mercredi 6 janvier 2021

la vie est-elle une course?

 

                                 La vie est -elle une course ?

                             Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Malgré le temps qui passe et  qui incite plus à la morosité qu’à l’enthousiasme insouciant la vie continue et il faut faire face dans l’adversité. Il convient de se forger sa propre philosophie de la vie. Le poète Paul Valery écrit dans le cimetière marin : « le vent se lève il faut tenter de vivre ». Certains anciens ont eu des idées.  Sénèque le jeune né un peu avant J.C., précepteur puis conseiller politique de l’empereur Néron professait que le bonheur n’est pas matériel mais qu’il nait d’une vie en accord avec la vertu et la raison. Il fut quand même acculé au suicide le 12 avril 65 à Rome son élève Néron artiste dans l’âme n’aimant pas être contrarié. Le stoïcisme qui nous vient de la Grèce antique du III ème siècle avant J.C. consiste à acter le moment tel qu’il se présente ; à avoir du courage pour supporter la douleur et le malheur avec les apparences de l’indifférence pour aboutir à la tranquillité d’esprit. Selon les stoïciens la santé, la richesse et le plaisir ne sont ni bons ni mauvais en soi n’ayant de valeur qu’en tant que matière sur laquelle la vertu peut agir. On peut y croire mais cela se discute comme le disait le regretté Jean-Luc Delarue.  Le dernier grand stoïcien fut Marc- Aurèle après l’avènement du christianisme comme religion d’Etat au IV ème siècle.

 Le stoïcisme trouve, de mon modeste point de vue pragmatique, un regain d’intérêt dans cette période contemporaine curieuse. En effet les valeurs traditionnelles et j’ajoute républicaines sont remises en question au profit de concepts creux, de repentance, d’anti- tout pour tenter d’instaurer que le bien règne sur la terre et dans les cieux. Utopie quand tu nous tiens alors que  la violence règne y compris verbalement si on n’ adopte pas le politiquement correct et si on ose n’être pas d’accord avec  l’avant-garde minimaliste et minoritaire des élites auto-proclamées progressistes où l’homme a parfois des comportements  et des exigences qui le font régresser dans la tolérance et l’ouverture d’esprit ; où rien ne peut se débattre sans mise au ban et invectives ; où  enfin la solidarité manque et où la fraternité semble un mot et un concept à revisiter, à reconstruire en pratique pour ne pas se contenter d’en faire un mantra sans vraie signification. Tout est grave et on ne rit plus après le couvre- feu bien sûr qui rappelle à nos parents et grands- parents des périodes plus sombres et plus tragiques, mais aussi dans la journée.

J’exagère évidemment car j’ai lu dans mon journal papier (car je suis vieux) à savoir le figaro du 6 janvier 2021 page 4 que le président de la république avait annoncé sur twitter (soyons geek) sept (7)- et pas une de plus ?-  bonnes nouvelles de début de l’année. Parmi celles-ci : l’interdiction des pailles en plastique. Je me suis réjoui de bon cœur car cette annonce phénoménale m’a donné un moral de vainqueur pour entamer le combat de la journée et envisager l’avenir avec décontraction. Puis j’ai entendu sur mon transistor- je veux dire sur mon smartphone- le ministre de la santé qui comme le furet court les plateaux et fait des déclarations tout azimut comme la dissuasion nucléaire sur l’ennemi invisible l’ignoble traître qui mute de surcroit sans demander la moindre autorisation. Le ministre donc qui a déclaré ne pas courir un sprint mais un marathon pour répondre aux accusations sur la vaccination à vitesse réduite dans une course de lenteur que notre vaillant pays phare des donneurs de leçons a déjà gagnée. On attend la remontada si on s’est trompé de match et qu’il faut au contraire vacciner le plus vite possible dans la sécurité cela va de soi, et en convainquant tous ceux qui refusent le vaccin tout en se plaignant que tout ne va pas assez vite. Je suis content de n’être pas ministre ou aux affaires même de loin   - personne ne m’ayant jamais demandé de l’être d’ailleurs – même si j’ai pensé que la santé est une chose trop sérieuse pour la laisser aux médecins, en empruntant une formule de Georges Clémenceau pour la guerre. La critique est facile mais qui concrètement peut faire mieux ?  

On connait les deux thèses sur le soldat de Marathon après la 1ère guerre médique en 490 avant J.C. qui opposait les athéniens aux perses. Selon Plutarque un soldat dénommé Euclès courut du champ de bataille jusqu’à Athènes pour annoncer la victoire. Puis il mourut. Avec cet exploit militaire ce fut l’affirmation du modèle démocratique grec.  Selon Hérodote le soldat dénommé Philipidès a couru jusqu’à Sparte pour demander à ses dirigeants l’aide qui a permis la victoire. Puis il mourut d’épuisement. Je ne sais pas quelle est la bonne version mais il y a une certitude que le ministre devrait méditer : après avoir couru le marathon, le soldat trépassa. Prudence donc.

Marathon symbolise la ténacité, l’endurance, le sacrifice, la volonté d’arriver au but même s’il est lointain, et l’intérêt du collectif face au destin personnel. Le ministre de la santé qui tient la forme doit se ménager pour tenir la distance, et il ne faudrait pas que les spectateurs -les citoyens- franchissent la ligne d’arrivée en ne souffrant plus, en étant guéris mais morts préalablement. Il doit donc se hâter lentement ne serait- ce que pour éviter un marathon judiciaire s’il échoue ou prend les mauvaises décisions. Beaucoup d’entre nous connaisse la solitude du gardien de but : toute l’équipe le soutient mais s’il n’arrête pas le pénalty il sera responsable de la défaite. Cela vaut pour toutes les situations professionnelles ou non.   

On ne choisit pas entre le sprint et le marathon ce sont les circonstances qui décident. N’est pas le jamaïcain Usain Bolt qui veut ni le kenyan Abel kimi non plus. Le marathon ou le semi- marathon ou les courses avec obstacles sont usants et semblent n’avoir pas de limites. Comme le disait Woody Allen  « l’éternité c’est long surtout vers la fin ».Le sprint est trop rapide car on n’a pas de temps de démarrer que l’on est arrivé, mais on n’a rien vu passer .Si on a pris un mauvais départ on ne peut corriger.  

La course de la vie a un début dans les starting- blocks et un poteau d’arrivée : elle est indéterminée dans le temps mais le drapeau qui marque la fin est prêt à servir. On n’est pas impatient et malgré nos difficultés essayons de profiter de ce qui est, de construire un avenir et de se battre pour soi et les autres : carpe diem puisque l’espoir fait vivre !      

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