vendredi 16 février 2018

Photographies en noir et blanc sur des événements récents qui nous chagrinent


Photographies en noir et blanc sur des événements récents qui nous chagrinent.
La fin de l’année 2017 a été tragique.
Jean d’Ormesson, celui qui était l’Ecrivain du bonheur, de la profondeur , d’une culture universelle sous l’apparente légèreté et l’humour, qui nous rendait plus intelligents en l’écoutant, a quitté la vie mais son esprit  demeure. Son dernier clin d’œil fut la publication un peu après sa mort de son dernier livre : « et moi je vis toujours » Ed.Gallimard 2018. Il va beaucoup nous manquer par son ouverture d’esprit, sa tolérance et parce qu’il aimait les hommes de bonne volonté d’où qu’ils viennent.
Johnny Hallyday , l’idole des jeunes est aussi parti. Il paraissait indestructible, et le rock est en deuil. Black is black. Son talent sur scène n’avait d’égal que sa force de vivre, d’affronter des épreuves et de continuer à ne pas vieillir. Il a retenu la nuit dans laquelle il est désormais . Sa voix ne résonnera plus. Son enterrement a été suivi par des centaines de milliers de ses fans  qui ne s’en remettent pas. Ils ont le blues. Populaire peut rimer avec charisme et admiration.
Le Président de la République avec juste raison a rendu hommage à ces deux gloires nationales qui ne jouaient pas dans la même catégorie.  Mais avaient en partage la culture qui dans les deux cas a été gagnante . Surtout ils nous ont fait rêver, nous savions qui admirer,  et  ils nous ont apporté du bonheur. Qu’ils soient remerciés.
L’année 2018 a commencé par le chaos des inondations et donc la revanche de la nature que l’homme ne maîtrise pas   et qui le ramène à sa condition, malgré les progrès de la science, les techniques de prévision , l’intelligence artificielle, ou l’homme augmenté. Les catastrophes naturelles sont un élément structurant de la sécurité en général .On ne peut qu’être humble et surtout solidaire, tout en cherchant à diminuer les effets destructeurs en prenant des mesures préventives. Mais il faut que le citoyen accepte de se limiter dans sa liberté de ne voir que ses propres intérêts et qu’il admette que l’intérêt collectif  -et sa propre protection- obligent à des restrictions voire des interdictions.
Le début de l’année a été marqué par une décision qui a caractérisé l’autorité de l’Etat.  On avait perdu l’habitude que les pouvoirs publics tranchent . L’aéroport de Notre-dame-des-Landes ne sera donc pas construit et il faudra que les occupants illégaux décampent. Ce qui fait deux mécontents  au moins : le camp de ceux qui avait répondu à la consultation populaire en faveur de la construction du nouvel aéroport, qui crient au déni de démocratie ce qui n’est pas faux,  et qui vont donc supporter l’élargissement de l’aéroport existant. Et les zadistes qui ont crié victoire, mais   ne veulent pas partir et fixent leurs conditions -comme s’ils étaient propriétaires et légitimes à exiger quoique ce soit- tout en menaçant de se transporter sur d’autres sites pour recommencer des occupations. C’est un nouveau défi à l’Etat et à son autorité. Je ne me prononce pas sur le fond d’un dossier que je ne connais pas et qui traine depuis 50 ans, aucun gouvernement n’ayant osé prendre une décision. Je me réjouis de la fin d’un feuilleton qui ne faisait rire personne et qui était humiliant  pour beaucoup.  Le premier ministre a choisi une solution , la moins mauvaise selon lui. Je pense que le syndrome Malek Oussekine ou Rémi Fraisse a pesé dans la balance, et qu’il fallait absolument éviter une confrontation physique entre forces de l’ordre et zadistes. Une vie n’a pas de prix et ne justifie rien. Attendons la suite des évènements après la trêve hivernale qui permet les expulsions y compris des squatteurs !
L’autorité de l’Etat va se jouer aussi sur le plan de la laïcité et l’organisation de l’islam en ou de France ; dans la nécessaire protection du personnel pénitentiaire et de la  réorganisation des prisons , de leur rôle dans la société et de celui de la sanction ; dans la loi  concernant  les migrants ; dans la police du quotidien pour apaiser tous les quartiers dits sensibles ; dans la lutte contre le terrorisme notamment à travers ceux qui reviennent des théâtres d’opérations ;  et dans la réduction indispensable des dépenses publiques qui entraine l’obligation pour l’Etat de revoir son périmètre d’intervention devant être réservé aux fonctions régaliennes  et aux priorités de solidarité, redistribution, sécurité ,  défense et justice. Il va falloir aussi satisfaire et Boulogne et Billancourt (comme le disait J.P. Sartre qui s’est souvent trompé), et en l’espèce la ville et les campagnes qui se sentent abandonnées tout en gérant les territoires. On doit faire cohabiter les jacobins et les girondins  tout en respectant les grands principes sans tomber dans les bons sentiments qui  parfois sont pires que le mal.


                                       Humanisme et autorité


C’est reparti ou plutôt cela continue, le débat entre  bons sentiments ou humanisme, et autorité pris dans le sens d’inhumanité et de force. La loi sur l’asile et l’immigration  que le gouvernement concocte a été esquissée par le président Macron lors de sa visite à Calais et sa rencontre avec des migrants , de vrais réfugiés puisque venant du Soudan semble -t- il ?  La future loi qui a pour objectif de maîtriser l’immigration n’est pas encore connue mais déjà les associations, les défenseurs des droits de l’homme, tous ceux qui ont une conscience pour les autres et font de l’être humain la priorité quelques soient les circonstances, les lieux et les possibilités, sont contre , farouchement contre et sont prêts à en découdre !
Mais ne pourrait-on pas aborder les sujets qui fâchent d’une autre manière, qui ne soit pas conflictuelle comme si le ciel allait nous tomber sur la tête. A force d’entendre que le fascisme ne passera pas, qu’il y a un racisme d’Etat, que quasiment l’homme est un porc pour tout, ce qui est faux ou pour le moins excessif, qu’il ne faut rien ni personne discriminer ce qui est exact, et que seuls les rapports de force comptent surtout quand ils émanent d’un infime minorité, on se lasse, on se fatigue et on se demande pourquoi il faut s’incliner tout le temps en vertu de la bien -pensance, pourquoi la majorité silencieuse ne fait pas la loi, pourquoi on se sent toujours coupable de quelque chose, pourquoi il faut se repentir et réécrire l’histoire quand la fin ne convient pas (comme Carmen qui désormais tue son harceleur) , pourquoi l’excuse pour tout et rien est devenue la norme, et pourquoi il y a une police de la pensée avec des ayatollahs vigilants qui guettent ce qui ne leur convient pas et clouent au pilori médiatique ceux qui ne pensent pas comme eux. Georges Orwell est dépassé. Halte au feu.
Est-ce un oxymore quand on parle d’une autorité humaniste, celle qui concilie les droits et les devoirs, qui fait respecter les règles et la loi, qui sanctionne les infractions et qui comprend les pauvres, les exclus, les faibles, les persécutés divers, les malheureux en général. « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » déclarait  Jean- baptiste Lacordaire religieux dominicain (1802-1861).
Peut-on imaginer de laisser les choses en l’état et ne pas avoir une politique migratoire jugée « inhumaine » par certains dont des députés de la république en marche ?. Est-il humain de laisser venir et  s’installer  tous les migrants, qu’ils soient réfugiés stricto sensu, ou  pour des raisons économiques, climatiques ou culturelles voire religieuses  pour les abandonner  dans une impasse et finalement les renvoyer chez le voisin ou d’où ils viennent ? Les habitants des territoires concernés, comme à Calais, Ouistreham, ou Vintimille et la Savoie désormais  n’ont-ils pas le droit , comme tous les citoyens français de vivre dans la paix, sans avoir peur à tort ou à raison , sans subir des exactions avérées certes commises par des voyous  en petit nombre mais qui sont. La république ne doit-elle pas protéger d’abord ses citoyens ? Il est facile d’être généreux à distance, de dénoncer les sans cœurs d’autres régions, et de ne voir que de loin la complexité et la réalité du problème. Sans oublier les forces de l’ordre qui font un travail ingrat , qui sont accusées sans preuve - des fake news ?- des pires maux, les pompiers et les services de santé qui font le maximum, tandis que les collectivités locales sur place y vont de leur budget et de la critique de leurs administrés.
Les bons sentiments sont- ils un humanisme ? L’humanisme est une philosophie du 16ème siècle , de la Renaissance qui place l’homme et les valeurs humaines au- dessus de toutes les autres valeurs. Il vise à l’épanouissement de l’homme par la culture d’origine grecque et latine ,par l’éducation. Son équivalent est l’ altruisme ,l’ amour des hommes (et des femmes, parité oblige).
L’humanisme n’empêche pas le regard critique, puisque il est fondé sur la réflexion, sur le doute qui s’oppose aux dogmes, aux certitudes, aux postulats. Il est en recherche permanente de l’équilibre entre le bien et le mal (qui existe hélas)  et sur la connaissance de l’homme pour l’améliorer donc en faire profiter l’humanité. L’humanisme n’est pas un laxisme : au contraire pour que les valeurs humaines triomphent sur  d’autres valeurs qui clivent, séparent, accablent ou conduisent au mal (exemple le terrorisme qui s’appuie principalement sur une religion donc un dogme dans lequel l’homme ou la femme se soumettent volontairement ), il faut un cadre , et non pas un état de nature sauvage ou chacun fait ce qu’il lui plait .Une démocratie est l’organisation des rapports humains, avec une autorité légitimée par des élections libres et une justice indépendante. Est-il normal et humain de céder à toutes les minorités qui obéissent parfois à des motifs idéologiques ou politiques qui n’ont rien à voir avec l’idéal qu’ils prétendent défendre,  ou qui vomissent notre société démocratique capitaliste, libérale et redistributive,  dont ils profitent et qui leur laisse la liberté d’expression ?
L’humanisme c’est aussi d’admettre que l’on n’a pas toujours raison et de penser que l’autre est aussi respectable. L’humanisme c’est la volonté de régler les problèmes par la raison et non par le canon ;  par la conviction et non l’imposition ; et de considérer que les droits personnels sont en miroir avec les devoirs collectifs. « On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments » disait André Gide. Victor Hugo pensait que tout dépend du talent de l’écrivain et je crois qu’il avait raison. Prenons un exemple polémique-j’espère que l’on ne m’accablera pas de le citer - lié à l’actualité quand on a manifesté récemment l’intention de republier les ouvrages de Louis-Ferdinand Céline : on peut faire de la bonne ou originale littérature  tout en étant clairement ignoble sur le fond. On a battu en retraite et renoncé en fonction des cris d’orfraie entendus. L’opinion publique est impitoyable, voire autoritaire.
Mais l’humanisme ne se divise pas et il ne s’agit évidemment pas de poursuivre des politiques publiques sur de mauvais sentiments. Je n’imagine pas un seul homme politique  et une femme encore moins, annoncer cyniquement qu’il allait prendre une loi liberticide ou discriminatoire ou revancharde ou protectrice des français de souche ou non (autre polémique) , pour que nos valeurs dites universelles mais réputées à tort  franchouillardes ne s’appliquent qu’ entre nous, que nous seuls profitions de nos avantages et que tout ce qui n’est pas citoyen de la république soit exclu. On a les gouvernements que l’on mérite mais jusqu’à ce jour ils sont responsables et humains, que l’on ait voté pour eux ou non. 
Cela n’empêche pas d’avoir du bon sens chose du monde la mieux partagée disait Descartes et de l’autorité. Au contraire c’est une obligation. 
L’autorité est le pouvoir de commander, d’être obéi. Elle implique les notions de légitimité,  et de commandement. Elle ne se confond ni avec l’autoritarisme ni avec la répression. On ne discute pas de l’autorité de la chose jugée par la justice, ni de l’autorité parentale par exemple. Ou de l’autorité naturelle de telle personnalité ou quidam. C’est une valeur conférée qui concerne surtout l’Etat. C’est son caractère nécessaire à la structure de toute organisation qui la rend légitime.  Et qui permet de l’opposer à tous. L’autorité  se confond avec les pouvoirs publics.  Platon a beaucoup disserté sur l’autorité et Max Weber a parlé de l’autorité charismatique. Chaque citoyen a sa compréhension de l’autorité et de son contenu. Il la souhaite plutôt ouverte à son égard  quand cela l’arrange, et ferme  pour les autres sur des sujets qui lui tiennent à cœur. Chacun vit avec ses contradictions.  Les buts de l’autorité sont la sauvegarde du groupe et la conduite de celui-ci vers des objectifs collectifs consentis.
L’évacuation de la ZAD de notre- dame- des landes des éléments les plus radicalisés (qui sont-ils ?) va être un test pour l’autorité de l’Etat en nette perte de vitesse ces dernières années : souvenons- nous seulement du feuilleton Léonarda ! La colère des surveillants de prison qui se font agresser par des détenus, comme les agressions contre les forces de l’ordre, ou les médecins et pompiers dans les territoires dits perdus de la république mais pas perdus pour le business lié à la drogue ; ou encore les insultes voire violences commises à l’intérieur des tribunaux contre les magistrats comme l’a dénoncé Mme la Procureure du TGI de Nanterre, témoignent que désormais tout est possible et que certains estiment  qu’ils ont droit à l’impunité au nom de prétextes fumeux qui vont de la misère sexuelle (les frotteurs dans le métro) ou sociale, au manque de travail ou de revenus, ou parce qu’ils s’ennuient ( des intellectuels  sérieux ont justifié l’incendie des véhicules en disant que c’était surtout ludique-sic-), et enfin parce que les barres d’immeuble invivables inciteraient à la violence (déclaration du ministre de l’intérieur) et que dans ces quartiers la moindre arrestation ou un contrôle d’identité tourne au drame et à l’accusation contre la police qui soit provoque par son uniforme ,soit est raciste et violente. Basta comme on dit chez certains de nos amis corses qui s’y connaissent un peu en la matière.  Et les motifs ne sont pas exhaustifs .
Mais l’autorité est surtout remise en cause par ceux qui  prétendent détenir  la vérité, qui savent ce qui est bon et bien, qui nient la société telle qu’elle existe et qui ne leur convient pas, qui ont beaucoup beaucoup discuté…  entre eux , sans admettre d’autres contradicteurs (rappelons nous de nuit debout) , qui croient incarner le peuple sans avoir été élus-c’est ringard- ou avoir le moindre mandat -pourquoi rendre des comptes ?-ni naturellement une quelconque légitimité : ils ne représentent qu’eux, ce qui est court pour exiger quoique ce soit. Mais on les entend : ils haïssent les médias qui diffuseraient  des fausses nouvelles ou informations et  les télévisions qui abêtissent  les citoyens selon eux, mais ils savent s’en servir et faire passer leur message : nous résistons -résiste chantait France Gall- à l’oppression, à la finance, aux ordres et à une société inhumaine, disent- ils. Nous avons des droits naturels, comme ceux de s’approprier des terres puisque le sol n’appartient à personne…Merci pour les propriétaires.
Le journal le parisien a titré le 16 janvier : « enquête sur la génération j’ai le droit ». Il aurait pu ajouter que des parents avaient la même conception de la société.
Quand on a que des droits, on ne tolère plus l’autorité et on pense que tout ce qui est contraire à ce que l’on pense est forcément injuste et inhumain. Le «  je » l’emporte sur le « nous », comme le masculin l’emporte sur le féminin en  grammaire, mais plus pour longtemps semble-t-il , les féministes s’activent . L’écriture inclusive  veut  s’imposer ce qui n’est un progrès pour personne.

Et s’il n’y avait plus d’autorité(s) comme on a bien interdit la fessée par amendement du parlement du 22 décembre 2016  que se passerait -il ?  Chacun peut imaginer ce qu’il en serait de la vie en société. L’humanisme n’est pas incompatible avec les principes de responsabilité et réalité il en est même consubstantiel.  Un gouvernement doit faire des choix en raison des besoins internes  et notamment pour le logement (plus ou moins de social, faut- il pénaliser les propriétaires privés); la sécurité (la lutte contre le terrorisme justifie-t-elle une législation rigoureuse tout en protégeant les libertés publiques et individuelles ?), la justice  (le procureur doit- il être soumis à l’exécutif ou être totalement indépendant, ou à quoi sert la prison ?) ; les impôts à qui servent ils ?; comment intégrer les jeunes sur le marché du travail et ne pas pénaliser les retraités -dont je suis- qui ont payé impôts et taxes toute leur vie et qui ne sont pas des privilégiés, puisque en plus ils aident enfants et petits enfants ?.... Tous les sujets doivent être traités avec un souci de résultats et de dimension humaine. Humanisme et autorité sont donc compatibles, sachant qu’il y aura toujours des mécontents et des moins gagnants que d’autres. Ne peut on baisser d’un ton, essayer d’abord de faire prévaloir la raison et ne pas voir dans un contradicteur un horrible raciste, un macho ou un ultra conservateur. Comme si le progrès  ne résultait que de ce qui est minoritaire, ou d’arguments qui partent du cœur et ne sont ni objectifs ni vérifiés.
L’Etat qui dirige à ce jour 67,2 millions de citoyens et essaie d’intégrer ceux qui appellent au secours doit trouver l’équilibre entre l’autorité sans qui rien ne peut se faire et le respect de la vie et des libertés c’est-à-dire les valeurs humanistes ou républicaines  les deux se confondant. C’est la grandeur de sa mission.

                   Réforme judiciaire : un nouveau tribunal est né à BFM.TV ?.

Beaucoup d’avocats de France protestent car la réforme de la carte judiciaire concoctée par Mme Belloubet Garde des sceaux va entrainer la suppression de tribunaux ici et là sur le territoire. C’est un problème de société sérieux.  Des barreaux sont directement concernés, et la justice près du justiciable risque de disparaitre. Mais les médias veulent occuper la place et au nom de leur devoir d’information tout azimut ils jugent en direct. Ce ne sont plus des comptes rendus judiciaires comme avant, mais de véritables procès qui ont lieu en quelques minutes.
Je regarde régulièrement BFM TV notamment à 19 heures où la distribution est souvent la même : un thème de débats et quatre intervenants. Et Mme Ruth Elkrief comme présidente d’audience-dans tous les sens du terme- , en toute impartialité cela va sans dire. Quand il s’agit d’une affaire judiciaire ou d’un problème de droit, on retrouve toujours les mêmes acteurs : un journaliste politique qui est compétent quel que soit le sujet  économique, social, culturel et naturellement judiciaire ; un sachant  expert pour  tout et rien ; un ancien magistrat  qui lui connait le sujet ; un avocat parfois ; et un généraliste ou un sondeur. Je n’ai jamais eu autant d’informations sur les sondages  en toutes matières qui sont désormais la vox populi qu’il faut suivre sinon on est marginalisé. Et on fait le procès en direct, on s’interroge sur la défense hasardeuse du mis en examen, des preuves de l’accusation que l’on connait par ouï dire ; de la réaction du public, et on critique ce qui ne va pas aux yeux  de ce tribunal des médias formé pour l’actualité du jour. Naturellement il y a parfois des intervenants qui expliquent à juste titre ce qui se passe et sont très compétents en faisant œuvre pédagogique. Mais il n’y a quasiment jamais l’avocat du prévenu ou de l’accusé qui pourrait faire connaitre la position de son client, sa personnalité, ce qu’il réfute, pourquoi il a agi ou non… On s’indigne, on se met à la place des victimes, on rappelle ce que pensent les français - personnellement on ne m’a jamais interrogé ?- et on décide à demi-mot voire clairement que la personne poursuivie est coupable. Je n’ai pas encore entendu, mais je dois être un peu sourd, que telle personne poursuivie devait être innocente. Car bien sûr on souligne que la présomption d’innocence est capitale et  que la vie privée  doit être respectée, mais on les piétine allègrement au nom de la liberté de l’information .Personne n’a lu le dossier puisque seuls les avocats et les magistrats chargés du procès y ont accès : nos experts ont eu des informations de façon indirecte par des confidences qui violent soit le secret professionnel soit celui de l’instruction soit le principe du contradictoire dans tout débat,  et qui sont diffusées dans l’intérêt de celui qui les communique, donc ne sont ni fiables ni objectives. Mais nos experts concluent  sans réserve généralement, de façon péremptoire, générale et définitive sans argument de droit ou autre, à quoi d’ailleurs cela servirait-il, sauf à perdre du temps !. Il faut que le public qui n’y connait rien , soit éclairé  par ceux qui savent, l’élite compétente erga omnes  qui ne doute pas , et qui suivent la plupart du temps l’indignation de l’opinion publique,  cette catin comme l’appelait  Me Moro-Giafferi qui  voulait la  voir être chassée du prétoire, car elle tire le juge par la main.
L’affaire de M.Jawad Bendaoud dit le logeur de Daech pour avoir abrité  des terroristes qui ont attaqué le bataclan, est typique. L’opinion est indignée et hurle à la condamnation et ce n’est pas moi qui va dire le contraire.  Mais il y a des limites à ne pas franchir dans un état de droit car si on fait des exceptions pour M.Bendaoud, elles peuvent  se reproduire et être dangereuses sur le principe.
BFM TV devrait être plus en retrait   quand on se rappelle qu’elle a interrogé en direct M .Bendaoud au moment où les forces de l’ordre donnaient l’assaut à l’immeuble à Saint Denis où étaient logés les terroristes, et lui a donné la parole dont il a profité. Celui-ci a pu dire combien il était surpris d’avoir logé des terroristes et combien il était de bonne foi ! (sic) .La France entière a ri de cette déclaration bien que les faits soient dramatiques.  Puis l’enquête a commencé et on a appris la réalité de la personnalité de ce logeur qui se déclarait innocent.
Sur BFM TV vendredi 26 janvier à 19 h. il y a eu une émission  sur le cas Bendaoud  avec aux manettes Mme Elkrief qui a dirigé les débats, plus un journaliste politique M.Gattegno, un journaliste polémique M.VaL, une ancienne  magistrate qui a présidé la cour d’assises Mme Bernard-Requin , et mon excellent confrère Me Thibault de Montbrial partie civile (il y en des centaines ce qui explique l’émotion dans ce dossier qui n’est pas celui des terroristes) dans le procès contre M.Bendaoud et qui sortait de la vraie audience. Débat intéressant par ailleurs . Ce qui m’a chagriné c’est qu’aucun membre de la défense de M.Bendaoud n’ait été convié ou se soit déplacé ?  et que l’on  a organisé un quasi débat sur la culpabilité alors que le procès était en cours. Il fallait attendre le jugement  puisque contre toute attente il a été relaxé le 14 février 2018 de l’infraction de recel de malfaiteurs terroristes, alors que l’autre prévenu Mohamed Soumah a été condamné à 5 ans fermes,  et Youssef Aït Boulahcen a été condamné à 4 ans dont un avec sursis pour non-dénonciation de crime terroriste. M.Bendaoud doit rire !.  Les juges ont du considérer qu’il n’y avait pas la preuve qu’il savait qu’il hébergeait des terroristes  et ses déclarations extravagantes  à l’audience lui ont bénéficié. Les magistrats  ont fait du droit et n’ont pas cédé à la pression du scandale et de l’émotion. Les parties civiles vont hurler et BFM TV va expliquer cette surprise judiciaire ! Il y  a un appel du parquet. Comme quoi il faut respecter le temps judiciaire parfois long.
Pourtant il y a  eu un précédent  qui a eu lieu en décembre dernier lié à l’immixtion des médias dans un procès,  qui aurait du inciter à la circonspection. Le procès devant la cour d’assises de Bobigny de M.Georges Tron ancien ministre et député  accusé je crois d’agressions sexuelles et viols, a été renvoyé à une date ultérieure à la demande de la défense et ce avec raison,  notamment parce qu’une émission de télévision a été diffusée pendant le procès, émission qui n’était pas à la gloire de l’accusé .
On critique aussi les avocats en direct soit parce que leur défense est jugée excessive ou scandaleuse, (affaire Abdelkader Merah) soit parce que l’avocat un peu  bavard semble avouer à la place de son client (affaire Jonathan Daval) , soit parce qu’il assiste  un client passé de victime à accusé (affaire Fiona) soit parce qu’il est venu sur le plateau d’abord pour s’indigner des accusations contre son client , rappeler le secret de l’instruction, puis  quelques semaines  plus tard  quand son client a avoué pour essayer de le rendre humain malgré la douleur des parents (affaire Maëlys). Le méchant n’est pas l’avocat.  Je plaide  bien sûr pour ma  paroisse. Etre auxiliaire de justice ne veut pas dire que l’on doive accuser son client ou dire le contraire de lui. On défend une vérité relative ou un individu même si on n’est pas évidemment  d’accord avec ce qu’il a fait. On cherche les quelques éléments objectifs pouvant atténuer sa responsabilité. Cela ne marche pas toujours.   La critique est facile mais l’art difficile quand on est confronté à une situation exceptionnelle.
La justice ne doit pas être un spectacle  et on n’est pas dans les jeux du cirque. Le devoir d’information des médias ne doit pas se substituer au devoir d’impartialité et de réserve et ce quelque soit la personne poursuivie que l’on peut haïr à titre personnel, et que les victimes ont le droit de poursuivre pour obtenir réparations de toute nature. On ne doit pas leur voler leur justice. Bien sûr les parties civiles n’imaginent pas que les juges vont être indulgents ou vont faire du droit  et ne pas condamner au maximum de la loi.  Voire acquitter si les éléments constitutifs du crime ou délit ne sont pas réunis. Tout avocat qui a un peu d’expérience et de prudence sait que tout peut arriver. L’opinion publique n’intègre pas ces données. La justice est pour elle la condamnation voire la vengeance. Mais dans un état de droit il faut respecter les règles comme celles de la procédure pour n’importe quel individu même le plus vil d’être assisté par un avocat, et de se défendre en racontant n’importe quoi. 
Dans notre société du  show, de la transparence exigée pour les autres, des fake news et de l’à peu près, de la bien-pensance et de ses excès, l’objectivité  veut qu’en matière de justice personne ne se mette à la place des juges. Les magistrats sont suffisamment décriés pour qu’on ne les remplace pas par des caméras et des militants. Le tribunal de l’opinion télévisée ne doit pas siéger tous les jours.
Et les médias comme BFM en pointe sur le sujet  ne changent pas une équipe qui gagne sans estimer avoir une quelconque responsabilité dans ces violations de la loi. Si les médias n’organisaient pas de débats tous les jours sur les affaires judiciaires en cours  au prétexte que tout doit être connu, que le public doit savoir,  il y aurait sûrement moins de buzz et la justice serait sereine pour faire son métier. Son indépendance ne serait pas soumise aux pressions de l’opinion publique  et de ceux qui sont pressés d’en finir aux risques d’une précipitation injuste voire d’une erreur judiciaire . Certes tout le monde a le droit d’avoir son quart d’heure de gloire médiatique comme le disait Andy Warhol.  Mais imagine- t -on un débat où les participants se retrancheraient derrière le secret de l’enquête, ou de l’instruction ou le secret professionnel ? comme plaisantait  Coluche : « circulez y a rien à voir ». Les médias périraient de rage .Ils ont besoin de confrontations  ,de hauts parleurs d’une cause (on a avancé le terme féminicide), d’enquêteurs journalistes sur le terrain  qui refont le match si l’on ose dire, et pourquoi pas d’une accusation et d’une défense qui plaideraient en direct avec comme jurés tous les téléspectateurs : on gagnerait ainsi du temps, puisque la justice est rendue au nom du peuple français. N’est -ce pas le président de la république au congrès en juillet 2017 qui avait demandé aux médias un peu de retenue ? Il n’a pas dû être entendu.
L’indépendance de la justice passe donc par chacun d’entre nous qui aimons les faits divers, et la chute des puissants. En oubliant que nous sommes tous des justiciables potentiels et que les principes qui s’appliquent aux autres, peuvent aussi nous concerner. Nous devons bannir une justice de ragots, de rumeurs ,de dénigrement et de télé-réalité. Ce n’est pas la justice que l’on mérite dans un état de droit où le symbole est fort pour apaiser les rapports sociaux et donner du sens à nos actions.
Comme pour M. Hulot dont on ne doit pas parler-ce que je fais- mais dont le cas a été évoqué à longueur d’antenne  et qui a pris  l’initiative originale et inédite de démentir une plainte qui n’était pas encore connue -aurait- t- il été informé discrètement ou la rumeur vaut- elle un SMS ou un ancien télégramme ?-.Il semble que les  faits soient prescrits avérés ou non, qu’ils datent d’il y a plus de 20 ans. Il n’y a ni enquête, ni poursuites pour l’instant en février 2018 quand j’écris. Il n’est ni témoin assisté ni mis en examen. L’avocat  de la plaignante dont on connait le nom Mme M. qui avait demandé à la presse de ne pas évoquer le dossier tout en parlant avec des journalistes (on dirait un oxymore ou comme une contradiction)  a déclaré que la prescription n’empêchait pas la vérité des faits, ce qui est exact sauf s’ils ne sont pas établis ce que seule une enquête  judiciaire contradictoire peut conclure. Mais s’il y a prescription faut -il ouvrir un dossier quand même pour que la parole qui s’est libérée puisse s’étancher ? Que veut la plaignante : que son   statut de victime soit reconnue bien sûr et que M.Hulot démissionne, qu’il répare ? même si personne ne doute de la souffrance de celle qui s’estime blessée et qui a besoin de passer à une autre étape de sa  vie. 
Je suis vert, mais de confusion ,   je n’achète pas les produits de la gamme Ushuaïa et je ne connais pas le ministre qui est  assez grand pour se défendre lui-même .Je peux donc dénoncer la violation de la présomption d’innocence voire le secret lié à la vie privée du ministre que le gouvernement et  Mme Schiappa soutiennent.
Il va falloir ajouter un hashtag « balancequituveux.sans t’occupersilesfaitssontanciensetétablis.tuserascrusurparole.l’odieuxpersonnagedoitpayer ».Pourtant je vous confirme mesdemoiselles et mesdames, qu’un homme a aussi une conscience, qu’il sait assumer  et reconnaitre une faute vraie,   peut  exprimer remords et regrets, et qu’il souffre des accusations qui touchent aussi sa famille. Les victimes ne sont pas toujours dans un seul camp.
Et puisque la justice est au cœur de notre société , parlons en.
     
              De l’indépendance de la justice  bis repetita, et de son  rôle dans l’état de droit .

Tout le monde s’accorde-sauf les condamnés qui s’estimaient innocents ou les soupçonnés qui ont perdu une occasion d’atteindre le sommet- pour affirmer haut et fort qu’il faut faire confiance à la justice surtout pénale de son pays et qu’elle doit être indépendante ; que la séparation des pouvoirs telle que Montesquieu la prescrivait exige qu’il n’y ait aucune immixtion dans l’appréciation des juges ; qu’il n’y a plus d’instructions dans les dossiers individuels  ce qui est parfait, même si un léger doute persiste ; et que les juges du siège, ceux qui rendent les jugements et les arrêts n’ont ni leçons  à recevoir, ni recommandations à appliquer. Le chancelier Antoine Séguier 1er président de la cour d’appel sous Charles X disait que la cour rend des arrêts et pas des services.  Cela n’empêche pas les campagnes de presse ou de diverses origines si un procès ne tourne pas selon les désirs des bien -pensants, ou selon ceux qui sont dans le camp du bien auto-proclamé qui est à géométrie variable ou de ceux qui combattent pour une cause, y compris quand une ministre critique le système de défense d’un avocat pour son client. Il y a aussi un débat récurrent qui concerne le statut de ceux qui mènent l’accusation à savoir les procureurs , les avocats généraux et leurs substituts.
La cour Européenne des droits de l’homme de Strasbourg  a déclaré  que les procureurs ne pouvaient avoir un statut égal à celui des magistrat du siège, car ils tiraient leurs fonctions des liens qu’ils ont avec le pouvoir exécutif  c’est-à-dire le ministre de la justice dont ils dépendent hiérarchiquement.  Depuis de très nombreuses années, quelque soit le gouvernement en place, personne n’a été capable de proposer un système de remplacement qui fasse l’unanimité malgré de multiples propositions dont la nomination d’un procureur de la nation. Aucun projet de réforme n’aboutit et trouve une majorité parlementaire pour ce faire. Dans sa décision n°2017-QPC du 8 décembre 2017 le Conseil Constitutionnel a jugé : « le ministre de la justice ne peut adresser aux magistrats du parquet aucune instruction dans des affaires individuelles…le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi dans le respect du principe d’impartialité auquel il est tenu … il développe librement les observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice… l’article 39-3 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 confie au procureur de la république la mission de veiller à ce que les investigations de police judiciaire tendent à la manifestation de la vérité et qu’elles soient accomplies à charge et à décharge dans le respect des droits des victimes, du plaignant et de la personne suspectée…Il décide de l’opportunité d’engager des poursuites… et à l’audience la parole des magistrats du parquet est libre.. » .
Le Conseil Constitutionnel  a donc décidé que les mots « et sous l’autorité du garde des sceaux ministre de la justice » figurant à la première phrase de l’article 5 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958  sont conformes à la constitution.
On ne change donc rien.
C’est ce que M. Emmanuel Macron Président de la République a décidé et fait savoir lors de la rentrée solennelle à la cour de cassation, sauf changement d’avis futur et sauf modifications à prévoir dans la réforme , prévue celle-ci, de la composition et du fonctionnement du conseil supérieur de la magistrature. 
L’Elysée milite  pour la déjudiciarisation des contentieux avec la numérisation et la simplification  ainsi que la dématérialisation y compris dans le champ pénal  tout ceci pour 2019/2020.Le président est revenu sur la réforme de la peine  avec des alternatives à l’incarcération,  avec un plan pénitentiaire global .On a annoncé aussi la création d’un parquet national  anti-terroriste véritable force de frappe  judiciaire. Ce parquet reprendrait à titre exclusif les compétences en matière de terrorisme confiées jusqu’ ici au parquet de paris, qui doit gérer d’autres domaines aussi. On évoque M .François Molins actuel procureur de paris pour prendre la tête  de cette structure spécialisée.
Mme Belloubet a dû affronter la révolte du personnel pénitentiaire. On ne pourra pas éviter un grand débat et la prise de décisions sur les prisons.

Mais il n’y a pas que la justice pénale qui intéresse le grand public par les faits divers, par la personnalité et la psychologie qui conduisent au mal des criminels homme comme femme, là il y a égalité ; ou le terrorisme qui fait peur et la délinquance petite et grande qui les concerne directement. Selon la dernière enquête de victimation de l’observatoire de la délinquance et des réponses pénales  32% des sondés disent avoir été témoins d’au moins une infraction ces 12 derniers mois [ le figaro 7 décembre 2017 page 10 et 11 ]. Il y a aussi la justice de tous les jours, civile, commerciale, sociale, administrative, familiale. Mme Belloubet Garde des Sceaux a lancé des chantiers qui vont au-delà des nécessaires budgets à augmenter sur le plan matériel, du personnel qui n’est pas assez nombreux , des magistrats qui manquent de tout pour être plus performants…On veut une justice plus simple, plus rapide ,moins coûteuse, l’idéal donc. Encore faut il s’en donner les moyens et considérer que la justice doit jouer un rôle central dans notre société tant pour les droits individuels que pour l’intérêt général et collectif quand il y a des menaces de toute nature. C’est ce qui motive le citoyen , le justiciable qui préfère la victime  au délinquant, qui est honnête, paie taxes et impôts en râlant, subit ce qu’il déplore sans tout casser ou brûler, et a besoin d’un arbitre, un juge pour trancher ses différends.  Le sénat a proposé une réforme de la justice « clés en main » [le Figaro. Paule Gonzalès. 24 juillet 2017 page 6] pour accélérer le vote de la loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. Il s’agit d’augmenter substantiellement le budget de la justice et de le sanctuariser ; de revoir les implantations judiciaires ce que des avocats traduisent par des suppressions de tribunaux ou cours d’appel, ou de modification de leurs compétences , ce qui a entrainé des mouvements de protestations, des « grèves » ! dans certains barreaux inquiets ; de créer un guichet unique pour la justice du quotidien ce qui permettra au justiciable d’éviter de rechercher son juge (sic)…Le sénat propose  plus de conciliation avec un délégué du juge chargé d’arriver à une solution négociée,  la réforme de l’aide juridictionnelle  en rétablissant le droit de timbre (il était de 35 euros par procédure et a été supprimé) ; et la consultation obligatoire d’un avocat pour juger de la pertinence d’un recours  (très bien j’approuve !).
Que ces projets aboutissent vite ce qui aura peut être un effet sur les malaises ambiants.

                                                         Malaises.

Parmi tout ce qui ne va pas certains ont moins de chance que d’autres et subissent plus.
La grève des gardiens de prison à la suite d’ agressions graves , a confirmé la dangerosité de leurs fonctions et les risques qu’ils prenaient avec des sujétions fortes , pour un salaire que l’on peut qualifier d’insuffisant. Eux aussi sont privés de liberté puisqu’ils exercent dans les  centres de détention pour faire en sorte que les peines de prison ordonnées par les tribunaux soient exécutées dans les meilleures conditions possibles.  « Surveiller et punir » comme l’a écrit Michel  Foucault est un devoir symbolique  qui renvoie au châtiment fonction sociale complexe qui doit décourager de transgresser la loi , qui doit permettre la réparation pour les victimes et la société ; et qui doit éviter la récidive. Mais qu’avons-nous trouvé de mieux, que la prison dans des conditions acceptables,  de plus «  humain » dans le pays des droits de l’homme pour les criminels endurcis, dangereux, ou ceux qui nient nos valeurs, ne croient qu’en eux-mêmes et leurs idoles, suppriment la vie des autres avec distance voire délectation,  et veulent notre destruction ? Nous devons mener une réflexion œcuménique et rapide puisque  les menaces demeurent, que des catégories de nouveaux délinquants apparaissent, et que nous ne savons pas encore comment faire totalement face. Le réalisme doit l’emporter sur les bons sentiments tout en nous appuyant sur nos principes humanistes. Sinon ceux qui nous haïssent gagneront  le combat des idées.
Les gardiens de prison n’ont pas à pâtir de cette situation nouvelle. Ils ont droit à la reconnaissance de la nation et à des conditions de travail décentes et sécurisées. Il en est de même pour les forces de l’ordre.
Leur malaise n’est pas passé. Ils en ont assez d’être des cibles vivantes, d’être accusées de violences récurrentes et volontaires et de devoir répondre à la moindre accusation ou rumeur.  En août 2017 M. Jean-Marc Falcone préfet et quittant son poste de directeur général de la police nationale a déclaré que « plus que des primes les policiers veulent être respectés ». Les policiers et gendarmes en ont assez de la violence à leur égard, de leur morts et blessés, de passer de l’acclamation (après Charlie hebdo) à la méfiance (l’affaire Théo qui a d’ailleurs évolué a priori en leur faveur après le visionnage d’une vidéo) et de l’emballement des médias pour un oui ou un non. Les pouvoirs publics ont réagi. La D.O.P.C. direction de l’ordre public et de la circulation, a décidé de passer au crible ses systèmes de maintien de l’ordre surtout lors des manifestations à Paris. Elle a créé une cellule « synapse » avec des experts, des policiers de terrain, des stagiaires de sciences po .et  de polytechnique et a adopté les méthodes d’un think- tank. Sa réflexion vise à inventer de nouvelle tactiques contre les casseurs, et autres fauteurs de troubles [ le figaro. 29 septembre 2017 page 10].
La gendarmerie s’adapte aussi car elle a constaté que « la violence politique a peu à peu dérivé vers des violences urbaines éclatant dans des contextes éruptifs, plus réactifs ».(zadistes, altermondialistes, black blocks…).
Dans son discours devant les forces de l’ordre le 18 octobre 2017 le Président de la République les a exhortées à « être fortes et justes, jamais faibles pour combattre l’insécurité et la menace terroriste car les français ne supportent plus l’impuissance politique  ». Qu’il soit entendu et que les paroles se transforment en actes dans la mission régalienne de l’Etat, et ailleurs aussi. 

                                            Sur la délinquance de toute nature.

Le bilan 2017 n’est pas très encourageant. La dégradation concerne tant les cambriolages que les violences. Notre ami Christophe Soullez  directeur de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales a précisé que le ministère de l’intérieur ne pouvait tout faire, que la justice doit s’impliquer davantage, et qu’il faut remédier au manque de places en prison. [ le figaro du 26 janvier 2018 page 8]. Selon notre ami  éminent criminologue Alain Bauer  « les chiffres sont toujours partiels, parcellaires et parfois partiaux.. » (ibid). Il recommande de s’appuyer sur les résultats de l’enquête annuelle de victimation réalisée par l’observatoire. Il ajoute qu’avec « les attaques de tout porteur d’uniforme il y a une sorte de désocialisation, et l’image et la crédibilité de l’Etat se dégradent ». Il déplore le défi de la violence de proximité : « la réponse apportée a toujours été la politique de la ville au nom d’un prétendu lien mécanique entre l’habitat et la criminalité. Mais la réponse sociale n’est que partielle… ». Que faire des délinquants ?
Madame Adeline Hazan  contrôleur général  des lieux de privation de liberté a dénoncé les conditions de vie des détenus soumis à la surpopulation carcérale ; elle est hostile à la construction de nouvelles places : « il faut se défaire de l’idée selon laquelle le nombre de personnes emprisonnées est lié à l’état de délinquance du pays , la relation entre ces deux données est en réalité très indirecte ».[ le figaro. 7 février 2018 page 10]. Alain Bauer avait ajouté : « en matière d’incarcération nous sommes dans la prise de position morale plutôt que légale. Le code pénal impose la prison pour tous et tout. Ce qui n’a pas de sens…la détention devrait être réservée aux condamnés pour des violences physiques et d’application immédiate… alors peut-être pourrait-on résoudre la contradiction entre ce quoi elle est censée servir et ce que l’on n’y fait pas, c’est-à-dire réinsérer et éduquer ».
En matière de délinquance on s’occupe aussi du trafic de cannabis. On évoque sa libéralisation . Certains magistrats semblent réservés face à la simple amende pour usage de drogue et regrettent l’absence de politique de santé publique. Cette future procédure allégée laisse à l’écart toute réponse sanitaire indique Mme Parisot secrétaire nationale de l’U.S.M.
De son côté Mme Katia Dubreuil présidente du syndicat de la magistrature indique « qu’une amende n’a jamais permis de résoudre les problèmes d’addictologie ».  Elle milite pour une légalisation du cannabis. La conférence des procureurs répugne par principe à tout dispositif automatique.[ Mme Paule Gonzalès. Le figaro du 7 février 2018 ] . Le débat reste ouvert. 
Pour les incivilités qui agacent voire plus tout le monde, il y a du nouveau.
Comme dans la ville de Calais -qui a elle des soucis plus graves- la ville de Paris a assermenté des gardiens d’immeubles pour constater tout délit ou infraction « portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde » et dresser des P.V. avec des amendes pouvant aller de 17 euros à 1 500 euros. Ils sont agréés par le préfet du département. D’autres maires notamment de banlieue s’intéressent à ce dispositif.
Par ailleurs la France est toujours la cible de cyberattaques. Les services du premier ministre ont rédigé un livre blanc décrivant les menaces et qui conclut à la nécessité de « durcir » les réseaux sensibles du pays. L’Etat est visé, ainsi que des opérateurs d’importance vitale en charge d’activités militaires, de l’énergie, de l’industrie, des télécommunications , de la finance ou de l’alimentation. Louis Gauthier  secrétaire général  du S.G.D.S.N. a dévoilé une revue stratégique  de cyberdéfense, rendue publique dans sa version expurgée. [ le figaro .13 février 2018. Page 9].
Enfin le ministre de l’intérieur a exposé sa conception de la  protection  des citoyens avec la police  de sécurité du quotidien (P.S.Q.) créée après une très large consultation  de plus de 70. 000 policiers et gendarmes. Il s’agit de supprimer des tâches non opérationnelles comme les gardes statiques  et de rendre à l’administration pénitentiaire les extractions judiciaires ;  de réinjecter le personnel sur le terrain ; d’améliorer la procédure pénale ; de numériser les P.V. transmis aux magistrats ; de confier aux chefs de service territoriaux des objectifs qu’ils fixeront eux- mêmes… Il a défini 60 sites de « reconquête républicaine » tant en zones police  qu’en zones  gendarmerie…M.Eric Morvan  qui a succédé à M.Falcone  à la tête de la police nationale a expliqué que la police de sécurité  du quotidien  est mise en place partout sur  le territoire,  et elle doit redonner de la disponibilité aux forces de l’ordre ; c’est une police « sur mesure » à la fois préventive et répressive ; les policiers malgré leur malaise savent se mobiliser ;   mais ils veulent être reconnus, attendent du respect car ils incarnent l’autorité de l’Etat ;  et souhaitent  que la justice aussi fasse un effort en matière de « justice du quotidien ».  [le figaro.9 février 2018 page 11].

                        Considérations générales sur le terrorisme.
Comme l’a déclaré le président de la république devant les ambassadeurs la politique étrangère de la France participe de notre protection. Il a nommé le « terrorisme islamique » comme le grand danger. Le dispositif militaire en opérations extérieures  joue un rôle essentiel. L’Europe doit aussi se mobiliser.
Il faut lire le numéro 1  de janvier 2018 du nouveau magazine « contre terrorisme » publié sous la direction de M.Mohamed Sifaoui qui explique sa création pour les raisons suivantes : « il fallait informer l’opinion publique sur une réalité que dis-je ! une menace, qu’elle devra affronter durant-nous le déplorons tous- au moins une génération. Le terrorisme fut et restera une violence que les extrémistes politiques ou religieux, la plupart des ennemis de la démocratie, ne cesseront d’utiliser le plus souvent contre des populations civiles… ».M.Sifaoui a réuni dans sa rédaction une équipe de spécialistes pluridisciplinaires   pour analyser et essayer de comprendre. Il écrit :
« je pense qu’il faut rompre avec la culture de l’à peu près et de l’approximation et du niveau proposé à travers les réseaux sociaux notamment qui ont fait émerger des acteurs toxiques cherchant à investir le sujet par effraction et là, pour le coup ,tous nourris le plus souvent  sinon par une quête d’une quelconque notoriété ou par leurs agendas respectifs ,par un affairisme indécent et indigne… ». Il a raison. La plupart des experts-dont je ne suis pas- de tout et de rien et surtout auto-proclamés n’apportent aucune solution concrète en terme de prévention ou de protection,  ni de gestion des individus concernés, et encore moins dans l’accompagnement des victimes. Si la sécurité est l’affaire de tous, tous ne doivent pas s’en mêler car ils n’ont aucune légitimité. M.David Thomson  journaliste   lauréat en juillet 2017 du prix Albert-Londres pour son ouvrage « les revenants » édition poche point, a enquêté sur le terrain sur les djihadistes français qui reviennent de Syrie. Son témoignage  sur l’univers  mental des combattants de Daech est effrayant :[le figaro 29 janvier 2018 page 2 et 3]. « ceux qui tournaient en dérision mes propos en 2014 quand j’essayais de les alerter sur les intentions terroristes des djihadistes français  partis en Syrie ont encore micro ouvert dans tous les médias audiovisuels. De nombreux experts de la non-expertise monnayent leur label « vu à la télé » auprès de l’autorité publique et certains ont fini par avoir l’oreille du précédent gouvernement .D’où les retards et erreurs d’analyse en France face à la menace terroriste… la déradicalisation institutionnelle est une chimère… en rejoignant un groupe terroriste les djihadistes savaient où ils mettaient les pieds… et promettaient de mettre la France à genoux… il n’y a aucune différence à faire entre un homme et une femme en matière de djihadisme les niveaux de détermination et de dangerosité sont les mêmes … ».
M.Thomson termine en affirmant : «un revenant m’a dit : j’ai quitté la Syrie pour fuir Daech et j’ai retrouvé Daech à Fleury-Mérogis ». Le  débat sur les revenants surtout les femmes et les enfants  divise. On essaie de trouver la solution la moins «  nuisible »possible…pour eux puisque on a des principes, et gagnante pour nous.
M.Salah Abdelsam lors de son procès en Belgique a refusé de répondre aux questions sauf pour faire l’apologie du djihad,  puis n’a plus voulu comparaitre devant les juges. Il n’allait pas s’expliquer devant les victimes ou proférer des remords.  Que pouvait- on attendre d’autre de lui ? Selon moi mais j’espère me tromper, un accusé de ce « calibre » ne craque pas, ni devant les questions des avocats parties civiles , ni devant les accusations du ministère public ni devant  les investigations incisives du président de la cour ou du  tribunal et ne cède pas à l’émotion ambiante.  Il préfère être condamné  puisqu’il est  un  martyr de la cause.
Il faut cependant juger les terroristes ou leurs complices fournisseurs de logistique qu’ils se taisent en arguant de leur droit au silence, ou qu’ils paradent comme M .Bendaoud pathétiquement. Juger un djihadiste  est important car cela permet de faire savoir publiquement que les règles de droit ont été respectées , que le procès dans un état de droit  honore tous les démocrates et nous grandit. Ne pas les juger serait justifier leurs délires qu’ils prendraient pour une victoire.
Enfin je donne la parole à un vrai spécialiste responsable à savoir M. le procureur de paris François Molins qui s’est exprimé le lundi 12 février par une conférence  à l’IHEDN : il y a actuellement (février 2018) 490 dossiers judiciaires ouverts avec 430 mis en examen. C’est considérable et cela concerne directement ou non environ 1500 personnes. On a adapté notre législation. Désormais on poursuit sauf exception , sous la qualification d’association criminelle  de malfaiteurs terroristes ce qui permet de prononcer des peines allant  jusqu’à 30 ans de prison ou à perpétuité. La cour de cassation a validé cette interprétation du droit. Pour les facilitateurs, les recruteurs  ou les fournisseurs de moyens, les poursuites sont délictuelles avec des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison.  Les velléitaires ceux qui veulent partir ou tenter,  et s’intégrer à une cellule criminelle   sont très suivis car ils sont dangereux. Enfin pour les femmes dont on pensait jadis qu’elles avaient des tâches familiales notamment de pourvoir le califat de lionceaux qui prendraient la suite, on s’est aperçu qu’elles avaient aussi un niveau de dangerosité avérée. Certes les profils sont variés et on les étudie au cas par cas. Mais en septembre 2017 Daech officiellement a appelé  les femmes et les enfants à participer sous toute forme au djihad armé.   A leur retour elles sont envoyées  en garde à vue puis après mise en examen sont  placées en détention. Il y en a  actuellement 120 dont 40 en détention. Les enfants ont vécu la guerre et ont été endoctrinés y compris à la violence.  A partir de 13 ans ils sont poursuivis pénalement avec des mandats d’arrêt, des gardes à vue, souvent à travers le parquet de Bobigny puisqu’ils rentrent en France par Roissy.
Il y a désormais une massification des contentieux terroristes. On poursuit aussi l’apologie  hors du cadre de la loi de 1881 sur la presse. Sous la coordination du parquet de paris qui a une compétence nationale, l’action est menée par l’ensemble des parquets sur le territoire  pour les signaux de faible intensité, avec l’aide des préfet et de leurs nouveaux pouvoirs.
M.Molins a conclu en disant que les enjeux majeurs étaient les suivants :
-le partage de l’information notamment avec les services de renseignement dont les activités ont été légalement sécurisées : on peut se passer des PV et dossiers ;
-la judiciarisation  à venir des militaires qui vont contribuer aux enquêtes et au renseignement ;
- l’amélioration constante de l’arsenal législatif pour s’adapter en permanence aux nouvelles menaces ou formes d’attentat ;
-comment éviter la récidive et comment gérer  et suivre ceux qui sont détenus, puis qui vont être libérés avec  ou sans contrôle judiciaire.

                                                 Souvenirs judiciaires.

L’actualité me permet de parler de moi, ce qui n’est pas pour me déplaire ! vous voudrez bien me pardonner.
C’était il y 20 ans et plus…
Ce 6 février 2018 le Président de la République Emmanuel Macron a commémoré sur place à Ajaccio  le souvenir de  l’assassinat du Préfet Claude  Erignac par un commando comprenant Yvan Colonna. Il s’agissait de rendre hommage à un homme sacrifié sur l’autel de la politique par la violence,  et montrer que l’Etat se continue, qu’il ne cède ni aux menaces ni aux attaques -internes comme externes - et que l’autorité républicaine ne se délite pas en fonction de la conjoncture électorale  qui a vu arriver au pouvoir les autonomistes. 
Le Préfet Claude Erignac a été tué le 6 février 1998 alors que sans arme, sans protection policière, à pied il rejoignait son épouse au théâtre. Il fut exécuté par trois balles tirées dans le dos.
J’ai participé comme avocat partie civile à tous les procès contre les membres du commando et Yvan Colonna qui ont duré de 2003 à 2011 devant la cour d’assises anti-  terroriste de Paris.  Ce furent des procès difficiles sous le feu des projecteurs, des médias qui guettaient informations, rebondissements, polémiques, commentant témoignages et déclarations des uns et des autres ; avec un large public dont les familles des personnes poursuivies,  acquis  à leur argumentation  et certains de l’innocence d’Yvan Colonna…
Avant de tuer le préfet quelques mois plus tôt le commando avait attaqué de nuit la gendarmerie de Pietrosella. Tandis qu’une partie du commando faisait sauter par explosif les bâtiments, conformément à l’usage ! l’autre partie des membres avait pris en otage deux gendarmes, leur avait mis sur le visage une cagoule  ou plus exactement un sac pour qu’ils ne voient rien ce qui ajoute à la peur, les avait baladés dans le maquis en leur annonçant qu’ils allaient être exécutés. Finalement ils relâchèrent les gendarmes  qui n’oublièrent pas le traumatisme qu’ils avaient subis. Mais en s’enfuyant  le commando vola les deux armes de service des gendarmes qui furent déposées comme signature, pour rappeler le premier défi à l’Etat, au pied du cadavre du préfet le 6 février 1998.
Je ne reviens pas sur le fond des débats qui appartiennent à l’histoire judiciaire sauf pour dire que la défense des membres du commando - Yvan Colonna plaida qu’il était innocent de tout -  se résuma notamment à soutenir qu’il n’avait pas voulu tuer l’homme, mais qu’il avait éliminé le représentant de l’Etat qu’il détestait et qui était responsable depuis des années des difficultés du peuple Corse.
J’étais partie civile pour un gendarme. Me Caty Richard pénaliste de grande qualité assistait l’autre gendarme. L’Etat était représenté par le talentueux et incisif Me Benoit Chabert. La famille Erignac, sa veuve Dominique et ses enfants qui ne manquèrent aucune audience, en étant dignes et sans haine malgré ce qu’ils entendaient, était défendue par le célèbre Me Philippe Lemaire. Robert , frère de M.Claude Erignac était défendu par Me Vincent Courcelle -Labrousse pénaliste confirmé. 
La défense du commando  comprenait des avocats de talent et était notamment assurée par Me Vincent Stagnara bâtonnier du barreau de Bastia. Ce confrère fera une chute du troisième étage de son immeuble et disparaitra en 2010.  Le procès du commando se termina le 11 juillet 2003. Les deux principaux protagonistes furent condamnés à la réclusion criminelle à  perpétuité (ils sont toujours détenus) ; des complices à 30 ans (qui furent ensuite acquittés) et les autres membres à diverses peines de prison.
Le 4 juillet 2003 donc quelques jours avant la fin du procès du commando, Yvan Colonna que toutes les polices de France et de Navarre recherchaient, fut capturé dans le maquis , pas loin de son port d’attache à savoir Cargèse. On s’interrogea pour savoir s’il fallait suspendre le procès du commando. Après discussions animées il n’en fut rien .Yvan Colonna principale « vedette », « bénéficia » d’un procès rien que pour lui, plus tard.
Le procès d’Yvan Colonna débuta en fin  2007. Il fut condamné, il fit appel en 2009 : à l’audience il se fâcha, quitta le box, et ses avocats le suivirent. Il fut encore condamné. Il y eut un pourvoi en cassation et le dernier procès eut lieu en juin 2011. Il fut une nouvelle fois condamné le 20 juin 2011 à la réclusion criminelle à perpétuité, sans peine de sûreté. Son pourvoi en cassation fut rejeté, de même que son recours devant la Cour Européenne des droits de l’homme. Il purge sa peine sur le continent, et non en Corse ce qui est selon lui et ses avocats une double peine.
Me Philippe Lemaire défenseur acharné de la mémoire et de l’action du préfet Erignac, décéda quelques jours après l’ouverture du dernier procès contre Yvan Colonna. Il fut substitué par Me Yves Baudelot pénaliste de grande notoriété.
Me Stagnara avait été remplacé par le rugueux Me Antoine Sollacaro bâtonnier d’Ajaccio. Il sera abattu en 2012 sur son île par des tueurs qui lui  logèrent des balles dans la tête alors qu’il faisait le plein d’essence de son véhicule.
Yvan Colonna fut défendu outre par Me Sollacaro par des avocats pénalistes  de grands talents dont Me Dupont-Moretti, Me Maisonneuve ; Me Garbarini ; Me Dehapiot. Et surtout par Me Gilles Siméoni ayant une connaissance stupéfiante des volumineux dossiers, accrocheur et pugnace. L’histoire est passée. Me Siméoni est désormais  un homme politique, maire de Bastia et président de l’exécutif Corse, c’est-à-dire selon les autonomistes de «  l’Etat Corse ». Il doit donc composer avec le représentant de l’Etat sur place puisque il a un devoir de responsabilité. Il n’a pas dû apprécier le discours du président de la république le 6 février disant notamment que l’exécution d’un préfet était inacceptable et ne se plaidait pas ? Il va devoir gérer ses contradictions.
Me Jean-Guy Talamoni, avocat, devenu aussi homme politique, élu régional et actuel président de l’assemblée Corse, était un témoin récurrent pour tous les procès. Il a refusé, je crois, d’écouter le président de la république.
L’accusation fut soutenue par des avocat(e)s généraux de grande classe résistant aux coups de boutoir de la défense, et les présidents successifs, malgré la tension , l’opinion publique corse, des attaques diverses, surent mener à bien et à terme les procès. Il y eut de multiples coups de théâtre et surprises. Ainsi lors du dernier procès d’Yvan Colonna le directeur de la police nationale en personne qui venait témoigner fit état d’une lettre qui avait été saisie, lettre envoyée de prison à prison selon des modalités non éclaircies  par Yvan Colonna demandant à un membre du commando de l’innocenter. Cette lettre fut beaucoup discutée, tant sur sa véracité que son origine. Les avocats d’Yvan Colonna se posèrent  même la question de savoir si ce n’était pas un faux émanant d’une officine. Il y eut du tumulte. Le Président Hervé Stéphan remarquable, réussit à rétablir une certaine sérénité des débats, et le procès prit fin avec la condamnation d’Yvan Colonna.
Ce sont ces souvenirs qui me sont remontés à la mémoire le 6 février dernier.
Aucune cause surtout politique dans notre démocratie ne justifie l’assassinat d’un homme, fût -il le représentant d’un Etat exécré. Le commando a ajouté du malheur au malheur. Les membres se sont trompés. Ils ont voulu à quelques uns -quel culte du moi- modifier le destin de la Corse et faire céder la République. Ils ne pouvaient réussir. Ils le paient de leur liberté ce qui n’est que justice, car l’Etat c’est-à-dire tous les français ont été touchés par la mort de l’homme aussi préfet, et la famille Erignac souffrira à vie.
C’est à Mme Erignac toujours droite et mesurée  que revient le dernier mot : « oublier un crime est un crime…j’espère que la République ne faillira pas. »

                                          Pour terminer sans conclure.
Chacun a son idée de ce qu’il faut faire ou non dans tous les domaines. C’est comme pour l’équipe de France. Il y a autant de sélectionneurs que de français. On peut discuter à l’infini de dispositions matérielles, de lois nécessaires, de droits et de devoirs , de fraternité indispensable, de tolérance partagée, d’accueil , de compréhension sauf de ce qui  dépasse  notre entendement moyen et raisonnable. Mais la raison a cédé la place à l’émotion , à l’urgence, à la fureur, à la violence. Cette escalade doit cesser sans pour autant que notre vigilance soit amoindrie.
Dans «   La France d’hier » éd. Stock.  fév. 2018  le philosophe Jean-Pierre Legoff écrit : « le plus profond besoin spirituel des hommes n’est ni la justice ni l’ordre mais la signification. Chaque personne a besoin que sa vie signifie et non seulement par son insertion dans quelque vouloir ou dans quelque entreprise collective ». 

Article rédigé en janvier-février 2018 pour l’Auditeur revue de l’ANA-INHESJ qui sera diffusée en mars -avril 2018.
                       

 
                       


samedi 10 février 2018

SOUVENIRS JUDICIAIRES


               SOUVENIRS JUDICIAIRES
       Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local

C’était il y 20 ans et plus…
Ce 6 février 2018 le Président de la République Emmanuel Macron a commémoré sur place à Ajaccio  le souvenir de  l’assassinat du Préfet Claude  Erignac par un commando comprenant Yvan Colonna. Il s’agissait de rendre hommage à un homme sacrifié sur l’autel de la politique par la violence,  et montrer que l’Etat se continue, qu’il ne cède ni aux menaces ni aux attaques -internes comme externes - et que l’autorité républicaine ne se délite pas en fonction de la conjoncture électorale  qui a vu arriver au pouvoir les autonomistes.  
Le Préfet Claude Erignac a été tué le 6 février 1998 alors que sans arme, sans protection policière, à pied il rejoignait son épouse au théâtre. Il fut exécuté par trois balles tirées dans le dos.
J’ai participé comme avocat partie civile à tous les procès contre les membres du commando et Yvan Colonna qui ont duré de 2003 à 2011 devant la cour d’assises anti-  terroriste de Paris.  Ce furent des procès difficiles sous le feu des projecteurs, des médias qui guettaient informations, rebondissements, polémiques, commentant témoignages et déclarations des uns et des autres ; avec un large public dont les familles des personnes poursuivies,  acquis  à leur argumentation  et certains de l’innocence d’Yvan Colonna…
Avant de tuer le préfet quelques mois plus tôt le commando avait attaqué de nuit la gendarmerie de Pietrosella. Tandis qu’une partie du commando faisait sauter par explosif les bâtiments, conformément à l’usage ! l’autre partie des membres avait pris en otage deux gendarmes, leur avait mis une cagoule  ou plus exactement un sac sur le visage pour qu'ils ne voient rien ce qui ajoute à la peur, les avait baladés dans le maquis en leur annonçant qu’ils allaient être exécutés. Finalement ils relâchèrent les gendarmes  qui n’oublièrent pas le traumatisme qu’ils avaient subis. Mais en s’enfuyant  le commando vola les deux armes de service des gendarmes qui furent déposées comme signature, pour rappeler le premier défi à l’Etat, au pied du cadavre du préfet le 6 février 1998.
Je ne reviens pas sur le fond des débats qui appartiennent à l’histoire judiciaire sauf pour dire que la défense des membres du commando - Yvan Colonna plaida qu’il était innocent de tout -  se résuma notamment à soutenir qu’il n’avait pas voulu tuer l’homme, mais qu’il avait éliminé le représentant de l’Etat qu’il détestait et qui était responsable depuis des années des difficultés du peuple Corse.
J’étais partie civile pour un gendarme. Me Caty Richard pénaliste de grande qualité assistait l’autre gendarme. L’Etat était représenté par le talentueux et incisif Me Benoit Chabert. La famille Erignac, sa veuve Dominique et ses enfants qui ne manquèrent aucune audience, en étant dignes et sans haine malgré ce qu’ils entendaient, était défendue par le célèbre Me Philippe Lemaire. Robert , frère de M.Claude Erignac était défendu par Me Vincent Courcelle -Labrousse pénaliste confirmé. 
La défense du commando  comprenait des avocats de talent et était notamment assurée par Me Vincent Stagnara bâtonnier du barreau de Bastia. Ce confrère fera une chute du troisième étage de son immeuble et disparaitra en 2010.  Le procès du commando se termina le 11 juillet 2003. Les deux principaux protagonistes furent condamnés à la réclusion criminelle à  perpétuité (ils sont toujours détenus) ; des complices à 30 ans (qui furent ensuite acquittés) et les autres membres à diverses peines de prison.
Le 4 juillet 2003 donc quelques jours avant la fin du procès du commando, Yvan Colonna que toutes les polices de France et de Navarre recherchaient, fut capturé dans le maquis , pas loin de son port d’attache à savoir Cargèse. On s’interrogea pour savoir s’il fallait suspendre le procès du commando. Après discussions animées il n’en fut rien .Yvan Colonna principale « vedette », « bénéficia » d’un procès rien que pour lui, plus tard.
Le procès d’Yvan Colonna débuta en fin  2007. Il fut condamné, il fit appel en 2009 : à l’audience il se fâcha, quitta le box, et ses avocats le suivirent. Il fut encore condamné. Il y eut un pourvoi en cassation et le dernier procès eut lieu en juin 2011. Il fut une nouvelle fois condamné le 20 juin 2011 à la réclusion criminelle à perpétuité, sans peine de sûreté. Son pourvoi en cassation fut rejeté, de même que son recours devant la Cour Européenne des droits de l’homme. Il purge sa peine sur le continent, et non en Corse ce qui est selon lui et ses avocats une double peine.
Me Philippe Lemaire défenseur acharné de la mémoire et de l’action du préfet Erignac, décéda quelques jours après l’ouverture du dernier procès contre Yvan Colonna. Il fut substitué par Me Yves Baudelot pénaliste de grande notoriété.
Me Stagnara avait été remplacé par le rugueux Me Antoine Sollacaro bâtonnier d’Ajaccio. Il sera abattu en 2012 sur son île par des tueurs qui lui  logèrent des balles dans la tête alors qu’il faisait le plein d’essence de son véhicule.
Yvan Colonna fut défendu outre par Me Sollacaro par des avocats pénalistes  de grands talents dont Me Dupont-Moretti, Me Maisonneuve ; Me Garbarini ; Me Dehapiot. Et surtout par Me Gilles Siméoni ayant une connaissance stupéfiante des volumineux dossiers, accrocheur et pugnace. L’histoire est passée. Me Siméoni est désormais  un homme politique, maire de Bastia et président de l’exécutif Corse, c’est-à-dire selon les autonomistes de «  l’Etat Corse ». Il doit donc composer avec le représentant de l’Etat sur place  puisque il a un devoir de responsabilité. Il n’a pas dû apprécier le discours du président de la république le 6 février disant notamment que l’exécution d’un préfet était inacceptable et ne se plaidait pas ? Il va devoir gérer ses contradictions.
Me Jean-Guy Talamoni, avocat, devenu aussi homme politique,  élu régional et actuel président de l’assemblée Corse, était un témoin récurrent pour tous les procès. Il a refusé, je crois, d’écouter le président de la république.
L’accusation fut soutenue par des avocat(e)s généraux de grande qualité et les présidents successifs, malgré la tension , l’opinion publique corse, des attaques diverses, surent mener à bien et à terme les procès. Il y eut de multiples coups de theâtre et surprises. Ainsi lors du dernier procès d’Yvan Colonna le directeur de la police nationale en personne qui venait témoigner fit état d’une lettre qui avait été saisie, lettre envoyée de prison à prison selon des modalités non éclaircies  par Yvan Colonna demandant à un membre du commando de l’innocenter. Cette lettre fut beaucoup discutée, tant sur sa véracité que son origine. Les avocats d’Yvan Colonna se posèrent  même la question de savoir si ce n’était pas un faux émanant d’une officine. Il y eut du tumulte. Le Président Hervé Stéphan remarquable, réussit à rétablir une certaine sérénité des débats, et le procès prit fin avec la condamnation d’Yvan Colonna.
Ce sont ces souvenirs qui me sont remontés à la mémoire le 6 février dernier.
Aucune cause surtout politique dans notre démocratie ne justifie l’assassinat d’un homme, fût -il le représentant d’un Etat exécré. Le commando a ajouté du malheur au malheur. Les membres se sont trompés. Ils ont voulu à quelques uns -quel culte du moi- modifier le destin de la Corse et faire céder la République. Ils ne pouvaient réussir. Ils le paient de leur liberté ce qui n’est que justice, car l’Etat c’est-à-dire tous les français ont été touchés par la mort de l’homme aussi préfet, et la famille Erignac souffrira à vie.
C’est à Mme Erignac toujours droite et mesurée  que revient le dernier mot : « oublier un crime est un crime…j’espère que la République ne faillira pas. »


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