Réflexions
mélangées.
Par Christian Fremaux avocat honoraire.
J’ai lu
dans la presse que les talibans avaient nommé un gouvernement d’hommes exclusif
puisque constitué uniquement de pachtounes et de mollahs sans aucune minorité
de tadjiks, ouzbèkes, hazaras, serait-elle chrétienne ou non croyante voire
laïque si ce mot existe sur place ? Qu’en disent nos séparatistes
locaux français de diverses communautés ? Par ailleurs je n’ai pas entendu
les protestations indignées sur le sort des femmes afghanes et des enfants par
nos féministes voyant en France du harcèlement pour tout et par tous et adeptes
de « me -too » : avec la burqa intégrale c’est plus
difficile ! Les plus optimistes d’entre nous croyaient à un gouvernement
inclusif. Comme le chantait Julio Iglesias « non je n’ai pas
changé… ». L’utopie se heurte toujours à la réalité.
Les talibans
ont recréé un ministère dont l’intitulé m’a toujours rendu dubitatif :
celui de la prévention du vice et de la promotion de la vertu. Sans
vouloir naturellement comparer avec l’importance de nos ministères en France,
avec François Mitterrand nous avions eu le ministère du temps libre. M. Giscard
d’Estaing avait créé celui de la condition féminine. Chacun peut apprécier les
libellés encore faut-il qu’ils correspondent à un vrai progrès. Mais il y a une
justice en Afghanistan qui se veut comme telle et qui applique le code avec
sévérité : la charia qui permet de couper la main pour un vol et autres
gracieusetés. Les avocats afghans ont du travail s’ils peuvent plaider ? Notre état de droit que l’on veut exemplaire a
dû être mal expliqué ! Nos juges ne sont pas compris. Et la déclaration
des droits de l’homme n’a pas fait l’objet d’une traduction compréhensible. Le
mot démocratie n’existe pas dans la langue du pays. On devrait envoyer nos
rebelles humanistes-tolérants -bienpensants qui considèrent que notre pays est globalement
liberticide faire de la formation accélérée à Kaboul.
Chateaubriand
a fait un compte rendu acerbe sur le ministre des relations extérieures de
Napoléon 1er le prince de Talleyrand-Périgord et de Fouché ministre de la
police de l’empereur se rendant nuitamment de conserve auprès du nouveau pouvoir
celui de Louis XVIII pour l’assurer de leurs ralliements positifs dans
l’intérêt de la France, après la chute de l’Aigle. Il a écrit : « j’ai
vu le vice appuyé sur le bras du crime ». En politique la trahison est un
art . Les talibans ramassent les grosses miettes surtout militaires qu’ont
laissées sur le terrain les américains, et essaient de conserver de bonnes relations
diplomatiques avec l’ancien envahisseur sous l’œil attentif des russes et des
chinois. En pratique ils mettent en place leurs certitudes et leurs principes
d’un autre âge, mais qui correspondent à leurs croyances : pas de culte de
la beauté mais de la barbe, de la musique mais religieuse, la lapidation,
et pas de loisirs cela pervertit ; les femmes à la maison et l’école au
compte- gouttes… Sur le plan économique et social mise à part l’aide financière
internationale, j’avoue que je ne sais rien. Eradiqueront- ils les trafics dont
celui juteux de la drogue ? Nous on accueillera
les afghans persécutés qui fuient.
Un
responsable afghan a été clair auprès de l’agence Reuters : « il n’y
aura aucun système démocratique ni aucune discussion sur le système politique.
C’est la charia et c’est tout ». Exit une république ou tout modèle qui
s’en rapprocherait on est dans un bon vieux
régime théocratique totalitaire. Les
occidentaux ont aussi perdu cette bataille civilisationnelle ou
institutionnelle. Chez nous on évoque la dictature sanitaire, les décisions
unilatérales du chef de l’Etat, son mépris pour le peuple ou pour
certaines catégories de la population, les lois forcément autoritaires bien que
votées dans l’intérêt collectif et pour la protection du plus grand nombre,
l’impossibilité d’user de nos libertés individuelles anti-vax ou anti- passe sanitaire
et j’en passe. Sans compter le laxisme face aux violences et à la délinquance.
Comparaison n’est pas raison mais à Kaboul les problèmes se règlent
autrement. Notre démocratie est un exemple dans le monde, ne l’altérons
pas. On devrait modérer nos ardeurs de contestations en conservant notre liberté
d’expression. Nous avons besoin de solidarité et d’union dans un débat public
de haute tenue et de respect mutuel. Surtout
avec le procès en cours de M. Salah Abdeslam et ses complices : notre
justice doit rayonner et ressortir au camp des vainqueurs malgré les
souffrances et le ressentiment à juste titre des victimes. M.Abdelslam comme
M.Merah ne peuvent devenir des héros
pour une minorité qui vit en France en ayant bu le lait républicain et
ayant suivi les cours de notre école laïque. Ce sont des assassins.
C’est un
joli nom « camarade » chantait Jean Ferrat pour magnifier les luttes
pour les libertés réelles et non formelles. Il évoquait aussi la nuit et le
brouillard des camps, ce qui à notre époque perdure et renvoie à des territoires
renfermés sur eux-mêmes soumis à une répression féroce. On ne peut abandonner personne, en particulier
ceux qui sont dans la détresse. Peut-on être tolérant face à
l’intolérance ? Guillaume Apollinaire a affirmé « que jamais les
crépuscules ne remplaceront les aurores ». Le poète a toujours raison, il
voit plus haut que l’horizon…. Et nous avons toujours la résilience pour
rebondir.
La
prévention du mal ou du vice est d’avoir un mode de vie consensuel et des
lois et des règles qui s’appliquent à tous dans l’égalité et la compréhension
mais sans faiblesse. La promotion du bien et de la vertu c’est de récompenser
ceux qui ne trichent pas, participent, sont civiques, connaissent leurs devoirs
et demandent peu sans exiger ou profiter en assumant leurs propres responsabilités
à leurs niveaux. La réussite ne peut qu’être collective.
Notre
humanisme n’est ni pleureur ni victimaire et nous ne sommes pas rongés par une
permanente culpabilité. Nous avons des
valeurs supérieures dans la liberté de conscience et un système organisationnel
républicain qui permet à chacun de profiter de l’ascenseur social qui peut
avoir des pannes certes mais qui permet de se hisser si nous nous prenons en
mains. Faisons le contraire de ce que les talibans et leurs imitateurs
revendiquent. Comme pour les terroristes n’attendons ni repentir ni compassion
car ils vivent dans un monde qui ne sera jamais le nôtre. On a le droit de
détester ceux qui tuent ou veulent imposer par la force ou le nombre leurs
modèles de vie. Personne n’a envie de quitter le paradis : pourquoi y
a-t-il tant de monde sur les routes et les mers qui espèrent une vie
meilleure en venant chez nous malgré nos défauts ?
Le malheur
Afghan entre autres nous oblige à encore plus de grandeur, d’universalisme et
d’efficacité. Cela dépend de nous.
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