lundi 25 avril 2022

Le roi est mort vive le roi

 

                                 Le roi est mort vive le roi !

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Cette interjection traditionnelle était prononcée quand le roi en exercice mourait. Le successeur prenait aussitôt la place du monarque défunt et était proclamé roi sur le champ quasiment dans la chambre funèbre pour qu’il n’y ait pas de vacance du pouvoir et que les complots ou les ambitions ne fleurissent pas. Après Louis XV ce fut Louis XVI qui par la guillotine perdit la tête tandis que la royauté avait été remplacée par la République, ce qui évitait de crier sa joie à un nouveau César le peuple n’aimant pas du tout le pouvoir absolu qui se voulait d’essence divine de surcroît. De nos jours Jupiter a dit qu’il redescendrait sur terre et qu’il allait tout changer pour plus de bienveillance en matière de gouvernance. Dieu soit loué ! si je peux hasarder cette locution dans notre république laïque : je veux y croire. Avec la disparition de l’ancien régime on ne crie plus dans les palais nationaux et l’alternance quand elle a lieu se fait plus modeste. On se serre ou non la main, on descend ou on remonte le tapis rouge de l’Elysée et au revoir.

Notre constitution organise le fonctionnement de nos institutions avec les pouvoirs exécutif comme législatif et l’autorité judiciaire. Les contre-pouvoirs dont les médias et les réseaux sociaux sont forts.  On a équilibré les pouvoirs pour conduire à l’état de droit qui n’est pas à confondre avec un Etat qui aurait des droits spécifiques. On prône le transparence et toute turpitude suspectée ou erreur de gestion sont dénoncées. Voir le cas Mac Kinsey. Le chef suprême est surveillé. L’excellent professeur de droit constitutionnel Maurice Duverger avait qualifié le président de la république de monarque républicain pour dénoncer des prérogatives qui lui paraissaient incongrues dans notre démocratie représentative où il y a un parlement qui représente le peuple et divers organes de délibération. Mais la pratique présidentielle fait que l’on va plus ou moins vers la concentration des pouvoirs, selon le locataire en titre des lieux.

 Une des réformes urgentes va être de trouver un bon compromis entre la nécessité d’avoir un vrai capitaine à bord qui gère les tempêtes et tient le cap et la volonté de l’équipage d’être entendu, de donner son avis sur les vents et les ports à atteindre, sans que tout le monde pilote et que les marins d’eau douce par leurs exigences nous mènent au naufrage.  La révision constitutionnelle de 1962 sur l’élection du président au suffrage universel menée par le général de Gaulle sur le fondement de l’article 11 et non celui de l’article 89 - ce qui se discute actuellement compte tenu des projets de référendum tous azimuts annoncés par les candidats et l’élu, les juristes sont sur le pont- est désormais acquise. On veut participer pour toute décision. Ce genre de consultation (s) du peuple dans le monde est rare. On voit plutôt des coups d’Etat, des tripatouillages de textes, de la violence et des élections bidons.

Notre constitution doit donc être respectée dans le respect de nos engagements internationaux et européens, sans compter nos valeurs républicaines et universelles qui caractérisent la France. On voit avec la guerre en Ukraine que déchirer les accords ou interpréter dans son sens unique les règles du droit international conduit au désastre humanitaire et à la crise qui peut entrainer trop loin. Le pire ennemi de l’homme c’est lui -même. 

Mais il n’est pas interdit ad vitam aeternam de vouloir modifier la constitution car la vie évolue, les esprits aussi et ce qu’on n’imaginait pas jadis se révèle aujourd’hui impératif. Il est très bien de vouloir donner plus de respiration au peuple, favoriser le dialogue et la concertation, et d’instaurer un système électoral à la proportionnelle en imaginant cependant de donner au président les moyens de gouverner. Sinon c’est le retour vers le futur avec une cohabitation qui est une fausse bonne solution et le blocage des institutions par des groupes minoritaires et le règne de la rue. Il est possible que le référendum d’initiative citoyenne limité à des aspects non régaliens soit un outil utile. Mais le citoyen de bonne foi n’a pas toujours raison. Il faut donc encadrer les revendications catégorielles.

M. Mélenchon qui se croyait couronné a proposé une 6 -ème république et qu’une constituante de citoyens définisse la règle du jeu. Donc invente des institutions ad hoc. C’est une gageure sinon une utopie. C’est mettre la charrue avant les bœufs car il faut définir préalablement les valeurs sur lesquelles on s’appuiera et ce que nous voulons être tous ensemble, le nombre de joueurs sur le terrain… enfin nos divers objectifs. Avec le rôle de la France comme puissance. Et ensuite on cherchera à créer des institutions fortes et agiles qui permettent plus de participation, plus de discussions positives pour finir par un consensus si possible. A défaut le peuple tranchera. Les législatives qui ne sont pas le 3ème tour décideront des choix prioritaires ou créeront … le chaos avec une dispersion des voix ?     

Mais il ne faut que le citoyen boude, refuse tout sous des prétextes divers et arpente le bitume pour que la force impose des revendications. Il doit être actif et voter quand on lui demande pour donner son avis, et qu’il ne considère pas uniquement ses droits en oubliant ses devoirs collectifs. La démocratie n’est pas le bavardage permanent et l’instabilité.

Le président Macron avait tenté par la voie du congrès à Versailles de réformer les institutions, notamment sur la limitation des mandats, sur la proportionnelle et autres mesures démocratiques symboliques. Il a échoué. Les parlementaires doivent cesser de faire de la politique politicienne et les électeurs ne peuvent être indéfiniment en colère et pour le dégagisme en essayant les uns après les autres, voire exiger des expérimentations. On ne trouvera jamais la formule parfaite celle qui plait à tous les citoyens.

Les urnes ont parlé et la démocratie triomphe malgré l’abstentionnisme regrettable. On a failli crier : le roi (le président) est mort (il a été battu) : vive la reine Marine 1ère. Comme quoi tout peut arriver et ceux qui ont voté pour cette dernière ont droit au respect et à la considération. Ils doivent faire partie aussi du paysage politique et on doit les entendre comme tout citoyen qui a voté pour le candidat de son choix serait-il aux extrêmes. Il faut désormais se rassembler et apaiser pour donner des espoirs aux jeunes d’abord mais aussi aux anciens qui ont construit ce qui existe et ont le droit de vivre. La tolérance s’impose. Il ne peut y avoir les gagnants contre les perdants. Le peuple est un. Nos institutions doivent refléter cette réalité. Notre roi -président est vivant et rempile. Il doit être à la hauteur de ses ambitions et de ceux qui attendent du mieux. Dans 5 ans il retournera à la base. Tout ce qui est en haut est en bas et inversement.    

lundi 4 avril 2022

politique et justice un duo improbable

 

              Politique et justice : un duo improbable.

                  Par Christian FREMAUX avocat honoraire.

Je suis tétanisé par une non-réponse quasi métaphysique qui agite le microcosme parisien sans troubler la France profonde : pourquoi Nicolas Sarkozy ne soutient -il pas publiquement celle qui est issue de ses rangs à savoir Mme Pécresse et il s’apprêterait à choisir M. Macron ? C’est angoissant et l’avenir du pays est en cause ! 

Des méchants disent que M. Sarkozy ne veut pas apparaitre du côté de la défaite annoncée et qu’il est mécontent que son ancienne ministre ait déclaré notamment avoir comme mentor… Jacques Chirac. Et aurait choisi Alain Juppé dans la primaire de 2016. Ce serait petit et mesquin, rancunier c’est moche,et expliquerait en partie pourquoi les français se détournent des affaires publiques et s’abstiennent de voter. La politique apparait comme des combinaisons entre personnalités, la sauvegarde des intérêts personnels et pas la défense de l’intérêt général. On n’ose y croire.

Des plus vicieux suggèrent que Nicolas Sarkozy est préoccupé par son sort judiciaire et qu’il entend préserver sa chance de ne pas être condamné. Nul n’ignore que M. Sarkozy est poursuivi dans plusieurs dossiers, qu’il a été condamné à de la prison mais qu’il a fait appel et que celui-ci sera évoqué dans plusieurs mois. M. Sarkozy ne supporterait pas une condamnation même de principe et encore moins de porter un bracelet électronique comme un vulgaire voyou. On le comprend.  On en déduit que si M. Macron est réélu avec l’aide même muette de M. Sarkozy celui- ci pourrait bénéficier de la clémence des juges, puisque leur supérieur hiérarchique le garde des sceaux est un ministre du chef de l’Etat. C.Q.F.D. Il y aurait donc un lien direct entre les politiques et les juges ? Je n’y crois pas pour plusieurs raisons bien que j’aie 48 ans de barreau mais je suis peut- être encore naïf.

D’abord selon la loi il n’y a plus d’instructions individuelles données pour un dossier spécifique par le ministre aux procureurs les magistrats debouts qui portent l’accusation et qui fixent le niveau de la peine. Et si on apprenait que le téléphone avait fonctionné ou que des rencontres secrètes ont eu lieu ce serait un scandale. L’élection de 2017 a été faussée par l’intervention supersonique du parquet national financier contre M. Fillon et madame ultérieurement condamnés mais qui attendent leur appel, ils sont donc toujours présumés innocents. Bis repetita serait nocif et discréditerait la magistrature pour longtemps.

 Ensuite parce qu’on ne cesse de réclamer plus d’indépendance de la justice et qu’elle passe de son statut d’autorité à celui de pouvoir judiciaire. A égalité avec les pouvoirs exécutif et législatif conformément à la théorie de Montesquieu. Il ne suffit pas d’y prétendre et de s’en gargariser. Il faut que cela soit en pratique. On a bien compris que dans notre état de droit qui caractérise notre démocratie, une justice forte, efficace avec des moyens modernes était de nature à convaincre les citoyens qu’il n’y a pas de plus égaux que d’autres, et qu’il fallait des arbitres neutres pour trancher les litiges, punir quand il le faut sans faiblesse, innocenter ceux qui n’ont commis aucune infraction au -delà de la morale personnelle.  Également d’interpréter la loi si elle est floue ou créer par sa jurisprudence des solutions pour des cas inédits, ou pour une espèce particulière non prévue et qui résulte de l’évolution de la vie. Enfin reconnaitre les droits que chaque individu possède. C’est le rôle des juges du siège qui ne dépendent pas du pouvoir exécutif et qui ne suivent pas aveuglément les réquisitions des procureurs.

Il faut donc des juges insoupçonnables qui ne sont plus nommés par le ministre pour les postes les plus prestigieux. On y réfléchit depuis des années mais on n’a pas trouvé le bon système qui fasse consensus.  D’autant plus que l’on voudrait que leur responsabilité personnelle soit engagée quand les juges dans leurs décisions ont fait une ou des fautes qui ont entrainé des conséquences graves. L’actualité nous prouve qu’elles peuvent exister.

Si M. Macron intervenait discrètement et indirectement pour M. Sarkozy toutes les belles intentions s’envoleraient et ce serait contre- productif car il y a c’est vrai, des juges idéologues, d’autres qui ont une dent contre celui qui les a traités notamment de « petits pois » et les a agités, et enfin ceux qui sont rétifs à toute recommandation qu’on n’appelle pas instructions. Heureusement la très grande majorité des juges appliquent le droit et sont pour l’exemplarité ce qui n’est pas critiquable personne n’étant au- dessus ou au-dessous des lois.   

Je ne vois pas l’intérêt du président actuel et chef de l’Etat peut être futur réélu de s’immiscer dans les dossiers qui concernent M. Sarkozy et de signer un « deal « » avec lui.  Ce serait immoral et illégal. Je ne sais pas si politiquement le soutien de M. Sarkozy à M. Macron paierait mais ce dont je suis certain concernant la justice c’est qu’il y a un grand risque et que le résultat attendu ne sera pas au rendez-vous. Ceux qui répandent ces bruits attentent aux institutions et sont irresponsables car des gens voient des complots et des combines partout, ce qui est les conforter dans leur méfiance. Un peu de dignité et de retenue ne feraient pas de mal dans cette époque énervée où les citoyens sont perdus.

Il faut donc chercher le silence de M. Sarkozy envers la candidate des républicains LR motivé par une raison que seul lui-même peut révéler. Je ne doute pas qu’elle ira dans le sens de la grandeur de la France. Il pourra ainsi préparer sa confrontation avec les juges dans la sérénité sans rien devoir à personne. Avec son talent et sa conviction, pour sa vérité.

En attendant il ne faut pas instiller le doute car les relations quasi incestueuses de jadis entre la politique et le pouvoir et la justice dite aux ordres ont été ravageuses. Il faut clôturer cette période ce qui me parait être déjà le cas, mais tout le monde n’est pas convaincu. La justice comme la femme de César ne doit pas être soupçonnée de complaisance ou de dureté. Elle doit être valorisée, indépendance ne voulant pas dire n’en faire qu’à sa tête sans rendre de comptes. Les politiques doivent se contenter de l’essentiel : réussir les réformes et faire progresser la nation dans l’union. En préservant l’intérêt collectif.

Le duo politique-justice n’est pas lié et doit être irréprochable.  Chacun doit suivre son chemin. Dans son couloir.