Plus on est de fous moins on rit.
Par
Christian Fremaux avocat honoraire.
Une élection
présidentielle c’est sérieux car l’avenir du pays est engagé pour 5 ans voire
plus selon les mesures qui seront prises. Si on s’est leurré on ne peut rectifier
et engager contre le candidat devenu élu qui a failli un procès civil en dommages
-intérêts. Alors que tout professionnel
dans son activité peut voir sa responsabilité engagée en cas de faute ou de
préjudice causé par son action ou ses erreurs, le politique ministre est à l’abri
de toute poursuite judiciaire sauf devant la cour de justice de la république
dans des conditions strictes. Le chef de l’Etat est irresponsable pénalement
pendant son mandat. Si le programme choisi et mis en œuvre conduit au désastre voire
à la faillite on ne peut s’en prendre qu’à soi-même et regretter son bulletin
de vote. Mais c’est tout et l’individu paie les conséquences de son choix.
C’est dire si la désignation des candidats par des partis politiques ou à l’issue
d’une consultation baroque est importante. Le citoyen doit peser son vote au
trébuchet et aller aux urnes ce qui est le devoir minimum de l’électeur.
L’abstention n’est pas une option. A défaut il ne pourra que se lamenter de
son propre manque de civisme.
Le proverbe
dit que plus on est de fous plus on rit. Mais nous n’avons pas de « fous » sauf
s’ils ont échappé à ma vigilance .On dispose de ceux ou celles qui croient au
miracle par leurs idées ou qui s’y croient avec un ego démesuré comme si sans
eux le monde s’effondrerait. Parmi eux certain(e)s sont crédibles. Nous avons
actuellement pléthore de postulants qui nous veulent tous du bien ce qui
m’émeut avant la vérification que le candidat pour concourir a bien reçu 500
parrainages. Cette règle est destinée à éliminer toute « personnalité »
auto déclarée portant un projet et se disant représentatif, mais qui ne fait en
réalité que sa publicité ou incarne un lobby ou une idée plutôt fantaisiste,
voire une minorité très agissante mais sans aucune audience affirmée. Avant de
vouloir convaincre 47 millions de votants encore faut-il persuader 500
parrains qui sont des élus donc au contact du peuple. On sait ce que valent les
sondages à un instant précis. Ce n’est pas ce qui donne des droits. Ils reflètent
des espoirs, une possibilité mais ils ne peuvent conférer un ticket automatique
à être présent dans la course au titre suprême. J’entends ceux qui ont du mal à
se faire parrainer et qui disposent d’un électorat potentiel hurler à l’injustice
et au déni de démocratie. Ils ont tort. La démocratie n’est pas l’absence de normes
et le bon plaisir de chacun. On pourra revoir la loi mais pas pour avril 2022 c’est
trop tard. Changer brusquement de règle du jeu alors que le match est commencé
est injuste et conduit à la confusion : carton rouge.
Après le grattage il y a une chance au tirage
ultérieur. Dans la foulée de la présidentielle il y a les législatives qui
sont le plus important car un président de la république sans majorité
parlementaire ou avec cohabitation politique est un incapable majeur :
il ne pourra pas exécuter son programme. Pour être député il n’y a pas de filtre,
tout le monde hélas peut être candidat. L’électeur partisan ou non décide.
Je préfèrerai des candidats expérimentés professionnellement ou par l’élection
de terrain avec cumul possible car être législateur ne s’improvise pas et
la formation continue en urgence ne pallie pas l’amateurisme. Il sera
ensuite possible pour les années à venir par une réflexion sereine d’instaurer
une dose de proportionnelle pour que chacun s’estime être représenté. Mais attention
au puzzle ne faisons pas un retour vers le futur. Le parlement ne peut être
le lieu unique où tout se décide au nom de la transparence et
l’information du peuple. Nos parlementaires ne sont pas là pour faire admettre
leurs opinions personnelles avec leurs préférences de société, et obliger les
citoyens à un progressisme forcené en voulant changer la vie. Qu’ils se
contentent de faire des lois générales et efficaces, ce serait bien. On a
besoin aussi d’un patron qui n’est pas omniscient ou jupitérien. Mais
il faut de l’autorité, de l’impulsion. La démocratie n’est pas le laisser faire-laisser
aller ou de la discussion sans fin. Il est possible aussi de décorréler
l’élection des députés de celle du président et d’instaurer des élections à mi-
mandat pour vérifier que la majorité est toujours en phase avec le peuple. On
serait ainsi condamnés avec joie ou regrets à 5 ans de présidence ferme, mais
avec une permission de sortie conditionnelle au bout de 30 mois.
On a les élus que l’on mérite. La démocratie
est la loi de la majorité et elle a aussi pour vocation à protéger les
minorités de tout abus. Ce n’est pas le contraire : les minorités ne
gouvernent pas et ne peuvent exiger ce qu’elles réclament au prétexte qu’elles
seraient discriminées ou dominées et que de ne pas leur donner raison serait autoritaire.
On fait confiance à nos dirigeants à condition qu’ils ne soient pas eux
même sous l’emprise d’idéologies ou de bureaucrates ou de la grande
finance et de groupes de pression qui n’ont aucune légitimité. Ils doivent
rester humbles et ouverts. Corneille l’a déjà dit : « Pour grands que
soient les rois ils sont ce que nous sommes : ils peuvent se tromper comme
tous les autres hommes » (ou femmes).
Le quidam
croit qu’il a plus la science infuse ou du bon sens que l’expert, le
technocrate formé voire l’élu national loin du terrain qui défendraient
surtout leurs intérêts. Il aime les comités dits citoyens tirés au sort.
Cela se discute car l’électeur pense à lui aussi ce qui est humain, n’est ni
forcément compétent ni exemplaire à titre personnel et ne peut donner de
leçons. Le citoyen a un rôle actif. Il est responsable pour qui il vote et
de ce qu’il advient. Rira bien qui rira le dernier.
Nous avons
une candidate nouvelle potentielle de plus. Mme Taubira récidive. Personne n’a
oublié ses prises de position quand elle était Garde des Sceaux, son talent
oratoire étant exceptionnel reconnaissons-le. A bas les partis pourtant prévus
par l’article 4 de la constitution comme concourant à l’expression du suffrage populaire.
Elle a été désignée par quelques centaines de milliers de clics dont on ne sait
pas d’où ils viennent et de qui. Ces anonymes se sont prononcés sur un panel de
personnalités qui n’avaient rien demandé à personne et qui contestent le
scrutin et les résultats proclamés. Mme Taubira a triomphé avec mention bien. C’est
un mode de désignation curieux. La démocratie a des travers parfois étranges. L’électeur
devra élire celui ou celle qui est le plus capable d’agir et de rassembler puis
renvoyer dans leurs foyers ceux et celles qui jouent avec le suffrage universel
ou les peurs ou le déni de la réalité et qui ne peuvent apporter l’union car les
problèmes à régler ne prêtent pas à sourire et à l’improvisation. Plus on est
de fous moins on rit.
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