jeudi 5 décembre 2019

je dirai malgré tout que 2020 sera une bonne année.


Je dirai malgré tout que 2020 sera une bonne année.
Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
Jean d’Ormesson reste vivant puisque je me suis inspiré de son œuvre pour le plagier dans mon titre  et essayer de rester optimiste malgré l’état guerrier du monde, les menaces qui pèsent sur notre pays et qui devraient nous inciter à être moins exigeant même si défendre ses intérêts est légitime,   avec le climat  qui se réchauffe en entrainant des  affrontements  entre les sceptiques et ceux qui hurlent à la fin des temps ce qui est anxiogène, et les catastrophes naturelles qui font des victimes avec le désespoir de certains qui ont besoin de la solidarité nationale. Il me semble que le débat public devrait baisser de plusieurs tons, car la vindicte n’apporte rien, les leçons de morale non plus, et lorsque on exclut ou on interdit en particulier des porteurs d’opinions même détestables ou désagréables en demandant aux tribunaux de sanctionner on ne se grandit pas. Il faut des intellectuels qui émettent des idées, qui analysent les valeurs, et qui guident la pensée qui doit être libre. Les responsables politiques perdent parfois l’occasion de se taire en voulant être opportunistes pour se rapprocher du pouvoir ou le conquérir. Une société moderne doit être tolérante, ouverte aux débats y compris sur des sujets sensibles car il ne peut y avoir de tabous ou de non-dits ce qui est la porte ouverte sinon à l’explosion. On progresse collectivement quand on décide après avoir pesé le pour et le contre d’arguments objectifs et vérifiés, entendu tous les contradicteurs et que l’on a choisi d’agir car marcher vers l’immobilisme ne fait pas faire un pas en avant si je puis m’exprimer ainsi. On a besoin de plus de compréhension et de sérénité puisque personne ne détient la vérité. On ne fait rien de sérieux sous la pression, la force.
L’actualité qui concerne la sécurité et la justice c’est d’abord la mort de héros, de militaires qui bataillent  au Mali, qui combattent pour la démocratie la nôtre et celle des africains, pour aider les peuples du sahel  qui vivent ou survivent  pétrifiés de peur , pour  nos libertés aussi  et que l’on puisse parler  en s’écharpant par exemple … de nos retraites  et s’il faut ou non appliquer la clause dite du grand-père, ce qui devient dérisoire au vu des problèmes de civilisation qui sont posés . C’est aussi la mort des serviteurs de la sécurité civile qui se battent contre les éléments naturels pour sauver des vies. On en parle quelques heures et puis on passe à autre chose comme le climat social.
Ce sont ensuite  les diverses protestations  et les défilés dans la rue avec ce qui va de pair -binôme étonnant -  l’ordre public lié aux violences de toute nature, mais aussi celles qui concernent les pompiers et les médecins : qu’ont fait ces derniers pour être attaqués ? pour être des cibles que l’on attire dans des guets apens comme les forces de l’ordre qui ne font que leur devoir et obéissent aux ordres de leur hiérarchie et celle-ci à son  ministre donc au gouvernement responsable de la stratégie et du choix des armes . La justice a jugé de nombreux gilets jaunes qui avaient confondu colères et exactions et fait des enquêtes en cas de bavures supposées ou d’interventions brutales et disproportionnées des policiers ou gendarmes, eux qui sont accusés d’être à l’origine des heurts et de faire de la provocation par leur simple présence ! La justice ne protège personne ce n’est pas son rôle quoiqu’on en pense hâtivement.
C’est aussi l’appel à la vigilance du président de la république après l’attentat à la préfecture de police. On a bien compris car on ne l’aurait pas accepté qu’il ne s’agissait pas d’aller vers une société de délation, de soupçon, de dénonciation comme on a pu la connaitre dans l’histoire récente ou pendant la terreur du grand « démocrate » Robespierre qui en a perdu la tête.  Il ne s’agit pas d’édifier une république de la méfiance, de l’exclusion, du bouc-émissaire. Nous sommes dans un état de droit avec des libertés publiques très enracinées. On ne va pas changer de mode de vie et de réflexes qui consistent à protéger les droits personnels. Chacun connait bien la formule consacrée selon laquelle la sécurité est l’affaire de tous. En matière de terrorisme, de radicalisation qui y conduit, de comportements déviants qui peuvent y mener, tout le monde s’accorde pour être attentif et faire savoir aux autorités le risque que l’on pressent. Je vais plus loin en rattachant le souhait du président à la notion de devoirs que l’on a tendance à esquiver, car sans obligations le citoyen ne l’est pas pleinement. Ce qui n’enlève aucun droit à personne, droits individuels dont les demandes exponentielles y compris pour satisfaire des caprices peuvent fracturer l’ensemble et parfois créer des tensions, ce qui pourrait être un trouble à l’ordre public ?
L’actualité c’est d’assurer le continuum du fonctionnement des institutions, des services publics qui n’appartiennent pas à ceux qui y travaillent et défendent des intérêts corporatistes, avec la justice sociale dont le contenu est à géométrie variable, et la justice tout court qui est indispensable dans un état de droit qui se respecte avec des juges qui appliquent les lois que les parlementaires qui représentent le peuple discutent et votent. La justice participe pleinement à la sécurité qui selon un autre principe vérifié en pratique est la première des libertés. J’espère au passage que les condamnations concernant les black blocks qui défient l’Etat donc nous les humbles citoyens payeurs que nos excellents services de renseignement vont retrouver, seront exemplaires. 
L’actualité c’est aussi la préparation du scrutin de mars 2020 pour les élections municipales puisque nous avons la chance de pouvoir choisir librement nos élus, ce qui nous distingue d’une grande partie des pays du monde. Que tous ceux qui critiquent ne se privent pas d’aller voter ou d’être candidats pour montrer ce qu’ils savent faire.  L’élection n’est un piège à cons que pour ceux qui ne participent pas.   La sécurité se joue aussi au quotidien et surtout peut être dans les détails je veux dire dans la plus petite des quasi 36000 communes de France souvent rurales car dans les villes et certaines banlieues (ex. Chanteloup-les- vignes récemment) les problématiques sont différentes.
 L’exécutif vient de s’apercevoir que les élus locaux servaient à quelque chose tant dans la gestion des territoires que pour le maintien de la cohésion des populations sans distinguer le citoyen des villes et celui des champs : on s’en réjouit. Mais il ne faut pas qu’il les aime comme la corde soutient le pendu. Il faut leur donner les moyens pérennes d’agir, de la considération, les protéger dans leurs fonctions, les assurer au sens propre du terme contre les velléités de certains habitants plus prompts à engager judiciairement des responsabilités que d’aller voter ou de se dévouer pour l’intérêt communal, et ne pas les cajoler uniquement jusqu’au jour des élections. Ils ont besoin aussi de stabilité et de sécurité puisqu’on leur confie le soin de protéger et de rassurer leurs concitoyens chaque jour. Des politiques vont changer d’étiquette pour suivre le vent en espérant avoir la réussite opportuniste. Mais les citoyens déjà désabusés et qui se sont habitués au dégagisme ne seront pas dupes. Pour les élections locales on vote pour le terroir, pour celui qui parait le plus disponible et le plus compétent. On veut des bâtisseurs pas des carriéristes ; des batteurs de terrain et pas des bateleurs ; des personnalités ouvertes et pas des idéologues. La gestion communale exclut la démagogie ou le communautarisme qui est l’antithèse de la république qui défend l’intérêt général et non une portion égoïste de la nation et qui se fonde sur les libertés,  l’égalité des citoyens d’où qu’ils viennent et quel que soit ce qu’ils pensent ou croient .La fraternité doit être de plus en plus renforcée autant que faire se peut sans inventer toujours des excuses sociologiques et psychologiques qui n’ont plus de fin et sans crier au racisme et à la discrimination pour tout et rien sans pour autant nier ce qui est inacceptable et que la justice doit punir fermement car on n’est pas naïf .  L’émotion ne fait pas une politique mais elle n’y est pas absente surtout en matière de violences contre les femmes et les enfants en particulier. Sujets malheureusement d’actualité.
L’actualité c’est donc d’être ferme sur les principes et valeurs républicains ; de ne pas céder aux pressions et aux sentiments et de prendre des mesures qui conduisent au progrès collectif. La sécurité avec la justice qui malmène les puissants ou se croyant tels réduits à l’état de justiciable lambda et incarcéré parfois on le voit, et on le verra peut-être encore plus bientôt, sont fondamentales. Faut- il rappeler que l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers.
Je parie que l’année 2020 sera belle malgré les difficultés en cours. Bonne fin d’année 2019.
   

mardi 19 novembre 2019

la violence destructrice du pacte social


              La violence destructrice du pacte social.
         Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local
Je n’arrive pas à m’habituer à la violence de toute nature ni à ceux qui estiment que seule la force est légitime et efficace pour obtenir des résultats et permet de faire céder les gouvernements c’est-à-dire moi puisque le pouvoir exécutif résulte d’élections libres donc de la volonté des citoyens. Je conçois la démocratie non dans la fureur mais dans le dialogue même âpre. Le pacte social résulte de compromis et de la certitude qu’il y a un destin commun, des devoirs qui s’imposent aux droits, et la nécessité d’accepter des contraintes collectives qui permettent d’exercer ses libertés. Les minorités doivent se fondre dans le contrat républicain et adopter ses valeurs. 
 Si des réformes sont proposées c’est parce qu’elles sont utiles sinon indispensables dans l’intérêt de tous pour éviter la faillite ou la paralysie du pays. Si tout allait bien, s’il n’y avait pas de privilégiés, pas d’injustices, que l’harmonie régnait entre les uns et les autres quelques soient leurs modes de vie, leurs croyances, leurs besoins, dans un cadre champêtre sans pollution ni menaces - ce qu’on appelle l’utopie - l’immobilisme serait justifié (bien que critiqué avec hargne) et il n’y aurait pas de violences pour s’opposer à tout et son contraire. Que l’on me désigne le pays qui réunit tous ces critères dans un monde parfait.
 Je fatigue d’entendre tous les jours ceux qui ont été battus aux élections mais qui donnent des leçons virulentes et de gouvernance et de morale, qui monopolisent les médias et qui savent ce qu’il aurait fallu faire pour obtenir un pays apaisé et prospère. Que n’y ont-ils pensé plus tôt quand ils étaient aux affaires pour les plus démocrates, et pour les plus radicaux aux idées simples voire simplistes de gauche ou de droite qu’ils se fassent élire par les urnes et pas par la rue pour que l’on voit ce qu’ils sont capables de conclure dans un consensus et le calme.   
La violence s’entend principalement d’exactions physiques ce qui est le plus spectaculaire et surtout de destructions, mais elle s’exerce aussi dans l’expression orale brutale avec le rejet de l’autre, la suspicion envers telle catégorie sociale ou la dénonciation par ceux qui croient détenir la vérité.  Chacun a pu remarquer qu’au mépris de  toute certitude il suffit de s’attaquer à un individu et de l’accuser sans preuve concrète sur des intentions supposées ou pour des faits d’il y a parfois des dizaines d’années prescrits ou non, pour qu’aussitôt la personne visée soit considérée comme coupable et mise au ban de son métier, de sa famille et proches et doive se défendre sans même connaitre précisément ce dont on l’accuse .La justice s’auto- saisit vite de peur qu’on l’accuse de couvrir telles turpitudes ou infractions !  C’est du terrorisme intellectuel, le règne de la colère ou de la réaction sensible, et on ne prend pas la peine d’attendre un peu que les éléments matériels soient avérés : on cloue d’abord au pilori et on avise ensuite. C’est aussi de la violence à l’état pur. Il ne s’agit pas d’excuser des faits graves ou de soutenir une personnalité qui a mal agi ou s’est rendue coupable d’actes inqualifiables puisqu’on n’en sait rien. On n’est pas obligé de croire sur parole tous ceux et celles qui s’estiment victimes. Je dénonce l’émotion, l’à peu près, le non -respect de la présomption d’innocence, l’absence de tout débat contradictoire et le lynchage médiatique. Quand une société se laisse aller à ce genre d’emportements c’est grave et la porte ouverte au pire, à une ère du soupçon, du règlement de compte, et à une justice expéditive. Nous vivons une approche subjective de la violence qui serait justifiée par des considérations aussi multiples qu’irrationnelles.
 Nous sommes à fronts renversés. Il y a le camp des bons ceux qui luttent, ceux qui détruisent pour imposer leurs idées, ceux qui prétendent se battre pour les autres la majorité silencieuse, ceux qui cassent pour tenter de bâtir un autre monde ou simplement parce qu’ils ne supportent aucun ordre fût -il public, ni aucune autorité à part la leur et sont contre l’Etat et ses représentants forcément racistes, discriminatoires et injustes.  Et il y a le camp des méchants auto- qualifiés par ses adversaires ceux qui sont responsables, attachés aux principes républicains et à notre art de vie, qui prônent la raison même si certaines décisions leur sont défavorables et qui soutiennent l’Etat qui est le garant des libertés et du fonctionnement des institutions, en croyant aux élections qui  ne sont des pièges à cons que  pour ceux qui  ne participent pas ou qui ne peuvent se faire élire. 
A ce sujet je suis toujours stupéfait d’entendre des députés nationaux ou européens qui sont des élus de la France entière au-delà de leurs positions partisanes, appeler à manifester et soutenir certains qui méprisent la France et veulent la faire céder, ou inciter à de la désobeïssance civile et civique, voire s’associer aux grèves qui paralysent le pays, et contester les lois qui ont été votées au parlement dont ils sont membres.  C’est de la violence parlementaire qui va bien au -delà de la légitime critique et lutte politique pour conquérir le pouvoir.
Après les dernières violences du 16 novembre 2019 et la destruction notamment de la stèle du maréchal Juin héros de la bataille d’Italie, j’ai entendu des personnalités ou journalistes dirent que les black blocks étaient acculturés (la conjuration des imbéciles comme on l’a dit pour les violences de Chanteloup-les-vignes) et qu’ils n’avaient voulu que se procurer des projectiles en marbre. Je réfute cette analyse. Je pense que les black blocks qui sont quelques centaines agissant sous les caméras des médias et quasiment à visage découvert devraient pouvoir être retrouvés par nos excellents services de renseignement et jugés car ce sont des professionnels de la violence. Je crois qu’ils sont plus intelligents qu’on le dit, qu’ils ont une idéologie au moins anti- capitaliste ou anti -libérale, qu’ils veulent abattre un Etat dit bourgeois, n’ont pas de revendications sociales précises, détestent l’ordre ou l’autorité, et qu’ils veulent instaurer un chaos sans pour autant aboutir à une démocratie participative ou rénovée.
On verra lors de la grande manifestation prévue pour le 5 décembre comment réagissent les syndicats qui devraient avoir un service d’ordre musclé empêchant les black blocs de leur voler leur grève, sinon ce serait une complicité passive car l’Etat avec ses forces de l’ordre ne peut tout faire d’autant plus que toute prétendue ou avérée bavure est vilipendée et fait scandale  .La violence est aussi  de fermer les yeux ou de s’estimer non responsable  des conséquences  de la liberté de manifester. C’est trop facile. Il faut arrêter l’escalade de la violence qui menace notre unité. Tout le monde doit s’y mettre à son niveau. On a le droit d’être mécontent, de se sentir victime, de vouloir plus, d’être considéré.  Mais on ne peut accepter que la violence l’emporte.   

dimanche 10 novembre 2019

la clause du grand-père et du père, des enfants et petits-enfants


La clause du grand-père et du père, des enfants et petits-                enfants.
            Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
 Depuis environ 18 mois M.Delevoye nommé haut- commissaire aux retraites bat l’estrade pour expliquer ce que sera la réforme que M.Macron a promise. Il s’agit d’instaurer à la place des régimes spéciaux qui apparaissent donner des privilèges d’une autre époque à ceux qui en bénéficient et de coûter cher à l’Etat donc aux contribuables, un régime dit universel qui sera plus juste et peut être plus profitable à la majorité des futurs retraités. Cela se discute naturellement et toutes les corporations sont montées au créneau de la ratp en passant par la Sncf et autres professions qui veulent que le contrat d’origine soit respecté (on gagne peu mais la retraite est bonne) et de tous ceux qui ont des régimes autonomes - donc non spéciaux - rentables pour maintenant et l’avenir comme les professions libérales telles les avocats par exemple. Chacun défend ses intérêts ce qui est humain mais ce qui pose des problèmes s’agissant d’une réforme systémique. On est d’accord pour la réforme à la condition qu’elle ne nous impacte pas personnellement. Mais si on crée des exceptions il n’y a plus d’équité. Comment faire ?
 M.Delevoye après avoir beaucoup écouté notamment le président de la république à l’occasion du grand débat suite à la crise des gilets jaunes, a discuté avec les syndicats et les personnes concernées de leurs spécificités, a accepté des compromis puis a déposé officiellement son rapport avec plusieurs pistes auprès du gouvernement.
M.Delevoye a été intégré comme ministre (ce doit être une promotion ?) toujours avec son unique mission, et vient de se poser la bonne question sur la transition nécessaire avant application réelle de la réforme : si elle est votée quand entrera-t-elle en vigueur ? D’ici 2025 car il y aura à cette date un déficit de plusieurs milliards à combler quoiqu’il arrive ; ou plus tard et seulement pour ceux qui sont nés après 1963 ? ou aux calendes grecques le temps que les jeunes de 20 ans entrent sur le marché du travail et qu’ils prennent leurs retraites après 43 ans d’activités ce qui reporte l’effet de la retraite vers les années 2060/2063 ?  
Cette dernière solution dite clause du grand-père est envisagée pour éviter un conflit social majeur tel qu’il a été annoncé par la grève générale et illimitée prévue pour le 5 décembre prochain. La grande crise de 1995 avec les projets sociaux de M.Juppé - désormais à l’abri comme membre du conseil constitutionnel ! - n’est pas oubliée. Mais peut- être avait- il eu raison trop tôt ? MM.Macron et Philippe veulent s’épargner un autre conflit peu avant les municipales, car celui des gilets jaunes n’est pas totalement soldé, et la réforme des retraites inquiète aussi ceux qui y sont déjà car on ne sait jamais ; ceux qui vont y être prochainement ; et ceux … qui n’ont pas commencé à travailler : cela fait du monde même si l’on s’accorde pour dire qu’il faut réformer ne serait- ce que pour des raisons budgétaires  pour maintenir l’équilibre des dépenses publiques et le niveau avec la garantie de percevoir sa retraite. 
La clause du grand-père est d’origine américaine et vient de la période de ségrégation. La loi visait à exclure les noirs récemment émancipés du droit de vote dans les Etats du sud au 19ème siècle sauf ceux qui avaient ou leurs aïeux le droit de vote avant le début de la guerre de sécession. Cette clause fut déclarée anticonstitutionnelle en 1915.
C’est désormais une clause d’antériorité dite de droits acquis notion que l’on comprend bien en France.  Elle permet de dispenser d’un nouveau régime ceux qui ont des droits acquis avant le vote de la loi. Par extension cette clause permet une application différenciée de la loi. Ainsi en 2018 pour la réforme du statut des cheminots, ou pour des privatisations d’entreprises publiques.
Le débat est ouvert. M.Delevoye a fait savoir qu’il était contre le fait d’appliquer la clause du grand-père ce qui reviendrait en pratique à ce qu’il n’y ait plus de réforme avant des dizaines d’années et que nous n’ayons pas les moyens de combler les déficits prochains. Mais il a été recadré par le président de la république et le 1er ministre et il a dit qu’il serait solidaire des décisions du gouvernement quelqu’elles soient. Je ne sais si c’est courageux ou une retraite en rase campagne ?
De mon point de vue M.Delevoye a raison : pour moi né en 1948 je ne m’interroge pas pour savoir comment je serai  et où en 2060 ! J’ai déjà réservé le lieu paisible et campagnard. Mais pour ma fille de presque 40 ans qui travaille depuis des années et ma petite fille de 9 ans je me demande en quel état physique et mental elles seront, dans quelle société elles vivront, quelles seront les contraintes politiques, économiques et sociales outre culturelles voire religieuses dans plus de 40 ans, et quel sera l’état du monde ou celui de la France. Et l’on ne peut avoir des français qui avancent à vitesses différentes ou qui ne sont pas sur un pied d’égalité.  
La question est de savoir s’il faut céder ou non aux syndicats qui ne détiennent pas la vérité, qui sont les rois des droits acquis et des régimes spéciaux et se sont arrogés le droit de bloquer le pays en prétendant défendre le service public et les intérêts des français à travers leurs propres revendications catégorielles. Dans d’autres pays les syndicats ont un rôle réformiste et ne veulent pas changer la vie selon leurs visions plus ou moins politiques. De même je n’apprécierai pas que des politiques opportunistes de tous bords pour essayer de récupérer des voix s’associent aux grèves pour que l’on renonce à améliorer ce qui existe mais est défaillant. S’il le faut interrogeons les français par référendum.
 Le constat d’une indispensable réforme est acté de façon factuelle mais on a le droit d’en contester la méthode et de ne pas vouloir d’un régime où un sou payé vaut un sou de retraite sans connaitre le calcul de la valeur du point ce qui s’approche de la capitalisation et n’est plus de la répartition. Sur ce point le gouvernement est flou, qu’on lui fasse préciser les choses. Mais que l’on propose mieux.
 Si le pays ne se transforme pas on ira dans le mur. Il sera alors bien temps de dire on s’est trompé et on aurait dû accepter la réforme. Que l’on discute d’un échéancier raisonnable je suis pour. Mais au nom du père et du grand-père que je suis je l’espère responsable et objectif que l’on agisse et que l’on ne se ridiculise pas en renonçant de fait.   Que l’on ne défile pas pour se faire plaisir et gagner, contre qui d’ailleurs ? Sinon à quoi ça sert que Ducros (lire Delevoye) se soit décarcassé si c’est pour aboutir à rien ? Nos enfants et petits-enfants seraient fondés à refuser notre héritage.

mardi 5 novembre 2019

sémantique inutile ou parler pour nerien dire


             Sémantique inutile ou parler pour ne rien dire.
                       Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
Maintenant que je suis à la retraite je peux avouer tout en demandant à mes confrères qui n’ont jamais fait comme moi de me pardonner : j’ai parfois parlé comme avocat pendant 42 ans d’exercice quotidien devant les tribunaux de France et de Navarre pour ne rien dire quand le cas que j’avais à défendre était délicat voire controversé. Je ne faisais en réalité que de copier les politiques qui s’indignent à la moindre étincelle surtout quand ils ne sont pas aux affaires, ont un avis péremptoire pour contrer l’adversaire et qui varie selon le camp où il se situe et pour exiger la démission du ministre en général.  C’est grotesque, irresponsable et contre-productif mais on n’arrive pas à sortir des vieux réflexes de l’ancien monde, comme les cheminots ou autres corporations bénéficiaires des régimes spéciaux qui font grève avant même de discuter alors que la proposition de réforme a été retirée !  Le nouveau monde a du mal à transformer les habitudes ce qui ne calme pas notre démocratie déjà contestée de l’intérieur.  Evidemment si la critique est facile, les propositions concrètes pour trouver des solutions consensuelles sont rarissimes voire inexistantes.
Dans le débat public à chaque fois qu’il y a un acte grave qui scandalise - ce qui est le cas pratiquement tous les jours désormais - on se gargarise de mots, on se lance des invectives au visage, on se traite de moins que rien, de légers voire d’incompétents, de laxistes ou d’affidés à telle ou telle catégorie dans un but purement électoraliste, puis on passe à autre chose, un évènement chassant l’autre. C’est le cas pour ce qui arrive dans toujours les mêmes quartiers de banlieue ( mais il ne faut pas stigmatiser des endroits et tous ses habitants dont la majorité subit les violences diverses ), avec la même catégorie de personnes  sans foi ni loi concernées contre toujours les mêmes victimes celles  qui représentent l’autorité  donc les forces de l’ordre plus les pompiers (qui incarnent le secours mais allez comprendre pourquoi eux ?), en y ajoutant aussi  les maires taxés de corruption ou de clientélisme ou de défendre leurs intérêts personnels,  et sans oublier les médecins qui sauvent mais doivent refuser de délivrer des ordonnances pour se «  booster » ou qui  ne croient pas aux remèdes divers et non  scientifiques... ? Mais sans autorité, sans sécurité comment exercer ses libertés et vivre en harmonie ?
Samedi 2 novembre la ville de Chanteloup-les vignes s’est distinguée : une bande de « petits jeunes » mineurs ou majeurs – a priori car on n’a pas formellement identifié tous ceux qui portent foulards et cagoules- ont incendié une structure toute neuve dédiée aux enfants qui aiment le cirque, et ont attaqué des forces de l’ordre attirées dans un véritable guet- apens. Ce fut prémédité, organisé pour tuer ou blesser, et casser. Dans un pays qui n’applique pas l’état de droit et les droits de l’homme comme chez nous ce qui fait notre grandeur et en même temps notre incapacité à trouver des solutions fiables et solides car on déteste ce qui est autoritaire et répressif, et une cause commune à combattre, la mobilisation aurait été générale et le diagnostic partagé, pour retrouver au plus vite les coupables et les faire comparaitre en justice que l’on espère forte sur ses sujets.  Il y aurait l’union pour se défendre. En France on commence par se battre sur les mots. Et on annonce que l’on va reconstruire au plus vite jusqu’au prochain incident ! La finance d’abord car il ne faut pas pénaliser les honnêtes gens ce qui est très bien, car les faits sont graves pour eux. Puis les coupables viennent ensuite.
Depuis plusieurs semaines dans toute la France avec des procédés similaires et la volonté de nuire il y a des violences urbaines. Il n’y a donc rien de spontané et de soudain.  A chaque fois on s’indigne, on dit que c’est inadmissible, que la loi doit passer avec la justice et … c’est tout.  Les paroles « verbales » flottent au vent.
Déjà la fête d’halloween avant la toussaint avait donné lieu à des débordements graves avec feux de poubelles, voitures incendiées, guet-apens divers, écoles incendiées, assaut contre un commissariat (à la Courneuve) qui témoignent plus de haine contre les institutions et leurs représentants que de revendications précises ou de manifestations pour améliorer l’existant. Et ce alors qu’actuellement la cour d’assises à Evry juge à huis clos (on a eu peur d’une audience publique ?) ceux qui ont agressé les policiers à Viry- Chatillon en 2016 dans leur voiture et ont voulu les faire brûler, policiers qui protégeaient (on en est là) des caméras de vidéo- surveillance qui perturbaient le trafic de drogue à proximité. Les avocats de la défense ont taxé leurs clients de « jeunes cons » c’est tout, et on verra qui sera condamné et à combien, et qui sera acquitté.  On n’a évidemment pas entendu un mot de regret surtout chez les mineurs qui ont un sentiment d’impunité et on constate que ces nouveaux délinquants n’ont peur de rien, ni des policiers qu’ils attaquent, ni des juges puisqu’ils se prétendent innocents et ont mille excuses de n’importe quelle nature à opposer sur leur comportement déviant, et ni de l’opinion qui leur en voudrait. Ce sont des victimes du système et de la société forcément raciste et injuste ! …
 On est passé de l’autre côté du miroir qui ne reflète plus rien, et on ne sait plus dans quel monde on vit, ou ce que certains veulent obtenir, quelle société, selon quels codes, avec quelles règles ou valeurs, quel genre de démocratie ? On s’engage dans le cycle vicieux et ancien de la provocation -répression, de la perte de sens, de l’absence de toute cohésion sociale et du respect de l’autre surtout si son mode de vie ne ressemble pas au sien tout en s’inscrivant dans les principes de la république, de l’impossibilité de construire dans l’intérêt général, qui permet à chacun d’avoir sa chance conformément à ses efforts et son mérite, d’où qu’il vienne.  Je plaide donc pour la modération dans l’expression, l’absence de polémique pour les sujets régaliens, et une tentative d’union sacrée, car la lutte pour arriver ou se maintenir au pouvoir exige des principes de responsabilité. Personne n’a la vérité infuse, et les polémiques font le jeu des délinquants qui se moquent de ce qu’ils appellent nos faiblesses et notre manque de certitudes en ce qui nous structure, à savoir les valeurs de la république ce qui leur donne un sentiment de triomphe et la croyance qu’ils vont réussir à changer notre mode de vie.  La bataille des mots ne mène nulle part, elle crée des maux.
J’illustre ce qui précède par la cacophonie entendue lundi 4 novembre. Devant les journalistes qui exigent des réponses immédiates sans prendre le moindre recul  et contribuent à l’émotion au prétexte de l’information même quand on ignore tout ,  Le premier ministre qui s’est rendu sur place à Chanteloup ce qui ne sert à rien mais un politique doit se déplacer à chaque évènement grave pour se «  faire engueuler » , montrer sa compassion et dénoncer ce qui est inacceptable  sinon il est accusé d’indifférence voire pire, a traité les « coupables » (présumés comme l’exige la loi !) de bandes «  d’imbéciles irresponsables » raccourci a minima je le concède, mais je pense qu’il a voulu être  responsable et  apaiser ce qui est son rôle plutôt que d’exacerber les passions et les  rancœurs. Mais M.Philippe a eu tort de dire que ces  supposés  imbéciles étaient irresponsables car ils doivent assumer ce qu’ils ont fait volontairement , qu’ils aient mesuré les conséquences ou non. N’importe qui y compris un jeune mineur se doute que quand on tire sur des policiers avec toute sorte de projectile la cour d’assises se rapproche et qu’un incendie volontaire est pénalement un crime car il y aura des dégâts et peut être des victimes. Il ne faut pas prendre ces délinquants pour plus demeurés qu’ils le sont et des canards sauvages pour des enfants du bon dieu (lequel d’ailleurs ?)
Le premier ministre s’est fait aussitôt tacler par plus radical que lui.  M.Ciotti député de Nice s’est fendu d’un tweet - peut-être se prend -t- il pour le président Trump ? - accusant M.Philippe de banaliser les faits et de mollesse dans l’expression : il aurait dû dire criminel ! M.Ciotti a raté sa vocation de procureur et de juge sans preuve même s’il peut avoir raison sur le fond l’enquête le dira.   Je ne sais pas si ce tweet aura fait émerger une solution et grandir son auteur ou redorer le blason du parti les républicains, et si les coupables ont peur d’être traités de criminels. Cela me rappelle Charles Pasqua qui voulait terroriser les terroristes. Puis on a entendu M.Bédier président du conseil départemental des Yvelines parler de crétins et de voyous ce qui me semble être un tandem exact .Mais les politiques ont surtout perdu une occasion de se taire  et de ne pas en rajouter.  Chacun pense ce qu’il veut de la qualification retenue qui me parait secondaire car tout le monde a sa petite idée sur les coupables, leur sort  éventuel via  la justice qui devra être très sévère  si on les juge , et les mesures à prendre pour que les quartiers que M.Valls alors premier ministre avait identifié comme des terres de reconquête ce dont la police s’occupe avec courage tous les jours, redeviennent des lieux où l’on peut vivre paisiblement , sans craindre  les exactions et les menaces des gangs .Les citoyens où qu’ils soient ont droit à la sécurité . La réponse n’est plus dans le verbe puisque les constats sont accablants et cernés ni dans une répression qui bien que fondamentale ne peut tout résoudre, sauf à faire des « martyrs » qui n’ont plus rien à perdre. Elle est dans l’action.
 Il y a deux situations différentes à ne pas confondre : en premier lieu les bandes de délinquants qui sont des trafiquants professionnels au sein d’organisations criminelles qui défendent leurs pré-carrés en faisant tout pour que les pouvoirs publics ne reprennent pas le contrôle de ce qu’ils considèrent être leurs propriétés, et qui doivent être combattues comme si elles étaient des armées ennemies de l’intérieur avec de gros moyens car il n’y a pas à hésiter. Et sans considérations morales. Il n’est pas interdit d’espérer que les habitants honnêtes desdits quartiers forment la société de vigilance que le président Macron souhaite.
 En second lieu pour ceux qui participent par opportunité, pour les plus jeunes pas encore totalement et définitivement pervertis qui ne sont pas à l’origine des trafics et ne les pensent pas mais sans qui les commerces ne pourraient pas se développer, il faut naturellement sévir mais aussi essayer de les sortir de l’engrenage fatal bien qu’ils soient entièrement responsables de leurs actes.   La solution est dans la tentative de bien comprendre pour trouver des remèdes qui ne soient pas de la poudre aux yeux, je veux dire une solution uniquement matérielle en déversant toujours plus d’argent sachant que les politiques de la ville n’ont pas donné les résultats escomptés , ont poussé à de la surenchère et que cela ne va pas quand même.
 L’Etat naturellement doit faire son devoir et comme l’a annoncé le premier ministre   pour le « 9.3 » innover plus qu’ailleurs à certains endroits, même si le monde rural que je fréquente et qui ne casse pas et n’attaque personne a besoin aussi qu’on l’aide. Mais il y a des urgences et pour avoir une relative paix sociale- qu’il ne faut pas présumer ni acheter- pour parvenir à terme à un destin commun peut être faut- il faire sans le dire une sorte de « discrimination positive », ce que je dénonce dans d’autres domaines ou par exemple la réussite aux concours auprès des grandes écoles dépendrait d’où vous habitez et de votre famille, ou de vos revenus : c’est la négation du mérite. Il faut aussi que les territoires soient attractifs et que chacun puisse croire que son avenir est possible là où il vit.  Mais soyons sincère : Il ne faut pas tout attendre de l’Etat et nos citoyens doivent se prendre en mains dans tous les domaines. D’autant plus que l’Etat ne se dérobe pas, ne se désengage pas, et que c’est en raison de l’action de la police dans les nombreux quartiers avec trafics qu’il y a des représailles.  
Les questions plus philosophiques sont : pourquoi des bandes d’individus au-delà de protéger leurs trafics ont-elles la haine de l’autre, de l’autorité, de l’Etat qui protège et veulent tout casser, ce qui est payé par leurs voisins ou familles ? Que pensent-ils obtenir ? Sont-ils pour la violence même si on leur donne ce qu’ils revendiquent à condition de savoir quoi ? A -t -on une chance de les raisonner, de les convaincre qu’il y a un destin commun à partager, de leur donner des pistes à suivre sur place là où ils vivent en aidant les élus de leur commune (faisons de la vraie décentralisation comme M. Jourdain taquinait la prose), de les former, et de les encourager surtout ceux qui n’y arrivent pas ou sont en situation d’échec, de leur procurer une chance pour qu’ils réussissent ? Y a-t-il une solution culturelle, religieuse, économique et sociale ? Pourquoi se sentent-ils abandonnés ? Ou toutes ces questions ne servent- elles à rien, et on a affaire à du nihilisme voire une rébellion sans raison contre tout et tous, sans employer le terme anarchiste ou révolutionnaire pour ne pas faire peur ? On ne peut continuer dans cette escalade qui va se terminer dans l’affrontement (il y a plus de 100 agressions de force de l’ordre… par jour et des populations sont montées contre d’autres) et la partition des territoires : le communautarisme et le séparatisme territorial auront gagné au détriment de l’union et l’égalité dans la république. Il faut changer de paradigme, et de vocabulaire.
 La sémantique a atteint ses limites on veut des actes. Il ne suffit donc pas de parler pour ne rien dire mais après avoir bien identifié les causes générales protéiformes, il faut prendre des mesures réalistes qui n’excluent personne en les adaptant aux territoires qui ont des besoins particuliers, en préférant les victimes aux délinquants qu’il s’agit de punir sans faux état d’âme et pour les violences  en n’inventant pas des excuses  sociologiques ou religieuses, professionnelles  ou sociales  voire politiques aussi farfelues qu’incompatibles avec les valeurs de la république. Que les politiques de tous bords soient modestes car ils n’ont pas trouvé depuis des lustres la pierre philosophale qui permet d’unir les citoyens et règle tous les problèmes de sécurité, d’injustices, de fins de mois, ou de laïcité face à toutes les menaces et actions qui détruisent. On a collectivement une envie d’être rassuré et en paix.
Parler s’apprend, parler juste nécessite de la responsabilité, parler pour rassembler exige de la retenue et de bien qualifier après vérifications. Emettre des hypothèses répond à l’urgence mais en général ajoute à la confusion.  Savoir se taire est aussi une qualité. 

mardi 22 octobre 2019

du droit de retrait dévoyé au devoir de ne pas battre en retraite.


Du droit de retrait dévoyé au devoir de ne pas battre en retraite.
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
A la suite d’un accident entre un train et un véhicule qui n’a fait aucun blessé grave heureusement faut-il le rappeler, une nouvelle fois les cheminots se sont distingués en bloquant tout trafic et en laissant les usagers- ces gueux qui ont le droit de payer leurs billets et qui devraient dire merci pour ce beau voyage à quai ! -se débrouiller voire annuler leurs déplacements. Ils ont inventé une nouvelle définition ébouriffante du droit de retrait qui est une disposition précise du code du travail, et s’étonnent qu’on ne partage pas leur raisonnement qui est ce que la bonne foi est à la tricherie volontaire et au bon sens qui est dans ce cas la chose au monde la moins bien partagée.  Les cheminots veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes, c’est-à-dire un tortillard pour un tgv ou un danger éventuel pour une menace immédiate.  Pour tenter de faire croire que leur droit de retrait était légal, Ils ont donné des justifications à géométrie variable aussi improbables que fumeuses, la plus farfelue étant celle du danger qu’il y aurait de croiser… un autre train où il n’y a pas de contrôleurs ! Heureusement qu’il y a encore des conducteurs. Félicitons d’ailleurs le conducteur du train accidenté qui bien que choqué a parcouru à pied des centaines de mètres pour donner l’alerte : qu’il soit décoré, promu et augmenté. Le mérite doit payer. Ceux qui par solidarité ont cessé de travailler alors qu’ils étaient peut- être à la maison et que ni leur sécurité ni leur santé étaient en danger, devraient se couvrir la tête de cendres. Mais il y a des lustres que le ridicule ne tue plus et que l’insolence règne.  
 Personne ne nie que la sécurité des transports et donc des voyageurs est fondamentale mais qu’il y ait ou non un homme ou une femme à casquette dans les rames, n’évitera ni incident ni accident. Des moyens de secours matériels peuvent être montés sur le train si le conducteur n’est plus en mesure d’alerter ou si les procédés techniques embarqués sont hors service.  Sans compter la réactivité des voyageurs munis de téléphone qui peuvent prévenir les autorités pour le cas où le conducteur ne peut le faire et si le contrôleur -lorsqu’il y en a un- n’est plus en état de réagir. La sécurité en général est l’affaire de tous, de l’Etat qui doit donner les moyens de l’assurer, des professionnels et des citoyens qui ne doivent pas rester bouche bée à attendre qu’on les aide.
Quitter les trains ou refuser de les faire circuler au prétexte qu’il n’y a pas suffisamment de personnel interne et accompagnateur n’arrange rien, car beaucoup de trains circulent déjà sans contrôleurs et sans incident depuis longtemps et les syndicats ont intégré cette pratique voire donné leur accord au moins tacite. S’apercevoir d’un seul coup que c’est dangereux n’est pas crédible. L’excuse donnée crée un faux problème pour punir les usagers qui ne sont pas considérés comme des clients qui méritent considération et dont on a besoin, pour à travers eux faire pression sur le gouvernement pour des revendications professionnelles parfois légitimes comme la lutte contre les agressions journalières et surtout pour éviter la perte de leur régime spécial dans le cadre de la refonte des retraites pour tous. L’ouverture à la concurrence va aussi obliger la Sncf à avoir des règles vraiment commerciales plus strictes au bénéfice de ses clients, concurrence que les cheminots redoutent.  La ruse a été grossière et le droit de retrait cache le vrai objectif : conserver les privilèges issus de l’après -guerre et devenus obsolètes et discriminatoires pour les autres non- bénéficiaires. J’espère que le gouvernement ne battra pas en retraite comme Napoléon devant la Bérézina et que comme employeur la Sncf considérera qu’il y a eu droit de retrait dévoyé donc grève sauvage donc illégale. Le problème des sanctions est du ressort de l’entreprise mais je souhaite que celle-ci aille au bout des procédures y compris judiciaires pour le principe et que le droit soit fixé pour l’avenir. En effet la sécurité au travail, avec le harcèlement, les maladies professionnelles et la pénibilité sont des sujets majeurs dans le secteur privé qui ne bénéficie pas de la protection à vie de l’emploi-autre privilège-, et il ne faudrait pas que le droit de retrait soit galvaudé. Examinons la loi pour que chacun se fasse une opinion personnelle. 
Le code du travail évoque les droits d’alerte et de retrait. L’article L.4131-1 du code du travail dispose : « le travailleur alerte IMMEDIATEMENT l’employeur de toute situation de travail dont   il a un motif RAISONNABLE de penser qu’elle présente un DANGER GRAVE ET IMMINENT pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation ».
N’en déplaise à quelques inspecteurs du travail qui considèrent que le droit de retrait en l’espèce était en fait une alerte il m’apparait que les conditions légales n’étaient pas réunies. Les juges du fond qui ont un pouvoir souverain d’appréciation s’ils sont saisis départageront les protagonistes [20 janvier 1993 ch. Soc. ; 23 avril 2003 n°01.44-806 dr.soc. 2003.805 note Savatier].  L’article L .4131-1 oblige le salarié à un signalement immédiat et non différé dans le temps. La difficulté est dans l’appréciation de la subjectivité : le salarié « estime » qu’il y a danger. La jurisprudence existe : « mais constitue l’exercice du droit de grève et non de retrait l’arrêt de travail décidé par les salariés qui après avoir refusé d’exécuter un ordre dangereux pour leur santé et leur vie, ont présenté une revendication professionnelle en demandant le bénéfice de la position chômeur intempéries » [Soc.26 septembre 1990 dr.soc.1991 ,60 conclusions Waquet, note Ray].
Le service public pour qu’il soit de qualité a besoin de moyens et d’agents qui ont le sens de l’intérêt général, tout en défendant leurs intérêts ce qui est légitime, mais sans profiter de l’outil de blocage dont ils disposent par délégation des citoyens. Les transports sûrs, rapides et à l’heure sont un bien commun et n’appartiennent pas à une « certaine catégorie de personnel » annonce en cas de grève subite que le transporté entend ! Le droit de retrait est une chose trop sérieuse avec des conséquences directes et indirectes qu’on ne peut laisser à l’initiative de n’importe qui avec des conditions subjectives. C’est aussi un aspect de la démocratie qui est actuellement mal en point surtout si chacun oublie ses devoirs collectifs au profit de ses droits individuels. On doit avoir confiance dans l’autre qui doit faire l’effort d’être mesuré pour ne pas fracturer la cohésion sociale car la réussite de la nation implique parfois des renoncements. Nous sommes avant d’être des professionnels d'abord  des citoyens.
Soyons cependant lucides. L’épisode que nous venons de vivre n’est qu’un échauffement pour montrer ses muscles et son pouvoir de nuisance, avant le grand round décisif de la suppression ou non des régimes spéciaux dont celui de la Sncf biberonnée à l’argent public.







mardi 15 octobre 2019

le devoir de vigilance face au droit individuel

Le devoir de vigilance face au droit individuel.  
Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
On oppose les devoirs collectifs que tout citoyen doit à la nation aux droits personnels et exclusifs qu’exige chaque individu qui considère que ses désirs sont des ordres et que rien ni personne pas même l’Etat ne peut réduire ou s’y opposer seraient -ils contraires à l’intérêt de tous.   On a perdu pour la majorité des gens le sens du sacrifice qui nous dépasse et on estime que ce qui compte c’est notre bonheur personnel et qu’il appartient aux autres donc l’Etat de nous le garantir.  Les circonstances font que parfois l’histoire nous rattrape et qu’il faut accepter de limiter nos libertés individuelles et nos réactions habituelles pour que nous puissions conserver ce que nous sommes collectivement. La question est de savoir où nous plaçons le curseur entre ce que nous possédons à savoir nos usages, nos traditions, notre ordre juridique, nos droits, et ce que nous devons abandonner ou changer de méthodes pour garder notre art de vivre en harmonie sans tomber dans l’excès ou ce qui pourrait être autoritaire.
 Le président de la république a nommé l’ennemi : « l’hydre islamiste » c’est-à-dire non pas les musulmans qui vivent en paix en respectant les lois de la république mais ceux qui signent des crimes  au nom d’une prétendue idéologie qu’eux seuls interprètent. Et le président a invité tout le monde à se déculpabiliser- comme si on était coupables ? - et faire remonter les informations sur les menaces. La définition de l’état (avec un petit é) de droit est que c’est un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. Le droit ce sont aussi des obligations.
A la suite de l’assassinat début octobre 2019 de quatre fonctionnaires de police au sein même du service de renseignement de la préfecture de police de paris censé être le cœur de la sécurité par un autre fonctionnaire dénommé Harpon qui prônait et vivait un islamisme radical (ce qui pour moi est un pléonasme) -un harpon est un crochet de fer et est connu comme le trident qui est utilisé pour la pêche sous-marine-on est resté sidéré. On n’aurait jamais imaginé qu’un tel attentat puisse arriver dans un des lieux les mieux sécurisés de France, là où les mesures de sécurité et les précautions doivent être les plus rigoureuses, et que l’agresseur soit issu du milieu policier où l’on recrute après moultes vérifications et où le personnel doit être insoupçonnable.
 On se dit que si le pire peut survenir à cet endroit tout peut arriver ailleurs et que la seule solution puisque l’Etat ne peut tout faire est de concourir individuellement à sa propre protection mais comment ? Sauf naïveté de ma part, je ne pense pas qu’un tel attentat puisse recommencer demain car je veux croire que ceux qui travaillent pour les pouvoirs publics en général sont avant tout des républicains et respectent le principe de laïcité, quelques soient leurs opinions personnelles et leurs modes de vie et croyances ce qui est de leurs libertés. Je fais confiance aux fonctionnaires de toutes catégories et grades et je suis certain qu’ils accomplissent leurs devoirs avec zèle et dévouement.  Mais il suffit d’un seul raté, d’un cas que l’on espère unique pour que l’on s’inquiète à juste titre. Je n’accable pas le ministre de l’intérieur qui a de grandes qualités mais pas celle de l’expression en général qui est toujours approximative voire inexacte et qui n’est pas souvent dans le bon tempo. Mais lui demander sa démission ne rime à rien car je ne sais pas si un autre ministre de l’intérieur à sa place ferait mieux, et si le ministre est responsable de ses services il n’est pas coupable des manquements ou fautes individuelles, selon la formule immortelle de Mme Dufoix jadis ministre au moment du scandale du sang contaminé.
Attendons cependant la fin de l’enquête pour savoir avec certitude qui était réellement ce M. Harpon, comment et avec qui  il s’est radicalisé, ses mentors et complices éventuels,  pourquoi il y a eu des failles administratives et comment malgré des actes  manifestes et des signaux significatifs pour ses fréquentations extérieures et ses comportements au travail  il n’a pas fait l’objet d’un signalement , pour quelles raisons  ses collègues n’ont pas voulu ou pas  pu saisir officiellement la hiérarchie qui aurait sévi du moins on l’imagine et même si M.Harpon avait saisi la justice  en prétendant à l’arbitraire, à la discrimination , à l’atteinte à la vie privée  et à la laïcité outre l’absence de faute professionnelle. Mieux vaut prendre le risque de perdre un procès et éliminer un danger potentiel   que d’attendre en tremblant que l’on passe à l’acte.
En effet un des moindres paradoxes est  que  les terroristes ou apparentés  même simplement soupçonnés (le fameux fichier S  ) n’hésitent pas à se servir des moyens de droit et des avocats qui font leur travail, que notre démocratie met à la disposition de ceux qui veulent la détruire : c’est un principe  qui fait notre gloire mais qui est  contesté par les victimes et par ceux qui ne croient qu’au principe de réalité ce qui entraine des polémiques au sein de notre société ce dont se délectent ceux que l’on veut  éliminer à juste titre le principe de précaution ayant enfin un vrai sens. On a ainsi appris que des fonctionnaires écartés, mutés ou révoqués pour radicalisation avaient obtenu des tribunaux l’annulation de la décision et leur réintégration dans le service. On a crié au scandale mais nous sommes dans un Etat de droit et les juges doivent respecter la loi et les grands principes qui fondent notre justice. Cela peut paraitre angélique, trop humaniste, mais nous ne pouvons combattre l’ennemi intérieur en particulier qu’avec des armes légales et démocratiques. S’il s’agit de rapatrier lentement soyons francs des théâtres de guerre ceux qui se sont battus pour Daech et qui sont français notre devoir est similaire même si on n’en a pas envie et qu’il y a des femmes (dont le rôle actif sur place dans le soutien voire l’action a été parfois majeur et que nos féministes ne soutiennent pas !) et des enfants qui n’ont rien demandé. La majorité des français est contre on le sait mais l’opinion publique ne peut conduire à prendre des décisions qu’elle regrettera ensuite en raison des conséquences.  Notre justice examinera chaque cas, les sanctionnera après un débat contradictoire et l’exercice des droits de la défense, avec la difficulté qu’un jour ils sortiront de prison. Mais on ne peut pas s’asseoir sur les principes sinon ils finissent par céder disait le prince de Talleyrand-Périgord et alors ensuite tout est possible : quand les bornes sont franchies il n’y a plus de limites et le quidam peut subir ce que le criminel exceptionnel mérite. L’histoire relativement récente nous a appris ce qu’était la justice d’exception.  
Le président de la république a appelé à une société de vigilance face à l’islam radical qui est selon lui « un islam dévoyé et porteur de mort qu’il nous revient d’éradiquer ». Il a raison, et nous avons été trop indulgent depuis des dizaines d’années sur les atteintes à la laïcité dans tous les domaines comme les écoles, les activités sportives, dans les entreprises privées, voire dans les services publics (lire le rapport sénatorial de MM. Diard et Pouillat de juin 2019) ou assimilés comme dans les transports et qui ont ouvert la porte à un entrisme forcené et à des demandes toujours nouvelles et sans fin. La politique des petits pas a payé, a grignoté la laïcité et les responsables politiques ou autres n’ont pas su y mettre un terme pour ne pas faire de vagues considérées comme de la provocation (sic). Pour paraphraser Winston Churchill on a voulu éviter la guerre au prix du déshonneur c’est -à -dire à la renonciation à nos valeurs ou leurs transformations pour ne pas apparaitre conservateur ou fermé aux autres ce qui veut dire sectaire. Mais on a la guerre directe de l’extérieur et désormais de l’intérieur et on se dirige vers le déshonneur si on renonce. Les politiques de la ville malgré les mannes d’argent déversées n’ont rien donné de vraiment positif et les efforts des élus des collectivités locales avec l’aide de l’Etat n’ont réglé aucun problème de fond. On a assisté impuissant aux actes de barbarie d’individus que nous avons éduqués et considérés comme des citoyens comme les autres.  On s’est concentré dans l’actualité sur le sort misérable des migrants qui sont un « leurre » certes très important, mais en réalité des trompe- l’œil car la vraie question est l’intégration de ceux qui vivent sur notre territoire avec l’acceptation des valeurs républicaines ou non et personne ne remet en cause le statut des réfugiés décrétés comme tels. Les français sont généreux, accueillants, ouverts à condition qu’on les respecte eux aussi.  Mais c’est un autre sujet. L’urgence est de se protéger aussi de ceux qui sont près de nous. D’où l’exhortation du président de la république pour éviter toute partition et un affrontement qui ne pourra que dégénérer. Une petite minorité est dangereuse contre laquelle il faut agir. C’est un devoir pour tous. 
 On ne peut pas dire que nous ne savions pas il y a des dizaines de rapports officiels depuis des années sur tous les sujets qui ont été écrits. Les collectivités locales ont dû s’adapter, sont devenues pour certaines les territoires perdus de la république, et il ne se passe pas un jour sans qu’un fait divers sanglant défraye la chronique ou qu’un acte plus ou moins grave révulse ou inquiète.  Certes ce n’est pas la religion musulmane qui est en cause car il y a   d’autres sources du mal « bien de chez nous » si je puis dire comme l’esprit criminel, l’appât du gain ou ce que la nature humaine dans son côté sombre invente.   Comme toute religion qui est du domaine de la sphère privée chacun doit la vivre comme il l’entend, à la condition -ce qui est du simple bon sens et pas la volonté d’imposer des normes occidentales ou chrétiennes-- que les règles légales et nos traditions de vivre-ensemble soient respectées d’autant plus qu’il y en a qui ne croient pas en un dieu, sont libres-penseurs et veulent simplement vivre en paix.  C’est ce qu’on appelle le respect de la diversité où personne ne cherche à imposer sa manière de voir et de vivre, où la cohabitation des cultures se fond dans la nation qui exalte toutes les individualités, où l’identité a un sens, et pour ceux qui arrivent c’est le comportement normal que l’on doit avoir quand on est dans un autre pays que le sien où il ne s’agit plus de vivre comme là-bas.   
Mais il faut admettre que le terrorisme devenu individuel repose sur des motivations précises qui tournent autour de la dénonciation des mécréants, sur la nécessité de punir les infidèles et qui ont pour fondement une vision extrême d’une religion avec la violence qui vaut comme justification. Prenons- les aux mots et nous aussi « dénonçons » -on dit informons qui de droit- ce qui nous parait menaçant et si on se trompe ou que l’on fait n’importe quoi l’état de droit je veux dire notre justice, nous sanctionnera.  
Le président a demandé à chacun de savoir repérer « les relâchements, les déviations, ces petits gestes qui signalent un éloignement avec les lois et les valeurs de la république ». Il s’agit d’éléments objectifs pouvant être vérifiés.  Pour moi cette vigilance s’applique à tous les domaines et pas seulement pour une religion. La sécurité est l’affaire de tous les citoyens et je me réjouis quand dans un quartier les habitants signalent les trafiquants de drogue ou ceux qui participent aux trafics et qui sont mineurs, ou qui relatent tout comportement illégal ou potentiellement dangereux. Je me féliciterai aussi qu’une communauté chasse ses brebis galeuses et participe à l’éthique globale qui bénéficie à tous.  J’appelle cela du civisme, de l’honnêteté intellectuelle, de l’objectivité nationale, ou simplement le sens du devoir dans l’intérêt général. Le premier ministre PS Manuel Valls l’avait de son temps souhaité.  Il ne s’agit pas d’en venir à une délation généralisée favorisée par des critères flous voire non définis donc subjectifs et dangereux, ou à l’ère du soupçon comme on l’a connue notamment sous Robespierre, ou à la dénonciation du proche que l’on n’aime pas pour des raisons diverses ce qui reste dans nos mémoires ou celles de nos grands-parents qui en ont souffert.  Je n’évoque que pour mémoire les régimes dictatoriaux qui obligent les citoyens à faire leur auto-critique et à se dénoncer en famille. Nous n’en sommes pas là.  Le président de la république nous a demandé d’avoir le sens des responsabilités et de ne pas se méfier de tout comme c’est la tendance avec le complotisme ou la tentation de rejeter toute parole publique, mais d’être attentif. Dès qu’une information sort certains pensent que c’est une « fake news », destinée à cacher la vérité et que l’on protège les puissants. On ne peut vivre dans un cadre de méfiance et il faut parvenir à une société de confiance comme l’avait écrit il y a déjà des dizaines d’années Alain Peyrefitte ministre du général de Gaulle.
Pour cela il faut croire en son voisin et donc le connaitre, le fréquenter ; il faut être sûr que nous avons tous un destin commun quelques soient nos différences ; il faut faire vivre les grands principes humanistes et cesser d’opposer les communautés ou se replier vers ce que l’on croit être la vérité. Le président nous a invité à la vigilance ; écoutons- le en choisissant la raison, la tolérance, l’union, et la confiance c’est - à -dire les valeurs de la république, en éradiquant a dit le président ce qui est un terme fort signifiant supprimer totalement-vaste programme qui ne peut être cependant une chasse aux sorcières soyons prudents- tous ceux qui veulent la haine, l’affrontement et la division ou qui ne respectent pas les règles du jeu démocratique.  L’état de droit nous protège des excès et des dénonciations téméraires ou calomnieuses. A nous d’agir sans passion mais avec détermination en participant à un devoir collectif ce qui renforcera nos droits individuels qui ont besoin de sécurité pour s’épanouir.

vendredi 20 septembre 2019

une justice révolutionnaire


Une justice révolutionnaire ?
   Par christian fremaux avocat honoraire et élu local.
L’actualité enchante le justiciable que je suis et invite à réfléchir sur la justice. La mise en scène de la comparution les 19 et 20 septembre de M.Mélenchon et ses amis députés ou militants  devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour les faits que tout le monde a vu à la télévision lors de la perquisition des locaux de la France insoumise, est digne de Feydeau car les portes claquent et les répliques font rire. M.Mélenchon affirme avec gravité que la justice est politique et qu’il y a un complot contre lui, comme il y en a eu un pour Lula l’ex président de la république brésilienne qui lui dort en prison et qu’on veut l’écarter de la vie publique. Il a accusé Mme Belloubet garde des sceaux d’avoir déclenché la perquisition et de guider les juges. C’est grave docteur.  
M. Mélenchon porte l’écharpe tricolore de député et continue à dire qu’il est à lui tout seul la république, qu’il en est le bruit et la fureur. Pauvre république si elle est ainsi incarnée. Mais surtout M.Mélenchon conteste la régularité des procédures qui l’ont conduit devant un tribunal et c’est son droit d’y croire ,on verra ce que les juges décident, et profère diverses affirmations qui montrent quelle genre de justice il voudrait lui que se dit innocent et au pire d’avoir répondu à l’agression de l’Etat représenté par les policiers et les procureurs  :  il était en légitime défense. Il voudrait une justice du peuple dont ses représentants élus seraient exonérés qui renverse les grands principes mais uniquement en faveur de ceux qui croient à la révolution car ils ont raison en tout et qui ne prendraient pas de gant pour les adversaires forcément réactionnaires, corrompus et coupables.  
Et si M.Mélenchon avait raison ?. Et s’il fallait tout changer en matière de justice pour faire plaisir au peuple ou croire que c’est ce qu’il veut et qui au nom de l’égalité et de ce qui est juste aime bien que les puissants paient leurs turpitudes. Et si nous devions reconstruire une justice révolutionnaire avec des principes innovants ? C’est dans cet état d’esprit que je me suis couché et que j’ai rêvé. Pardonnez mon humour noir et peut être déplacé mais à notre époque tout se dit ce qui est d’ailleurs le problème puisque tout se vaudrait et les réseaux sociaux ne sont pas les derniers à délirer alors que souvent la réalité dépasse la fiction.
On le vit en direct avec l’insoumis en chef qui a déclaré tout de go au président du tribunal : « accuser un insoumis de délit de rébellion  c’est un pléonasme » bon mot  qui a dû entrainer des rires dans la salle, mais qui révèle le fond de la croyance de l’illustre prévenu : tout lui est permis, il n’est pas obligé de respecter la loi ou quiconque qui est l’autorité ;  son comportement de citoyen qui devrait être exemplaire comme député n’appartient qu’à lui, il est son propre juge puisque il bénéficie de l’onction du suffrage universel. Dans mon sommeil j’ai imaginé ce que peut être M.Mélenchon souhaiterait.
Puisque la justice s’intéresse aux hommes et aux femmes politiques, sauf pour les purs et durs comme M.Mélenchon qui détient la vérité  mettons les tous en prison qu’ils soient coupables avérés ou non pour quelques jours seulement, à titre de travaux pratiques comme s’ils faisaient un stage en entreprise. S’ils sont ensuite déclarés innocents, ils auront acquis de l’expérience de terrain ce qui en politique est toujours utile.  M.Mélenchon serait le camarade de cellule de M.Balkany ; M.Fillon parlerait avec son vieil ami M.Sarkozy ; M.De Rugy (bien que non poursuivi pour ses homards) partagerait la cantine avec M.Ferrand qui lui a succédé comme président de l’assemblée nationale ; M.Bayrou pourrait contrôler la propreté des établissements avant de redevenir garde des sceaux comme il le souhaite, et je laisse à chacun désigner tel coupable putatif idéal, de l’ancien monde comme du nouveau. Être détenu incite à l’aveu on le sait et on aurait peut-être des révélations croustillantes que l’on n’avait pas imaginées.
Des gilets jaunes ont demandé que les ministres et parlementaires soient payés au smic pour qu’ils comprennent que les fins de mois se terminent parfois juste après les 15 premiers jours et qu’ainsi ils prennent la mesure de la vie réelle.  Je ne crois pas que la démagogie et l’envie paient mais pourquoi pas dans le désordre actuel. J’ai donc rêvé que pour M.Mélenchon il devrait en être de même pour ses adversaires et que l’enfermement était un bon moyen de faire réfléchir nos élites, pour qu’ensuite ils  réforment concrètement la justice dans l’intérêt aussi des misérables .Et j’ai continué dans ma fièvre en pensant au bout de la logique. Je suais, je me tournais dans mon lit et j’avais peur.
 Pourquoi garder la présomption d’innocence qui ne sert qu’à perdre du temps et en fait gagner à ceux qui méritent l’opprobre publique ? Quand le tribunal médiatique a fait comparaitre ses victimes sans les entendre, n’a pas vérifié les faits mais que des auto-proclamés experts sans connaitre le dossier ont prononcé un verdict de culpabilité pourquoi attendre que la vraie justice se prononce des mois ou des années après ? Le peuple est pressé et à besoin de responsables en réalité de boucs émissaires et la révolution fait naitre des martyrs. Etablissons la présomption de culpabilité puisqu’un vrai innocent arrive facilement à démontrer qu’il n’est pas coupable. Le doute ne doit pas lui profiter puisque la société a forcément raison et les destins individuels doivent céder devant l’intérêt général du peuple et sa satisfaction morale. Dans mon rêve je voyais M.Mélenchon faire son auto-critique ce qui est normal pour un trotskiste mais s’indigner que des juges bourgeois et aux ordres ne le croient pas sur parole. On devrait aussi pouvoir enregistrer à son insu n’importe qui qualifié de traître ou renégat, et faire de la caméra cachée la base des procédures. Cela éviterait de discuter sur des preuves recevables ou non.  Certes M.Mélenchon conteste les images diffusées en direct  et le film de sa perquisition car  les  médias  peuvent réaliser des montages et tout trafiquer . Les images « mentent » a-t-il dit. Les policiers ne l’ont pas salué réglementairement, ô horreur … Je rêvais que big brother était au pouvoir et je ne voulais plus me lever. On n’aurait plus besoin de juges qui disent le droit. La rumeur, la bonne foi de témoins ou non, ou d’accusateurs insoumis n’appartenant pas aux élites suffiraient et permettraient d’établir l’acte d’accusation. Les avocats seraient interdits et là je me suis réveillé. Une justice révolutionnaire à la Mélenchon c’est à voir mais supprimer le pain des avocats c’est inadmissible !
J’ai alors écouté la radio et j’ai entendu M.Mélenchon devant la presse plaider pour lui-même. Il est innocent il faut le croire car on veut l’éliminer de la politique. On a voulu confisquer le fichier du parti qu’il entendait protéger : c’est une bonne action qui légitime tout. Il faut que la justice le reconnaisse et le relaxe.
La procureure a ramené dans ses réquisitions les faits misérables à leurs justes proportions en réclamant trois mois avec sursis contre le rebelle et des amendes pour les autres prévenus.  C’est presque par cette modestie une insulte à la grandeur de l’immense personnalité poursuivie. M.Mélenchon soulagé d’être toujours éligible- aucune peine d’inéligibilité n’ayant d’ailleurs jamais été envisagée ! - a immédiatement crié victoire et a considéré que la modération du parquet prouvait qu’il avait raison. Il est vraiment « indécrottable ». On constate que la justice ne veut pas faire un exemple du député et qu’elle est indépendante et humaine.
 On verra ce que les juges du siège décideront. En attendant j’ai passé une mauvaise nuit peuplée de cauchemars.         

mardi 17 septembre 2019

décrocheurs et désobéisseurs ou l'état de nécessité


Décrocheurs et désobéisseurs ou l’état de nécessité.
            Par Christian Fremaux avocat honoraire et élu local.

Tout ce qui est social ou se rapporte aux émotions est désormais revendiqué comme prioritaire ou de valeur supérieure dans notre environnement technocratique où les décisions tombent du haut ou viennent d’ailleurs (l’Europe), société qui est devenue technologique et immatérielle où l’homme -la femme semblent être une variable d’ajustement. On a besoin de sentiments, de rapports plus humains, de générosité, d’entraide avec celui ou ceux qui sont en difficulté, et l’on exige d’agir pour le climat. Nous sommes d’accord mais faut-il pour autant ne pas respecter la loi, les symboles républicains et s’affranchir de toutes contraintes légales démocratiquement votées ? Est- il légitime de désobéir ?

Madame Macron vient d’ouvrir à Clichy-sous- bois (93) une école où elle enseigne au bénéfice de « décrocheurs » adultes ceux qui ne sont pas restés à l’école, n’ont ni diplômes ni formation professionnelle et qui galèrent en conséquence pour s’insérer et trouver du travail. Il faut féliciter madame la femme du président de la république : les décrocheurs qu’elle aide sont positifs. C’était nécessaire pour eux.

 Mais il y a une autre catégorie de décrocheurs qui sont dangereux car ils ont décidé de désobéir ce qui est un mauvais exemple pour l’ensemble des citoyens et renforce l’individualisme qui est une menace pour la cohésion sociale, et l’union qui est indispensable. On peut avoir toutes les raisons que l’on veut, mais on doit aussi respecter ses devoirs, les institutions, les lois, sinon c’est la porte ouverte à toutes les aventures. Dans notre démocratie il y a des élections, des médias, des contre- pouvoirs, un parlement, un conseil économique, social et environnemental, des mairies, des associations, des groupes de pression, la liberté de manifester et des débats permanents…  qui permettent de faire passer ses idées sans violence, voire contraindre le pouvoir exécutif à agir. La force même mineure ou joyeuse n’est pas tolérable et une petite minorité ne peut dicter sa loi.
  
On a ressorti un vieux concept qui est devenu une arme de revendication et de chantage massif : la désobéissance qui n’est pas une nécessité.  
La désobéissance civile combat l’autorité de la délibération publique. Cette forme de résistance passive consiste à refuser d’obéir aux lois délibérées et votées démocratiquement et à écarter les jugements d’ordre civil. Des citoyens mus par des motivations éthiques ou prétendues telles (que la majorité n’approuve pas de son côté ou ne connait pas) transgressent délibérément de manière publique, pacifique dans l’intention – qui se caractérise par de la violence en fin de compte - une loi en vigueur [lire John Rawls 1971 théorie de la justice]. On se rappelle les campagnes de désobéissance civile en Afrique du sud de 1949 à 1952, et de l’action aux USA de Martin Luther King (1929-1968). La situation est- elle aussi critique en France en 2019 même si le réchauffement climatique mérite qu’on agisse ? On ajoute dans cette pratique au civisme la notion de « civilité » entendue comme du savoir-vivre (ensemble).
La désobéissance civique qui est une notion quasi similaire se distingue cependant de la civile car elle se heurte à la démocratie classique représentative qui incarne la majorité du peuple. Des minorités agissantes veulent avoir raison et déstabilisent les institutions. C’est le refus de vote, le rejet de toutes directives publiques, de la loi… Sans avoir la moindre légitimité, on fait passer son avis avant celui des autres et son intérêt personnel avant l’intérêt général. On veut être aussi vigie auto-proclamée, un lanceur d’alerte que d’ailleurs désormais la loi protège. Le cadre légal est abandonné.
Ce genre de désobéissance menace le système institutionnel et la confiance envers ceux qui ont été élus pour gouverner. On revient à la loi du plus fort, le faible n’est plus rien, l’élu est suspect, alors qu’il va de soi que tout abus doit être puni et que le soupçon permanent ne fait pas avancer les choses.
Les « décrocheurs »se sont aussi ceux qui se rendent subrepticement dans les mairies et sauf exception sans l’accord du maire dérobent (décrochent) le portrait officiel du président de la république qui est le symbole de l’autorité, de la solidarité et de la république.  Ce peut être considéré comme drôle et potache mais en réalité il s’agit d’un acte politique d’opposition, un geste militant qui signifie beaucoup. D’où des poursuites judiciaires qui sont engagées contre les auteurs identifiés, et une jurisprudence flottante. A Strasbourg le tribunal correctionnel a relaxé trois militants, tandis qu’à Bourg -en- Bresse des militants étaient condamnés à des amendes fermes ou avec sursis. Il va falloir attendre que la cour de cassation se prononce pour avoir une ligne de conduite cohérente et d’appréciation.

Le tribunal correctionnel de Lyon statuant par juge unique a prononcé une décision de relaxe de deux décrocheurs le 16 septembre 2019 en se fondant sur l’état de nécessité. Ce sont les motivations du tribunal, que j’ai lues dans la presse qui m’ont « interpellées » car elles rappellent la jurisprudence du « bon juge » Magnaud (1848-1926). Ce magistrat avait acquitté le 4 mars 1898 louise Menard une jeune fille-mère qui avait dérobé du pain chez un boulanger parce qu’elle n’avait rien mangé depuis deux jours. Le bon juge avait évoqué l’état de nécessité, notion qui fut reconnue par le code pénal seulement en 1994.Celui de Lyon a considérablement étendu la notion à l’intérêt général versus avis personnel.
 
Le tribunal a en effet considéré de manière inédite que ce décrochage-qui est une infraction avérée- est une « interpellation légitime » du président ? et doit être interprété comme « le substitut nécessaire du dialogue impraticable entre le président et le peuple » et qu’inventer d’autres formes de participation des citoyens en dehors des élections est recevable. Cela se discute comme le disait le regretté Jean-Luc Delarue ! Les gilets jaunes le répètent aussi, et la démocratie participative est mise en avant : mais à quoi servent les instances représentatives des élus aux syndicats ou autres si chaque citoyen a droit à être écouté voire reçu par le président de la république, et en quoi y-a t- il un dialogue impraticable en matière de réchauffement climatique et de transition énergétique déjà pris en compte par le gouvernement ? Le magistrat est muet à ce sujet, il affirme et c’est court.
Le tribunal de Lyon a jugé aussi que la réalité du dérèglement climatique « affecte gravement l’avenir de l’humanité ». Dont acte. Et il en déduit : « face au défaut du respect par l’Etat d’objectifs pouvant être perçus comme minimaux dans un domaine vital, le mode d’expression des citoyens en pays démocratique ne peut se réduire aux suffrages exprimés lors des échéances électorales mais doit inventer d’autres formes de participation dans le cadre d’un devoir de vigilance critique ». Or la perception de chacun est subjective et on peut se tromper de bonne foi. Quant à inventer d’autres formes d’expression démocratiques, le concours Lépine est ouvert. 

Nous sommes loin d’une motivation en droit et je me demande si le juge ne s’est pas prononcé ultra petita dans son écriture qui est plus proche d’une leçon de morale ou de bonne gouvernance que du droit positif. Le juge ne serait- il pas aussi militant ?  Personne ne nie l’urgence à agir pour le climat, mais en quoi cela justifie t- il que quelques citoyens s’exonèrent du cadre légal et court-circuitent les institutions ? On ne gouverne pas sous la menace ou le chantage. La majorité des français est peut-être d’accord avec les précautions prises par le gouvernement surtout pour ne pas pénaliser encore plus le monde rural.
Dans son jugement ledit juge lyonnais a dû reconnaitre qu’il y avait eu matériellement vol, mais il l’a formulé autrement : le décrochage c’est « un enlèvement sans autorisation » (sic) -comme la déesse Europe !- commis de «  façon manifestement pacifique avec un trouble à l’ordre public très modéré » ce qui entraine un simple rappel à la loi. Il va falloir lire attentivement ce jugement puisque d’autres décrocheurs vont comparaitre devant des tribunaux correctionnels dans les semaines qui suivent.

Les conséquences ont été immédiates. Les militants poursuivis ont considéré que le juge leur avait donné un permis de désobéissance puisqu’il avait compris les objectifs de leurs missions auto-attribuées. Et c’est là le danger. Si n’importe qui choisit un sujet qu’il estime fondamental et humaniste il serait légitime à ne plus respecter la loi voire à commettre des infractions ou déstabiliser telle ou telle institution. Dans ces conditions l’incivisme paierait sous forme de désobéissance et le citoyen ordinaire celui qui suit les règles quoiqu’il lui en coûte, paie ses taxes et impôts et va voter serait marginalisé voir stipendié. On ne peut l’admettre. Les tribunaux doivent appliquer la loi quitte à prononcer des condamnations minimes, ou dispenser de peine quand un délit est acquis. L’état de nécessité ne peut être retenu pour tout et rien.  

 L’individu n’est pas roi et le peuple qui a coupé la tête à Louis XVI est le souverain dans sa majorité.  Personne n’a le monopole du peuple, ou de la vérité ou du bien. On participe tous. On ne peut avoir raison sur tout et tout le temps. Pour les enfants désobéir est un vilain défaut, un manque d’éducation. Pour les adultes individuellement ou en petit nombre collectivement désobéir est mettre en danger la cohésion nationale et la nation, et est péril mortel pour la démocratie. Quant à la violence même « douce » elle est inacceptable sous toutes ses formes et quel qu’en soit le motif. La fraternité, la tolérance, et le débat démocratique même incisif doivent s’imposer.