jeudi 24 février 2022

L’élection notion à géométrie variable ?

 

             L’élection notion à géométrie variable ?

               Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Alors même que la guerre a éclaté non loin de nos frontières, que le sort d’humains est en jeu et qu’il s’agit de la mise en cause de libertés et de souveraineté face à la force quelles que soient les raisons de l’agresseur, ce qui nous touche directement car on ne peut tolérer des violations du droit international et les rapports de force, la vie politique continue. Carpe diem. Car l’échéance finale approche et il ne faut pas rater le vrai départ. Pour l’arrivée c’est plus confus, des crashes sont prévisibles mais on verra. Notre démocratie y résistera.   

Le microcosme politique directement concerné se dispute doctement pour savoir si ce serait un déni de démocratie ou non si des candidats hauts dans les sondages- qu’il ne faut pas confondre avec le vote réel- ne trouvaient pas leurs 500 parrainages et ainsi ne pouvaient pas concourir à l’élection présidentielle. Leurs partisans ne supporteraient pas parait -il ce qu’ils appellent une inégalité de chance et un vice de nos règles de sélection ce qui dure cependant depuis plusieurs élections faut-il le rappeler. Et pourquoi sur les 42.000 élus parrains putatifs seuls environ 10.000 ont -ils répondu ? On devrait se poser cette question de fond à laquelle avec ma petite expérience d’élu local je réponds. Le maire d’intérêt communal déjà contesté pour pratiquement toutes les décisions qu’il prend même s’il les avait annoncées, n’a pas envie d’endosser une étiquette d’un parti qu’il va porter pour le pire et le meilleur pendant tout son mandat et ajouter une couche aux critiques voire agressions qu’il subit quotidiennement même à fleurets mouchetés car la plupart des citoyens sont indulgents et pas violents. Mais pas tous. Nos responsables politiques n’habitant pas systématiquement dans la France profonde et les petites communes où les rapports entre individus sont journaliers et pensant que la transparence devait être totale, ont voté la fin de l’anonymat des parrainages : en en voit le résultat. On assiste à des tractations curieuses puisqu’il est demandé à des potentiels parrains de présenter celui dont ils sont le plus éloigné- c’est du masochisme- et qu’ils ne soutiennent pas. Merci pour cette obscure clarté. L’électeur qui est libre et qui est enjoint de ne pas s’abstenir devra s’y retrouver mais il ne faudra pas ensuite le critiquer si le vote final n’est pas celui qui est attendu et considéré comme démocratique ! Les conseilleurs seront les payeurs ce qui changera.

Qui a intérêt à quoi dans cet imbroglio électoral ? Alors que la règle est ancienne, en 2022 c’est un drame bien qu’aucune majorité politique dans les années passées n’ait vraiment cherché à modifier la loi. La majorité du corps électoral se soucie peu du problème des parrainages car on aura quoiqu’il arrive un(e) élu(e). Le ou la battue estimera qu’il ou elle aurait dû gagner et que des trahisons l’ont plombé et que l’élu (e) n’est pas légitime car son score du 1er tour était étriqué. Ceux qui n’ont pas gagné au tirage des parrainages contesteront tout en prétendant que leurs idées -forcément merveilleuses- n’ont pas été débattues et qu’ainsi le citoyen n’a pas été informé comme il aurait dû l’être. Que sa liberté de choix a été amoindrie. Le grattage n’est donc pas payant.

C’est prendre l’électeur pour un légume - je m’excuse de cette comparaison auprès des végans- et je ne crois pas que le citoyen français certainement l’un des plus politiques au sens civique et non partisan au monde puisse être dupé par ce genre d’arguments simplistes En revanche il appartient au citoyen d’être plus démocrate que la classe politique qui s’est lancée dans cette élection dans un concours de démagogie, de débauchage, de mercato de personnalités qui souvent ne représentent qu’elles, sans pour autant nous expliquer leurs programmes et surtout la faisabilité de ceux -ci (qui va payer quoi puisque les caisses sont vides pour longtemps), sans modifier tout notre arsenal juridique, ou changer la constitution de fond en comble voire la république, ou substituer des quidams tirés au sort à la place d’experts ou des représentants élus, ou ponctionner les riches, ou de déconstruire en peignant tout en vert ou en écrivant en écriture inclusive (difficile à déchiffrer) et non genrée ou racialisée…  Que veut dire participer à une élection, sauf à élire seulement une personnalité qui va incarner le pouvoir sans avoir raison sur tout et que l’on aime plus ou moins. Puis mettre en musique la composition des musiciens que sont les citoyens et accorder les instruments pour éviter la cacophonie ? 

Elle sert à conforter la démocratie c’est-à -dire le gouvernement du peuple en toutes ses composantes parfois contradictoires en lui permettant de les exprimer et de les faire reconnaitre, et par le peuple ce qui est complexe à mettre en pratique surtout par ces temps de burn-out. Etienne de la Boétie avait écrit en 1576 le discours de la servitude volontaire. A notre époque où toute autorité est assimilée à du totalitarisme, où toute contrainte même librement consentie et votée démocratiquement car justifiée dans l’intérêt général est considérée comme liberticide, l’art et la méthode de gouverner sont devenus épiques. L’élection est faite pour rassembler sur les plus grands dénominateurs communs. Elle doit révéler ce qui fait sens, ce qui grandit, ce qui donne de l’espoir et entraine vers le haut. Elle a pour mission de rassurer ceux qui doutent, protéger tout le monde, donner sa chance à égalité de naissance, de déterminismes. L’élection n’est pas faite tous les 5 ans pour gouverner tranquilles sans avoir à rendre des comptes. Mais l’élection c’est aussi de la responsabilité des électeurs. Il est facile de s’abstenir au prétexte que l’on n’entend pas ce qui nous plait ; que les candidats sont médiocres et les promesses jamais tenues ; que le citoyen n’est pas suffisamment consulté et écouté ; qu’il y a des plus égaux que d’autres ; qu’on n’a pas le temps d’aller au bureau de vote ; ou élection « piège à cons » comme en mai 68…

 L’actualité géopolitique sur à peu près tous les continents où les bruits de bottes remplacent ceux des urnes et désormais près de nous, devrait nous inciter à nous ressaisir et aller voter en masse puisqu’on en a le droit. L’élection n’est pas une notion à géométrie variable que l’on utilise au choix, quand on veut, si l’on veut. C’est une obligation permanente et il suffit de se rappeler les combats passés avec des morts dans l’histoire pour être convaincu que l’on ne peut se dérober. Soutenons ceux qui se battent actuellement pour leurs libertés en votant chez nous pour montrer la voie. Les intérêts des nations sont fluctuants et fragiles. Parfois ils tiennent à un pouvoir idéologique, à une volonté de puissance, à un dirigeant qui comme la grenouille veut se faire aussi grosse que le bœuf.     

lundi 14 février 2022

L'Etat a- t-il encore des droits ?

 

                  L’Etat a -t-il encore des droits ?  

                 Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Les débats qui opposent désormais parfois violemment les individus aux pouvoirs tournent autour du même thème : l’Etat peut- il imposer une contrainte quelconque à un citoyen qui se revendique de ses libertés comme par exemple celle de faire ce qu’il veut de son corps et de sa santé serait- ce contraire à l’intérêt général ? La pandémie qui n’en finit plus illustre cette question. L’Etat qui défend l’intérêt collectif a-t-il des droits ? Chacun a pu constater que les démocraties selon le modèle occidental affrontaient les mêmes écueils. Les autres démocraties sont souvent plus proches de l’autoritarisme, de la dictature ou sont des théocraties chez qui on n’ergote pas et où l’on commande sous peine de sanctions parfois définitives.   

Dans les régimes libéraux avec toutes sortes de nuances sur cette appellation, le quidam pour qui on gouverne n’accepte plus de suivre aveuglément les lois bien que discutées et votées selon le processus législatif si elles sont contraires à ses convictions ou à sa conscience ou pour d’autres motifs personnels. La désobéissance civile est revendiquée. Des groupes de citoyens refusent de suivre des injonctions gouvernementales au prétexte que les dirigeants n'y connaissent rien car ils sont loin de la base et que les experts ou les technocrates n’ont pas de bon sens. Ou sont accusés de vouloir imposer une doxa qui vient de l’extérieur comme l ‘union européenne. Chaque individu considère que la démocratie est faite pour qu’il puisse exercer ses droits et que les devoirs concernent les autres.

La démocratie telle qu’elle existait jadis n’a plus la même signification pour beaucoup de personnes. Traditionnellement elle était la gouvernance par et pour le peuple à travers des corps intermédiaires et l’élection par le suffrage universel donnait la légitimité. L’Etat incarne cet équilibre librement consenti. La constitution fixe l’organisation des pouvoirs qui doivent se neutraliser de toute tentation hégémonique entre eux et faire en sorte qu’il ne puisse y en avoir un dominant. Ce n’est pas le règne absolu de la majorité (silencieuse) car les minorités sont protégées et entendues. L’état de droit permet de saisir la justice et de faire triompher son bon droit et ses doutes. L’Etat représentant la volonté générale était respecté et suivi. Ce n’est plus le cas. Même si les devoirs n’ont pas été détaillés par la déclaration des droits de l’homme, l’individu en connait la portée et sait que les valeurs républicaines celles qui sont communes à tous et permettent l’union doivent être suivies car elles visent l’universel donc le bien. A quoi désormais sert l’Etat ?  

L’individualisme a grippé la machine. Il se confond avec l’humanisme. Au nom de sa liberté chacun veut imposer ses choix aux autres quitte à ne pas participer à l’effort de tous. En fonction de ses certitudes et de qui on se croit, on n’a jamais prononcé autant d’interdictions. Il suffit de se dire choqué et on obtient satisfaction :  l’Etat recule ou se couche. S’exprimer devient délicat puisque désormais ce sont les tribunaux qui déterminent ce qu’il est possible de dire ou non. Manger et boire, conduire et rouler, se chauffer, vivre comme on l’entend sont sous la vigilance des procureurs de morale. On est requis d’approuver tout ce qui est dit progressiste de l’humain au vivre ensemble. Et tout ce qui n’est pas dans les normes des minorités est nauséabond, rance. Le nez remplace l’esprit. Cyrano de Bergerac aurait beaucoup de travail. Je n’entre pas dans le débat de ce qui est une chance pour la France. Chacun a sa réponse valable à condition qu’il y ait nation c’est- à- dire le partage de valeurs acceptées par tous, un destin commun, des efforts à égalité et la tolérance pour l’ensemble. Il ne peut y avoir des plus égaux que d’autres ou des communautés à part pour diverses considérations.  C’est pourquoi on a besoin d’un Etat puissant et agile pour que les règles du jeu public soient respectées.

L’Etat symbolisait jadis la neutralité et permettait l’application des principes. Si nécessaire il l’ordonnait. C’est changé. Il n’a jamais été autant décrié. Il est attaqué en justice pour des raisons multiples. L’Etat est un justiciable comme un autre. Les tribunaux lui donnent des injonctions de faire sous peine d’astreintes. L’exécutif est sanctionné, le législatif l’est aussi. On lui demande d’être principalement un distributeur de droits sur le bien- fondé desquels il n’a pas à porter d’opinion. Certains lui préfèrent les comités citoyens, pensent qu’avec quelques clics la consultation populaire est faite et doit être entendue. La vox populi et l’émotion vaudraient loi ce qui serait de la démocratie directe.

Chacun a pu constater que l’Etat n’avait plus le monopole de la violence légitime. Des groupes sont violents au prétexte que l’Etat les provoquerait notamment socialement, qu’il domine, qu’il réprime, qu’il est liberticide. On combat ses fonctions régaliennes. L’Etat ne doit plus être le garant de la cohésion nationale mais le gérant des polémiques et le pompier des incendies causés volontairement dans tous les domaines : les incendiaires se revendiquent de sa protection. L’Etat n’est plus considéré comme le défenseur naturel de l’intérêt général. Il est en concurrence avec des particuliers qui pensent détenir la vérité et qui n’ont que les mots libertés et démocratie à la bouche et avec des entités qui ne voient que leurs avantages. L’Etat est vilipendé lorsqu’il ose évoquer des devoirs ou des contraintes justifiées. Il doit obéir aux oukases et il doit exécuter ce que la rumeur propage.

N'est pourtant pas louis XIV qui veut pour dire l’Etat c’est moi. Il y a manifestement des usurpations d’identité. On craignait l’Etat Léviathan ou Big Brother mais l’Etat s’est vidé de sa substance et il est devenu un moyen au service de quelques-uns et des plus bruyants. La bureaucratie anonyme qui sert l’Etat a augmenté au point de tout compliquer. Mais on n’a pas rénové l’Etat ce qui devrait être un sujet de la campagne présidentielle pour définir ses fonctions prioritaires et lui donner des moyens avec de l’autorité.  

J’aimerai que l’on m’explique comment la société marcherait sans Etat, sans règles obligatoires, sans directions ou objectifs, pour assurer la protection, la redistribution, la solidarité, l’égalité, les libertés et le respect des autres.

L’état de droit permet de vérifier que le pouvoir n’abuse de rien, qu’il respecte les lois et règlements, favorise les libertés et donne l’exemple. Le peuple est souverain mais il a besoin d’être dirigé selon son consentement à travers les normes légales et l’Etat. C’est le pacte social. Ne dégageons pas ce qui marche mais réformons-le par plus de participation citoyenne. Tout pays privé d’Etat court à la catastrophe. Ne galvaudons pas la démocratie républicaine en faisant preuve de démagogie et d’utopie. A ce sujet le chancelier d’Angleterre Thomas More en a perdu sa tête. Il était aussi humaniste.          

         

lundi 7 février 2022

plus on est de fous moins on rit

 

                 Plus on est de fous moins on rit.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Une élection présidentielle c’est sérieux car l’avenir du pays est engagé pour 5 ans voire plus selon les mesures qui seront prises. Si on s’est leurré on ne peut rectifier et engager contre le candidat devenu élu qui a failli un procès civil en dommages -intérêts. Alors que tout   professionnel dans son activité peut voir sa responsabilité engagée en cas de faute ou de préjudice causé par son action ou ses erreurs, le politique ministre est à l’abri de toute poursuite judiciaire sauf devant la cour de justice de la république dans des conditions strictes. Le chef de l’Etat est irresponsable pénalement pendant son mandat. Si le programme choisi et mis en œuvre conduit au désastre voire à la faillite on ne peut s’en prendre qu’à soi-même et regretter son bulletin de vote. Mais c’est tout et l’individu paie les conséquences de son choix. C’est dire si la désignation des candidats par des partis politiques ou à l’issue d’une consultation baroque est importante. Le citoyen doit peser son vote au trébuchet et aller aux urnes ce qui est le devoir minimum de l’électeur. L’abstention n’est pas une option. A défaut il ne pourra que se lamenter de son propre manque de civisme.

Le proverbe dit que plus on est de fous plus on rit. Mais nous n’avons pas de « fous » sauf s’ils ont échappé à ma vigilance .On dispose de ceux ou celles qui croient au miracle par leurs idées ou qui s’y croient avec un ego démesuré comme si sans eux le monde s’effondrerait. Parmi eux certain(e)s sont crédibles. Nous avons actuellement pléthore de postulants qui nous veulent tous du bien ce qui m’émeut avant la vérification que le candidat pour concourir a bien reçu 500 parrainages. Cette règle est destinée à éliminer toute « personnalité » auto déclarée portant un projet et se disant représentatif, mais qui ne fait en réalité que sa publicité ou incarne un lobby ou une idée plutôt fantaisiste, voire une minorité très agissante mais sans aucune audience affirmée. Avant de vouloir convaincre 47 millions de votants encore faut-il persuader 500 parrains qui sont des élus donc au contact du peuple. On sait ce que valent les sondages à un instant précis. Ce n’est pas ce qui donne des droits. Ils reflètent des espoirs, une possibilité mais ils ne peuvent conférer un ticket automatique à être présent dans la course au titre suprême. J’entends ceux qui ont du mal à se faire parrainer et qui disposent d’un électorat potentiel hurler à l’injustice et au déni de démocratie. Ils ont tort. La démocratie n’est pas l’absence de normes et le bon plaisir de chacun. On pourra revoir la loi mais pas pour avril 2022 c’est trop tard. Changer brusquement de règle du jeu alors que le match est commencé est injuste et conduit à la confusion : carton rouge.  

 Après le grattage il y a une chance au tirage ultérieur. Dans la foulée de la présidentielle il y a les législatives qui sont le plus important car un président de la république sans majorité parlementaire ou avec cohabitation politique est un incapable majeur : il ne pourra pas exécuter son programme. Pour être député il n’y a pas de filtre, tout le monde hélas peut être candidat. L’électeur partisan ou non décide. Je préfèrerai des candidats expérimentés professionnellement ou par l’élection de terrain avec cumul possible car être législateur ne s’improvise pas et la formation continue en urgence ne pallie pas l’amateurisme. Il sera ensuite possible pour les années à venir par une réflexion sereine d’instaurer une dose de proportionnelle pour que chacun s’estime être représenté. Mais attention au puzzle ne faisons pas un retour vers le futur. Le parlement ne peut être le lieu unique où tout se décide au nom de la transparence et l’information du peuple. Nos parlementaires ne sont pas là pour faire admettre leurs opinions personnelles avec leurs préférences de société, et obliger les citoyens à un progressisme forcené en voulant changer la vie. Qu’ils se contentent de faire des lois générales et efficaces, ce serait bien. On a besoin aussi d’un patron qui n’est pas omniscient ou jupitérien. Mais il faut de l’autorité, de l’impulsion. La démocratie n’est pas le laisser faire-laisser aller ou de la discussion sans fin. Il est possible aussi de décorréler l’élection des députés de celle du président et d’instaurer des élections à mi- mandat pour vérifier que la majorité est toujours en phase avec le peuple. On serait ainsi condamnés avec joie ou regrets à 5 ans de présidence ferme, mais avec une permission de sortie conditionnelle au bout de 30 mois.   

 On a les élus que l’on mérite. La démocratie est la loi de la majorité et elle a aussi pour vocation à protéger les minorités de tout abus. Ce n’est pas le contraire : les minorités ne gouvernent pas et ne peuvent exiger ce qu’elles réclament au prétexte qu’elles seraient discriminées ou dominées et que de ne pas leur donner raison serait autoritaire. On fait confiance à nos dirigeants à condition qu’ils ne soient pas eux même sous l’emprise d’idéologies ou de bureaucrates ou de la grande finance et de groupes de pression qui n’ont aucune légitimité. Ils doivent rester humbles et ouverts. Corneille l’a déjà dit : « Pour grands que soient les rois ils sont ce que nous sommes : ils peuvent se tromper comme tous les autres hommes » (ou femmes).   

Le quidam croit qu’il a plus la science infuse ou du bon sens que l’expert, le technocrate formé voire l’élu national loin du terrain qui défendraient surtout leurs intérêts. Il aime les comités dits citoyens tirés au sort. Cela se discute car l’électeur pense à lui aussi ce qui est humain, n’est ni forcément compétent ni exemplaire à titre personnel et ne peut donner de leçons. Le citoyen a un rôle actif. Il est responsable pour qui il vote et de ce qu’il advient. Rira bien qui rira le dernier.

Nous avons une candidate nouvelle potentielle de plus. Mme Taubira récidive. Personne n’a oublié ses prises de position quand elle était Garde des Sceaux, son talent oratoire étant exceptionnel reconnaissons-le. A bas les partis pourtant prévus par l’article 4 de la constitution comme concourant à l’expression du suffrage populaire. Elle a été désignée par quelques centaines de milliers de clics dont on ne sait pas d’où ils viennent et de qui. Ces anonymes se sont prononcés sur un panel de personnalités qui n’avaient rien demandé à personne et qui contestent le scrutin et les résultats proclamés. Mme Taubira a triomphé avec mention bien. C’est un mode de désignation curieux. La démocratie a des travers parfois étranges. L’électeur devra élire celui ou celle qui est le plus capable d’agir et de rassembler puis renvoyer dans leurs foyers ceux et celles qui jouent avec le suffrage universel ou les peurs ou le déni de la réalité et qui ne peuvent apporter l’union car les problèmes à régler ne prêtent pas à sourire et à l’improvisation. Plus on est de fous moins on rit.            

mardi 1 février 2022

Qui est pour le désordre ?

                        Qui est pour le désordre ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

C’est devenu paradoxal tant on entend tout et son contraire par ces pré-débats présidentiels. Les repères politiques classiques volent en éclats. Au-delà de l’étiquette affichée on ne sait plus bien qui est vraiment de gauche ou ailleurs et qui est à droite puisque chaque candidat déroule son catalogue de mesures et qu’elles sont souvent semblables avec des nuances dans la méthode ou les effets. Comme au patinage artistique il y a des figures imposées pour causes budgétaires et citoyennes et des figures libres où l’imagination est au pouvoir. Le citoyen sceptique notera et décidera du vainqueur.

Une proposition fait cependant l’unanimité : il faut augmenter le Smic entre 1400 euros et 1500 euros selon la majorité des candidats voire plus s’il faut faire payer les riches notamment les employeurs. On attend de savoir comment c’est possible avec les sous de qui puisque l’Etat ne peut obliger les patrons à payer et qu’il doit commencer par ses fonctionnaires. Il y a aussi des divergences connues. Pendant le débat animé par M. Hanouna, M. Zemmour a parlé de grand remplacement et M. Mélenchon a évoqué la créolisation. Puis ils se sont insultés. Bravo à tous les deux en matière d’exemplarité, de modération et d’éducation eux qui veulent rassembler les français et apaiser les esprits.

Un autre sujet sensible est abordé curieusement : vivre en paix partout et pour tous. On parle de sécurité et justice. Dès qu’un candidat dénonce la délinquance qui grandit et pourrit la vie des braves gens, demande des sanctions fermes pour l’exemple et que les coupables exécutent leurs peines même de courte durée et indemnisent les victimes c’est l’indignation de prétendus tolérants et bien -pensants. Ils vivent souvent hors des quartiers concernés et n’ont jamais subi aucun préjudice personnel mais ils sont bruyamment outrés que l’on ne fasse pas confiance à l’individu. Si on ajoute que l’on souhaite que la justice soit moins laxiste et tienne moins compte de fumeuses excuses sociologiques, sociales ou raciales, on passe ipso facto dans le camp des méchants. Mais la société a évolué et le comportement des individus portés à la violence aussi en se justifiant par leurs libertés. Il va falloir adapter notre législation et notre philosophie de l’humain à l’état réel de la société et des conduites individuelles quelles qu’en soient les raisons. L’autorité n’est pas un gros mot y compris dans la sphère privée et les familles. Le sentiment d’insécurité est un leurre. L’insécurité est. Les bons sentiments peuvent tromper.

Dès l’instant où l’on réclame non de l’idéologie mais du bon sens on s’expose à être catalogué au moins comme fasciste, comme partisan d’une gouvernance sans cœur, de vouloir un Etat Léviathan, d’être liberticide en attaquant les libertés fondamentales. On est taxé d’être extrémiste de droite naturellement puisque l’extrême gauche est morale de droit et dans le camp de la générosité. On est du parti « de l’ordre » donc de la contrainte, de la force même légitime ce qui contrarie ceux qui doivent obéir, les « pauvres » ou forcément des dominés. Comme si l’électeur qui est d’abord un citoyen ne comprenait rien et votait bêtement. Il approuve d’ailleurs majoritairement les restrictions collectives. JJ. Rousseau écartait les faits quand ils ne collaient pas avec ses affirmations et raisonnements.     

Par opposition y aurait-il donc un parti du « désordre » le camp du bien, qui serait composé par les libertaires, tous ceux qui sont contre quelque chose, qui combattent l’Etat qui pourtant leur garantit leurs libertés, qui n’acceptent la loi que si elle les arrange, qui ne voient aucune limite aux libertés individuelles et aux demandes des minorités, heurteraient-elles le plus grand nombre et seraient-elles contraires à l’intérêt général et qui décrètent qu’ils savent, qu’ils ont raison ?

La question est de savoir où mettre le curseur entre les nécessités de l’ordre public qui protège et le respect des libertés de toute nature. Il ne s’agit pas de sacrifier les droits au profit de devoirs et d’affaiblir les principes universels de la république. Nous sommes dans un état de droit avec des élections à tout niveau politique comme professionnel, des comités citoyens pour tout problème, des recours possibles contre toute décision publique, un conseil constitutionnel et de nombreux tribunaux même si ceux- ci ont quelque peu perdu la confiance des justiciables pour diverses considérations. Notre démocratie fonctionne même si on peut encore y améliorer la participation citoyenne. Rien ne laisse présager et nos institutions sont solides à cet égard que l’on se dirige vers un régime sanitaire ou autre totalitaire. Certes l’état d’urgence et les lois votés après les attentats de 2015 ont été plus ou moins intégrés dans le droit commun. Certes encore en raison du virus des mesures exceptionnelles ont été prises dans notre arsenal juridique. Il faudra les démanteler dès la fin de l’épidémie.

 Mais ces circonstances conjoncturelles ne caractérisent pas la volonté de nos politiques quelques soient leurs camps d’en venir à un gouvernement à poigne pour ne pas écrire réactionnaire ou autoritaire voire dictatorial selon les adeptes du grand soir. Qui y aurait intérêt ? Pas le peuple évidemment même s’il est actuellement excédé. Avec son bulletin de vote le citoyen recherche la tranquillité y compris d’esprit. La chienlit ne la favorise pas. La souveraineté populaire a besoin de stabilité et de débats publics sereins.   

Le parti de l’ordre a existé en 1848 sous la 2ème république avec Adolphe Thiers, Odilon Barrot, Alexis de Tocqueville. Leur slogan était « ordre, propriété, religion » et ils voulaient le retour de la monarchie. Ils ont été battus puis ont disparu politiquement. Personne ne mène plus ces combats car la société de 2022 a d’autres préoccupations. Il est donc ridicule d’insulter un adversaire en l’accusant d’être un candidat d’ordre ce qui sous-entend qu’il est dangereux. N’est pas « Big Brother » qui veut.  A rebours tout candidat qui ne se préoccuperait pas de ce sujet régalien ou qui serait dans le déni ou avec des explications alambiquées serait défaillant au-delà des autres difficultés urgentes à traiter et résoudre.

Ordo ab chao selon la vieille formule latine oblige en cas de désordre ou de désorganisation de la société pour des motifs aussi justifiés que parfois fantaisistes à remettre les choses dans le droit chemin. Rappelons-nous la certitude du père Henri Lacordaire : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Ordre et libertés sont compatibles et l’humanisme en découle.  Désordre et libertés illimitées ne peuvent que conduire à l’échec et à fracturer la nation

Salut l’artiste

 

                                Salut l’artiste

               Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 Il n’y a personne qui n’aime pas le divertissement vivant par ces temps moroses, les décors, la musique, les lumières et surtout celui ou celle qui par son talent apporte un supplément d’âme ou de bonne humeur, nous fait rêver ou nous conduit sur les hauteurs vers des sphères inconnues qui nous donnent l’espoir. Les clowns nous donnent de la joie, et parfois des professionnel(le)s de la politique aussi même involontairement. Tout le monde veut en profiter, pouvoir être joyeux pour évacuer le stress des évènements actuels et les menaces que l’on entend régulièrement. La société du spectacle a besoin de participants.

La vie publique n’échappe pas à ce besoin. Chacun sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, mais il faut se raccrocher à quelqu’un ou à un programme pour que l’avenir soit plus attrayant et que nos efforts soient payants. On veut y croire. Les campagnes électorales ne sont en général pas des périodes où l’on s’amuse sauf si les candidats commettent des bourdes, endossent des costumes qui leur seront reprochés, que la justice brusquement s’en mêle en poursuivant pour une affaire croustillante concernant la vie privée fiscale ou de mœurs ou publique avec un petit détournement ou un abus présumé. La présomption d’innocence est remisée au placard, et quand les boules puantes sont lancées on dit que cela ne nous regarde pas mais on est attentif. On peut en rire, jaune naturellement.

 On nous propose aussi des animateurs de débats politiques comme M. « Baba » Hanouna dont son émission est un modèle de violences verbales, de sujets sous la ceinture, d’invectives et d’exagérations nulles pour ne pas les qualifier autrement prononcées par des incompétents, des sectaires, ou par des gens qui n’ont que leur personnalité comme bagage. Le niveau monte ! Mais comme il faut faire moderne M. Baba plait, y compris à Mme Schiappa ministre chargée de la citoyenneté et à d’autres personnalités du monde politique car il est censé avoir l’oreille des jeunes qui sont plutôt abstentionnistes. Et qui sont vite saoulés. Il est vrai que les vieux citoyens - la majorité silencieuse - portent souvent un appareil auditif qui filtre les déclarations et les bêtises, et que les pitreries de M. Hanouna et de ses invités les interpellent moins. Mais cela ne les empêchera pas d’aller voter.  MM. Zemmour et Mélenchon ont débattus sous l’autorité de Baba, se sont presque battus au moins verbalement en s’insultant et le match fut nul, en tous les sens du terme. Vive le show. 

 Ces outrances de la démocratie qui exige la transparence pour les autres que soi sont un passage obligé car l’électeur a besoin de savoir à qui il a affaire, presque de toucher physiquement le candidat et croire qu’il est son sauveur. Les meetings font partie de la campagne électorale. Le fond de ce que propose le candidat est fondamental bien qu’il se réduise en slogans, mais dans notre société du spectacle la forme est essentielle. Il faut savoir innover.

Un meeting politique c’est la réunion d’affidés, de partisans, de laudateurs, réunis dans une salle, avec un décor tricolore, des jeux de lumière, des écrans géants, une musique choisie par le candidat qui galvanise ; puis des chauffeurs de salle qui mobilisent les troupes en dénigrant les adversaires et en encensant le candidat qui fera ce qu’il dit même si on ne sait pas s’il aura une majorité parlementaire ou les moyens de ses ambitions. Enfin l’idole parait celui ou celle qui marche sur les eaux qui vont le porter tel un tsunami vers l’Elysée. C’est beau, c’est poignant, c’est encourageant. On termine par la Marseillaise reprise en chœur, on crie plusieurs fois avec force on va gagner, et le candidat reparti, chacun rejoint ses pénates et reprend le cours ordinaire de sa vie, en priant pour que son candidat persuade une majorité et soit élu. Les feux éteints c’est un exercice un peu tristounet, convenu et attendu, un peu « chiant » si je reprends le vocabulaire Hanounien, mais nécessaire pour souder les militants qui diffuseront la bonne parole et qui auront vu de leurs yeux vus le futur président de la république. Celui-ci ne guérit plus les écrouelles mais qui sait ? et pour lui on arpente les marchés.  

Je n’ignore pas que ce que je décris est considéré comme ringard, dépassé par les réseaux sociaux, les débats à la télévision, les formes de communication par internet et autres moyens de faire connaitre qui on est et ce qu’on propose. Mais il faut des meetings en chair et en os quelles que soient les règles sanitaires et les restrictions qui permettent au candidat de quitter Paris, de venir sur le terrain dans la boue de la ruralité, et de faire savoir aux présents qu’il les aime et fera tout pour eux, néanmoins à tour de rôle selon le thème qu’il développe et le public présent. On peut adapter ses propos à la conjoncture.

M. Mélenchon vient de frapper fort. En 2019 pendant la campagne des européennes il avait délégué un hologramme dont il va encore se servir pour la campagne présidentielle 2022. Ce sera un Mélenchon pour le prix de plusieurs. Ceux qui ne l’aiment pas vont pâlir. Mais il mérite le prix de l’innovation ce qui est déjà une victoire, peut- être la seule ? Il a tenu un meeting immersif, tout le monde n’a pas fini noyé je rassure. On ne sait pas ce qu’il a dit de nouveau sur le ton « modéré » que l’on connait et que les militants veulent entendre. Mais peu importe le contexte a été génial. On aurait dit de l’art abstrait, surréaliste, branché. Les murs étaient des écrans lumineux avec des images, les plafonds étaient recouverts de panneaux de leds, le son était spatialisé, des masques (mais pas des bandeaux et des boules quiès) étaient distribués aux participants. L’orateur en a mis plein les yeux et plein les oreilles. Je ne sais pas s’il a gagné des points dans les sondages, mais il n’a pas perdu la bataille de l’écume, du secondaire et du spectacle digne du Futuroscope. Et le clou était la diffusion de parfums pendant le discours. Ceux qui déjà ne sentaient pas M. Mélenchon s’indigneront et ne changeront pas d’avis même si ses arguments ont l’odeur de la rose ou la senteur envoûtante du cannabis qui rend euphorique -parait -il -ceux qui l’absorbent. Mais quand même salut l’artiste !