Elites contre élites ou ordre et contre ordre.
Par
Christian Fremaux avocat honoraire.
Les français
aiment critiquer ce qu’ils appellent les « élites » ou experts qui sont loin du
peuple et la bureaucratie anonyme et tatillonne qui pense être le garant de
l’intérêt général. Mais il arrive que les élites se combattent entre
elles. Le citoyen compte les points et essaie de s’y retrouver puisqu’on
gouverne pour lui.
Le gouvernement
se décarcasse pour essayer d’enrayer les effets du virus qui circule et tente de
trouver des solutions qu’il voudrait quasi obligatoires pour imposer le passe
vaccinal et des mesures de protection partout y compris à l’extérieur
malgré le débat sur l’efficacité ou non de se protéger dehors. Les
parlementaires s’écharpent. Les préfets
s’activent concernant leurs territoires et ce qui est valable à un endroit déterminé
ne l’est pas pour un autre. Le virus est donc à danger variable selon les lieux
à l’air libre ou non.
Ce qui caractérise
la démocratie c’est l’état de droit, c’est-à-dire pour chaque individu ou un
groupe l’opportunité de contester les décisions prises par le pouvoir exécutif.
Pour cela il faut exercer un recours administratif et à des juges dédiés
ou s’adresser aux magistrats c’est-à-dire à l’autorité judiciaire selon la
terminologie de la Constitution, qui n’est pas un pouvoir mais qui tend à
l’être. Les juges ne sont pas une sous-catégorie d’élites. On se rappelle la
théorie de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) chère
à Montesquieu qui rejetait l’absolutisme et donc tout abus de pouvoir.
La crise
sanitaire n’a pas échappé à la confrontation avec ce qu’on appelle les élites à
savoir des individus soit élus soit nommés par le président de la
république et tous les hauts fonctionnaires pour la plupart énarques qui les
conseillent et mettent en forme écrite les décisions prises. Dans cette
catégorie très supérieure s’ajoutent les juges qui ont pour fonctions d’être
les protecteurs des libertés individuelles comme publiques et collectives.
Les juges
sont beaucoup décriés. Les citoyens qui les saisissent de tout conflit, les
considèrent comme étant une élite indépendante certes mais une élite ce mot fourre-
tout contenant ce que chacun veut y mettre, autorités légales comme médias
ou personnalités influentes ou avec un pouvoir dont dépend le sort de la
société et des habitants. Parfois les élites s’affrontent entre elles. On a vu
par exemple l’actuel ministre de la justice être mis en examen par des juges de
la cour de justice de la république, et celle-ci convoquer pour interroger des ministres
ou ancien premier ministre et conseillers politiques. Donc l’élite.
Dans
l’organisation de la justice il y a les arbitres spécifiques du tribunal administratif
qui a vocation exclusive à contrôler donc approuver ou annuler toute décision
qui émane d’une autorité publique, ministre, maire, préfet, administration…C’est
une juridiction qui pratiquement n’existe pas dans d’autres pays mais qui a été
conservée depuis Napoléon pour des raisons propres à la France, l’Etat n’étant
pas considéré comme un justiciable comme un autre. Cette juridiction est
composée de juges qui sont la plupart du temps des énarques et règle les litiges
qui viennent des services publics en général, et de l’Etat en particulier de
plus en plus. Ce sont énarques contre énarques. Au sommet de la pyramide se
trouve le Conseil d’Etat (équivalent de la cour de cassation pour la pyramide
judiciaire).
L’actualité
démontre ce qui précède. L’arrêté préfectoral rendant obligatoire le port du masque
en extérieur à Paris a été suspendu début janvier 2022 par le tribunal administratif
de Paris. Cela ne veut pas dire que la décision est illégale à coup sûr et le
tribunal dira plus tard en statuant au fond si toutes les garanties de légalité
ont été respectées et si le port du masque était justifié et nécessaire sur
l’ensemble de la ville, et strictement proportionné au but recherché à savoir
la non- diffusion de l’épidémie et la protection des citoyens. En attendant il
n’y avait provisoirement pas de masque obligatoire dans Paris. Cette décision
rejoint celle du tribunal administratif de Versailles qui s’était prononcé dans
le même sens pour le territoire concerné en jugeant qu’il y avait une atteinte
excessive à la liberté individuelle. La justice a désavoué le gouvernement
et c’est donc élites contre élites. Mais c’est une victoire à la Pyrrhus car le
droit est souple et les énarques-juristes sont inventifs surtout si leur mesure
a été retoquée. Après l’ordre il faut attendre le contre ordre c’est bien
connu !
Il suffit à
l’exécutif de donner des consignes en tenant compte des observations juridiques
du tribunal et limiter l’obligation de porter le masque aux périmètres les plus
à risques (marchés, arrêts de bus, gares, lieux de cultes, entrées de centres
commerciaux, écoles et universités…). Il l’a fait aussitôt. Les préfets ont pu récidiver
en publiant un nouvel arrêté motivé pour assurer le respect des gestes
barrières qui est donc légal et sauf s’il y a encore un recours. Le citoyen
vacciné trois fois peut cependant s’étonner : pourquoi un juge non
spécialiste en matière de santé peut -il faire obstacle à une mesure sanitaire de
protection collective préconisée par des spécialistes ? On répond que
c’est au nom des libertés.
Il convient
donc de séparer le but défini par les politiques et les moyens mis en place et
gérés par les représentants de l’administration assurant la continuité du service
public dans la rigueur et l’équité, enfin avec leurs qualités. Les énarques sont
au four et au moulin. Ils définissent les moyens qui ne sont pas toujours
de bon sens ou exagérés. Les intéressés ne sont pas en cause. Ils ne doivent
pas être des boucs émissaires. C’est le système qui ne va pas en éliminant le citoyen
qui a fait connaitre ses choix par l’élection et qui est aussi le contribuable
donc celui qui paie et subit les erreurs et qui veut pouvoir vivre en liberté
sans contrainte excessive. Le paradoxe d’une démocratie est que le citoyen qui
est libre exige des droits illimités et pense qu’on lui rogne ses libertés
malgré les menaces. Son ennemi devient l’Etat qui est pourtant le garant de ce
dont il profite.
Le chef de
l’Etat lui-même issu de l’énarchie a décidé de supprimer l’Ena. Une élite à vie
ne lui a pas semblé être la solution surtout si elle doit passer par les
fourches caudines des juges issus du même sérail. On en arrive ainsi à opposer la justice
défenseur des libertés individuelles ou le tribunal administratif qui veille
au respect des libertés publiques et des grands principes collectifs, à la
haute administration qui a la certitude d’être le défenseur unique de l’intérêt
général. C’est un conflit de légitimités qui ne peut être réglé que par le politique
car il représente le peuple ce qui n’est pas le cas d’une élite serait- elle
infaillible.
On peut
craindre que le citoyen ne s’y retrouve pas dans ces méandres de droit et ne
reconnaisse plus ou pas les prétendues élites qui confisquent de fait la
démocratie. C’est l’individu le bénéficiaire. Il y a urgence à simplifier
le circuit de décisions et que le peuple y trouve sa place avant que la
cocotte siffle trois fois et n’éclate.
COMME D'HABITUDE MAITRE fREMAUX MANIE LA LANGUE FRANCAISE AVEC CLARTE ET HUMMOUR.BRAVO. ON NE SAIT PLUS A QUEL SAINT SE VOUER BERNARD MURACCIOLE
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