Le symbole.
Par
Christian Fremaux avocat honoraire.
Après les
vœux des années précédentes classiquement énumératifs que l’on écoutait d’une
oreille bouchée, on en était presque arrivé à espérer que le président parlerait
naturellement mais qu’il n’y aurait pas de vœux particuliers pour 2022, car ils
avaient peu de chances d’aboutir. Rappelons-nous que le 31 décembre 2020
le président de la république nous avait souhaité une bonne année
2021 : or parmi toutes les
contrariétés ou malheurs habituels un nouveau venu à qui l’on n’avait rien
demandé la covid-19 est alors apparu en ses états évolutifs et conséquences
néfastes. On a fait avec en 2021 et le président nous a dit à la récente fin de
l’année dernière avec ses souhaits et un quasi bilan de fin de règne, qu’on le
maitrisait et que peut être on allait vaincre ce satané virus qui cause tant de
dégâts en remettant en cause nos certitudes et notre organisation publique. J’espère
que le chef de l’Etat a raison, c’est mon seul vœu.
L’année 2022 commence bien. On a parlé dès
les 2 / 3 janvier 2022 du drapeau tricolore donc de la patrie. Divine
surprise car ce vague concept pour certains était dit ringard voire belliqueux. Si
cela continue dans la réhabilitation des valeurs on va enchainer sur
celles de la république, pourquoi pas ensuite par ce qu’est la France dans
l’union européenne que notre Président Macron préside, et on va terminer par un
feu d’artifice dont nous avons été privés jusqu’au prochain 14 juillet outre
la Marseillaise : on va se réjouir que la nation existe, que l’on puisse
vivre tous ensemble malgré nos difficultés et différences, et que l’esprit
et l’art de vivre Français qui ne se définissent pas mais qui sont un modèle dans le monde, s’imposent aux yeux des pessimistes
et dé -constructeurs divers et de ceux qui ne voient que le verre à moitié
vide. Cela n’empêche pas de vouloir et faire en sorte que notre démocratie
fonctionne mieux, d’avoir plus de solidarité et d’égalité, et de concilier la
fin du mois avec les nécessités de la planète. Au revoir là -haut les
idéologues, bienvenue ici -bas aux pragmatiques.
La bonne
nouvelle est venue d’une polémique pas aussi subalterne que cela pour ceux qui
l’ont initiée sur un sujet majeur même s’il y a des problèmes
beaucoup plus graves. Mais tout est symbole on le sait ou le devine car au
-delà de l’apparence il y a les principes et surtout ce qui permet d’agir. Je
laisse le transcendantal à ceux qui croient. Pourquoi des générations qui
nous ont précédé se sont -elles sacrifiées ? Que veut dire combattre dans
le sahel aujourd’hui ? Des larmes, de la sueur et du sang sont-ils
compatibles avec nos valeurs républicaines issues de 1789 qui encouragent par
leurs interprétations contemporaines les droits individuels et la liberté
personnelle, dans une société où on oublie les devoirs ? L’autre
est-il un ennemi ou un adversaire, me menace-t-il et dois-je être tolérant avec
lui ?
Et si tout
simplement on aimait la France son pays ? Le drapeau est fait de chair et
d’âme. On y adhère viscéralement, charnellement, parfois intuitivement. En comparaison l’Europe est une désincarnation
surtout par ces moments technocratiques et mondialisés. On ne va pas se battre
pour la commission de Bruxelles ! Je crois qu’en cas d’urgence vitale
nationale il y aurait un sursaut. On suivrait le drapeau tricolore
fédérateur et porteur d’espoir. Mais je n’en ai pas la preuve. « Puisque
ces mystères nous dépassent feignons d’en être les organisateurs » disait jean
Cocteau. La querelle sur le drapeau nous donne l’occasion d’aller à l’essentiel.
Alors que l’emballage intégral par Christo de
l’arc de triomphe où on ne voyait plus rien ni tombe ni drapeau avait entrainé
une polémique uniquement esthétique, le 31 décembre 2021 l’Elysée a fait
installer sous l’arc de Triomphe un drapeau européen pour fêter la prise
de présidence de l’union Européenne par la France. Casus belli. Immédiatement
des politiques classés à droite outre M. Mélenchon ont crié au scandale de ne
pas voir le drapeau tricolore flotter aussi sous le monument qui avait été pris
d’assaut et martyrisé par les gilets jaunes, le lieu chargé d’histoire devant
échapper à leur raison de manifestants autoproclamés pacifistes et de bonne
foi. Certes le drapeau tricolore n’est pas installé en permanence, mais
il y est de façon immanente. Il est des lieux où
souffle l’esprit. Certains socialistes et des verts ont approuvé que le
drapeau bleu de l’Europe soit déployé, car il incarne la paix. M. Roussel
candidat du P.C.F. a déclaré que le drapeau européen était synonyme de délocalisation,
de désindustrialisation, de perte de souveraineté…pas moins. Mme Le Pen en urgence
absolue a saisi le Conseil d’Etat -oui des juges que l’on honnit en général car
ils se mêleraient de tout en étant partisans ou laxistes, ou les deux à la fois
- On n’était pas loin d’une déclaration interne de guerre virtuelle, le drapeau
étant le symbole de ce qui fait la France et le supprimer un acte de forfaiture
ou une ignoble préemption déloyale de la campagne présidentielle M. Macron
n’étant pas encore candidat. On avait l’habitude de le voir dans les évènements
sportifs ou dans les manifestations ou les protestations de toute nature. On
casse avec le drapeau en mains. L’Elysée a aussitôt clos la polémique
sans reculer officiellement mais en enlevant le drapeau du litige. La tombe du
soldat inconnu a donc retrouvé sa flamme, sans aucun drapeau pour lui donner du
vent ni bleu européen ni tricolore. Je ne sais pas si le citoyen a une idée sur
la problématique de cette guéguerre picrocholine mais elle a fait bouillonner les
esprits dès la rentrée.
Né sous la
révolution française en particulier en l’an II (1794) le drapeau réunit la
couleur blanche de la royauté, et celles qui sont bleues et rouges de la Ville
de Paris. Lors de la proclamation de la 2ème république en 1848 le poète
Lamartine a réussi à faire écarter le drapeau tout rouge que réclamaient les
révolutionnaires au profit du drapeau tricolore en ces termes
flamboyants : « le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom,
la gloire et la liberté de la patrie… si vous enlevez le drapeau tricolore… vous
enlevez la moitié de la force extérieure de la France … c’est le drapeau de vos
triomphes qu’il faut relever devant l’ Europe ».
C’est le
seul emblème national selon l’article 2 de la constitution de la Vème
république. Il symbolise les valeurs d’égalité,
liberté et fraternité. On peut y ajouter laïcité par ces temps moroses chargés
d’épreuves, de défis à relever et d’ambitions à satisfaire pour conforter
l’union indispensable.
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