La
vie est -elle une course ?
Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Malgré le temps
qui passe et qui incite plus à la morosité
qu’à l’enthousiasme insouciant la vie continue et il faut faire face dans
l’adversité. Il convient de se forger sa propre philosophie de la vie. Le poète
Paul Valery écrit dans le cimetière marin : « le vent se lève il faut
tenter de vivre ». Certains anciens ont eu des idées. Sénèque le jeune né un peu avant J.C., précepteur
puis conseiller politique de l’empereur Néron professait que le bonheur n’est
pas matériel mais qu’il nait d’une vie en accord avec la vertu et la raison.
Il fut quand même acculé au suicide le 12 avril 65 à Rome son élève Néron
artiste dans l’âme n’aimant pas être contrarié. Le stoïcisme qui nous vient de
la Grèce antique du III ème siècle avant J.C. consiste à acter le moment tel qu’il se
présente ; à avoir du courage pour supporter la douleur et le malheur avec
les apparences de l’indifférence pour aboutir à la tranquillité d’esprit. Selon
les stoïciens la santé, la richesse et le plaisir ne sont ni bons ni mauvais en
soi n’ayant de valeur qu’en tant que matière sur laquelle la vertu peut agir. On
peut y croire mais cela se discute comme le disait le regretté Jean-Luc Delarue.
Le dernier grand stoïcien fut Marc- Aurèle
après l’avènement du christianisme comme religion d’Etat au IV ème siècle.
Le stoïcisme trouve, de mon modeste point de vue
pragmatique, un regain d’intérêt dans cette période contemporaine curieuse. En
effet les valeurs traditionnelles et j’ajoute républicaines sont remises en
question au profit de concepts creux, de repentance, d’anti- tout pour tenter d’instaurer
que le bien règne sur la terre et dans les cieux. Utopie quand tu nous tiens alors
que la violence règne y compris verbalement
si on n’ adopte pas le politiquement correct et si on ose n’être pas d’accord
avec l’avant-garde minimaliste et
minoritaire des élites auto-proclamées progressistes où l’homme a parfois des
comportements et des exigences qui le
font régresser dans la tolérance et l’ouverture d’esprit ; où rien ne peut
se débattre sans mise au ban et invectives ; où enfin la solidarité manque et où la fraternité
semble un mot et un concept à revisiter, à reconstruire en pratique pour ne pas
se contenter d’en faire un mantra sans vraie signification. Tout est grave et on
ne rit plus après le couvre- feu bien sûr qui rappelle à nos parents et grands-
parents des périodes plus sombres et plus tragiques, mais aussi dans la journée.
J’exagère
évidemment car j’ai lu dans mon journal papier (car je suis vieux) à
savoir le figaro du 6 janvier 2021 page 4 que le président de la république avait
annoncé sur twitter (soyons geek) sept (7)- et pas une de plus ?- bonnes nouvelles de début de l’année. Parmi celles-ci
: l’interdiction des pailles en plastique. Je me suis réjoui de bon cœur car cette
annonce phénoménale m’a donné un moral de vainqueur pour entamer le combat de
la journée et envisager l’avenir avec décontraction. Puis j’ai entendu sur mon transistor-
je veux dire sur mon smartphone- le ministre de la santé qui comme le furet
court les plateaux et fait des déclarations tout azimut comme la dissuasion
nucléaire sur l’ennemi invisible l’ignoble traître qui mute de surcroit sans
demander la moindre autorisation. Le ministre donc qui a déclaré ne pas courir un
sprint mais un marathon pour répondre aux accusations sur la vaccination à
vitesse réduite dans une course de lenteur que notre vaillant pays phare des
donneurs de leçons a déjà gagnée. On attend la remontada si on s’est trompé de match
et qu’il faut au contraire vacciner le plus vite possible dans la sécurité
cela va de soi, et en convainquant tous ceux qui refusent le vaccin tout en se
plaignant que tout ne va pas assez vite. Je suis content de n’être pas ministre
ou aux affaires même de loin - personne ne m’ayant jamais demandé de l’être
d’ailleurs – même si j’ai pensé que la santé est une chose trop sérieuse pour la
laisser aux médecins, en empruntant une formule de Georges Clémenceau pour la guerre.
La critique est facile mais qui concrètement peut faire mieux ?
On connait
les deux thèses sur le soldat de Marathon après la 1ère guerre médique
en 490 avant J.C. qui opposait les athéniens aux perses. Selon Plutarque un
soldat dénommé Euclès courut du champ de bataille jusqu’à Athènes pour annoncer
la victoire. Puis il mourut. Avec cet exploit militaire ce fut l’affirmation
du modèle démocratique grec. Selon
Hérodote le soldat dénommé Philipidès a couru jusqu’à Sparte pour demander à ses
dirigeants l’aide qui a permis la victoire. Puis il mourut d’épuisement. Je
ne sais pas quelle est la bonne version mais il y a une certitude que le ministre
devrait méditer : après avoir couru le marathon, le soldat trépassa.
Prudence donc.
Marathon symbolise
la ténacité, l’endurance, le sacrifice, la volonté d’arriver au but même s’il est
lointain, et l’intérêt du collectif face au destin personnel. Le ministre de la
santé qui tient la forme doit se ménager pour tenir la distance, et il ne
faudrait pas que les spectateurs -les citoyens- franchissent la ligne d’arrivée
en ne souffrant plus, en étant guéris mais morts préalablement. Il doit donc se
hâter lentement ne serait- ce que pour éviter un marathon judiciaire s’il
échoue ou prend les mauvaises décisions. Beaucoup d’entre nous connaisse la
solitude du gardien de but : toute l’équipe le soutient mais s’il n’arrête
pas le pénalty il sera responsable de la défaite. Cela vaut pour toutes les
situations professionnelles ou non.
On ne
choisit pas entre le sprint et le marathon ce sont les circonstances qui décident.
N’est pas le jamaïcain Usain Bolt qui veut ni le kenyan Abel kimi non plus. Le
marathon ou le semi- marathon ou les courses avec obstacles sont usants et
semblent n’avoir pas de limites. Comme le disait Woody Allen « l’éternité c’est long surtout vers la
fin ».Le sprint est trop rapide car on n’a pas de temps de démarrer
que l’on est arrivé, mais on n’a rien vu passer .Si on a pris un mauvais départ
on ne peut corriger.
La course de
la vie a un début dans les starting- blocks et un poteau d’arrivée : elle est
indéterminée dans le temps mais le drapeau qui marque la fin est prêt à servir.
On n’est pas impatient et malgré nos difficultés essayons de profiter de ce qui
est, de construire un avenir et de se battre pour soi et les autres :
carpe diem puisque l’espoir fait vivre !
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