lundi 27 septembre 2021

On veut comprendre les politiques.

 

                On veut comprendre les politiques.

               Par Christian Fremaux avocat honoraire

N’est-ce pas le nœud gordien à trancher pour que les choix soient positifs, que l’abstention s’abstienne, et que le-la futur.e élu.e  présidentiel.le le soit sans  ambiguïté ? Car on s’aperçoit qu’à peine proclamé dans l’enthousiasme de ceux qui ont voté pour lui le président est contesté, et ce qu’il devait réformer n’est plus accepté voire vivement combattu dans la rue ! Y a-t-il eu maldonne ? Qui n’a pas été clair : le candidat qui est resté flou en faisant le grand écart pour plaire au plus grand nombre ? Ou les citoyens qui n’ont retenu que ce qui les arrangeait et n’ont pas tout compris des déclarations pompeuses ou des promesses subtiles ? Surtout quand il y a des crises violentes, sanitaire, économique et sociale ou autre avec des menaces qui ont tout bouleversé, des changements de valeurs, des exigences de droits nouveaux, et que la stabilité du fameux slogan fourre-tout du vivre-ensemble est un souvenir du passé. Le progrès est mis à toutes les sauces et le cuisinier en chef ne sait plus quelles recettes choisir.

Il y a manifestement un problème d’audition et de compréhension de nos hommes-femmes politiques qui sont très nombreux à vouloir faire notre bonheur. Ceux et celles qui seront rescapé.es des primaires, congrès, désignation ad hoc ou autre système de sélection par quelques milliers de militants, devront expliquer leurs programmes fruits  de négociations, de compromis, d’abandons divers, d’incohérences globales dissimulées en projets progressistes ,mélangeant la croissance et la déconstruction, l’amour de tous en désignant des méchants, des profiteurs qui s’enrichissent sur le dos des pauvres …On s’y attend mais on commence à  être fatigués  des anathèmes et injures ou exclusions dans notre bel état de droit et sa liberté d’expression à géométrie variable. On voudrait que les promesses se concrétisent rapidement en actes, que l’on fasse moins de diagnostics discutables, et que l’on dise comment on va faire, avec qui, selon quels coûts car on ne rase pas gratis, et comment on va souder la Nation dans sa diversité et ses croyances parfois antinomiques en lui donnant un destin, des objectifs et des valeurs communes. La République ne peut tout régler. On veut comprendre et ne pas être déçus. Encore faut-il parler de la même chose.  

J’illustre mon propos par des exemples concrets de l’actualité pour montrer qu’on n’arrive même pas à se mettre d’accord sur le vocabulaire et sur les faits. Ainsi dans un débat télévisé avec le vieux briscard politique professionnel J.L. Mélenchon celui-ci a admis s’être souvent trompé, mais a déclaré qu’il avait changé donc on pouvait le suivre désormais. Il est pour la créolisation de la société au sens du poète Edouard Glissant qui la définit comme la mise en contact de plusieurs éléments de culture sur un même endroit ce qui permet la cohésion sociale. Je ne sais pas si un poète peut trouver sa place dans le débat en cours mais la poésie ne nuit jamais. J’ai appris ce qu’était la créolisation, merci. C’est un fait. M. Mélenchon se dit optimiste. Son contradicteur était M. Zemmour vrai -faux candidat à la présidence de la république, avec ses références (parfois datées : qui connait bien Jacques Bainville ? je suis allé le lire, merci), confirmant fortement ce qu’on nomme comme des obsessions surtout sur l’identité qu’il ne confond pas avec la créolisation, et ses certitudes sur le déclin et un avenir incertain qui sont peut- être fondées ? M.Zemmour pense ne pas être pessimiste mais réaliste. Les mots sont donc essentiels.

 Il y avait en direct par des journalistes un contrôle des chiffres avancés par l’un et l’autre et vérifications d’éventuelles fake-news. Comment l’électeur peut- il s’y retrouver ?  Il aurait été plus rapide d’injecter aux débatteurs un sérum de vérité avant l’émission et comme je suis ancien cela m’a rappelé ce que disait M. Georges Marchais illustre secrétaire général du parti communiste au journaliste qui l’interviewait : « ce n’est peut- être pas votre question mais c’est ma réponse » ! On avait ri, mais jaune pour beaucoup d’électeurs.

Le débat continua sur la déclaration des droits de l’homme base de notre état de droit et de nos valeurs républicaines que l’on croit toujours universalistes, que chacun revendique pour en tirer des conséquences contraires. M. Mélenchon se dit républicain de 1789 et que les droits de l’homme s’adaptent en 2021-22 à tout, que l’on peut les appliquer en les étendant quasiment à l’infini. C’est un fait. M. Zemmour qui ne s’estime pas moins républicain pense que les droits de l’homme-sans les devoirs- ne peuvent pas tout résoudre. Il dénonce le gouvernement des juges qui s’immiscent dans le pouvoir exécutif ou pour les européens dans notre souveraineté, et que l’identité nationale ne permet pas de donner des droits à n’importe qui. C’est le même fait. On part du même texte.

Même réflexion avec le sentiment d’insécurité ou l’existence de violences réelles et dangers ou trafics divers ; et la justice laxiste ou non… Chacun a ses exemples et interprète les faits.    

J’espère que nous allons sortir de la confusion et de l’ambigüité. Les candidats devront parler vrai, et s’appuyer sur des faits avérés et non expliqués par l’idéologie ou vus par des lunettes déformantes pour faire plaisir à telle ou telle partie de l’électorat.

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » a écrit Boileau.  Si l’on veut éviter encore plus de maux que ceux qui seront vilipendés dans la campagne présidentielle, il faut que nos présumés très intelligents politiques à qui on reproche d’être loin du terrain se mettent à la portée de leurs électeurs pour certes élever le débat mais surtout pour que les citoyens comprennent les enjeux, et décident en toute connaissance de cause. Car si on choisit le mauvais candidat on en prend au moins pour 5 ans ce qui est long surtout quand on est innocent.  C’est plus facile à écrire qu’à faire car une campagne politique est souvent réductrice, quelque peu éthérée dans les positions, et parfois de qualité médiocre sinon démagogique. Le peuple n’est responsable de rien, il subit et suit les chemins qu’on lui demande d’emprunter mais qui parfois mènent à une impasse.

Les citoyens veulent comprendre les candidats. Ceux-ci veulent être compris des électeurs. Ces derniers trouveront d’autant plus facilement l’urne pour voter qu’ils seront certains de faire le bon choix en ayant approuvé par raison ce qu’on leur proposait clairement sans émotion sur-jouée qui recouvre tout.  La confiance doit donc être réciproque.

     

lundi 13 septembre 2021

la justice de la CJR est- elle équitable?

 

                 La justice de la C.J.R. est -elle équitable ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire. 

On attend de la justice qu’elle applique le droit sans faire de morale, condamne si les infractions sont avérées, relaxe si tel n’est pas le cas, et qu’elle personnalise sa décision en tenant compte de l’équité au profit de l’individu poursuivi. On connait la cour d’assises qui apprécie les crimes. Me Dupond-Moretti avocat en était un ténor. On a l’habitude des tribunaux correctionnels qui jugent parfois des personnalités ou des anciens dignitaires politiques pour des faits de droit commun comme des achats de costume, le travail d’un proche payé par de l’argent public, des dépassements de comptes de campagne, de la corruption, ou autres délits comme le fait le justiciable moyen. Parfois de la prison ferme est prononcée. On attend l’appel ou le pourvoi en cassation. Souvent on pense que l’indépendance des magistrats est un leurre, et qu’ils subissent des pressions pour condamner ou non. La politique s’est immiscée dans la justice selon l’opinion publique. Mais c’est parfois le contraire : la justice prend place dans la politique. Les juges n’ont rien demandé mais on les oblige à se prononcer sur des décisions publiques de politique réelle.  

En 1993 on a créé la Cour de justice de la république qui a pour mission globale de juger les ministres en exercice ou qui ont quitté le gouvernement, qui auraient pu commettre des fautes, des manquements devenus des délits voire des crimes dans l’accomplissement de leurs fonctions. Cela partait d’un bon sentiment : personne ne doit échapper à sa responsabilité que l’on soit puissant ou misérable, et encore plus avec l’ère de la transparence, du soupçon et de la justice pour tous. Les plus responsables doivent répondre encore plus de leurs actes.  C’est une question de confiance dans l’intérêt de la vérité et de l’égalité entre les citoyens solidaires d’un même destin et des conséquences d’une décision publique. Sa composition est particulière :il y a   3 magistrats du siège dont le président, et 6 députés plus 6 sénateurs. Les poursuites sont gérées par le procureur général de la cour de cassation. Toute personne qui se prétend lésée peut déposer plainte dont la recevabilité est examinée par une commission. Il y a ensuite l’instruction des faits dénoncés. Si les magistrats instructeurs les estiment fondés la personne poursuivie est jugée par la cour. Celle-ci n’entend ni témoins ni victimes. Cela donc évite de ne juger qu’en fonction de l’émotion, bien que présente surtout en matière de santé ou de la vie.La CJR ne s’est prononcée au fond qu’à de rares reprises. L’affaire la plus emblématique fut celle du sang contaminé. Avec la formule devenue culte : « responsable mais pas coupable… ».

L’actualité nous a comblé. M. Dupond-Moretti ministre de la justice en exercice a été mis en examen pour divers motifs dont celui de profiter de ses fonctions de ministre pour régler des comptes d’avocat. On a peu réagi. Le ministre gère toujours les magistrats et se bat pour l’amélioration de la justice quotidienne.   Mais Mme Buzyn ancienne ministre de la santé, responsable au gouvernement jusqu’aux élections municipales et chargée de la crise de la covid-19 vient d’être mise en examen par la CJR notamment pour mise en danger de la vie d’autrui, infraction qui implique une intention. Le port du masque la rattrape.

 Ce fut un tollé : comment la justice peut-elle poursuivre un ancien ministre alors que la crise n’est pas terminée disent les uns. Les autres répliquent que la responsabilité d’un ancien ministre ne peut être écartée par principe et que tout le monde est responsable de ses fautes. Tous s’interrogent sur le rôle de la justice. Faut-il que les hommes et les femmes politiques comparaissent pour leurs actes ou abstentions ou décisions inappropriées devant un tribunal ordinaire comme n’importe quel justiciable ? Ce qui veut dire que les juges prennent le pas sur les politiques alors que l’institution judiciaire n’est pas un pouvoir mais une autorité ? Ou seul le suffrage universel est le juge suprême, sachant que les ministres sont nommés-et non élus- par le président de la république élu au suffrage universel, sur proposition du 1er ministre qu’il a désigné, et dont la responsabilité politique peut être engagée devant le parlement ? Les juges n’auraient ainsi aucune légitimité. Pourquoi alors avoir créé la cour de justice de la république que d’ailleurs M. Macron voulait supprimer en 2017 ? Mais sa réforme constitutionnelle n’a pas trouvé de majorité au congrès à Versailles.

Le débat est lancé tandis que les juges feront leur travail celui prévu par les textes légaux et sachant que le responsable en chef le président de la république a une irresponsabilité pénale pendant son mandat selon les articles 67 et 68 de la Constitution. Si M. Macron se représente et est réélu en 2022, cela repousse l’échéance vers 2027-2028. D’ici là les ministres en exercice qui vont être aussi poursuivis tout est possible, l’ancien premier ministre, les hauts fonctionnaires voire l’Etat car tout s’est fait avec son autorité et les moyens suffisants ou non qu’il a déployés, seront sanctionnés ou blanchis.

On n’a donc pas fini de parler de la CJR et de la justice. Cela peut décourager les plus compétents qui n’auraient pas envie de se dévouer pour la chose publique, puisque le risque zéro n’existe pas, et qu’être ministre devient un métier dangereux. Les aléas de la vie ne sont plus supportés et chacun veut faire reconnaitre « ses » droits sur la collectivité. Il y a actuellement des milliers de plaintes recopiées à partir d’internet, ce qui est regrettable et peut avoir un effet contre-productif. La CJR n’a pas été créée pour des contentieux de masse et siéger jours et nuit et contrôler l’action publique. Paradoxalement on dénonce le gouvernement des juges mais on leur soumet n’importe quel dossier fut- il important ou non. La covid-19 ne sera pas jugulée par les décisions de la CJR qui par son enquête permettra cependant d’améliorer la prise de décision du pouvoir exécutif et surtout le fonctionnement de l’Etat et de l’administration en général, autre sujet de débats sur la décentralisation ou la déconcentration. 

Pour qui se sent non « coupable » même par incompétence ou manque de courage politique ou d’avoir été involontairement insuffisant mais qui est avant tout responsable, un procès pénal  donc public est difficile à assumer. Une condamnation est insupportable sinon injuste. N’en rajoutons pas. Ne cherchons pas des boucs émissaires. Pointons les défaillances, les négligences, les hésitations, les manquements en déplorant de n’avoir pas pu faire bouger le « mammouth », pour remédier à ce qui n’a pas marché.  La justice y compris la CJR n’a pas pour mission de condamner à tout prix. Parce qu’elle doit être équitable au -delà du droit elle permet de retrouver l’apaisement et la réconciliation pour regarder l’avenir et ne pas commettre les mêmes erreurs. Nous devons avoir foi dans les décideurs publics. La justice doit y jouer sa partition. Le seul à condamner est… le virus.

    

réflexions mitigées

 

                         Réflexions mélangées.

             Par Christian Fremaux avocat honoraire.

J’ai lu dans la presse que les talibans avaient nommé un gouvernement d’hommes exclusif puisque constitué uniquement de pachtounes et de mollahs sans aucune minorité de tadjiks, ouzbèkes, hazaras, serait-elle chrétienne ou non croyante voire laïque si ce mot existe sur place ? Qu’en disent nos séparatistes locaux français de diverses communautés ? Par ailleurs je n’ai pas entendu les protestations indignées sur le sort des femmes afghanes et des enfants par nos féministes voyant en France du harcèlement pour tout et par tous et adeptes de « me -too » : avec la burqa intégrale c’est plus difficile ! Les plus optimistes d’entre nous croyaient à un gouvernement inclusif. Comme le chantait Julio Iglesias « non je n’ai pas changé… ». L’utopie se heurte toujours à la réalité.

Les talibans ont recréé un ministère dont l’intitulé m’a toujours rendu dubitatif : celui de la prévention du vice et de la promotion de la vertu. Sans vouloir naturellement comparer avec l’importance de nos ministères en France, avec François Mitterrand nous avions eu le ministère du temps libre. M. Giscard d’Estaing avait créé celui de la condition féminine. Chacun peut apprécier les libellés encore faut-il qu’ils correspondent à un vrai progrès. Mais il y a une justice en Afghanistan qui se veut comme telle et qui applique le code avec sévérité : la charia qui permet de couper la main pour un vol et autres gracieusetés. Les avocats afghans ont du travail s’ils peuvent plaider ?  Notre état de droit que l’on veut exemplaire a dû être mal expliqué ! Nos juges ne sont pas compris. Et la déclaration des droits de l’homme n’a pas fait l’objet d’une traduction compréhensible. Le mot démocratie n’existe pas dans la langue du pays. On devrait envoyer nos rebelles humanistes-tolérants -bienpensants qui considèrent que notre pays est globalement liberticide faire de la formation accélérée à Kaboul.   

Chateaubriand a fait un compte rendu acerbe sur le ministre des relations extérieures de Napoléon 1er le prince de Talleyrand-Périgord et de Fouché ministre de la police de l’empereur se rendant nuitamment de conserve auprès du nouveau pouvoir celui de Louis XVIII pour l’assurer de leurs ralliements positifs dans l’intérêt de la France, après la chute de l’Aigle. Il a écrit : « j’ai vu le vice appuyé sur le bras du crime ». En politique la trahison est un art . Les talibans ramassent les grosses miettes surtout militaires qu’ont laissées sur le terrain les américains, et essaient de conserver de bonnes relations diplomatiques avec l’ancien envahisseur sous l’œil attentif des russes et des chinois. En pratique ils mettent en place leurs certitudes et leurs principes d’un autre âge, mais qui correspondent à leurs croyances : pas de culte de la beauté mais de la barbe, de la musique mais religieuse, la lapidation, et pas de loisirs cela pervertit ; les femmes à la maison et l’école au compte- gouttes… Sur le plan économique et social mise à part l’aide financière internationale, j’avoue que je ne sais rien. Eradiqueront- ils les trafics dont celui juteux de la drogue ?  Nous on accueillera les afghans persécutés qui fuient.

Un responsable afghan a été clair auprès de l’agence Reuters : « il n’y aura aucun système démocratique ni aucune discussion sur le système politique. C’est la charia et c’est tout ». Exit une république ou tout modèle qui s’en rapprocherait on est dans un bon vieux  régime théocratique totalitaire.  Les occidentaux ont aussi perdu cette bataille civilisationnelle ou institutionnelle. Chez nous on évoque la dictature sanitaire, les décisions unilatérales du chef de l’Etat, son mépris pour le peuple ou pour certaines catégories de la population, les lois forcément autoritaires bien que votées dans l’intérêt collectif et pour la protection du plus grand nombre, l’impossibilité d’user de nos libertés individuelles anti-vax ou anti- passe sanitaire et j’en passe. Sans compter le laxisme face aux violences et à la délinquance. Comparaison n’est pas raison mais à Kaboul les problèmes se règlent autrement. Notre démocratie est un exemple dans le monde, ne l’altérons pas. On devrait modérer nos ardeurs de contestations en conservant notre liberté d’expression. Nous avons besoin de solidarité et d’union dans un débat public de haute tenue et de respect mutuel.  Surtout avec le procès en cours de M. Salah Abdeslam et ses complices : notre justice doit rayonner et ressortir au camp des vainqueurs malgré les souffrances et le ressentiment à juste titre des victimes. M.Abdelslam comme M.Merah ne peuvent devenir des héros  pour une minorité qui vit en France en ayant bu le lait républicain et ayant suivi les cours de notre école laïque. Ce sont des assassins.   

C’est un joli nom « camarade » chantait Jean Ferrat pour magnifier les luttes pour les libertés réelles et non formelles. Il évoquait aussi la nuit et le brouillard des camps, ce qui à notre époque perdure et renvoie à des territoires renfermés sur eux-mêmes soumis à une répression féroce.  On ne peut abandonner personne, en particulier ceux qui sont dans la détresse. Peut-on être tolérant face à l’intolérance ? Guillaume Apollinaire a affirmé « que jamais les crépuscules ne remplaceront les aurores ». Le poète a toujours raison, il voit plus haut que l’horizon…. Et nous avons toujours la résilience pour rebondir.

La prévention du mal ou du vice est d’avoir un mode de vie consensuel et des lois et des règles qui s’appliquent à tous dans l’égalité et la compréhension mais sans faiblesse. La promotion du bien et de la vertu c’est de récompenser ceux qui ne trichent pas, participent, sont civiques, connaissent leurs devoirs et demandent peu sans exiger ou profiter en assumant leurs propres responsabilités à leurs niveaux. La réussite ne peut qu’être collective.

Notre humanisme n’est ni pleureur ni victimaire et nous ne sommes pas rongés par une permanente culpabilité.  Nous avons des valeurs supérieures dans la liberté de conscience et un système organisationnel républicain qui permet à chacun de profiter de l’ascenseur social qui peut avoir des pannes certes mais qui permet de se hisser si nous nous prenons en mains. Faisons le contraire de ce que les talibans et  leurs imitateurs revendiquent. Comme pour les terroristes n’attendons ni repentir ni compassion car ils vivent dans un monde qui ne sera jamais le nôtre. On a le droit de détester ceux qui tuent ou veulent imposer par la force ou le nombre leurs modèles de vie. Personne n’a envie de quitter le paradis : pourquoi y a-t-il tant de monde sur les routes et les mers qui espèrent une vie meilleure en venant chez nous malgré nos défauts ? 

Le malheur Afghan entre autres nous oblige à encore plus de grandeur, d’universalisme et d’efficacité. Cela dépend de nous.       

samedi 4 septembre 2021

Justice inclusive ou non ?

 

                      Justice inclusive ou non ?

             Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Le procès des attentats du 13 novembre 2015 dont celui du Bataclan s’ouvre.  Nous sommes dans la tuerie de masse perpétrée par une organisation terroriste internationale avec 130 morts, des centaines de blessés, des traumatismes permanents pour les concernés directement ou leurs proches, et une sidération qui n’a pas disparue.  La justice qui se prononce au nom du peuple français va avoir un rôle considérable dans les principes comme dans ses décisions, à la fois tant pour les citoyens que nous sommes que pour montrer au reste du monde que nous ne céderons pas à l’intimidation et que nous nous défendrons sans renier nos principes universels qui nous permettent d’avoir la tête haute quelques soient les malheurs. La résilience fait partie de nos qualités.    

L’actualité nous fait réfléchir. En Afghanistan les talibans qui ont défait les russes puis les Usa première puissance mondiale parlent d’une gestion inclusive de leur société qui devra néanmoins se soumettre à la charia. Inclusif veut dire que l’on intègre une personne ou un groupe en mettant fin à leur exclusion pour aboutir à un ensemble solidaire. Attendons quelques semaines ou mois pour voir si les femmes afghanes par exemple, ou tous ceux qui ont combattu les talibans seront inclus ou non. En attendant le premier geste symbolique des nouveaux maîtres de Kaboul enfouraillés jusqu’au cou, est d’avoir libéré les prisonniers terroristes d’al -qaïda, les talibans détenus, et les criminels et autres bandits de grand chemin, en prononçant une amnistie dont on ne sait pas qui est vraiment concerné et si en pratique elle jouera malgré la charia et la revanche. Et en matière de justice, quid ?  C’est le terme inclusif qui me chiffonne : aurait-on pu parler de nazis inclusifs ou de khmers rouges modérés, et désormais d’islamistes éclairés ou de génocidaires indulgents tuant proprement plutôt qu’à la machette ?

Notre justice va-t-elle être inclusive pour M. Salah Abdeslam et le commando ? Denis Salas magistrat et écrivain pose la question ainsi : « allons-nous le juger comme un ennemi ou comme un justiciable » ? La justice ne peut s’abaisser à utiliser des méthodes que l’on réprouve chez les autres. La justice est aussi une vertu et fait partie des valeurs que l’on enseigne surtout dans notre société laïque qui ne se réfère pas à un principe spirituel. La justice n’est pas la morale même si parfois on confond les deux notions. Elle permet de progresser vers la recherche de la vérité qui peut - être à géométrie variable : « vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au- delà » a écrit Blaise Pascal. Mais en dehors des considérations métaphysiques qui intéressent accessoirement le quidam, il y a une évidence : je pense que si par référendum on interrogeait les français sur la terreur ils baisseraient le pouce pour condamner tout terroriste et pour lui infliger la peine la plus sévère possible. Cette réaction est humaine surtout quand on est victime.

Tout le monde n’a pas la force de caractère de M. Antoine Leiris qui a perdu sa femme dans l’attentat et qui a écrit « vous n’aurez pas ma haine ». M. Victor Rouard gravement blessé au Bataclan vient de publier « Comment pourrais-je pardonner » ? Il précise son état d’esprit : « comment accorder le pardon à des individus qui ont semé la mort, provoqué des souffrances insupportables et endeuillé des familles entières ? ». Effectivement pour pardonner encore faudrait -t- il d’abord une volonté des auteurs et un geste de leur part…Chacun, surtout une victime, agit selon sa conscience, sa douleur, ce qu’il attend.

Je crains que les mois d’audience soient difficiles à supporter : on entendra - si les accusés daignent parler- des explications saugrenues, des excuses accusatrices, des arguments qui n’ont aucun sens, des renvois de responsabilités vers les autres, des défaussements, et sûrement la référence à un dieu ce qui justifierait la violence aveugle et injuste. Je ne crois pas que les accusés vont formuler des regrets sauf pour dire qu’ils ne savaient pas ou que leur rôle a été purement matériel pour tenter d’éviter une lourde condamnation, et encore moins plaindre les victimes et dire qu’ils ont eu tort. Les terroristes en général s’estiment martyrs de tout et de tous et combattent pour leur « idéal » ou ce qu’ils croient être l’avenir du monde pour faire son bonheur sans tenir compte des souffrances des autres. Ils se trompent profondément sur la nature humaine qu’ils ne connaissent pas puisqu’ils sont claquemurés dans leurs certitudes moyenâgeuses. Ils vont se réjouir in petto de nos atermoiements, de nos polémiques, de notre liberté de paroles et de pensées, des luttes entre nos services de sécurité, des ordres d’intervention donnés ou non, de notre géopolitique, de nos valeurs républicaines dont la laïcité, et de ce qu’ils estiment être une société vide de sens et consumériste. Ils useront de nos principes de droit et de nos règles de procédure pénale pour essayer de s’en sortir.

Leurs avocats payés souvent par l’aide juridictionnelle exécuteront leurs missions de défense et tenteront d’éviter le pire pour leurs clients voire d’en faire acquitter pour les moins impliqués s’il n’y a pas de preuve, sans les cautionner ou partager leurs délires et mensonges. Il ne faudra pas crier au scandale.  C’est l’honneur du barreau d’être présent, et il ne faudra pas confondre l’avocat avec l’accusé. Comme citoyen je sais que c’est un effort considérable pour comprendre qu’on s’occupe des pires individus et qu’on admet avec réticence ce luxe de précautions judiciaires pour ceux qui sont « présumés coupables » selon les gens, mais l’opinion publique n’est pas le juge. Comme professionnel auxiliaire de justice je participe à ce que les procès soient les plus exemplaires possibles : la justice doit sortir grandie de ce procès historique.

 Il ne peut y avoir de déni de justice ou une justice expéditive ou d’exception ou prétendument subjective dès le départ ou aux ordres supposés. Tout ce qui va se passer ne fera pas l’unanimité. Il y aura des querelles et des incidents mais nous y arriverons : il y aura un verdict, la justice passera, les victimes seront considérées comme telles, et la société pourra ne pas oublier mais passer à autre chose sans exploitation dans la campagne présidentielle qui vient, et tirer les conséquences en matière de protection collective et du risque terroriste. Les magistrats français font leur métier sans faiblesse et connaissent leurs devoirs. Il faut leur faire confiance. La justice n’a pas d’ennemi. Elle n’est ni inclusive ni exclusive. Elle est distributive c’est-à-dire donne à chacun la part qui lui revient.  Elle juge des faits et des hommes et des femmes selon leurs responsabilités. Cela n’empêche personne d’avoir une opinion. La vérité judiciaire n’est pas parole d’évangile.