jeudi 27 avril 2023

Intérêt général et démocratie directe

 

                 Intérêt général et démocratie directe

              Christian Fremaux avocat honoraire

 

L’intérêt général c’est ce qui est pour le bien public. C’est la capacité d’individus de transcender leurs appartenances et leurs intérêts personnels pour exercer la liberté suprême de former ensemble une société politique. C’est par exemple le contrôle de la loi et des droits. La démocratie c’est une forme de gouvernement dans laquelle  la souveraineté appartient au peuple. Le peuple c’est nous incarné par des élus de toutes catégories, outre les juges piliers de l’état de droit. Il est représenté au parlement. Actuellement sans majorité absolue puisque les électeurs -ceux qui vont voter- l’ont voulu ainsi. De quoi se plaint on ?  La nation est une multitude d’hommes et de femmes vivant dans le même Etat et sous les mêmes lois et partageant des valeurs et un destin communs. C’est un pour tous. Le collectif prime.  

On entend par démocratie directe la volonté d’un individu lambda, d’un citoyen non élu non responsable de quoi que ce soit, d’être écouté obligatoirement et que l’on fasse ce qu’il veut. Sinon il fait la grève et perturbe le pays, il casse symboliquement ou non, ou proteste sans fin pour faire céder celui ou celle qui est devenu son ennemi, pas un citoyen comme lui. Il rejette toute représentation et le rapport de force ne doit aller que dans son sens. Sinon il boude et fait une dépression nerveuse. La démocratie c’est lui. Pas encore la république car au moins une personnalité insoumise pense que c’est elle et l’a préemptée. Un seul ou quelques- uns seraient-ils nombreux sont supérieurs à la collectivité. C’est tous pour un. Le singulier l’emporte.

Sous l’impulsion du président de la république élu au suffrage universel, le gouvernement a été nommé pour proposer des réformes. A défaut c’est l’immobilisme qui fait régresser. Le choix des réformes appartient à l’exécutif qui doit certes entendre la base mais qui ne peut suivre ce qui est demandé par les uns et les autres et qui fait consensus total et enthousiasme. On n’y arriverait jamais sachant que par les droits acquis qui n’ont plus tous de signification on ferait du surplace. Même les intérêts particuliers varient et le monde comme la société bougent. Il faut s’adapter si on ne veut pas être dépassé. Aucun sujet ne doit être tabou en République. On peut tout dire et discuter mais pas n’importe comment par insultes ou désordre en montant les uns contre les autres, ou en créant la chienlit. Personne ne détient la vérité.

Chacun a son opinion sur la réforme des retraites que les spécialistes y compris du monde salarié considèrent comme indispensable. Mais on diffère sur la technique et  la méthode. J’observe que les locaux du conseil constitutionnel qui est la barricade de l’arbitraire ont dû être protégés par les forces de l’ordre. Une partie du peuple attaque une institution.  Est- ce bien démocratique d’agir ainsi ? Un juge ne délibère pas avec un revolver pointé sur sa tempe serait-il un pistolet à bouchons. C’est une erreur majeure de vouloir faire entrer l’opinion publique dans le prétoire. Le droit ne se fait pas en fonction des sondages. Le parlement fait la loi et la constitution a été approuvée par référendum. Sinon c’est la porte ouverte à toute aventure. 

Interdire l’expression de personnalités ou de ministres est une conception curieuse de la liberté d’expression valeur essentielle de la démocratie. Sans elle c’est la caractéristique d’une dictature qui là vient de la base. Dans un procès historique le président de la juridiction répondait aux avocats dont le célèbre Me Labori qui voulaient des précisions : « la question ne sera pas posée » ! Ne discuter que sur ce que l’individu souhaite et tout faire pour que des avis divergents ne s’expriment pas notamment dans l’université c’est tuer le débat public et ne fait pas disparaitre le problème qu’il faut régler ensuite en urgence et dans le conflit. C’est donc contre- productif. Vouloir imposer ses certitudes a un résultat identique. Ni la rue ni les minorités ne peuvent avoir raison dans une démocratie représentative et dans un état de droit. Le monopole de la vérité  ou de l’intérêt général n’existe pas. 

Je suis comme tout le monde. Je vis avec des lois et des débats qui ne me conviennent pas. Je m’adapte et j’attends qu’une éventuelle majorité politique prenne des décisions qui me plaisent. Je peux attendre longtemps mais c’est la démocratie : faire vivre des contraires et respecter l’autre. La violence verbale ou psychologique ou physique est intolérable. On entend que tous ceux qui ne disent pas comme moi sont racistes, fascistes ou des privilégiés voire riches terme désormais infamant. C’est un argument très pauvre, on tombe très bas. Le drapeau noir flotte sur la marmite. Toto tiré au sort dans une convention citoyenne, non merci. 

Et j’use d’un outil démocratique formidable envié par beaucoup de peuples : je ne m’abstiens pas , je suis un stakhanoviste de l’élection. Je ne m’exprime que si j’ai voté. Sauf erreur de ma part il y a moins de 10 % des salariés qui votent lors des élections professionnelles. Le président de la république  a été élu par moins de 50 % du corps électoral. Où étaient les autres, les citoyens qui exigent la démocratie directe et qui protestent actuellement. Est-ce bien responsable pour ceux qui voient un déni de démocratie partout ? Et comment peut- on soutenir qu’on a voté pour le président pour faire barrage à une candidate dont les électeurs sont nos égaux donc honorables. Comment soutenir que M. Macron -que je ne défends pas il le fait très bien lui -même- a les mains liées implicitement. Quelle main l la droite ou la gauche ?  La démocratie ne confère pas un mandat impératif.

Prenons les casserolades pour ce qu’elles sont : des concerts sans paroles par des artistes de rue, intermittents de la démocratie qui se donnent en spectacle croyant être applaudis. Ils font un four bruyant certes mais n’apportent rien. Après un retrait il y a un vide.  C’est dérisoire et pathétique. Notre démocratie mérite mieux. Croit-on qu’une Nation a besoin d’un orchestre cacophonique pour donner le « la » de la musique à suivre, exécutée par la grande formation des sages constitutionnels ?