lundi 4 avril 2022

politique et justice un duo improbable

 

              Politique et justice : un duo improbable.

                  Par Christian FREMAUX avocat honoraire.

Je suis tétanisé par une non-réponse quasi métaphysique qui agite le microcosme parisien sans troubler la France profonde : pourquoi Nicolas Sarkozy ne soutient -il pas publiquement celle qui est issue de ses rangs à savoir Mme Pécresse et il s’apprêterait à choisir M. Macron ? C’est angoissant et l’avenir du pays est en cause ! 

Des méchants disent que M. Sarkozy ne veut pas apparaitre du côté de la défaite annoncée et qu’il est mécontent que son ancienne ministre ait déclaré notamment avoir comme mentor… Jacques Chirac. Et aurait choisi Alain Juppé dans la primaire de 2016. Ce serait petit et mesquin, rancunier c’est moche,et expliquerait en partie pourquoi les français se détournent des affaires publiques et s’abstiennent de voter. La politique apparait comme des combinaisons entre personnalités, la sauvegarde des intérêts personnels et pas la défense de l’intérêt général. On n’ose y croire.

Des plus vicieux suggèrent que Nicolas Sarkozy est préoccupé par son sort judiciaire et qu’il entend préserver sa chance de ne pas être condamné. Nul n’ignore que M. Sarkozy est poursuivi dans plusieurs dossiers, qu’il a été condamné à de la prison mais qu’il a fait appel et que celui-ci sera évoqué dans plusieurs mois. M. Sarkozy ne supporterait pas une condamnation même de principe et encore moins de porter un bracelet électronique comme un vulgaire voyou. On le comprend.  On en déduit que si M. Macron est réélu avec l’aide même muette de M. Sarkozy celui- ci pourrait bénéficier de la clémence des juges, puisque leur supérieur hiérarchique le garde des sceaux est un ministre du chef de l’Etat. C.Q.F.D. Il y aurait donc un lien direct entre les politiques et les juges ? Je n’y crois pas pour plusieurs raisons bien que j’aie 48 ans de barreau mais je suis peut- être encore naïf.

D’abord selon la loi il n’y a plus d’instructions individuelles données pour un dossier spécifique par le ministre aux procureurs les magistrats debouts qui portent l’accusation et qui fixent le niveau de la peine. Et si on apprenait que le téléphone avait fonctionné ou que des rencontres secrètes ont eu lieu ce serait un scandale. L’élection de 2017 a été faussée par l’intervention supersonique du parquet national financier contre M. Fillon et madame ultérieurement condamnés mais qui attendent leur appel, ils sont donc toujours présumés innocents. Bis repetita serait nocif et discréditerait la magistrature pour longtemps.

 Ensuite parce qu’on ne cesse de réclamer plus d’indépendance de la justice et qu’elle passe de son statut d’autorité à celui de pouvoir judiciaire. A égalité avec les pouvoirs exécutif et législatif conformément à la théorie de Montesquieu. Il ne suffit pas d’y prétendre et de s’en gargariser. Il faut que cela soit en pratique. On a bien compris que dans notre état de droit qui caractérise notre démocratie, une justice forte, efficace avec des moyens modernes était de nature à convaincre les citoyens qu’il n’y a pas de plus égaux que d’autres, et qu’il fallait des arbitres neutres pour trancher les litiges, punir quand il le faut sans faiblesse, innocenter ceux qui n’ont commis aucune infraction au -delà de la morale personnelle.  Également d’interpréter la loi si elle est floue ou créer par sa jurisprudence des solutions pour des cas inédits, ou pour une espèce particulière non prévue et qui résulte de l’évolution de la vie. Enfin reconnaitre les droits que chaque individu possède. C’est le rôle des juges du siège qui ne dépendent pas du pouvoir exécutif et qui ne suivent pas aveuglément les réquisitions des procureurs.

Il faut donc des juges insoupçonnables qui ne sont plus nommés par le ministre pour les postes les plus prestigieux. On y réfléchit depuis des années mais on n’a pas trouvé le bon système qui fasse consensus.  D’autant plus que l’on voudrait que leur responsabilité personnelle soit engagée quand les juges dans leurs décisions ont fait une ou des fautes qui ont entrainé des conséquences graves. L’actualité nous prouve qu’elles peuvent exister.

Si M. Macron intervenait discrètement et indirectement pour M. Sarkozy toutes les belles intentions s’envoleraient et ce serait contre- productif car il y a c’est vrai, des juges idéologues, d’autres qui ont une dent contre celui qui les a traités notamment de « petits pois » et les a agités, et enfin ceux qui sont rétifs à toute recommandation qu’on n’appelle pas instructions. Heureusement la très grande majorité des juges appliquent le droit et sont pour l’exemplarité ce qui n’est pas critiquable personne n’étant au- dessus ou au-dessous des lois.   

Je ne vois pas l’intérêt du président actuel et chef de l’Etat peut être futur réélu de s’immiscer dans les dossiers qui concernent M. Sarkozy et de signer un « deal « » avec lui.  Ce serait immoral et illégal. Je ne sais pas si politiquement le soutien de M. Sarkozy à M. Macron paierait mais ce dont je suis certain concernant la justice c’est qu’il y a un grand risque et que le résultat attendu ne sera pas au rendez-vous. Ceux qui répandent ces bruits attentent aux institutions et sont irresponsables car des gens voient des complots et des combines partout, ce qui est les conforter dans leur méfiance. Un peu de dignité et de retenue ne feraient pas de mal dans cette époque énervée où les citoyens sont perdus.

Il faut donc chercher le silence de M. Sarkozy envers la candidate des républicains LR motivé par une raison que seul lui-même peut révéler. Je ne doute pas qu’elle ira dans le sens de la grandeur de la France. Il pourra ainsi préparer sa confrontation avec les juges dans la sérénité sans rien devoir à personne. Avec son talent et sa conviction, pour sa vérité.

En attendant il ne faut pas instiller le doute car les relations quasi incestueuses de jadis entre la politique et le pouvoir et la justice dite aux ordres ont été ravageuses. Il faut clôturer cette période ce qui me parait être déjà le cas, mais tout le monde n’est pas convaincu. La justice comme la femme de César ne doit pas être soupçonnée de complaisance ou de dureté. Elle doit être valorisée, indépendance ne voulant pas dire n’en faire qu’à sa tête sans rendre de comptes. Les politiques doivent se contenter de l’essentiel : réussir les réformes et faire progresser la nation dans l’union. En préservant l’intérêt collectif.

Le duo politique-justice n’est pas lié et doit être irréprochable.  Chacun doit suivre son chemin. Dans son couloir.       

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