jeudi 6 juillet 2023

Et maintenant que vais-je faire ?

 

                    Et maintenant que vais-je faire ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

Il n’est pas utile de ressasser tous les arguments et polémiques que l’on entend et revoir en boucle les images des émeutes. On va entendre les propositions les plus extrêmes de chaque camp. Et maintes fois exprimées, sans suite. On a compris et on est habitué hélas aux dégradations des biens communs. On n’ose plus dire non à personne de peur de le choquer. Le « pas de vague » a entrainé des tsunamis. On ne sait plus dans la France contemporaine régler un conflit sans violence au nom de l’injustice, de l’inégalité, de la discrimination ou autres motifs. Malgré les leçons de morale qu’on nous assène tous les jours et qui vont toutes dans le même sens dit progressiste qui conduirait à une société parfaite, on n’avance pas en matière de démocratie et de tolérance. Après les attentats du Bataclan on entendait l’antienne « ils n’auront pas notre haine » pour essayer de ne pas assumer. Mais on ne règle rien si on ne dénomme pas exactement les faits. « J’appelle un chat un chat et Rollet un fripon » disait Nicolas Boileau dans les satires vers 1660.La loi des bandes ne peut remplacer celle de la Nation.  Ces jeunes voyous sont en réalité des autocrates qui s’ignorent : seules leurs vérités seraient acceptables !  

Je tire mon chapeau au maire de L’Haÿ- les- roses que l’on a voulu assassiner avec sa famille. Il est en colère mais n’a pas la haine. Je ne sais pas si j’aurai la force morale d’en dire autant si on avait voulu ma mort et celle de ma famille. Je ne crois pas que je tendrai la deuxième joue et que je serrerai la main de mes ennemis. Être humain comme l’amour exigent la réciprocité. Pardonner n’a parfois aucun sens. Alphonse Karr disait « je suis contre la peine de mort mais que MM. les assassins commencent ». Me Badinter a supprimé à juste titre la vengeance de la société car elle ne peut utiliser les armes de ceux qui la combattent ou brisent le pacte social et font des victimes au nom de je ne sais quoi de subjectif. L’excuse ne peut justifier la violence. Sans punition tout reste ouvert aux fauteurs de troubles, qu’il s’agisse d’une révolte ce qui ne change rien ou d’un défi personnel. Surtout si des intellectuels cherchent des raisons culturelles, identitaires et historiques ou économiques et sociales ou rejettent toute faute sur l’Etat prétendument structurellement raciste et les institutions, pour tenter d’admettre ce qui ne peut l’être. Ou minimiser les conséquences.  Quel que soit l’évènement déclencheur qui est du ressort de la justice.

Toutes les révoltes et les révolutions doivent avoir une fin sinon c’est contre- productif et l’histoire nous apprend que l’on revient en pire à ce qu’on ne voulait pas. On ne change pas les mentalités de force et on ne crée pas une république exemplaire par un coup de baguette magique, par des slogans, et en trouvant des boucs émissaires comme les riches car on est toujours le pauvre d’un autre ou les forces de l’ordre qui reçoivent des instructions et appliquent la loi. L’utopie est utile mais pas toujours compatible avec les nécessités. Sa responsabilité individuelle qui s’appuie sur une conscience avec le respect des autres même si on ne les aime pas, avec la méritocratie républicaine notamment par l’éducation et le travail permettent de sortir de sa condition initiale. La religion et la victimisation n’aboutissent à rien. Et il faut ouvrir les yeux sur ce qui se passe ailleurs avec la répression à balles réelles ou des régimes autoritaires dans le sens concret du terme. L ’Algérie, l’Iran ou la Turquie sinon l’Afghanistan devraient se regarder dans la glace. Notre Etat providence plutôt nounou avec ses libertés et protections est envié dans le monde ainsi que nos valeurs humanistes. Sinon pourquoi tant de migrants veulent s’y installer ou sont déjà venus et se sont insérés en se sentant français quelles que soient leurs origines ?    

Les émeutiers n’ont pillé que les magasins de marchandises y compris de luxe car il faut être lucide même en perdant ses nerfs, mais pas les librairies. Je m’en réjouis car pour méditer ils vont pouvoir lire le « Guépard » de Giuseppe Tomasi di Lampedusa où le prince Salina soupire : « il faut que tout change pour que tout reste pareil ». L’Italie se constituait après la révolution de Garibaldi et Mazzini. Les conseilleurs idéologiques de nos jeunes délinquants qui ne sont pas les payeurs leur expliqueront peut- être ce qu’il faudrait comprendre.

Gilbert Bécaud chantait : « et maintenant que vais-je faire de tout ce temps que sera ma vie ; de tous ces gens qui m’indiffèrent maintenant que tu es partie… ». Mais l’espérance n’est pas partie et les raisons de construire ensemble demeurent. Car il faut croire en notre pays. La France s’est sortie de crises et de catastrophes qui auraient pu la faire disparaitre. Elle a résisté. Ce ne sont pas quelques milliers d’individus mal à l’aise dans leurs peaux, frustrés et aigris, victimes prétendues, endoctrinés et haïssant leurs semblables qui vont nous faire renoncer. Pour reprendre une image qui ne plait pas aux intéressés il faut remettre l’église au centre du village et rappeler qu’avec les droits le citoyen a des devoirs au -delà de sa communauté ou de ses croyances ou de son domicile. Citoyen, comme frère, c’est un joli nom camarade et ça veut dire beaucoup. Personne n’est assigné à résidence sauf dans sa tête.   

Qu’allons -nous faire ? On ne peut laisser l’Etat donc nous le peuple qui doit agir se dépêtrer et imaginer des solutions rapides mais pérennes. Puis sanctionner les incapables au pouvoir s’ils ne trouvent pas immédiatement LA solution. Comme si une certaine opposition dont on n’entend pas vraiment les cris de protestation et d’appel au calme avait des mesures miracles. Dissoudre à chaud l’assemblée nationale me parait risqué car on sait ce que l’on a et que l’on peut estimer insuffisant mais on ne décrète pas ce qui va venir au pouvoir avec tel programme. Le remède peut tuer le malade. N’ajoutons pas une crise institutionnelle aux problèmes posés.  Tous les corps intermédiaires et les élus doivent participer à une sorte d’union nationale et définir un consensus. Ce qui n’empêche pas la volonté de changement. Mais ce dernier sera durable que lorsque les comportements individuels auront évolué pour prendre en compte l’intérêt général et recréer une vraie Nation avec des devoirs. Outre le rétablissement de l’autorité qui n’est pas du caporalisme, familles et écoles compris. Car sans règles, sans lois ni ordre public les libertés disparaissent ou oppriment si elles sont sans limites. On est loin de la mort de Nahel ce pseudo ange déchu.   

Et moi que vais-je faire ?  Je suivrai mon chemin sans repentance, celui du devoir du citoyen lambda et m’investirait partout où on a besoin d’aides. C’est dérisoire mais si chacun d’entre nous s’engageait peut- être que par les exemples certains comprendraient ce qu’est vivre ensemble. La sécurité et la cohésion sociale sont l’affaire de tous et l’Etat n’est pas omniscient. Il est souvent pesant, tatillon mais faible dans ses fonctions régaliennes. Il ne fait pas confiance aux gens de terrains les maires - dont j’ai été des années comme premier adjoint- en particulier. Et maintenant à chacun de prendre ses responsabilités.       

 

samedi 1 juillet 2023

Je suis en colère

 

                                                Je suis en colère

                Par Christian Fremaux avocat honoraire

Le seul combat qui vaille est celui de l’homme a écrit Jean Bodin. Un homme ou une femme jeune ou non qui meurt, rend triste et furieux surtout à l’époque actuelle où la compassion se porte en bandoulière. L’émotion submerge avant la raison. On casse ses jouets avant de réfléchir de peur de rater l’occasion de protester et de s’affronter à l’autorité qui est l’adversaire suprême pour tout. 

Quand je regarde les scènes d’émeutes d’une intensité encore jamais vue un peu partout sur le territoire y compris dans des petites villes réputées calmes, je me rappelle du tableau d’Edvard Munch : le cri avec l’homme moderne emporté par une crise d’angoisse existentielle.

Je suis en colère contre les arguments aussi insignifiants qu’inexacts que les apprentis guérilleros invoquent pour tenter de justifier leurs exactions : la solidarité après la mort à Nanterre du jeune Nahel. Et la vengeance, mais contre qui ? Contre tous les autres citoyens innocents ? Contre l’Etat responsable de tout ? Ou contre les forces de l’ordre que je soutiens puisqu’elles nous protègent ? La faute d’un membre ne disqualifie pas tout le corps. 

 Comme si le fait d’être jeune était en soi une explication et une circonstance atténuante et exonérait du respect des lois. Je trouve que les marches blanches sont à géométrie variable et qu’à part la famille du tué qui le considère comme un ange, cette qualité excessive en l’espèce se discute. D’ailleurs Byzance s’est perdue en discutant du sexe des anges alors que le péril était à sa porte. Ce qui ne change rien à l’attitude du policier qui a tiré et qui sur le champ a été mis en examen et incarcéré. La justice a été très rapide. Personne ne le relève ? Le garde des sceaux habituellement vilipendé devrait être remercié ! 

 Et si on attendait la fin de l’enquête judiciaire car une vidéo ne fait pas tout et n’est pas la preuve définitive de la culpabilité et des circonstances de celle- ci. Le petit ange a -t -il eu un comportement parfait ? Même si un policier doit garder son sang-froid et ne peut ouvrir le feu que quand les conditions légales sont réunies, loi de 2017 sur les refus d’obtempérer ou non. Le policier est présumé innocent comme on nous serine le principe à chaque fois qu’un forcément déséquilibré fait un carnage. Et c’est fréquent. L’indignation ne doit pas intervenir par intermittence.  Même si on sait que les émeutes ont des causes et des revendications diverses d’ordre sociologiques et identitaires, aussi sociales avec un sentiment d’abandon et de discriminations et agrègent tous les ressentiments et les colères. 

Le président de la république a passé trois jours à câliner Marseille et à dépenser nos impôts. On apprend que certains marseillais sont à la pointe des émeutes. M. Macron doit déplorer l’ingratitude. Dans les petites communes tranquilles les élus qui se dévouent pour tous sans inégalités qui ont vu le saccage de leurs mobiliers urbains, leurs mairies, les bâtiments publics comme l’école qui doit fabriquer des citoyens par la connaissance et la réflexion, et leurs commerces dévalisés -car l’occasion fait le larron par ces temps d’inflation - doivent aussi maudire le fait qu’ils n’ont pas eu la manne présidentielle mais ils ont récolté des tempêtes. Belle moisson !

Moi aussi je suis en colère. Je vois hébété mes efforts et sacrifices partir en fumée dans un délire sans fin, les mortiers n’étant pas une fête. Les plus radicaux veulent des morts comme si on était ennemis entre nous. Mais je ne vais pas avec mes potes des ehpads et la majorité silencieuse tout casser et brûler à chaque fois qu’une décision publique ne me plait pas ou qu’un incident voire plus grave fait une victime que je déplore. Pourtant j’en ai le droit puisque je paie mes contributions, arrête ma voiture que je conduis avec permis et assurance quand on me le demande et que j’applique les règles enfin autant que je le peux selon mes intérêts soyons francs ! En plus je vote à toutes les élections. Les résultats parfois me dérangent. Je suis donc un citoyen de base en colère. Jeune j’ai vécu en banlieue, on en sort. Je n’ai pas mis en cause mes ancêtres ou des voisins pour ce qu’ils ont fait de bien ou pas. Mes parents m’ont tenu la bride, je n’en suis pas stigmatisé, la fermeté n’étant pas un gros mot et est parfois constructive. 

Rien n’excuse la violence surtout dans notre république plutôt généreuse en aides diverses et libertés si on se compare avec le reste du monde et chacun peut prendre sa chance. On corrige ce qui ne va pas mais on ne détruit pas le collectif. La responsabilité personnelle est une clé de la réussite. Ce n’est pas toujours la faute des autres si on n’a pas eu son chocolat à 16 heures, une voiture ou une moto de course à 18 ans, et une rolex à 50 ans comme le disait un célèbre communicant, formule qui n’a pas été la plus républicainement subtile. C’est pourquoi je suis souvent en retard !

Mais que faire pour éviter ce qu’avait prédit l’ancien ministre de l’intérieur M. Gérard Collomb à savoir que nous allons vivre face à face et plus ensemble. Ce serait la dislocation de la nation qui doit dépasser toutes les exigences. C’est grave car tout le monde estime avoir raison et des pseudo élites en rajoutent une couche dans le misérabilisme ou jettent de l’huile sur le feu avec des arrières pensées au lieu de tenter d’apaiser et de ne pas crier au loup pour tout .Le pays est fracturé, comment le ressouder ? Soyons réalistes : on ne va pas dissoudre la police. Même les biens pensants humanistes habituels réclament plus de forces de l’ordre et de répression. C’est inédit ! Nos institutions peuvent être plus ouvertes mais elles sont solides et l’Etat est indispensable pour les fonctions régaliennes. On ne va pas tout donner gratuitement et sans efforts. L’insertion dans la société se mérite et n’est pas liée à la couleur de peau, à la religion ou au faciès, même s’il y a des dérapages. La laïcité est une liberté et pas une interdiction. La république et ses valeurs est un cadre en béton. Je choisis le devoir de convergence au droit à la différence. L’ordre public garantit la vie sociale.

Décréter l’état d’urgence pénaliserait tous ceux qui ne sont coupables de rien et ne serait pas la solution sauf si la chienlit perdure. Les beaux esprits crieraient aux mesures liberticides et dans les quartiers dit sensibles aux mains des vendeurs de drogue on hurlerait à la dictature et au racisme. Il va falloir se ressaisir et convaincre que l’autorité est un bien commun et que collectivement tout le monde en profite. Dans la famille, dans les écoles, contre la délinquance, contre les désobéisseurs civils qui pensent détenir la vérité, contre toute violence quel qu’en soit le motif.

Je ne serai plus en colère comme les éternels motards qui refusent le contrôle technique, quand tous les français se comporteront en citoyens et assumeront leurs devoirs plutôt que de réclamer l’extension infinie des droits individuels. Et un traitement particulier.