lundi 13 septembre 2021

réflexions mitigées

 

                         Réflexions mélangées.

             Par Christian Fremaux avocat honoraire.

J’ai lu dans la presse que les talibans avaient nommé un gouvernement d’hommes exclusif puisque constitué uniquement de pachtounes et de mollahs sans aucune minorité de tadjiks, ouzbèkes, hazaras, serait-elle chrétienne ou non croyante voire laïque si ce mot existe sur place ? Qu’en disent nos séparatistes locaux français de diverses communautés ? Par ailleurs je n’ai pas entendu les protestations indignées sur le sort des femmes afghanes et des enfants par nos féministes voyant en France du harcèlement pour tout et par tous et adeptes de « me -too » : avec la burqa intégrale c’est plus difficile ! Les plus optimistes d’entre nous croyaient à un gouvernement inclusif. Comme le chantait Julio Iglesias « non je n’ai pas changé… ». L’utopie se heurte toujours à la réalité.

Les talibans ont recréé un ministère dont l’intitulé m’a toujours rendu dubitatif : celui de la prévention du vice et de la promotion de la vertu. Sans vouloir naturellement comparer avec l’importance de nos ministères en France, avec François Mitterrand nous avions eu le ministère du temps libre. M. Giscard d’Estaing avait créé celui de la condition féminine. Chacun peut apprécier les libellés encore faut-il qu’ils correspondent à un vrai progrès. Mais il y a une justice en Afghanistan qui se veut comme telle et qui applique le code avec sévérité : la charia qui permet de couper la main pour un vol et autres gracieusetés. Les avocats afghans ont du travail s’ils peuvent plaider ?  Notre état de droit que l’on veut exemplaire a dû être mal expliqué ! Nos juges ne sont pas compris. Et la déclaration des droits de l’homme n’a pas fait l’objet d’une traduction compréhensible. Le mot démocratie n’existe pas dans la langue du pays. On devrait envoyer nos rebelles humanistes-tolérants -bienpensants qui considèrent que notre pays est globalement liberticide faire de la formation accélérée à Kaboul.   

Chateaubriand a fait un compte rendu acerbe sur le ministre des relations extérieures de Napoléon 1er le prince de Talleyrand-Périgord et de Fouché ministre de la police de l’empereur se rendant nuitamment de conserve auprès du nouveau pouvoir celui de Louis XVIII pour l’assurer de leurs ralliements positifs dans l’intérêt de la France, après la chute de l’Aigle. Il a écrit : « j’ai vu le vice appuyé sur le bras du crime ». En politique la trahison est un art . Les talibans ramassent les grosses miettes surtout militaires qu’ont laissées sur le terrain les américains, et essaient de conserver de bonnes relations diplomatiques avec l’ancien envahisseur sous l’œil attentif des russes et des chinois. En pratique ils mettent en place leurs certitudes et leurs principes d’un autre âge, mais qui correspondent à leurs croyances : pas de culte de la beauté mais de la barbe, de la musique mais religieuse, la lapidation, et pas de loisirs cela pervertit ; les femmes à la maison et l’école au compte- gouttes… Sur le plan économique et social mise à part l’aide financière internationale, j’avoue que je ne sais rien. Eradiqueront- ils les trafics dont celui juteux de la drogue ?  Nous on accueillera les afghans persécutés qui fuient.

Un responsable afghan a été clair auprès de l’agence Reuters : « il n’y aura aucun système démocratique ni aucune discussion sur le système politique. C’est la charia et c’est tout ». Exit une république ou tout modèle qui s’en rapprocherait on est dans un bon vieux  régime théocratique totalitaire.  Les occidentaux ont aussi perdu cette bataille civilisationnelle ou institutionnelle. Chez nous on évoque la dictature sanitaire, les décisions unilatérales du chef de l’Etat, son mépris pour le peuple ou pour certaines catégories de la population, les lois forcément autoritaires bien que votées dans l’intérêt collectif et pour la protection du plus grand nombre, l’impossibilité d’user de nos libertés individuelles anti-vax ou anti- passe sanitaire et j’en passe. Sans compter le laxisme face aux violences et à la délinquance. Comparaison n’est pas raison mais à Kaboul les problèmes se règlent autrement. Notre démocratie est un exemple dans le monde, ne l’altérons pas. On devrait modérer nos ardeurs de contestations en conservant notre liberté d’expression. Nous avons besoin de solidarité et d’union dans un débat public de haute tenue et de respect mutuel.  Surtout avec le procès en cours de M. Salah Abdeslam et ses complices : notre justice doit rayonner et ressortir au camp des vainqueurs malgré les souffrances et le ressentiment à juste titre des victimes. M.Abdelslam comme M.Merah ne peuvent devenir des héros  pour une minorité qui vit en France en ayant bu le lait républicain et ayant suivi les cours de notre école laïque. Ce sont des assassins.   

C’est un joli nom « camarade » chantait Jean Ferrat pour magnifier les luttes pour les libertés réelles et non formelles. Il évoquait aussi la nuit et le brouillard des camps, ce qui à notre époque perdure et renvoie à des territoires renfermés sur eux-mêmes soumis à une répression féroce.  On ne peut abandonner personne, en particulier ceux qui sont dans la détresse. Peut-on être tolérant face à l’intolérance ? Guillaume Apollinaire a affirmé « que jamais les crépuscules ne remplaceront les aurores ». Le poète a toujours raison, il voit plus haut que l’horizon…. Et nous avons toujours la résilience pour rebondir.

La prévention du mal ou du vice est d’avoir un mode de vie consensuel et des lois et des règles qui s’appliquent à tous dans l’égalité et la compréhension mais sans faiblesse. La promotion du bien et de la vertu c’est de récompenser ceux qui ne trichent pas, participent, sont civiques, connaissent leurs devoirs et demandent peu sans exiger ou profiter en assumant leurs propres responsabilités à leurs niveaux. La réussite ne peut qu’être collective.

Notre humanisme n’est ni pleureur ni victimaire et nous ne sommes pas rongés par une permanente culpabilité.  Nous avons des valeurs supérieures dans la liberté de conscience et un système organisationnel républicain qui permet à chacun de profiter de l’ascenseur social qui peut avoir des pannes certes mais qui permet de se hisser si nous nous prenons en mains. Faisons le contraire de ce que les talibans et  leurs imitateurs revendiquent. Comme pour les terroristes n’attendons ni repentir ni compassion car ils vivent dans un monde qui ne sera jamais le nôtre. On a le droit de détester ceux qui tuent ou veulent imposer par la force ou le nombre leurs modèles de vie. Personne n’a envie de quitter le paradis : pourquoi y a-t-il tant de monde sur les routes et les mers qui espèrent une vie meilleure en venant chez nous malgré nos défauts ? 

Le malheur Afghan entre autres nous oblige à encore plus de grandeur, d’universalisme et d’efficacité. Cela dépend de nous.       

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