mardi 28 juin 2016

L’ACTUALITÉ DU PREMIER SEMESTRE 2016


L’ACTUALITE DU PREMIER SEMESTRE 2016 VUE…
Par Christian FREMAUX  2ème promotion 1991,président d’honneur de l’ANA-INHESJ.
Avertissement : cet article a été rédigé pour L’AUDITEUR le bulletin de liaison de l’association nationale des auditeurs de l’INHESJ  et paraîtra en septembre 2016.
L’actualité est si abondante qu’il faut faire des impasses et des choix arbitraires pour essayer de rendre compte du climat général, social, culturel ou politique,  des faits divers tragiques, des réflexions sur notre société, et tirer quelques  leçons de ce qui arrive. Je sais que je serai insuffisant et partial, et je prie les éminents auditeurs de l’ANA, eux spécialistes des questions que j’aborde, de me pardonner. Je leur rappelle que les colonnes de cette revue leur sont grandes ouvertes pour qu’ils publient des articles de fond ou d’humeur sur tout sujet qui se rapporte aux préoccupations de l’institut : la sécurité au sens large et la justice.
Nous avons été submergés par les inondations, qui sont aussi des problèmes de sécurité, car la nature est toujours plus forte que l’homme, et  les experts avaient signalé depuis longtemps l’hypothèse de crues dangereuses. Certes les responsables, élus, techniciens, ingénieurs, météorologues et l’ETAT avaient  fait des répétitions de coordination des secours ; d’évacuation des populations ; de l’accueil des sinistrés… mais ce risque majeur l’est demeuré. Il y a eu des victimes, et des dégâts considérables-qui durent- et il va falloir réparer, et redonner espoir à ceux qui ont tout perdu. La solidarité joue à plein ce qui est une donnée essentielle  en matière de sécurité,  comme pour les victimes d’attentats ou de crimes atroces, ou pour tout accident de la vie .C’est le rôle de l’ETAT de l’assurer -et je ne doute pas que le gouvernement s’y consacre- et s’il doit revoir son périmètre d’actions, se resserrer sur ses missions régaliennes   nous n’échapperons pas à un débat dont la prochaine campagne présidentielle et législative devra donner lieu à une nécessaire clarification et modification de son rôle. L’ETAT providence n’est plus ; l’ETAT qui fait tout et dont on attend tout est épuisé ; L’ETAT qui prend des décisions de sa hauteur est discuté, chacun veut participer à ce qu’il estime le concerner. Mais l’autorité, celle qui ne se confond pas avec l’autoritarisme, mais celle qui fait fonctionner les institutions et assure la cohésion de l’ensemble et réunit les contraires, doit être renforcée et réellement exercée  avec fermeté,  après débat contradictoire  car elle est légitime dans une démocratie où chacun a  le droit de s’exprimer et de revendiquer, mais pas celui de nuire aux autres, ou être une minorité qui prétend détenir la vérité et  vouloir faire le bonheur de la majorité silencieuse qui respecte le verdict des urnes(quoiqu’elle pense), sans en avoir reçu un mandat indiscutable. Confisquer l’intérêt général au profit d’intérêts particuliers  n’est un progrès pour personne et crée un climat de défiance généralisée et de tension entre catégories sociales et professionnelles qui va à l’encontre de l’union dont nous avons besoin. Il faut en effet ne jamais oublier que nous sommes dans un état d’urgence pour des raisons que chacun connait, et les morts du Bataclan comme ceux de Charlie hebdo, ou les deux policiers de MAGNANVILLE  nous rappellent chaque jour les menaces qui pèsent sur chacun d’entre nous .Pour tenter d’apaiser les esprits et le climat, le président de la république a rappelé la parole de l’ancien secrétaire général du parti communiste, Maurice THOREZ : «  il faut savoir terminer une grève » et le 1er ministre a appelé à la responsabilité de la CGT en particulier .Défendre les travailleurs c’est bien mais respecter la nation et l’intérêt collectif c’est mieux !
Ce qui me chagrine ce sont les divers mouvements  dits spontanés, pseudo révolutionnaires (SIC) qui veulent changer la vie des autres à partir de leurs rejets, de leurs croyances ou utopies en s’opposant par la violence s’il le faut, en croyant être des vigies du bien  ou des lumières qui éclairent le peuple. Ce sont en réalité des lumignons .Par exemple, les zadistes-pour zones à défendre (contre qui et quoi ?)-, ou les militants de nuit debout qui squattent l’espace public sans aucune poursuite de personne a priori, narguent l’état de droit et font douter l’ensemble des citoyens qui eux respectent les lois  et croient  au système représentatif et aux corps intermédiaires même s’il faut en revoir les modalités. Les casseurs en profitent : on les voit à la télévision  attaquer policiers et gendarmes qui font ce qu’ils peuvent, en respectant les consignes de leurs ministres  de se défendre avec modération et de ne pas faire y compris involontairement  de victimes, eux-mêmes ayant des dizaines voire des centaines de blessés parfois grièvement. Il faut désormais sécuriser les manifestations, seraient-elles statiques ou tournant en rond- ce qui d’ailleurs me parait être de la responsabilité première des  organisateurs. On s’interroge : tout ceci aura-t-il une fin , et une fin telle qu’on la souhaite : que la loi soit respectée, que les délinquants soient jugés et punis, et que le dialogue démocratique reprenne et aboutisse surtout. On le sait, nos forces de l’ordre sont républicaines et elles accomplissent leur devoir  délicat  avec réflexion et prudence. Mais les images parlent d’elles mêmes : elles ont un droit légitime à se protéger et à agir.  L’affiche de la C.G.T.  qui  stigmatise les prétendues « violences policières » – que M.MARTINEZ approuve sans émotion- ne mérite pas qu’on la trouve simplement scandaleuse ou inacceptable, ces termes étant galvaudés car trop utilisés. Mais elle est symptomatique de l’état d’esprit de certains syndicalistes qui confondent lutte musclée au service d’une politique, avec la volonté de ne pas participer au progrès social par le compromis et le gagnant-gagnant. Comme l’écrit Raphael ENTHOVEN [philosophie magazine n°96 février 2016] : « le vivre ensemble est un slogan creux censé incarner la paix sociale. Mais gare à ceux qui refusent de s’y plier .Il leur sera rappelé que c’est la force qui fait le trait d’union et non l’inverse ».Pour M .ENTHOVEN le vivre-ensemble est le pire du bien. Tout ne peut, et ne doit pas être un rapport de force sinon l’escalade est sans fin.   De même certains étudiants de l’UNEF qui ne veulent pas avoir à travailler comme papa ou plutôt comme papy, et ont comme horizon intellectuel l’octroi d’un CDI !  alors qu’il serait plus enthousiasmant qu’ils se lancent dans la création d’entreprise, finiront  par devenir des apparatchiks politiques après avoir dénoncé la violence  de l’ETAT et  l’emploi du fameux article 49-3 de la Constitution, ce qui serait une atteinte à un vrai débat démocratique. A quoi servent  donc la Constitution  et un gouvernement composé d’élus, avec des parlementaires, même si on ne partage pas  leur politique? L’Etat semble débordé et renoncer facilement et c’est une des raisons du climat morose au-delà  de l’amélioration économique que l’on nous annonce-on veut y croire- mais qui n’a pas encore atteint le portefeuille du particulier.
Il ne s’agit pas de faire du maintien de l’ordre un objectif en soi ce qui n’aurait aucun sens comme la répression sans prévention n’aboutit à rien. On a bien compris que notre société avait évolué,  que nos valeurs républicaines traditionnelles avaient ni le même écho ni la même portée sur une partie de la population, que l’on avait changé d’époque et que l’urgence était la norme avec des résultats immédiats, et que les solutions du passé étaient obsolètes. Il faut s’y résoudre : notre modèle social, universel  a « craqué » et il faut en inventer un autre tout en gardant notre socle, nos principes et nos institutions même s’il faut les moderniser vers plus de dialogue horizontal  et de consensus après discussions contradictoires limitées dans le temps car il faut savoir trancher. Vouloir une VI ème république sans la définir et sans en préciser le contenu ne sert à rien car la démocratie à la grecque ancienne ne peut exister : l’agora ne peut contenir 66 millions de citoyens qui prendront en commun la solution qui conviendra à tous. Et s’il faut une nouvelle nuit du 4 août pour abolir les privilèges que l’on vise tout le monde, politiques, syndicats, élus divers, salariés aux régimes spéciaux…en renouvelant les élites dans tous les domaines sans en faire non plus une posture. Des anciens avec de l’expérience peuvent continuer à être utiles ! En  68 il y avait eu une révolte contre la société de consommation. Pierre VIANSSON-PONTE en titre du Monde écrivait : « la France s’ennuie ». En mai c’était l’explosion, et en juin les étudiants passaient leurs examens. Nous sommes en 2016 dans le cadre de la mondialisation qui existe, que l’on le veuille ou non, et nous devons bâtir une société nouvelle dans un cadre où les menaces de l’extérieur comme de l’intérieur existent, où la sécurité de tous est une préoccupation majeure, l’état d’urgence n’étant pas éternel, et où personne n’a la solution miracle pour satisfaire toutes les revendications légitimes ou non, et contradictoires. Il va donc falloir définir le possible dans un cadre budgétaire contraint, et la démocratie dite participative a ses limites. THOMAS MORE lord chancelier d’Angleterre au milieu de 16ème siècle a théorisé l’utopie, mais il a mal fini. Pierre DAC a écrit : « si tous ceux qui croient avoir raison n’avaient pas tort, la vérité ne serait pas loin ». N’attendons pas tout de l’ETAT qui est désargenté et essayons de nous ressaisir collectivement en mesurant nos exigences et abandonnons les prétendues « luttes » (vocabulaire du 19ème siècle)  pour aller vers des formes moins nuisibles des actions entreprises pour ceux qui subissent ,des débats plus sereins tout en défendant ses intérêts ce qui est naturel. Laissons l’ETAT se consacrer à ses fonctions régaliennes  , fixer le cadre, définir les objectifs à moyen ou long terme, et assurer la cohésion sociale, sans remettre en cause les institutions ou les décisions prises démocratiquement. Des minorités ne peuvent pas imposer leurs visions des dossiers .Dans quelques mois les élections  permettront de définir les réformes indispensables et les faire valider par le suffrage universel. Il ne s’agira pas de réenchanter le rêve devenu cauchemar parfois. Par un mandat clair donné aux dirigeants, il faudra  redresser le pays et lui donner de l’espoir en le faisant entrer dans la modernité de ce siècle pour que chacun retrouve une chance de réussir ou de vivre avec dignité. A chacun de nous d’être responsable et de ne pas se perdre dans un vote de rejet ou des projets qui ne rassemblent pas…La sécurité et la justice qui sont intimement liées dans le processus pénal seront au centre des débats : qu’acceptons-nous comme limitation-raisonnée- de nos libertés au profit de la sécurité générale  notamment dans la lutte contre le terrorisme et la délinquance sous toutes ses formes ? Quel rôle voulons nous pour les magistrats, protecteurs des libertés individuelles de par la Constitution : doivent ils être plus indépendants avec comme corollaire une responsabilité personnelle possible ? Quelle est la place de la Justice dans l’état de droit ?...
                                          TERRORISME ET JUSTICE EN GENERAL
La Belgique a été frappée à son tour au cœur de sa capitale BRUXELLES siège de l’UNION EUROPEENNE ce qui est aussi un symbole, avec une trentaine de morts et des centaines de blessés. Personne, aucun pays n’est à l’abri de tels attentats .Selon Mathieu GUIDERE islamologue et spécialiste du monde arabe et musulman, l’arrestation de SALAH ABDESLAM a sûrement précipité les opérations qui étaient prévues de longue date. La France s’est émue, mais cela n’a pas empêché le projet de déchéance de nationalité  de ne pas être soumis au vote du congrès .Ce qui n’a pas permis au passage de « constitutionnaliser » l’état d’urgence pour lui donner une assise légale plus solide et donner des armes de droit aux forces de l’ordre et de renseignement, ainsi qu’aux magistrats qui appliquent la loi. C’est un acte manqué ! Certains d’ailleurs estimaient que « l’état d’urgence -mesure d’exception-doit rester  dans le domaine de la loi comme la déchéance de nationalité doit rester dans le code civil. Les banaliser n’est pas un  progrès pour la démocratie » [M. Olivier BEAUD professeur à Paris II Panthéon- Assas. Le MONDE du 2 /12/15]. Ce n’est pas mon avis mais je ne suis qu’un modeste avocat…honoraire.
Le droit est un moyen cependant  , par exemple pour la ligue des droits de l’homme qui avait saisi le juge des référés du CONSEIL D’ETAT pour solliciter la suspension de l’état d’urgence ou « ordonner au président de la république d’y mettre fin ». On mesure l’impartialité  réelle de ladite ligue et son insolence à donner des injonctions au président de la république. Le CONSEIL d’ETAT n’a pas fait droit à la demande de suspension en rappelant que c’est la loi qui a décidé de la prorogation ; concernant l’injonction au président, le juge des référés a estimé que le péril imminent justifiant  l’état d’urgence n’avait pas disparu compte tenu de la menace terroriste et du risque d’attentats. Le CONSEIL D’ETAT a donc rejeté la requête de la ligue des droits de l’homme qui n’a pas de responsabilité concrète en matière de sécurité, selon moi, en jugeant qu’il n’y avait pas d’atteinte grave et manifestement illégale d’une liberté fondamentale. Le bon sens a rejoint le droit, il faut s’en réjouir. Certes le bilan de l’état d’urgence en février 2016 est mitigé [LE MONDE 26 février 2016 page 9].Sur 3397 perquisitions à l’époque, il y a eu 5 procédures pénales ouvertes par le parquet anti-terroriste de PARIS. On a découvert 587 armes dont 42 de guerre, et 254 affaires de stupéfiants. Le bilan s’est aggravé à fin juin 2016. Au-delà des chiffres le signal est fort. On a compris que rien ne serait oublié et que tous les criminels potentiels sont dans le « viseur ».
Pour respecter l’état de droit que ce gouvernement a comme marqueur affiché, le ministre de l’intérieur a abrogé de sa propre initiative plusieurs dizaines d’assignations à résidence. Cela n’a pas empêché  des assignés  de déposer plainte (pénale) contre M . Bernard CAZENEUVE  et son délégataire « pour atteinte à la liberté individuelle  ». L’avocat que je suis aime que l’on saisisse la justice pour faire reconnaitre ses droits : mais le citoyen qui est en moi considère qu’il faut savoir s’empêcher c’est-à-dire ne pas se laisser conduire par ses pulsions et passer inconsidérément  à l’acte, comme le disait Albert CAMUS,  face à des périls graves. Concernant le terrorisme il s’agit de déceler les moindres menaces et d’identifier les attentats en préparation. Comment faire ? ALAIN BAUER et XAVIER RAUFER tous deux éminents criminologues ont donné des pistes ; [LE FIGARO du 20 novembre 2015 débats page 20] : « la dimension criminelle est prépondérante dans ce déchainement terroriste. (la réponse) est le décèlement précoce des dangers et des menaces… le renseignement  est à la fois collecte, la plus ouverte possible, analyse la plus précise possible. Tant que la phase deux restera aussi faible, la chaine anti-terroriste sera fragile ». Avec l’arrestation de SALAH ABDESLAM , Alain BAUER rappelait l’importance du renseignement humain  [la revanche de la POLICE DE PAPA le FIGARO du 21/3 /2016 page 18]. Il écrit :  «  la revanche de la police de papa  montre clairement qu’il est indispensable désormais de savoir REEQUILIBRER le renseignement humain pour lui redonner sa place. Si l’imam Youtube reste un danger puissant il va falloir se résigner à admettre que ce n’est pas l’inspecteur Google seul qui réussira à protéger les citoyens ».
Le gouvernement a réfléchi à des pouvoirs de police renforcés dans le cadre d’une réforme de la procédure pénale. La polémique a aussitôt éclaté .Le garde des sceaux M.URVOAS a expliqué le projet au Sénat le 29/3/2016 en insistant sur la cohérence de notre dispositif anti-terroriste. Parmi les mesures en discussion on trouve  les perquisitions de nuit et les fouilles de véhicules facilitées ; les règles de la légitime défense très encadrées devraient être élargies ; l’utilisation de l’arme justifiée quand elle correspond à une absolue nécessité (jurisprudence de la chambre criminelle d’ailleurs) à l’encontre de criminels. TRACFIN va devenir pro-actif dans la lutte contre le blanchiment. Les réactions de ceux qui veulent protéger à juste titre les libertés individuelles et que l’on ne profite pas des menaces pour favoriser l’ETAT et ses services n’ont pas tardé. Les avocats sont globalement contre, comme des magistrats et des défenseurs des libertés. Mais le gouvernement affirme n’avoir pas l’intention de modifier la philosophie de la procédure pénale. Son projet conserve la garantie des droits de la défense, en l’accentuant : le débat sera désormais contradictoire pour les enquêtes préliminaires qui durent plus d’un an : l’avocat pourra intervenir et déposer des recours… Attendons le texte définitif pour juger.
Les magistrats de l’ordre judiciaire ont peu apprécié le projet de réforme pénale non pas sur le fond, mais parce qu’ ils ont le sentiment que l’on veut les éloigner de ce qui est le cœur de leur métier et de leur responsabilité en matière pénale . Le premier président de la cour de cassation  M.LOUVEL s’est demandé « pourquoi l’autorité judiciaire est-elle écartée ? » au profit de l’administration , des préfets en particulier ? M.Pascal GASTINEAU président de l’association française des magistrats instructeurs estime que le texte « est la chronique de la mort annoncée du juge d’instruction ».Selon lui ce seront désormais  les parquets (les procureurs qui ont un lien avec le pouvoir exécutif rappelons-le) qui auront compétence  en matière de sonorisation, captation d’images ou perquisitions de nuit en ce qui concerne le terrorisme, la criminalité et la délinquance organisée. Or ces deux incriminations concernent 80% des affaires que traitent les juges d’instruction. M.GASTINEAU rappelle  que la Cour Européenne des droits de l’homme à STRASBOURG  a contesté le statut de « magistrats indépendants » des procureurs. M.CAZENEUVE et Mme TAUBIRA ont contesté cette analyse [LE MONDE du 8/1/2016 page 13].On ne peut douter que les intérêts des uns et des autres seront préservés, car tout le monde défend le bien commun avec la meilleure efficacité dans le respect du citoyen et au service de la société .Mais il y a une question de principe. Les magistrats judiciaires ont la charge de la protection des libertés individuelles. Personne ne met en doute les compétences et l’éthique des juges administratifs ni leur liberté : ils ont annulé des dispositions prises par le préfet de police et contrôlent les actes administratifs, le CONSEIL d’ETAT ayant dans ses fonctions celle de conseil juridique du gouvernement. Nous avons besoin d’une justice forte, reconnue comme un arbitre impartial, surtout par ces temps de difficultés  dans tous les domaines, indépendante de tout groupe de pression et ne recevant pas d’instructions (ce qui est déjà le cas) ou de recommandations , qui ne peut pas se confondre avec l’administration au sens large, donc au pouvoir exécutif, ce que les citoyens dénoncent ,eux qui veulent être rassurés se sachant justiciables potentiels, on ne connait pas son avenir.
La justice en général est en faillite je parle des juridictions bien sûr. Le ministre de la justice a eu le courage de le dire et il a raison. M.URVOAS essaie avec détermination de donner les moyens à nos magistrats  pour agir avec fermeté, individualisation, efficacité et rapidité si possible. Je n’évoque pas ici  les problèmes des justices civile, sociale, commerciale qui intéressent plus le justiciable, que la justice pénale avec le terrorisme qui fait la une des médias. Le sort du « criminel » est certes intéressant mais ce sont les victimes qui comptent .On se focalise avec justesse, mais c’est un peu réducteur de notre société, sur la sécurité donc l’aspect pénal de la justice et avec le terrorisme sur les prisons  où certains se radicalisent, et sur le suivi des délinquants qui ont purgé leur peines pour les empêcher de récidiver ou de passer à un autre type d’actions. L’exemple de LAROSSI ABBALA qui a tué au couteau, seul, le couple de policiers de MAGNANVILLE, ce qui a entrainé une vague d’indignations et pointé du doigt les risques personnels que supportaient policiers et gendarmes, est frappant puisqu’il a échappé aux radars policiers, était sous écoute téléphonique, et qu’il a pu malgré cette surveillance tuer en toute tranquillité. Il va donc falloir prendre des mesures plus contraignantes ce qui est aussi un problème de budget .Le garde des sceaux, maintenant et plus tard devra être un sacré bon avocat pour contraindre le gouvernement à avoir une réflexion d’ensemble sur la place de la justice dans notre société et la nécessité d’en avoir les moyens.
Devra s’ajouter au débat  le rôle de l‘autorité en général, de l’ETAT d’abord, mais aussi dans toutes les institutions, je pense à l’école, à l’université… basée sur des valeurs de fond, et sur l’utilité des décisions légitimement prises pour éviter recul ou dérobade. Je  vise la décision de l’exécutif qui a contredit le préfet de police qui avait interdit la manifestation du 24 juin : cela fait désordre. Tout cela rejoint l’impératif moral, le juste ou le bien [lire Michael SANDEL  professeur à HARVARD sur la justice].
                                      DES HOMMES ET DES MOYENS EN PLUS
Les professionnels de la sécurité privée-très sollicités pendant l’EURO de football- vont s’impliquer et ils se forment pour renforcer les forces de l’ordre en matière de terrorisme. Notre ami Claude TARLET président de l’USP explique que son organisation s’est rapprochée de la D.G.S.I.pour mettre en place un réseau de référents permettant de faire remonter les signaux faibles. Ces professionnels vont suivre un module de « sensibilisation et de prévention du terrorisme ».On prévoit 30 000 recrutements. Le ministre de l’intérieur a précisé que la menace pesait sur l’ensemble du territoire national, et pas seulement sur Paris ou la région parisienne, que chacun avait droit où qu’il soit à être protégé. Les brigades anti-criminalité (BAC) et les pelotons  de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) demeurent les fers de lance en attendant l’arrivée de la BRI, du RAID et du GIGN. Tous auront un armement  plus puissant et des équipements lourds. Le service central de renseignement territorial (SCRT ex renseignements généraux)  s’active en  province à la recherche des personnes en voie de radicalisation. Il dispose de moyens pointus  d’interception et  ses personnels sont en contacts étroits avec les services zonaux de recherches et d’appui. Le renseignement territorial composé de 200 gendarmes  va implanter des binômes  d’agents en civil au cœur des 75 brigades territoriales pour endiguer la « gangrène djihadiste  »[LE FIGARO C.CORNEVIN 26/2/2016 page 13].Certes l’état islamique attirerait des jeunes en raison du prétendu « déclin »du modèle occidental ou de ce qui serait la perte de sens des sociétés  modernes et démocratiques .Des penseurs essaient de justifier l’impensable. M.Scott ATRAN anthropologue et chercheur à OXFORD et au CNRS estime que le message de DAECH est porteur d’une utopie : « un changement total, une construction morale religieuse et métaphysique pour parvenir à un monde nouveau  , joyeux »[LE FIGARO 3 Mai 2016 page 13].C’est peut être vrai sur le plan de l’annonce,  et des apparences mais notre société serait toujours aussi joyeuse malgré ses difficultés,  s’il n’y avait pas de terroristes , de fanatiques divers, d’idéologues qui n’ont pas retenu les leçons du passé et de criminels patentés sans foi ni loi. L’opinion de M. ATRAN se discute et pour ma part je crois que ce sont des prétextes et que DAECH n’a que l’ambition de prendre le pouvoir et d’appliquer ses règles d’un autre-très ancien –siècle  qui vont à l’encontre de l’ humanisme. C’est tout et encore plus grave, et nous oblige à trouver un sens à notre combat.  Il ne faut donc pas désespérer ni renoncer même si la lutte sera longue. Nous n’avons pas perdu la guerre  des idées ni sur le terrain. Si DAECH  revendique les attentats commis sur notre territoire par des individus isolés (que l’on surnomme trop facilement des loups solitaires ce qui doit se vérifier) c’est aussi peut être parce que sur place il stagne : que son pari de créer un Etat islamique  pur et dur- sur un sol délimité, avec des infrastructures pérennes, qui permet d’attirer ceux qui sont en quête d’un autre sens  et qui considèrent que tous ceux qui ne pensent pas comme eux sont des traîtres, des apostats,  ou moins que rien ,des chiens à abattre (pauvres bêtes !  ) donc des ennemis à éliminer par tous moyens y compris les plus vils, les plus barbares- n’est pas gagné. Espérons le. Il appartient aux Etats qui sont visés,  à la France en particulier de réfléchir aux questions de sécurité, à l’économie, à la justice sociale mais aussi aux valeurs qui fondent une démocratie, à ce qui galvanise les citoyens et donne un sens à leurs actions voire à leurs sacrifices, au partage, aux destins en commun, au rejet de la violence quelqu’en soit la cause, à la tolérance avec la laîcité qui nous caractérise, et au respect de l’autre. Le terrorisme ne s’arrêtera pas par un coup de baguette magique ou par une loi plus performante qu’une autre même si on doit réagir ou parce que l’on aura persuadé les méchants terroristes que leur cause n’est pas juste. Il va falloir vivre avec les menaces, voire les attentats, et affronter un  risque dont on ne connait ni le moment, ni la forme, ni l’intensité, et gagner les batailles les unes après les autres sans céder sur les principes. La cohésion et la solidarité sont donc fondamentales .C’est évidemment facile à écrire  car les conseilleurs ne sont pas les payeurs, et c’est une mission cruciale  pour ceux qui ont la charge concrète de trouver les solutions qui méritent un consensus général, sans clivage et polémiques de bas étage, en fournissant sans barguigner les moyens. L’égo et les petites ambitions des uns et des autres sont secondaires comme les petits arrangements politiques pour conserver ou conquérir le pouvoir, et ne grandissent personne. Le mal ne se combat pas par un surcroît de lois répressives même si elles sont nécessaires. Mais par un effort d’éducation et d’intégration de cultures différentes qui sont compatibles avec notre corpus de valeurs. Cela signifie que nous avons tous des devoirs et une part de responsabilité pour tenter de bâtir une société plus  fraternelle, ouverte. La sécurité est l’affaire de tous.
                                    SANS VOULOIR CONCLURE
Le choc est tel que nous ne savons plus à qui rendre hommage en premier sachant que l’on ne peut distinguer entre les victimes : aux morts du massacre  d’ORLANDO ?  à nos deux policiers de MAGNANVILLE sauvagement assassinés sous les yeux de leur enfant pour ce qu’ils étaient : les représentants de la loi ? à Mme JO COX députée travailliste  tuée pour ses idées, en Angleterre berceau des libertés ? On a du mal à imaginer qu’il y ait tant de haine et de détestation des autres  qui permettent de gommer l’individu  par la violence et  de le considérer comme quantité négligeable en lui prenant la vie. C’est pourtant la réalité  et je crains que cette violence dénoncée de toute part soit devenue consubstantielle à notre société contemporaine. Plus on explique ce qu’est le bien  ou de ne pas faire le mal c’est plus facile à comprendre,  la tolérance et le respect de l’autre , moins ce message est entendu. Les hooligans ont sévi à MARSEILLE pour un simple match de football ; les casseurs ont profité des manifestations contre une loi, pour dévaster ce qu’ils considèrent être les symboles de ce qu’ils exècrent (mais qu’aiment-ils et que veulent –ils ?).Des minorités agissantes défient la république  et désignent les forces de l’ordre comme des provocateurs en estimant que « casser du flic » c’est normal. On tombe des nues.
M.TREVIDIC l’ancien juge anti-terroriste qui semble se  morfondre au TGI de LILLE et qui a écrit un livre qui a été primé, s’est exprimé sur BFM le 17 juin 2016 à 19h10 en rappelant que M.Larossi ABBALA (le tueur des policiers de MAGNANVILLE) qu’il avait mis en examen , l’avait inquiété car il n’avait pas trouvé la clef pour commencer un dialogue. Cela ne rassure pas surtout s’il y a d’autres ABBALA dans la nature.
Notre ami ALAIN BAUER explique bien le chemin habituel de la petite délinquance à la criminalité puis le passage au djihad et à l’acte terroriste. Une fois que l’on connait le processus la question est comment faire en préservant notre état de droit, les libertés individuelles et publiques, sachant que l’état d’urgence est provisoire par définition ?. Où faut-il placer le curseur pour qu’il y ait équilibre entre des exigences qui paraissent contradictoires ? .Le juge TREVIDIC a évoqué l’insuffisance du quantum des peines et la manière de suivre un délinquant qui a été condamné. Avant qu’il ne sorte il faut s’en préoccuper en amont, et éviter qu’il ne se radicalise en prison. M.TREVIDIC estime que la cour d’assises spéciale devrait jouer un rôle plus grand, et que correctionnaliser n’est pas suffisant. Selon lui le personnel pénitentiaire qui est entré dans la collectivité du renseignement  devrait être plus mobilisé .M.TREVIDIC a confirmé que la menace était élevée, ce que tous les responsables savent, et que les terroristes étaient en avance car leur imagination débordait et ils n’avaient aucun empêchement moral…L’ancien juge G .FENECH devenu député veut de son côté durcir les peines. [le FIGARO 17 juin 2016 page 8] .La police veut tout simplement que la justice passe.
Tous ces drames ont un point commun celui de savoir dans quel monde nous voulons vivre, quelle société équitable nous voulons fonder ou refonder,  et quel sens faut-il lui donner ? Je pense- mais c’est un modeste avis qui ne concerne que moi- qu’il faut revenir à notre identité, à nos valeurs, à la nation qui est le creuset de tous les citoyens  qui partagent des valeurs en commun, font des efforts, et n’ont pas l’œil fixé sur la hauteur de PIB même si celui-ci détermine beaucoup de possibilités, en demandant toujours plus de droits personnels. La démocratie n’est pas la faiblesse  . Démontrons le en restant dans ce qui fait la force de nos institutions : la république  avec ses valeurs  dont la sécurité qui nous permet de vivre, et la justice  qui nous permet de faire reconnaitre nos droits y compris contre l’ETAT, et l’état de droit.
Le philosophe YVES MICHAUD vient de publier un essai décoiffant « contre la bienveillance »chez STOCK. Il écrit que nous vivons l’âge de la plainte  , et que les bons sentiments qui encerclent la politique sont repris par les médias mais sont des faux-semblants. Il conclut : « les individus sont encouragés à s’ériger en victimes… Le renoncement à la politique compassionnelle permettrait de mener une vraie politique de justice fiscale, éducative ou sociale qui n’a rien à voir avec la prise en compte des revendications catégorielles ». Qu’il soit entendu.