Politique et justice : un duo improbable.
Par Christian FREMAUX avocat honoraire.
Je suis tétanisé
par une non-réponse quasi métaphysique qui agite le microcosme parisien sans
troubler la France profonde : pourquoi Nicolas Sarkozy ne soutient
-il pas publiquement celle qui est issue de ses rangs à savoir Mme Pécresse
et il s’apprêterait à choisir M. Macron ? C’est angoissant et l’avenir du
pays est en cause !
Des méchants
disent que M. Sarkozy ne veut pas apparaitre du côté de la défaite annoncée et
qu’il est mécontent que son ancienne ministre ait déclaré notamment avoir
comme mentor… Jacques Chirac. Et aurait choisi Alain Juppé dans la primaire de
2016. Ce serait petit et mesquin, rancunier c’est moche,et expliquerait en partie
pourquoi les français se détournent des affaires publiques et s’abstiennent de
voter. La politique apparait comme des combinaisons entre personnalités, la
sauvegarde des intérêts personnels et pas la défense de l’intérêt
général. On n’ose y croire.
Des plus
vicieux suggèrent que Nicolas Sarkozy est préoccupé par son sort judiciaire et
qu’il entend préserver sa chance de ne pas être condamné.
Nul n’ignore que M. Sarkozy est poursuivi dans plusieurs dossiers, qu’il a
été condamné à de la prison mais qu’il a fait appel et que celui-ci
sera évoqué dans plusieurs mois. M. Sarkozy ne supporterait pas une condamnation
même de principe et encore moins de porter un bracelet électronique comme un
vulgaire voyou. On le comprend. On en
déduit que si M. Macron est réélu avec l’aide même muette de M. Sarkozy celui-
ci pourrait bénéficier de la clémence des juges, puisque leur supérieur hiérarchique
le garde des sceaux est un ministre du chef de l’Etat. C.Q.F.D. Il y aurait
donc un lien direct entre les politiques et les juges ? Je n’y crois pas
pour plusieurs raisons bien que j’aie 48 ans de barreau mais je suis peut- être
encore naïf.
D’abord
selon la loi il n’y a plus d’instructions individuelles données pour un dossier
spécifique par le ministre aux procureurs les magistrats debouts qui portent
l’accusation et qui fixent le niveau de la peine. Et si on apprenait que le
téléphone avait fonctionné ou que des rencontres secrètes ont eu lieu ce serait
un scandale. L’élection de 2017 a été faussée par l’intervention supersonique
du parquet national financier contre M. Fillon et madame ultérieurement
condamnés mais qui attendent leur appel, ils sont donc toujours présumés
innocents. Bis repetita serait nocif et discréditerait la magistrature pour
longtemps.
Ensuite parce qu’on ne cesse de réclamer plus
d’indépendance de la justice et qu’elle passe de son statut d’autorité à celui de
pouvoir judiciaire. A égalité avec les pouvoirs exécutif et législatif
conformément à la théorie de Montesquieu. Il ne suffit pas d’y prétendre et de
s’en gargariser. Il faut que cela soit en pratique. On a bien compris que dans notre
état de droit qui caractérise notre démocratie, une justice forte, efficace
avec des moyens modernes était de nature à convaincre les citoyens qu’il n’y a
pas de plus égaux que d’autres, et qu’il fallait des arbitres neutres pour
trancher les litiges, punir quand il le faut sans faiblesse, innocenter ceux
qui n’ont commis aucune infraction au -delà de la morale personnelle. Également d’interpréter la loi si elle est floue
ou créer par sa jurisprudence des solutions pour des cas inédits, ou pour une
espèce particulière non prévue et qui résulte de l’évolution de la vie. Enfin
reconnaitre les droits que chaque individu possède. C’est le rôle des juges du
siège qui ne dépendent pas du pouvoir exécutif et qui ne suivent pas
aveuglément les réquisitions des procureurs.
Il faut donc
des juges insoupçonnables qui ne sont plus nommés par le ministre pour les
postes les plus prestigieux. On y réfléchit depuis des années mais on n’a pas
trouvé le bon système qui fasse consensus. D’autant plus que l’on voudrait que leur
responsabilité personnelle soit engagée quand les juges dans leurs décisions
ont fait une ou des fautes qui ont entrainé des conséquences graves.
L’actualité nous prouve qu’elles peuvent exister.
Si M. Macron
intervenait discrètement et indirectement pour M. Sarkozy toutes les belles
intentions s’envoleraient et ce serait contre- productif car il y a c’est vrai,
des juges idéologues, d’autres qui ont une dent contre celui qui les a traités
notamment de « petits pois » et les a agités, et enfin ceux qui
sont rétifs à toute recommandation qu’on n’appelle pas instructions. Heureusement
la très grande majorité des juges appliquent le droit et sont pour
l’exemplarité ce qui n’est pas critiquable personne n’étant au- dessus ou au-dessous
des lois.
Je ne vois
pas l’intérêt du président actuel et chef de l’Etat peut être futur réélu de s’immiscer
dans les dossiers qui concernent M. Sarkozy et de signer un « deal « »
avec lui. Ce serait immoral et
illégal. Je ne sais pas si politiquement le soutien de M. Sarkozy à M. Macron paierait
mais ce dont je suis certain concernant la justice c’est qu’il y a un grand risque
et que le résultat attendu ne sera pas au rendez-vous. Ceux qui répandent ces
bruits attentent aux institutions et sont irresponsables car des gens voient
des complots et des combines partout, ce qui est les conforter dans leur méfiance.
Un peu de dignité et de retenue ne feraient pas de mal dans cette époque
énervée où les citoyens sont perdus.
Il faut donc
chercher le silence de M. Sarkozy envers la candidate des républicains LR
motivé par une raison que seul lui-même peut révéler. Je ne doute pas
qu’elle ira dans le sens de la grandeur de la France. Il pourra ainsi
préparer sa confrontation avec les juges dans la sérénité sans rien devoir à personne.
Avec son talent et sa conviction, pour sa vérité.
En attendant
il ne faut pas instiller le doute car les relations quasi incestueuses de
jadis entre la politique et le pouvoir et la justice dite aux ordres ont été
ravageuses. Il faut clôturer cette période ce qui me parait être déjà le
cas, mais tout le monde n’est pas convaincu. La justice comme la femme de
César ne doit pas être soupçonnée de complaisance ou de dureté. Elle doit être
valorisée, indépendance ne voulant pas dire n’en faire qu’à sa tête sans rendre
de comptes. Les politiques doivent se contenter de l’essentiel : réussir les
réformes et faire progresser la nation dans l’union. En préservant l’intérêt
collectif.
Le duo
politique-justice n’est pas lié et doit être irréprochable. Chacun doit suivre son chemin. Dans son
couloir.
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