jeudi 8 décembre 2022

humanisme et fermeté

                                     

                                      Humanisme et fermeté

                Par Christian Fremaux avocat honoraire

Je me dépêche d’écrire un article car s’il n’y a plus d’électricité je ne pourrai faire connaitre mes « lumières » ! Je plaisante bien sûr mais pas sur l’énergie. Ceux qui ont aimé l’année 2022 ne vont pas être déçus par les débuts de l’année 2023 où des projets de réformes importants pour l’avenir vont être présentés par le gouvernement, discutés et je l’espère votés. L’immobilisme et le corporatisme ne doivent pas gagner.  

Le ministre de l’intérieur va monter au créneau pour présenter la x-ième loi sur l’immigration qu’il veut à juste titre choisie et non imposée. Tout le monde suit les mouvements et les polémiques divers à ce sujet, les camps démantelés et aussitôt reconstitués un peu plus loin, de l’Ocean viking jusqu’à la place du palais royal qui abrite le conseil d’Etat un symbole qui a été envahie par des prétendus mineurs qui ne sont pas juridiquement considérés comme tels mais qui veulent « leurs droits ». Leurs accompagnants pleurent à leurs côtés ce qui fait des belles images pour le 20 h. et contrarient les « nantis égoïstes » qui dinent au chaud à ce moment.

Je n’entre pas dans la querelle que la France serait un pays d’immigration ce qui historiquement ne me parait pas exact avant le début du 20-ème siècle ou du devoir d’humanité d’accueillir tous ceux qui ont décidé à leur insu de leur plein gré de venir sur notre territoire et de bénéficier sans conditions de ce qui y existe. La nation pour ceux qui l’ont bâtie et ceux qui la poursuivent par leurs efforts devient alors secondaire voire inexistante au bénéfice de la liberté de celui qui arrive sur un lieu de la terre peu important ses motivations et ses intentions. L’humain aurait des droits partout. Il va falloir en discuter.  

On reparle de l’opposition humanisme et fermeté comme si ces deux notions étaient incompatibles. La loi en France est la traduction de la volonté générale du peuple dans un texte solennel s’appliquant à tous. Elle exprime une norme obligatoire. Elle organise un équilibre. C’est toujours un acte de compromis avec les avis qui s’affrontent entre les traditionnalistes dits conservateurs et les pseudos élites qui veulent éduquer ceux qui ne comprendraient rien et ne penseraient qu’à eux. Il n'y a ni sauveur qui a La solution ni miracle à attendre car les faits sont têtus et le déni aggrave les problèmes. Le consensus est rare surtout quand il n’y a pas de majorité absolue à l’assemblée de par les choix exprès des électeurs. Je ris - ce qui est rare par ces temps moroses- quand j’entends une personnalité dire sérieusement : « les français veulent… le peuple exige… ». Qui lui a dit ? Un sondage n’est pas une vérité établie. On ne me demande pas mon avis entre les élections tous les 5/6 ans et pas pour les priorités à résoudre. Mais c’est la démocratie. J’aimerai bien conserver l’identité et la culture de ma patrie et ses valeurs républicaines. Le multiculturalisme me parait une fausse/bonne idée. Sans oublier ceux qui croient en la France et y recherchent une vie plus paisible. C’est un projet humaniste de mon point de vue ?

La loi résulte de nombreux échanges d’arguments avant le vote, de la conjoncture qui évolue et de la nécessité ; d’une anticipation sur ce que nous sommes et voulons rester ; de l’intérêt général dans toutes ses composantes et contradictions. Ce qui était valable hier ne l’est plus aujourd’hui et encore moins demain. Les droits de l’homme interprétés façon wokisme et anti-racisme ne sont pas l’évangile. La force dite injuste de la loi est corrigée par l’équité.

Qui est contre l’ordre public ? Qui est pour les libertés versus devoirs ? N’a- t-on pas l’obligation de défendre la collectivité et est -il interdit au pays de prendre des mesures qui ne plaisent pas aux étrangers et qui permettent de conserver notre souveraineté ? La fermeté comme dans les familles où tout n’est pas permis et où on ne peut accueillir tous les copains, les cousins et apparentés, n’est pas un gros mot. Dire non et poser des limites est parfois utile et n’est pas liberticide ou une atteinte à la dignité ou à l’existence de l’autre.  L’humanisme n’existe pas dans le désordre ou la violence. Comment considérer l’homme/la femme/l’enfant si le chaos règne et si la règle est flexible et dépend des sentiments ?

L’humanisme date de la Renaissance. De pensée, de doctrine il est devenu une évidence. L’être humain est au centre de l’union. Cela induit altruisme et bienveillance. Une émotion est par nature instinctive, naturelle. Personnelle. Mais subjective. Elle est changeante. Elle ne fait pas avancer le monde et ne fonde pas une politique publique. Elle en est un des éléments majeurs. Sans être l’Alpha et l’Omega. L’humaniste affirme sa foi en l’être humain qu’il place au centre de tout. Comme JJ. Rousseau que Voltaire ne suivait pas entièrement ! Hanna Arendt y voyait la banalité du mal. L’être humain a droit au bonheur notion neuve en Europe comme le proclamait Saint- Just avant de connaitre la guillotine de ses frères en révolution mais la joie et le bien-être ne se décrètent pas. L’humaniste un brin utopiste veut créer une société meilleure plus morale selon ses critères, et il devrait s’appuyer sur 3 piliers : la raison, la science, et la connaissance pour faire des humains libres et responsables. On ne peut qu’être d’accord avec ces prolégomènes. Mais personne n’a le monopole de la conscience éclairée. Les limites de l’humanisme sont soit naturelles, soit socio-politiques soit métaphysiques et spirituelles.

 En 2023 et pour l’avenir ces limites existent. On doit en tenir compte. Erasme qui était le conseiller des princes le rappelle. Montaigne ne se faisait pas trop d’illusions sur l’homme. Il doutait. « Que sais- je ? » était sa devise. La vérité n’étant pas univoque, il faut donc concilier le principe de conviction avec celui de réalité. L’émotion n’est pas par essence plus légitime qu’un autre principe républicain. Le droit international d’essence humanitaire et idéaliste-« plus jamais ça»- ne peut faire obstacle à la volonté de la nation. Il l’accompagne.

Que le débat sur l’immigration ne se transforme pas en un combat entre les généreux et ceux qui seraient sans cœurs voire xénophobes. Ou matériellement intéressés. Ce n’est pas le sujet. Ni un partage de souffrance entre ceux qui subissent ce qu’ils ne veulent pas et ceux qui ne se sentent pas désirés. On doit unir et pas cliver si l’on veut une loi qui fonctionne et que les divergences et craintes soient apaisées. Chacun devra tendre la main vers l’autre.  Le manichéisme n’apporte rien. Humanisme et fermeté vont de pair.

samedi 3 décembre 2022

J’ai mal

 

                                                      J’ai mal

                Par Christian FREMAUX avocat honoraire

On a le devoir d’être heureux. Malgré les vicissitudes du quotidien car il y a pire ailleurs et pour d’autres. C’est la période de Noël -si on peut encore employer ce terme sans heurter la laïcité ou la conscience de chacun- où on doit se calmer, réfléchir, prendre des bonnes résolutions et aborder l’année nouvelle avec un autre esprit, celui de tolérance, de raison, et d’unité de la nation. Tout en conservant ses libertés y compris spirituelles qui doivent cependant se fondre dans les valeurs républicaines ou être pour le moins compatibles. Il n’est pas utile de brûler des voitures.

J’ai mal car la guerre de tranchées désormais en Ukraine va se geler. Les ukrainiens souffrent dans leur chair et nous subissons des effets secondaires matériels. Notre petit confort va être touché. Il y a de l’eau dans le gaz cher, l’électricité peut manquer alors que nous avions un parc nucléaire envié dans le monde que nos dirigeants ont démantelé par idéologie et pour faire plaisir à des minorités bruyantes. C’est pourquoi la pythie Greta Thunberg est muette. 

J’ai mal car la violence quotidienne empire. Regarder ou entendre les informations notamment en continu est un calvaire. Et je ne suis pas sur les réseaux sociaux où parait-il la polémique brutale, les menaces de mort, la mise au poteau sont banales. Dire qu’il y a un sentiment d’insécurité est un déni de réalité. On s’aperçoit de la sauvagerie parfois gratuite de jeunes que l’on dit mineurs - donc délinquants potentiels sans vraies craintes d’ordre pénal - pour qui l’autre est un ennemi sur un territoire qui ne lui appartient pas. Ou d’individus plus âgés de toute confession ou origine et niveau social qui passent à l’acte barbare et définitif. On se demande comment c’est possible malgré notre éducation nationale, nos encadrants, les aides de toutes natures, les droits de l’homme qui remplacent la morale et qui permettent à certains de confondre droits et devoirs. Jules Ferry a été gommé par les adeptes prétendument éclairés du wokisme et de la déconstruction. On s’inquiète pour soi, pour sa femme, sa fille, son petit enfant puisque la vie tient à un fil, une mauvaise rencontre, un regard, une pulsion. Les violences intrafamiliales ne cessent de progresser. J’ajoute la violence dans les relations humaines dans tous les milieux professionnels pour tout et presque rien, sans oublier les débats indignes de nos députés à l’assemblée nationale où l’invective, les injures sont monnaie courante. Ils ne sont pas loin d’en venir aux mains. On doit trancher les oreilles et la queue de la corrida parlementaire. Et l’exemplarité bordel !

J’ai mal car je suis sommé de pleurer sur la misère de ceux qui prennent des bateaux en payant fort cher des passeurs crapuleux, qu’il faut secourir en mer. J’ai déjà donné puisque j’ai compati à l’époque pour les boat-people, et par mes impôts je subventionne des ONG qui font le contraire de ce que je souhaite croyant avoir le monopole du cœur. Mais sans avoir de mandat du peuple ni aucune responsabilité d’élus, de représentants légitimes ni de comptes à rendre. Et si on n’approuve pas sous peine de passer pour un raciste pour le moins d’extrême droite accusation que l’on porte quand on ne sait pas quoi dire. Je n’aime pas, et je bénéficie de la présomption d’innocence. On ne maitrise plus rien.

J’ai mal car la planète agoniserait et je continue à rouler dans ma campagne avec mon vieux véhicule d’occasion alimenté au diesel. Je n’ai pas encore obéi aux injonctions gouvernementales en m’endettant pour acheter une voiture électrique neuve livrée dans plusieurs mois. A condition qu’il y ait de l’électricité. Et que les forçats qui travaillent pour extraire le lithium ne se mettent pas en grève à l’image de nos travailleurs. Comme d’habitude pour les fêtes et vacances pour les modestes contrôleurs Sncf qui ont un travail pénible selon eux ou d’autres maltraités des services publics. Ou comme les malheureux exploités de Total Energie. Le dialogue social est spécial dans notre démocratie.

J’ai mal de ne pas partager le postulat des biens pensants donneurs de leçons qui croient que l’homme et la femme sont naturellement bons et que le mauvais ne provient que de la société, des provocations des riches, de l’inégalité structurelle et maintenue volontairement, avec l’Etat totalitaire. Tout ceci devrait se discuter objectivement. La désobéissance civile n’est pas ma tasse de thé. Ni la civique : il faut aller voter. La rue mène à des impasses. 

J’ai mal qu’il n’y ait plus de justice efficace et rapide dont j’ai été et reste un auxiliaire depuis près d’un demi-siècle. Elle ne peut être rendue par soi-même ce n’est pas la vengeance. Je ne partage pas la harangue du magistrat Oswald Baudot qui en 1968 a écrit pour les futurs juges « soyez partiaux : examinez où sont le fort et le faible qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron… ». La justice doit être équanime et il y a l’équité s’il faut corriger les effets injustes des textes légaux. Suum cuique jus. Je préfère plutôt ce que disait le père de Lacordaire : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Mais je suis pour les libertés dans un état de droit. Encore faut-il des tribunaux performants donc équipés et des magistrats respectés qui appliquent la loi votée sans l’interpréter selon leurs propres convictions. La justice n’est pas devenue un pouvoir à la Montesquieu. L’Etat est encore fondamental. Et défend la collectivité. 

J’ai mal d’avoir mal et de vivre dans un climat anxiogène où l’on se regarde en chien de faïence. Et où il faut se méfier de tout et tous. Le sens de la responsabilité s’érode. La fraternité est un vain mot. On pense d’abord à soi. Nos valeurs républicaines ne sont plus consensuelles et leur universalisme est remis en cause.

J’ai mal car on nous bassine que les pauvres souffrent tandis que les riches s’enrichissent. On doit renforcer la redistribution. L’affirmation est surtout un slogan. Les politiques qui le profèrent n’ont pas à le justifier ni à se l’appliquer. Je m’interroge : suis-je riche ? malgré l’inflation et ma retraite à partir de 65 ans qui est le résultat de dizaines d’années de travail avec plus de 35 heures par semaine ?

J’ai mal mais je suis toujours vivant et optimiste. Je m’en contente et espère que tout ira mieux en 2023. Je dois participer à ce renouveau. On a le devoir d’être heureux.