mardi 12 janvier 2021

la cour de justice de la république en surchauffe

 

La cour de justice de la république en surchauffe.

Par Christian FREMAUX avocat honoraire.

La cour de justice de la république (C.J.R.) est saisie de nombreuses plaintes. Elle n’a jamais autant travaillé.  Cette institution atypique en matière de justice est dans la lumière alors même qu’elle est largement méconnue par les justiciables qui sont familiers du tribunal correctionnel où comparaissent régulièrement des personnalités ou prétendues élites et de la cour d’assises avec les jurés populaires où on juge des crimes notamment de ceux qui ont intrigué et indigné l’opinion publique. Chaque citoyen se prononce selon ses appréciations du bien et du mal en confondant droit et morale. Les décisions de la justice sont toujours subjectives : chacun les considère trop sévères ou pas assez selon ses valeurs et ses convictions.

                                      Le cas à part du président de la république.

Si le président de la république n’était pas protégé par une irresponsabilité pénale prévue à l’article 67 de la constitution de 1958 pour les actes accomplis en lien avec ses fonctions, et sauf procédure devant la haute cour pour destitution prévue à l’article 68 pour des faits d’une extrême gravité, il est à parier que de nombreuses plaintes pour des motifs divers le poursuivraient. Le climat quotidien de défiance s’y prête sans compter les arrière- pensées de toute nature.  D’autant plus que M. Macron n’hésite pas à dire qu’il « assume » ce qui veut dire qu’il persiste et signe pour ce qu’il a décidé et demandé au gouvernement de mettre en œuvre. Le régime politique actuel qui est devenu quasi présidentiel - le parlement voit son rôle se réduire en fait - oblige le président qui ne peut se cacher derrière personne. Par ses choix il joue sa réélection ou non, mais il ne craint rien sur le plan de la justice pour les actes correspondant à sa fonction. Pour ceux qui sont en dehors de celle-ci 1 mois après la fin de son mandat politique il peut être poursuivi : on vient ainsi d’assister au procès de l’ancien président N. Sarkozy pour ce qu’on a appelé l’affaire des écoutes de « Paul Bismuth ». Le tribunal correctionnel de paris se prononcera le 1er mars prochain.

                                        Les ministres et leur justice spécifique.

 Mais l’immunité qui prévaut pour le président, ne s’applique pas aux ministres et au premier ministre : la cour de justice de la république est ouverte en permanence et peut apprécier les décisions prises par le pouvoir exécutif. On vient d’apprendre que des magistrats avaient déposé plainte contre le ministre de la justice pour prise illégale d’intérêts (art. 432-12 du code pénal) qui est la traduction répressive du conflit d’intérêts : on lui reproche d’abuser de ses fonctions de ministre et d’en profiter pour prendre des décisions pour régler des comptes de l’avocat qu’il fut avec des magistrats ? Le ministre devient un justiciable comme un autre, avec la présomption d’innocence, le droit à un avocat, avec des débats contradictoires, l’accusation devant faire la preuve des faits dénoncés et de leur qualification pénale...La question est : comment les magistrats qui doivent dialoguer avec leur ministre au moins pour les affaires courantes, font-ils pour rester neutres et ne considérer que l’intérêt des justiciables avec les réformes indispensables ? La parabole de la paille et de la poutre est à deux sens.   Quelle est cette juridiction qui est chargée du dossier ?

                                               La C.J.R qu’es- aco ?

La cour de justice de la république est prévue à l’article 68-1 de la Constitution de la Vème république.  L’article 68-2 indique que tout individu peut déposer plainte. Elle est régie par une loi organique du 23 novembre 1993. Elle est composée de 15 juges : 6 députés + 6 sénateurs + 3 magistrats issus du siège de la cour de cassation. Le président actuel est M. Dominique Pauthe. Le ministère public est représenté par le procureur général de la cour de cassation - le célèbre M. François Molins anciennement chargé de la lutte contre le terrorisme - assisté d’avocats généraux.  La plainte doit être préalablement déposée devant une commission des requêtes qui la déclare irrecevable ou recevable. Dans ce dernier cas une commission d’instruction de 3 membres examine le dossier, entend qui elle veut, fait des interrogatoires et des vérifications, puis décide de prononcer un non -lieu ou de renvoyer devant la formation de jugement.

La cour se prononce comme devant toute juridiction pénale et applique les sanctions prévues pour l’infraction poursuivie : elle peut relaxer bien sûr, condamner à de la prison avec ou sans sursis, à des amendes, à des peines d ‘interdiction ou de privation de droits civiques, dispenser de peine…Les victimes ne peuvent pas se constituer parties civiles et obtenir directement réparation de leurs préjudices.

Il y a actuellement 4 instructions en cours dont celle qui commence concernant le ministre de la justice.  Depuis le début de la covid -19 plus de 70 plaintes ont été déposées pour des délits comme je suppose de mise en danger de la vie d’autrui et non- assistance à personne en danger ; manquements à des mesures de sécurité ; homicides ou mort sans intention de la donner ou blessures involontaires : je fais confiance à l’imagination des avocats… Des ministres, des hauts fonctionnaires, et l’ancien premier ministre ont été entendus. Des enquêtes avec perquisitions ont commencé…

La cour s’est prononcée jusqu’à fin 2020 sept (7) fois, de l’affaire du sang contaminé en 1999, à la violation du secret professionnel (enquête fiscale contre un député) par un ministre qui a été condamné en 2019.

                                                       Le débat

L’existence de la cour de justice de la république est contestée. On dénonce son entre soi, voire sa neutralité ou sa bienveillance au bénéfice de ceux qui comparaissent.  Le président Hollande avait promis de la supprimer. Il n’a pu le faire.  S’agissant d’une modification de la Constitution il faut en effet en passer -sauf référendum s’il est possible et… souhaitable pour un unique sujet ? - par la réunion du congrès à Versailles et le vote positif de 3/5ème des parlementaires. Le président Macron souhaite aussi la suppression de la cour de justice et que les ministres soient jugés par des magistrats de la cour d’appel de paris comme des quasi quidams. Ce qui vaut pour les misérables vaudraient pour les puissants. Mais il n’a pas eu l’opportunité de faire voter ladite suppression, ce que les membres actuels de son gouvernement regrettent amèrement.  

Il y a d’autres formes pour combattre l’injustice et régénérer la démocratie qui est la prise de ses responsabilités à tout niveau y compris dans l’Etat dit profond.  Le président voulait profiter de la réforme pour notamment diminuer le nombre des députés et sénateurs ; pour introduire une dose de proportionnelle dans les scrutins électoraux ; pour permettre le droit à une différenciation pour les collectivités locales ; pour mettre une disposition impérative sur le respect de l’environnement ; et pour tenter de renforcer l’indépendance des magistrats du parquet. Il pensait à élargir le référendum d’initiative partagée et à transformer la composition du conseil économique, social, et environnemental pour en faire le lieu de la participation citoyenne. C’était aussi de la justice. Il a laissé son projet en suspens.

 Le texte présenté en conseil des ministres le 28 août 2019 sur le renouveau de la vie démocratique est resté en l’état, et la crise sanitaire qui dure ne va pas favoriser une réforme constitutionnelle qui est pourtant nécessaire pour oxygéner la vie publique, faire participer plus les citoyens et leur rendre la confiance. En effet et sauf erreur de ma part, les priorités sont plus d’importance vitale économique, sociale, qu’institutionnelle.  

                                                      Obtenir justice.

Bien sûr la justice fait partie de la recherche d’égalité et de lutte contre l’absence de responsabilités. Personne n’a oublié la formule « responsable mais pas coupable ». Notre société veut à juste titre de la transparence, de la vérité, de l’efficacité, et qu’il n’y ait pas de plus égaux que d’autres. Mais la cour de justice de la république ne doit pas faire oublier que chacun d’entre nous a aussi sa part de responsabilité et que l’Etat et ceux qui gouvernent ne peuvent pas tout. Le principe de précaution n’est pas celui de l’interdiction généralisée et de l’absence de risque. La justice est une vertu qui ne se substitue pas à l’individu. Elle sanctionne en cas de faute dans l’intérêt du collectif qui a besoin de direction et d’autorités. Mais elle ne résout pas tout. La vie -la bonne et juste - appartient à l’homme /la femme qui la construit à son image et qui parfois se trompe. Laissons juger la cour de justice sans la soupçonner- car on ne peut douter de la république et de ceux qui la protègent-ou lui demander plus qu’elle ne peut donner.   

 

mercredi 6 janvier 2021

la vie est-elle une course?

 

                                 La vie est -elle une course ?

                             Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Malgré le temps qui passe et  qui incite plus à la morosité qu’à l’enthousiasme insouciant la vie continue et il faut faire face dans l’adversité. Il convient de se forger sa propre philosophie de la vie. Le poète Paul Valery écrit dans le cimetière marin : « le vent se lève il faut tenter de vivre ». Certains anciens ont eu des idées.  Sénèque le jeune né un peu avant J.C., précepteur puis conseiller politique de l’empereur Néron professait que le bonheur n’est pas matériel mais qu’il nait d’une vie en accord avec la vertu et la raison. Il fut quand même acculé au suicide le 12 avril 65 à Rome son élève Néron artiste dans l’âme n’aimant pas être contrarié. Le stoïcisme qui nous vient de la Grèce antique du III ème siècle avant J.C. consiste à acter le moment tel qu’il se présente ; à avoir du courage pour supporter la douleur et le malheur avec les apparences de l’indifférence pour aboutir à la tranquillité d’esprit. Selon les stoïciens la santé, la richesse et le plaisir ne sont ni bons ni mauvais en soi n’ayant de valeur qu’en tant que matière sur laquelle la vertu peut agir. On peut y croire mais cela se discute comme le disait le regretté Jean-Luc Delarue.  Le dernier grand stoïcien fut Marc- Aurèle après l’avènement du christianisme comme religion d’Etat au IV ème siècle.

 Le stoïcisme trouve, de mon modeste point de vue pragmatique, un regain d’intérêt dans cette période contemporaine curieuse. En effet les valeurs traditionnelles et j’ajoute républicaines sont remises en question au profit de concepts creux, de repentance, d’anti- tout pour tenter d’instaurer que le bien règne sur la terre et dans les cieux. Utopie quand tu nous tiens alors que  la violence règne y compris verbalement si on n’ adopte pas le politiquement correct et si on ose n’être pas d’accord avec  l’avant-garde minimaliste et minoritaire des élites auto-proclamées progressistes où l’homme a parfois des comportements  et des exigences qui le font régresser dans la tolérance et l’ouverture d’esprit ; où rien ne peut se débattre sans mise au ban et invectives ; où  enfin la solidarité manque et où la fraternité semble un mot et un concept à revisiter, à reconstruire en pratique pour ne pas se contenter d’en faire un mantra sans vraie signification. Tout est grave et on ne rit plus après le couvre- feu bien sûr qui rappelle à nos parents et grands- parents des périodes plus sombres et plus tragiques, mais aussi dans la journée.

J’exagère évidemment car j’ai lu dans mon journal papier (car je suis vieux) à savoir le figaro du 6 janvier 2021 page 4 que le président de la république avait annoncé sur twitter (soyons geek) sept (7)- et pas une de plus ?-  bonnes nouvelles de début de l’année. Parmi celles-ci : l’interdiction des pailles en plastique. Je me suis réjoui de bon cœur car cette annonce phénoménale m’a donné un moral de vainqueur pour entamer le combat de la journée et envisager l’avenir avec décontraction. Puis j’ai entendu sur mon transistor- je veux dire sur mon smartphone- le ministre de la santé qui comme le furet court les plateaux et fait des déclarations tout azimut comme la dissuasion nucléaire sur l’ennemi invisible l’ignoble traître qui mute de surcroit sans demander la moindre autorisation. Le ministre donc qui a déclaré ne pas courir un sprint mais un marathon pour répondre aux accusations sur la vaccination à vitesse réduite dans une course de lenteur que notre vaillant pays phare des donneurs de leçons a déjà gagnée. On attend la remontada si on s’est trompé de match et qu’il faut au contraire vacciner le plus vite possible dans la sécurité cela va de soi, et en convainquant tous ceux qui refusent le vaccin tout en se plaignant que tout ne va pas assez vite. Je suis content de n’être pas ministre ou aux affaires même de loin   - personne ne m’ayant jamais demandé de l’être d’ailleurs – même si j’ai pensé que la santé est une chose trop sérieuse pour la laisser aux médecins, en empruntant une formule de Georges Clémenceau pour la guerre. La critique est facile mais qui concrètement peut faire mieux ?  

On connait les deux thèses sur le soldat de Marathon après la 1ère guerre médique en 490 avant J.C. qui opposait les athéniens aux perses. Selon Plutarque un soldat dénommé Euclès courut du champ de bataille jusqu’à Athènes pour annoncer la victoire. Puis il mourut. Avec cet exploit militaire ce fut l’affirmation du modèle démocratique grec.  Selon Hérodote le soldat dénommé Philipidès a couru jusqu’à Sparte pour demander à ses dirigeants l’aide qui a permis la victoire. Puis il mourut d’épuisement. Je ne sais pas quelle est la bonne version mais il y a une certitude que le ministre devrait méditer : après avoir couru le marathon, le soldat trépassa. Prudence donc.

Marathon symbolise la ténacité, l’endurance, le sacrifice, la volonté d’arriver au but même s’il est lointain, et l’intérêt du collectif face au destin personnel. Le ministre de la santé qui tient la forme doit se ménager pour tenir la distance, et il ne faudrait pas que les spectateurs -les citoyens- franchissent la ligne d’arrivée en ne souffrant plus, en étant guéris mais morts préalablement. Il doit donc se hâter lentement ne serait- ce que pour éviter un marathon judiciaire s’il échoue ou prend les mauvaises décisions. Beaucoup d’entre nous connaisse la solitude du gardien de but : toute l’équipe le soutient mais s’il n’arrête pas le pénalty il sera responsable de la défaite. Cela vaut pour toutes les situations professionnelles ou non.   

On ne choisit pas entre le sprint et le marathon ce sont les circonstances qui décident. N’est pas le jamaïcain Usain Bolt qui veut ni le kenyan Abel kimi non plus. Le marathon ou le semi- marathon ou les courses avec obstacles sont usants et semblent n’avoir pas de limites. Comme le disait Woody Allen  « l’éternité c’est long surtout vers la fin ».Le sprint est trop rapide car on n’a pas de temps de démarrer que l’on est arrivé, mais on n’a rien vu passer .Si on a pris un mauvais départ on ne peut corriger.  

La course de la vie a un début dans les starting- blocks et un poteau d’arrivée : elle est indéterminée dans le temps mais le drapeau qui marque la fin est prêt à servir. On n’est pas impatient et malgré nos difficultés essayons de profiter de ce qui est, de construire un avenir et de se battre pour soi et les autres : carpe diem puisque l’espoir fait vivre !      

mardi 5 janvier 2021

qui a peur des juges?

 

                            Qui a peur des juges ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

En France on aime avoir des explications a priori sensées pour tout ce qui ne marche pas surtout si ce sont des simples affirmations qui ne portent pas à suites dommageables et qui permettent une critique sans risques qui souvent ne change rien ou si peu. Désormais le responsable assure fermement qu’il « assume » ce qui ne veut rien dire mais assoit ce qui est l’autorité. Je n’aborderai pas précisément le dossier de la vaccination dont chacun pense ce qu’il veut entre le principe constitutionnel de précaution qui en matière de santé n’est pas à écarter d’un revers de mains et la nécessaire vitesse attendue par tous les citoyens impatients de retrouver une vie normale, de pouvoir retravailler pour ceux qui sont au bord de la dépression et de la faillite réunies, et par tous ceux qui croient que le vaccin fera disparaitre le virus, ce que l’on espère. Parmi les excuses que l’on entend pour justifier une attente ou une action pas aussi musclée que l’on souhaite, une est curieuse : les puissants ou décideurs auraient peur des juges ?

                                                  Qui a peur des juges ?

 Ce sont bien les seuls car il est acquis que les délinquants d’habitude  ont intégré le risque pénal dans leur «  carrière » et en connaissent tous les méandres et comment s’en sortir ; que ceux qui veulent démolir notre société pour la remplacer par une autre de leur choix  font passer leurs croyances avant la loi et une condamnation vaut pour eux justification puisqu’ils agissent pour plus haut que les hommes .Enfin il est admis que des jeunes qui exaspèrent les citoyens honnêtes par leur effronterie, leur défi à l’autorité, leur violence, et le mépris des sanctions y compris la détention ne craignent pas la justice qui serait indulgente à leur égard et leur trouverait des circonstances atténuantes aussi diverses qu’infondées .Ils s’estiment victimes de la société, des autres.  Les juges même pas peur ! disent-ils.

En revanche nos politiques y compris les élus locaux, hauts fonctionnaires, ministres en poste ou anciens titulaires, ancien président de la république ou premier ministre, enfin ceux qui ont ou ont eu des responsabilités publiques redoutent de devoir passer sous les fourches caudines des juges et d’en ressortir avec un casier judiciaire ou pour le moins d’avoir dû affronter des questions infâmantes. Humainement on les comprend.  Il y a eu des précédents dont en matière de santé l’affaire dite du sang contaminé. Cela n’a pas empêché des poursuivis de poursuivre une carrière exemplaire. La justice sait séparer le bon grain de l’ivraie, condamner en dispensant de peine, comprendre sans exonérer des responsabilités, et faire coïncider le droit et l’équité.  

                                                  Les tirés au sort.

Il semble que l’on ait trouvé une parade : créer des comités de citoyens qui émettent des recommandations ou des observations qui vont servir de « caution » aux décisions prises par la puissance publique. Après les 150 de la convention citoyenne pour le climat, dont le président de la république ne sait pas comment ne pas leur donner satisfaction sauf en proposant un référendum pour modifier la Constitution pas moins, on récidive : il va y avoir 35 citoyens tirés au sort pour s’occuper des procédures de la vaccination. Pourquoi pas 3,5, ou 7 personnes seulement cela coûtera moins cher tant qu’à faire dans la démocratie cosmétique. Je l’ai déjà écrit. Je suis contre les comités Théodule prétendument indépendants qui cour circuitent la démocratie représentative , légitime et juridiquement et politiquement responsable: à quoi servent désormais les élus par le suffrage universel à tous les niveaux et en France le portefeuille institutionnel est épais, sauf à répondre de leurs manquements  ou mauvaises appréciations devant les tribunaux, si Toto ou son frère jumeau ou Duduche qui n’est pas ma cousine, peuvent dire tout et son contraire en toute impunité ? On se méfie déjà des experts qui ont des titres et aussi des élites auto-proclamées ou qui vivent dans un cercle étroit public comme privé. L’ouvrir à tout vent n’est pas la solution sauf de la démagogie. Les bénéficiaires du hasard propulsés dans les allées du pouvoir peuvent se tromper de bonne foi, le bon sens dont on les revêt à défaut de compétences avérées étant « la chose du monde la mieux partagée » selon Descartes mais invérifiable, et ainsi accentuer les erreurs des décideurs voire les inciter à en commettre. Si on a besoin du quidam pour décider en haut lieu c’est désastreux, et on s’étonnera ensuite que la confiance des petits et sans grade fait défaut !

                                                    De la démocratie directe.

Dans la Grèce antique où l’on se méfiait des oligarchies électives, les dieux choisissaient ceux qui exerceraient les charges publiques, dont celles d’être juges. Je pense mais je suis de mauvaise foi et cynique, que les choix des dieux étaient un peu téléguidés par des puissants inspirés mais pas désintéressés ?  Platon et Aristote étaient contre le procédé des tirés au sort car il ne garantissait pas la compétence et la démocratie directe pouvait conduire à des excès. L’histoire a connu, et encore de nos jours, des gouvernements du peuple. On sait comment cela se termine.  En France on n’a pas oublié les comités de citoyens pendant la révolution de 1789, les jugements sans avocats et sans appel possible. On a cependant conservé des jurés devant la cour d’assises et dans les conseils de prud’homme ne siègent que des juges non professionnels, comme devant le tribunal de commerce. Mais on a mis en place des procédures sévères de sélection pour ceux qui rendent la justice.  On n’a jamais accepté que les juges professionnels -du siège comme du parquet-soient élus comme dans d’autres démocraties. La citoyenneté et la justice sont consubstantielles puisque le juge qui a naturellement comme tout le monde des convictions personnelles, morales, philosophiques, politiques doit les mettre de côté au profit de la règle de droit qui existe, la loi votée après débats publics par le parlement qui est représentatif et légitime. Devons- nous avoir peur des juges ?

Oui pour celui qui a causé une infraction volontairement ou qui a commis un crime odieux qui bouleverse, ou qui trouble l’ordre public en menaçant gravement le pacte social et les principes républicains. Oui car c’est toujours une épreuve de devoir répondre à des accusations alors qu’on est certain d’avoir raison ou d’être innocent. On ne sort jamais indemne de devoir s’expliquer en public et se faire comprendre.  Mais on peut être vainqueur car l’inexorable n’est inscrit nulle part, et on n’est pas à l’abri de convaincre.

                                                       Agir toujours.

 Mais non pour les autorités publiques qui décident en notre nom et qui doivent avoir le courage de prendre les décisions les plus favorables et efficaces à terme, parfois en déplaisant et en ne cédant pas à l’émotion qui annihile la raison et reste l’écume des vagues. Elles peuvent aussi accélérer et ne seront jamais poursuivies pour un délit de grande vitesse si la nécessité fait loi. En revanche l’immobilisme et la précaution qui paralyse pourront leur être reprochés par les victimes directes ou non de l’inaction ou de la concertation sans fin.   On entend parler tous les jours du délit de mise en danger de la vie d’autrui : cette infraction conduit devant les tribunaux correctionnels voire la cour de justice de la république alors même que le préjudice peut ne pas être avéré.

                                                Dans un Etat de droit.

Dans un Etat de droit personne ne doit avoir peur des juges qui protègent la société et les libertés dont celle de vivre. Tirer prétexte que sa responsabilité juridique peut être engagée pour ne rien faire ou pas assez est misérable, moralement inadmissible, et politiquement sanctionnable. On doit accepter dans toutes ses conséquences ses choix : c’est l’honneur des décideurs publics.