesses électorales n’engageant que ceux qui y croient, je ne m’inquiète pas. Le pouvoir saura phosphorer pour montrer qu’il contrôle la situation et nous vendre ce qu’il appelle le progrès qui pourrait d’ailleurs être partiellement un retour en arrière sur ce qui a fait ses preuves, est connu, admis et  proche des individus, avec une mondialisation qui est, qu’on ne peut faire disparaitre d’un coup de plume ou ignorer, mais qu’il faut limiter, et une nation à recomposer en trouvant  les valeurs qui font  consentement et des sous, encore des sous sans augmenter les impôts.  Vaste programme.   Nous allons devoir nous réinventer a dit le président : oui chef, mais lui et les élites administratives ou scientifiques ou auto-proclamées qui ont pris un coup sur leurs prétentions, aussi et d’abord. J’ai changé disent souvent les politiques qui reviennent ou veulent revenir au pouvoir et modifient en réalité leur stratégie. N’est- pas qui veut Julio Iglesias qui chantait « non je n’ai pas changé »!.   
 Mais je subodore un peu ce que va être la vie proche, quand nous aurons maîtrisé les conséquences du virus si tel est le cas puisque on ne sait rien sur sa disparition ou non, et qu’il faudra que la machine reparte après les vacances sur les plages car on l’a « bien mérité » et c’est une question existentielle à la JP Sartre. Outre les désastres avérés il y aura des victimes collatérales, celles déjà justes à l’équilibre avant la crise, ou qui vivaient sur quelques mois, ou qui avaient besoin d’une croissance constante et des institutions fortes qui fonctionnaient. Il va falloir injecter un «  pognon de dingue » selon une des formules de notre président, mais cette perspective de milliards d’euros de dettes ne semble pas le plus important : je m’incline devant ceux qui devinent avec certitudes bien que chacun, moi comme les autres a un budget contraint et  constate que lorsqu’on emprunte on doit rembourser,  et que quand la caisse est vide on ne peut fabriquer de fausse monnaie : on réduit le train de vie, mais comment faire pour ceux qui n’avaient déjà pas l’essentiel  ? Les choix décidés avant d’être votés vont faire l’objet de débats intenses, de protestations, de pinaillages, de prétextes. L’opposition doit-elle être systématiquement contre tout ce qui est pour et  pour tout ce qui est contre comme le disait Pierre Dac ? Prenons des exemples : s’abstenir de voter est -ce être responsable ? Refuser d’approuver une mesure car elle ne va pas assez loin est-ce responsable ? Faire de la politique politicienne en s’opposant pour ne pas mêler sa voix à celle de l’adversaire est-ce être responsable ? Ne rien proposer en critiquant ce qui est prévu est-ce responsable ?  Peut-on se laver les mains -en dehors des gestes barrières- et soutenir ensuite qu’on est responsables ? Ponce Pilate n’est pas le héros préféré dans le monde. 
 Tout ceci va être un problème de responsabilités pour tous, majorité politique comme opposition, corps représentatifs multiples, contre-pouvoirs avec les médias, patrons comme salariés, fonctionnaires ou membres du secteur privé et professions libérales, comme élus locaux, départementaux, régionaux, et les décideurs publics déconcentrés sous l’autorité des préfets. J’ajoute de responsabilité pas seulement morale, mais en droit.  La justice va avoir un travail considérable pour juger de ce qui s’est passé pendant cette période exceptionnelle pour revenir à l’état de droit classique et aux grands principes, pour conforter notre démocratie et nos valeurs républicaines.  On annonce des enquêtes parlementaires et administratives de tous côtés et de multiples actions judiciaires civiles et administratives et plaintes pénales. Cela fera au moins la joie des avocats – ceux qui auront survécu à la fermeture des tribunaux, à leur propre grève et celle préalable des transports, aux gilets jaunes…-  et qui n’ont pas plaidé depuis des mois.
Mais moi je me défile, pas pour tout mais pour le plus visible et ce que recherchent les puissants.  On ne peut pas toujours être courageux. Je suis content de n’être responsable qu’a minima et de presque de rien sauf de moi et de mes proches ce qui est déjà beaucoup.  Je ne me suis pas représenté aux élections municipales de mars dernier après 37 ans de mandat municipal. Je n’aurai pas à gérer la reprise des écoles, véritable prise de risques dans les communes et pour les parents qui n’ont pas confiance. Je ne suis pas haut fonctionnaire qui pense se réfugier derrière la hiérarchie et qui a respecté les ordres et les process, ou membre du corps médical qui exerce un art et pas une science exacte et dont les sommités donnent des conseils au gouvernement sans en avoir à subir politiquement ou judiciairement les conséquences.  Je ne bénéficie d’aucune immunité pénale comme celle de droit qui découle du statut constitutionnel du chef de l’Etat.  A mon grand regret- mais aujourd’hui je m’en félicite- je n’ai jamais été ministre voire un parlementaire de ceux qui votent les lois qui entrainent diverses conséquences juridiques notamment comme un état d’urgence même sanitaire.  Il n’y a pas d’auto- protection collective et on ne peut se retrancher derrière le groupe pour s’exonérer de tout.
Je n’aurai pas comme les magistrats, les juges professionnels qui ont été aussi confinés, à arbitrer au plus vite car il y a du retard  à juger le stock déjà plaidé outre les cas nouveaux des multiples contentieux -qui parfois mettent en jeu des intérêts personnels y compris la liberté ou la survie individuelles ou économique ou la tranquillité de vivre dans la paix tout simplement - liés à la fermeture de tout, à la cohabitation d’une législation temporaire et exceptionnelle avec nos règles habituelles, nos normes, nos bases  constitutionnelles, nos libertés fondamentales, bref ce qui touche à l’état de droit et peut être par une jurisprudence nouvelle coronavirienne bouleverser nos grands principes et nous faire changer de société. Et qui doivent aussi veiller aux victimes et ne pas dispenser ceux qui dirigent de rendre des comptes. Mission essentielle pour la cohésion de la société, sachant que pour un individu lambda son cas est aussi précieux, quelques soient sa nature et son importance pour les autres. L’égalité en droit et en chances n’a pas de limites.
Certes j’exerce de façon bénévole les fonctions de conseiller prud’homme, et je devrai me prononcer sur les litiges du droit du travail  en cours et ceux qui ne vont pas manquer de surgir .Mais ce droit devenu vital qui régit les règles dans l’entreprise  entre salariés et employeurs entre autres, qui fixe les conditions de sécurité et de travail, qui détermine des aspects financiers importants,  est souvent  bousculé par les majorités politiques qui se succèdent (par exemple en 1981 avec M.Mitterrand ou les ordonnances dites Macron de 2017) et il est le reflet d’une époque, au -delà de grands principes de justice sociale et des droits acquis. Je ne me déroberai pas avec mes collègues car je ne néglige pas mon devoir modeste et l’équité m’est connue. Et la cour d’appel peut ensuite modifier nos appréciations. Ma responsabilité est relative mais réelle même si elle peut provoquer des mécontentements selon les décisions rendues.
N’étant plus un petit chef d’entreprise puisque mon cabinet d’avocats est désormais géré par des jeunes, je n’aurai pas à y venir mètre en main pour recomposer les bureaux, le secrétariat et les couloirs. J’avais l’habitude d’acheter des codes mais pas du gel ou des protections. L’avocat qui porte sa robe noire mettra t- il un masque noir pour l’harmonie des couleurs, comme zorro ?  Dans l’entreprise la jurisprudence la plus récente parlait d’obligation de sécurité de moyens renforcée surtout en matière de prévention : à l’impossible nul n’est tenu !
Je n’aurai pas à évoquer en cas de poursuites contre des élus les maires en particulier, la loi dite Fauchon du 10 juillet 2000 qui s’est prononcée sur les délits intentionnels en stipulant :  le délit ne sera constitué que « s’il y a eu une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité ». Il faut prouver une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité que [le poursuivi] ne pouvait ignorer. Ce texte protège déjà les élus, et je ne doute pas que des parlementaires vont faire voter une loi spécifique pour la période liée à l’état d’urgence sanitaire.
Je n’arrive pas à imaginer tous les cas possibles pour que la responsabilité d’un décideur soit engagée qui est un des problèmes à résoudre vite pour que les initiatives se développent. Etre mis en cause ne veut pas dire être condamné, mais l’épreuve est cruelle, injuste et décourage certains. On est dans le cadre juridique non pas d’une obligation de résultats, mais dans celle d’une obligation de moyens : on fait ce que l’on peut en respectant les consignes officielles avec ce dont on dispose en matériel comme en personnel. Cela rassure.  
Le plus raisonnable est donc de fuir les responsabilités et attendre une époque plus favorable. Je plaisante bien sûr mais j’en appelle par avance à la modération, à la tolérance, aux circonstances atténuantes si tout n’a pas été parfait, à l’excuse d’imprévisibilité et absolutoire en raison de l’absence de réponses sûres et définitives par ceux qui sont au pouvoir voire à la force majeure liée à l’ennemi invisible.  Le risque 0 n’existe pas, et en ne faisant rien on n’est pas certain non plus de n’être pas critiqué voire poursuivi. Le principe de précaution peut aboutir à des drames.  L’inaction est parfois un délit. La société donne toujours une deuxième chance à ceux qui ont fauté souvent volontairement, ou on les libère de prison par anticipation pour de bonnes raisons.  Cela se discute.
Ce qui ne se discute pas c’est de chipoter la confiance à ceux qui sont sur le terrain qui trouvent des solutions même bancales voire hasardeuses avec les moyens dont ils disposent, et qui font tout pour le bien des autres parfois en s’exposant eux-mêmes. Alors soutenons- les.
La responsabilité est l’apanage de tous et un devoir collectif. Regardons-nous dans la glace sans indulgence et interrogeons-nous sur ce que nous faisons en nous prenant en mains, et ce que nous pouvons apporter à la collectivité, ne serait -ce qu’en ne dénigrant pas ceux qui cherchent et font.  Ce n’est pas toujours l’autre qui a tort. On n’a pas que des droits, on doit participer à son niveau à l’effort collectif. Cela ne veut pas dire que l’on pardonne toute faute et que l’on ne sanctionne personne.  Assumer ses responsabilités signifie être un homme/une femme dans le plein exercice de sa conscience et de sa liberté de citoyen.