mardi 1 février 2022

Salut l’artiste

 

                                Salut l’artiste

               Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 Il n’y a personne qui n’aime pas le divertissement vivant par ces temps moroses, les décors, la musique, les lumières et surtout celui ou celle qui par son talent apporte un supplément d’âme ou de bonne humeur, nous fait rêver ou nous conduit sur les hauteurs vers des sphères inconnues qui nous donnent l’espoir. Les clowns nous donnent de la joie, et parfois des professionnel(le)s de la politique aussi même involontairement. Tout le monde veut en profiter, pouvoir être joyeux pour évacuer le stress des évènements actuels et les menaces que l’on entend régulièrement. La société du spectacle a besoin de participants.

La vie publique n’échappe pas à ce besoin. Chacun sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, mais il faut se raccrocher à quelqu’un ou à un programme pour que l’avenir soit plus attrayant et que nos efforts soient payants. On veut y croire. Les campagnes électorales ne sont en général pas des périodes où l’on s’amuse sauf si les candidats commettent des bourdes, endossent des costumes qui leur seront reprochés, que la justice brusquement s’en mêle en poursuivant pour une affaire croustillante concernant la vie privée fiscale ou de mœurs ou publique avec un petit détournement ou un abus présumé. La présomption d’innocence est remisée au placard, et quand les boules puantes sont lancées on dit que cela ne nous regarde pas mais on est attentif. On peut en rire, jaune naturellement.

 On nous propose aussi des animateurs de débats politiques comme M. « Baba » Hanouna dont son émission est un modèle de violences verbales, de sujets sous la ceinture, d’invectives et d’exagérations nulles pour ne pas les qualifier autrement prononcées par des incompétents, des sectaires, ou par des gens qui n’ont que leur personnalité comme bagage. Le niveau monte ! Mais comme il faut faire moderne M. Baba plait, y compris à Mme Schiappa ministre chargée de la citoyenneté et à d’autres personnalités du monde politique car il est censé avoir l’oreille des jeunes qui sont plutôt abstentionnistes. Et qui sont vite saoulés. Il est vrai que les vieux citoyens - la majorité silencieuse - portent souvent un appareil auditif qui filtre les déclarations et les bêtises, et que les pitreries de M. Hanouna et de ses invités les interpellent moins. Mais cela ne les empêchera pas d’aller voter.  MM. Zemmour et Mélenchon ont débattus sous l’autorité de Baba, se sont presque battus au moins verbalement en s’insultant et le match fut nul, en tous les sens du terme. Vive le show. 

 Ces outrances de la démocratie qui exige la transparence pour les autres que soi sont un passage obligé car l’électeur a besoin de savoir à qui il a affaire, presque de toucher physiquement le candidat et croire qu’il est son sauveur. Les meetings font partie de la campagne électorale. Le fond de ce que propose le candidat est fondamental bien qu’il se réduise en slogans, mais dans notre société du spectacle la forme est essentielle. Il faut savoir innover.

Un meeting politique c’est la réunion d’affidés, de partisans, de laudateurs, réunis dans une salle, avec un décor tricolore, des jeux de lumière, des écrans géants, une musique choisie par le candidat qui galvanise ; puis des chauffeurs de salle qui mobilisent les troupes en dénigrant les adversaires et en encensant le candidat qui fera ce qu’il dit même si on ne sait pas s’il aura une majorité parlementaire ou les moyens de ses ambitions. Enfin l’idole parait celui ou celle qui marche sur les eaux qui vont le porter tel un tsunami vers l’Elysée. C’est beau, c’est poignant, c’est encourageant. On termine par la Marseillaise reprise en chœur, on crie plusieurs fois avec force on va gagner, et le candidat reparti, chacun rejoint ses pénates et reprend le cours ordinaire de sa vie, en priant pour que son candidat persuade une majorité et soit élu. Les feux éteints c’est un exercice un peu tristounet, convenu et attendu, un peu « chiant » si je reprends le vocabulaire Hanounien, mais nécessaire pour souder les militants qui diffuseront la bonne parole et qui auront vu de leurs yeux vus le futur président de la république. Celui-ci ne guérit plus les écrouelles mais qui sait ? et pour lui on arpente les marchés.  

Je n’ignore pas que ce que je décris est considéré comme ringard, dépassé par les réseaux sociaux, les débats à la télévision, les formes de communication par internet et autres moyens de faire connaitre qui on est et ce qu’on propose. Mais il faut des meetings en chair et en os quelles que soient les règles sanitaires et les restrictions qui permettent au candidat de quitter Paris, de venir sur le terrain dans la boue de la ruralité, et de faire savoir aux présents qu’il les aime et fera tout pour eux, néanmoins à tour de rôle selon le thème qu’il développe et le public présent. On peut adapter ses propos à la conjoncture.

M. Mélenchon vient de frapper fort. En 2019 pendant la campagne des européennes il avait délégué un hologramme dont il va encore se servir pour la campagne présidentielle 2022. Ce sera un Mélenchon pour le prix de plusieurs. Ceux qui ne l’aiment pas vont pâlir. Mais il mérite le prix de l’innovation ce qui est déjà une victoire, peut- être la seule ? Il a tenu un meeting immersif, tout le monde n’a pas fini noyé je rassure. On ne sait pas ce qu’il a dit de nouveau sur le ton « modéré » que l’on connait et que les militants veulent entendre. Mais peu importe le contexte a été génial. On aurait dit de l’art abstrait, surréaliste, branché. Les murs étaient des écrans lumineux avec des images, les plafonds étaient recouverts de panneaux de leds, le son était spatialisé, des masques (mais pas des bandeaux et des boules quiès) étaient distribués aux participants. L’orateur en a mis plein les yeux et plein les oreilles. Je ne sais pas s’il a gagné des points dans les sondages, mais il n’a pas perdu la bataille de l’écume, du secondaire et du spectacle digne du Futuroscope. Et le clou était la diffusion de parfums pendant le discours. Ceux qui déjà ne sentaient pas M. Mélenchon s’indigneront et ne changeront pas d’avis même si ses arguments ont l’odeur de la rose ou la senteur envoûtante du cannabis qui rend euphorique -parait -il -ceux qui l’absorbent. Mais quand même salut l’artiste !   

   

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