Photographies en noir et blanc sur des événements récents qui nous chagrinent.
La fin de
l’année 2017 a été tragique.
Jean
d’Ormesson, celui qui était l’Ecrivain du bonheur, de la profondeur , d’une
culture universelle sous l’apparente légèreté et l’humour, qui nous rendait
plus intelligents en l’écoutant, a quitté la vie mais son esprit demeure. Son dernier clin d’œil fut la
publication un peu après sa mort de son dernier livre : « et moi je vis
toujours » Ed.Gallimard 2018. Il va beaucoup nous manquer par son ouverture
d’esprit, sa tolérance et parce qu’il aimait les hommes de bonne volonté d’où
qu’ils viennent.
Johnny
Hallyday , l’idole des jeunes est aussi parti. Il paraissait indestructible, et
le rock est en deuil. Black is black. Son talent sur scène n’avait d’égal que
sa force de vivre, d’affronter des épreuves et de continuer à ne pas vieillir.
Il a retenu la nuit dans laquelle il est désormais . Sa voix ne résonnera plus.
Son enterrement a été suivi par des centaines de milliers de ses fans qui ne s’en remettent pas. Ils ont le blues.
Populaire peut rimer avec charisme et admiration.
Le Président
de la République avec juste raison a rendu hommage à ces deux gloires
nationales qui ne jouaient pas dans la même catégorie. Mais avaient en partage la culture qui dans
les deux cas a été gagnante . Surtout ils nous ont fait rêver, nous savions qui
admirer, et ils nous ont apporté du bonheur. Qu’ils
soient remerciés.
L’année 2018
a commencé par le chaos des inondations et donc la revanche de la nature que
l’homme ne maîtrise pas et qui le
ramène à sa condition, malgré les progrès de la science, les techniques de
prévision , l’intelligence artificielle, ou l’homme augmenté. Les catastrophes
naturelles sont un élément structurant de la sécurité en général .On ne peut
qu’être humble et surtout solidaire, tout en cherchant à diminuer les effets
destructeurs en prenant des mesures préventives. Mais il faut que le citoyen
accepte de se limiter dans sa liberté de ne voir que ses propres intérêts et qu’il
admette que l’intérêt collectif -et sa
propre protection- obligent à des restrictions voire des interdictions.
Le début de
l’année a été marqué par une décision qui a caractérisé l’autorité de
l’Etat. On avait perdu l’habitude que
les pouvoirs publics tranchent . L’aéroport de Notre-dame-des-Landes ne sera
donc pas construit et il faudra que les occupants illégaux décampent. Ce qui
fait deux mécontents au moins : le camp
de ceux qui avait répondu à la consultation populaire en faveur de la construction
du nouvel aéroport, qui crient au déni de démocratie ce qui n’est pas
faux, et qui vont donc supporter
l’élargissement de l’aéroport existant. Et les zadistes qui ont crié victoire,
mais ne veulent pas partir et fixent
leurs conditions -comme s’ils étaient propriétaires et légitimes à exiger
quoique ce soit- tout en menaçant de se transporter sur d’autres sites pour
recommencer des occupations. C’est un nouveau défi à l’Etat et à son autorité.
Je ne me prononce pas sur le fond d’un dossier que je ne connais pas et qui
traine depuis 50 ans, aucun gouvernement n’ayant osé prendre une décision. Je
me réjouis de la fin d’un feuilleton qui ne faisait rire personne et qui était
humiliant pour beaucoup. Le premier ministre a choisi une solution ,
la moins mauvaise selon lui. Je pense que le syndrome Malek Oussekine ou Rémi
Fraisse a pesé dans la balance, et qu’il fallait absolument éviter une
confrontation physique entre forces de l’ordre et zadistes. Une vie n’a pas de
prix et ne justifie rien. Attendons la suite des évènements après la trêve
hivernale qui permet les expulsions y compris des squatteurs !
L’autorité
de l’Etat va se jouer aussi sur le plan de la laïcité et l’organisation de
l’islam en ou de France ; dans la nécessaire protection du personnel
pénitentiaire et de la réorganisation
des prisons , de leur rôle dans la société et de celui de la sanction ; dans la
loi concernant les migrants ; dans la police du quotidien
pour apaiser tous les quartiers dits sensibles ; dans la lutte contre le terrorisme
notamment à travers ceux qui reviennent des théâtres d’opérations ; et dans la réduction indispensable des
dépenses publiques qui entraine l’obligation pour l’Etat de revoir son
périmètre d’intervention devant être réservé aux fonctions régaliennes et aux priorités de solidarité,
redistribution, sécurité , défense et
justice. Il va falloir aussi satisfaire et Boulogne et Billancourt (comme le
disait J.P. Sartre qui s’est souvent trompé), et en l’espèce la ville et les
campagnes qui se sentent abandonnées tout en gérant les territoires. On doit faire
cohabiter les jacobins et les girondins tout
en respectant les grands principes sans tomber dans les bons sentiments
qui parfois sont pires que le mal.
Humanisme et autorité
C’est
reparti ou plutôt cela continue, le débat entre
bons sentiments ou humanisme, et autorité pris dans le sens d’inhumanité
et de force. La loi sur l’asile et l’immigration que le gouvernement concocte a été esquissée
par le président Macron lors de sa visite à Calais et sa rencontre avec des
migrants , de vrais réfugiés puisque venant du Soudan semble -t- il ? La future loi qui a pour objectif de
maîtriser l’immigration n’est pas encore connue mais déjà les associations, les
défenseurs des droits de l’homme, tous ceux qui ont une conscience pour les
autres et font de l’être humain la priorité quelques soient les circonstances,
les lieux et les possibilités, sont contre , farouchement contre et sont prêts
à en découdre !
Mais ne
pourrait-on pas aborder les sujets qui fâchent d’une autre manière, qui ne soit
pas conflictuelle comme si le ciel allait nous tomber sur la tête. A force
d’entendre que le fascisme ne passera pas, qu’il y a un racisme d’Etat, que
quasiment l’homme est un porc pour tout, ce qui est faux ou pour le moins
excessif, qu’il ne faut rien ni personne discriminer ce qui est exact, et que
seuls les rapports de force comptent surtout quand ils émanent d’un infime
minorité, on se lasse, on se fatigue et on se demande pourquoi il faut
s’incliner tout le temps en vertu de la bien -pensance, pourquoi la majorité
silencieuse ne fait pas la loi, pourquoi on se sent toujours coupable de
quelque chose, pourquoi il faut se repentir et réécrire l’histoire quand la fin
ne convient pas (comme Carmen qui désormais tue son harceleur) , pourquoi
l’excuse pour tout et rien est devenue la norme, et pourquoi il y a une police
de la pensée avec des ayatollahs vigilants qui guettent ce qui ne leur convient
pas et clouent au pilori médiatique ceux qui ne pensent pas comme eux. Georges
Orwell est dépassé. Halte au feu.
Est-ce un
oxymore quand on parle d’une autorité humaniste, celle qui concilie les droits
et les devoirs, qui fait respecter les règles et la loi, qui sanctionne les
infractions et qui comprend les pauvres, les exclus, les faibles, les
persécutés divers, les malheureux en général. « Entre le fort et le faible,
entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté
qui opprime et la loi qui affranchit » déclarait Jean- baptiste Lacordaire religieux
dominicain (1802-1861).
Peut-on
imaginer de laisser les choses en l’état et ne pas avoir une politique
migratoire jugée « inhumaine » par certains dont des députés de la république
en marche ?. Est-il humain de laisser venir et
s’installer tous les migrants,
qu’ils soient réfugiés stricto sensu, ou
pour des raisons économiques, climatiques ou culturelles voire
religieuses pour les abandonner dans une impasse et finalement les renvoyer
chez le voisin ou d’où ils viennent ? Les habitants des territoires concernés,
comme à Calais, Ouistreham, ou Vintimille et la Savoie désormais n’ont-ils pas le droit , comme tous les
citoyens français de vivre dans la paix, sans avoir peur à tort ou à raison ,
sans subir des exactions avérées certes commises par des voyous en petit nombre mais qui sont. La république
ne doit-elle pas protéger d’abord ses citoyens ? Il est facile d’être généreux
à distance, de dénoncer les sans cœurs d’autres régions, et de ne voir que de
loin la complexité et la réalité du problème. Sans oublier les forces de
l’ordre qui font un travail ingrat , qui sont accusées sans preuve - des fake
news ?- des pires maux, les pompiers et les services de santé qui font le
maximum, tandis que les collectivités locales sur place y vont de leur budget
et de la critique de leurs administrés.
Les bons
sentiments sont- ils un humanisme ? L’humanisme est une philosophie du 16ème
siècle , de la Renaissance qui place l’homme et les valeurs humaines au- dessus
de toutes les autres valeurs. Il vise à l’épanouissement de l’homme par la
culture d’origine grecque et latine ,par l’éducation. Son équivalent est l’
altruisme ,l’ amour des hommes (et des femmes, parité oblige).
L’humanisme
n’empêche pas le regard critique, puisque il est fondé sur la réflexion, sur le
doute qui s’oppose aux dogmes, aux certitudes, aux postulats. Il est en
recherche permanente de l’équilibre entre le bien et le mal (qui existe
hélas) et sur la connaissance de l’homme
pour l’améliorer donc en faire profiter l’humanité. L’humanisme n’est pas un
laxisme : au contraire pour que les valeurs humaines triomphent sur d’autres valeurs qui clivent, séparent,
accablent ou conduisent au mal (exemple le terrorisme qui s’appuie
principalement sur une religion donc un dogme dans lequel l’homme ou la femme
se soumettent volontairement ), il faut un cadre , et non pas un état de nature
sauvage ou chacun fait ce qu’il lui plait .Une démocratie est l’organisation
des rapports humains, avec une autorité légitimée par des élections libres et
une justice indépendante. Est-il normal et humain de céder à toutes les
minorités qui obéissent parfois à des motifs idéologiques ou politiques qui
n’ont rien à voir avec l’idéal qu’ils prétendent défendre, ou qui vomissent notre société démocratique
capitaliste, libérale et redistributive,
dont ils profitent et qui leur laisse la liberté d’expression ?
L’humanisme
c’est aussi d’admettre que l’on n’a pas toujours raison et de penser que
l’autre est aussi respectable. L’humanisme c’est la volonté de régler les
problèmes par la raison et non par le canon ;
par la conviction et non l’imposition ; et de considérer que les droits
personnels sont en miroir avec les devoirs collectifs. « On ne fait pas de
bonne littérature avec de bons sentiments » disait André Gide. Victor Hugo
pensait que tout dépend du talent de l’écrivain et je crois qu’il avait raison.
Prenons un exemple polémique-j’espère que l’on ne m’accablera pas de le citer -
lié à l’actualité quand on a manifesté récemment l’intention de republier les
ouvrages de Louis-Ferdinand Céline : on peut faire de la bonne ou originale
littérature tout en étant clairement
ignoble sur le fond. On a battu en retraite et renoncé en fonction des cris
d’orfraie entendus. L’opinion publique est impitoyable, voire autoritaire.
Mais
l’humanisme ne se divise pas et il ne s’agit évidemment pas de poursuivre des
politiques publiques sur de mauvais sentiments. Je n’imagine pas un seul homme
politique et une femme encore moins,
annoncer cyniquement qu’il allait prendre une loi liberticide ou
discriminatoire ou revancharde ou protectrice des français de souche ou non
(autre polémique) , pour que nos valeurs dites universelles mais réputées à
tort franchouillardes ne s’appliquent
qu’ entre nous, que nous seuls profitions de nos avantages et que tout ce qui
n’est pas citoyen de la république soit exclu. On a les gouvernements que l’on
mérite mais jusqu’à ce jour ils sont responsables et humains, que l’on ait voté
pour eux ou non.
Cela
n’empêche pas d’avoir du bon sens chose du monde la mieux partagée disait
Descartes et de l’autorité. Au contraire c’est une obligation.
L’autorité
est le pouvoir de commander, d’être obéi. Elle implique les notions de
légitimité, et de commandement. Elle ne
se confond ni avec l’autoritarisme ni avec la répression. On ne discute pas de
l’autorité de la chose jugée par la justice, ni de l’autorité parentale par
exemple. Ou de l’autorité naturelle de telle personnalité ou quidam. C’est une
valeur conférée qui concerne surtout l’Etat. C’est son caractère nécessaire à
la structure de toute organisation qui la rend légitime. Et qui permet de l’opposer à tous.
L’autorité se confond avec les pouvoirs
publics. Platon a beaucoup disserté sur
l’autorité et Max Weber a parlé de l’autorité charismatique. Chaque citoyen a
sa compréhension de l’autorité et de son contenu. Il la souhaite plutôt ouverte
à son égard quand cela l’arrange, et
ferme pour les autres sur des sujets qui
lui tiennent à cœur. Chacun vit avec ses contradictions. Les buts de l’autorité sont la sauvegarde du
groupe et la conduite de celui-ci vers des objectifs collectifs consentis.
L’évacuation
de la ZAD de notre- dame- des landes des éléments les plus radicalisés (qui
sont-ils ?) va être un test pour l’autorité de l’Etat en nette perte de vitesse
ces dernières années : souvenons- nous seulement du feuilleton Léonarda ! La
colère des surveillants de prison qui se font agresser par des détenus, comme
les agressions contre les forces de l’ordre, ou les médecins et pompiers dans
les territoires dits perdus de la république mais pas perdus pour le business
lié à la drogue ; ou encore les insultes voire violences commises à l’intérieur
des tribunaux contre les magistrats comme l’a dénoncé Mme la Procureure du TGI
de Nanterre, témoignent que désormais tout est possible et que certains
estiment qu’ils ont droit à l’impunité
au nom de prétextes fumeux qui vont de la misère sexuelle (les frotteurs dans
le métro) ou sociale, au manque de travail ou de revenus, ou parce qu’ils
s’ennuient ( des intellectuels sérieux
ont justifié l’incendie des véhicules en disant que c’était surtout
ludique-sic-), et enfin parce que les barres d’immeuble invivables inciteraient
à la violence (déclaration du ministre de l’intérieur) et que dans ces
quartiers la moindre arrestation ou un contrôle d’identité tourne au drame et à
l’accusation contre la police qui soit provoque par son uniforme ,soit est
raciste et violente. Basta comme on dit chez certains de nos amis corses qui
s’y connaissent un peu en la matière. Et
les motifs ne sont pas exhaustifs .
Mais
l’autorité est surtout remise en cause par ceux qui prétendent détenir la vérité, qui savent ce qui est bon et bien,
qui nient la société telle qu’elle existe et qui ne leur convient pas, qui ont
beaucoup beaucoup discuté… entre eux ,
sans admettre d’autres contradicteurs (rappelons nous de nuit debout) , qui
croient incarner le peuple sans avoir été élus-c’est ringard- ou avoir le
moindre mandat -pourquoi rendre des comptes ?-ni naturellement une quelconque
légitimité : ils ne représentent qu’eux, ce qui est court pour exiger quoique
ce soit. Mais on les entend : ils haïssent les médias qui diffuseraient des fausses nouvelles ou informations et les télévisions qui abêtissent les citoyens selon eux, mais ils savent s’en
servir et faire passer leur message : nous résistons -résiste chantait France
Gall- à l’oppression, à la finance, aux ordres et à une société inhumaine,
disent- ils. Nous avons des droits naturels, comme ceux de s’approprier des
terres puisque le sol n’appartient à personne…Merci pour les propriétaires.
Le journal
le parisien a titré le 16 janvier : « enquête sur la génération j’ai le droit
». Il aurait pu ajouter que des parents avaient la même conception de la
société.
Quand on a
que des droits, on ne tolère plus l’autorité et on pense que tout ce qui est
contraire à ce que l’on pense est forcément injuste et inhumain. Le « je » l’emporte sur le « nous », comme le
masculin l’emporte sur le féminin en
grammaire, mais plus pour longtemps semble-t-il , les féministes
s’activent . L’écriture inclusive veut s’imposer ce qui n’est un progrès pour
personne.
Et s’il n’y
avait plus d’autorité(s) comme on a bien interdit la fessée par amendement du
parlement du 22 décembre 2016 que se
passerait -il ? Chacun peut imaginer ce
qu’il en serait de la vie en société. L’humanisme n’est pas incompatible avec
les principes de responsabilité et réalité il en est même consubstantiel. Un gouvernement doit faire des choix en
raison des besoins internes et notamment
pour le logement (plus ou moins de social, faut- il pénaliser les propriétaires
privés); la sécurité (la lutte contre le terrorisme justifie-t-elle une
législation rigoureuse tout en protégeant les libertés publiques et
individuelles ?), la justice (le
procureur doit- il être soumis à l’exécutif ou être totalement indépendant, ou
à quoi sert la prison ?) ; les impôts à qui servent ils ?; comment intégrer les
jeunes sur le marché du travail et ne pas pénaliser les retraités -dont je
suis- qui ont payé impôts et taxes toute leur vie et qui ne sont pas des privilégiés,
puisque en plus ils aident enfants et petits enfants ?.... Tous les sujets
doivent être traités avec un souci de résultats et de dimension humaine.
Humanisme et autorité sont donc compatibles, sachant qu’il y aura toujours des
mécontents et des moins gagnants que d’autres. Ne peut on baisser d’un ton,
essayer d’abord de faire prévaloir la raison et ne pas voir dans un
contradicteur un horrible raciste, un macho ou un ultra conservateur. Comme si
le progrès ne résultait que de ce qui
est minoritaire, ou d’arguments qui partent du cœur et ne sont ni objectifs ni
vérifiés.
L’Etat qui
dirige à ce jour 67,2 millions de citoyens et essaie d’intégrer ceux qui
appellent au secours doit trouver l’équilibre entre l’autorité sans qui rien ne
peut se faire et le respect de la vie et des libertés c’est-à-dire les valeurs
humanistes ou républicaines les deux se
confondant. C’est la grandeur de sa mission.
Réforme judiciaire : un
nouveau tribunal est né à BFM.TV ?.
Beaucoup
d’avocats de France protestent car la réforme de la carte judiciaire concoctée
par Mme Belloubet Garde des sceaux va entrainer la suppression de tribunaux ici
et là sur le territoire. C’est un problème de société sérieux. Des barreaux sont directement concernés, et
la justice près du justiciable risque de disparaitre. Mais les médias veulent
occuper la place et au nom de leur devoir d’information tout azimut ils jugent
en direct. Ce ne sont plus des comptes rendus judiciaires comme avant, mais de
véritables procès qui ont lieu en quelques minutes.
Je regarde
régulièrement BFM TV notamment à 19 heures où la distribution est souvent la
même : un thème de débats et quatre intervenants. Et Mme Ruth Elkrief comme
présidente d’audience-dans tous les sens du terme- , en toute impartialité cela
va sans dire. Quand il s’agit d’une affaire judiciaire ou d’un problème de
droit, on retrouve toujours les mêmes acteurs : un journaliste politique qui
est compétent quel que soit le sujet
économique, social, culturel et naturellement judiciaire ; un
sachant expert pour tout et rien ; un ancien magistrat qui lui connait le sujet ; un avocat parfois
; et un généraliste ou un sondeur. Je n’ai jamais eu autant d’informations sur
les sondages en toutes matières qui sont
désormais la vox populi qu’il faut suivre sinon on est marginalisé. Et on fait
le procès en direct, on s’interroge sur la défense hasardeuse du mis en examen,
des preuves de l’accusation que l’on connait par ouï dire ; de la réaction du
public, et on critique ce qui ne va pas aux yeux de ce tribunal des médias formé pour
l’actualité du jour. Naturellement il y a parfois des intervenants qui
expliquent à juste titre ce qui se passe et sont très compétents en faisant
œuvre pédagogique. Mais il n’y a quasiment jamais l’avocat du prévenu ou de
l’accusé qui pourrait faire connaitre la position de son client, sa
personnalité, ce qu’il réfute, pourquoi il a agi ou non… On s’indigne, on se
met à la place des victimes, on rappelle ce que pensent les français -
personnellement on ne m’a jamais interrogé ?- et on décide à demi-mot voire
clairement que la personne poursuivie est coupable. Je n’ai pas encore entendu,
mais je dois être un peu sourd, que telle personne poursuivie devait être
innocente. Car bien sûr on souligne que la présomption d’innocence est capitale
et que la vie privée doit être respectée, mais on les piétine
allègrement au nom de la liberté de l’information .Personne n’a lu le dossier
puisque seuls les avocats et les magistrats chargés du procès y ont accès : nos
experts ont eu des informations de façon indirecte par des confidences qui
violent soit le secret professionnel soit celui de l’instruction soit le
principe du contradictoire dans tout débat,
et qui sont diffusées dans l’intérêt de celui qui les communique, donc
ne sont ni fiables ni objectives. Mais nos experts concluent sans réserve généralement, de façon
péremptoire, générale et définitive sans argument de droit ou autre, à quoi
d’ailleurs cela servirait-il, sauf à perdre du temps !. Il faut que le public
qui n’y connait rien , soit éclairé par
ceux qui savent, l’élite compétente erga omnes
qui ne doute pas , et qui suivent la plupart du temps l’indignation de
l’opinion publique, cette catin comme
l’appelait Me Moro-Giafferi qui voulait la
voir être chassée du prétoire, car elle tire le juge par la main.
L’affaire de
M.Jawad Bendaoud dit le logeur de Daech pour avoir abrité des terroristes qui ont attaqué le bataclan,
est typique. L’opinion est indignée et hurle à la condamnation et ce n’est pas
moi qui va dire le contraire. Mais il y
a des limites à ne pas franchir dans un état de droit car si on fait des
exceptions pour M.Bendaoud, elles peuvent
se reproduire et être dangereuses sur le principe.
BFM TV
devrait être plus en retrait quand on
se rappelle qu’elle a interrogé en direct M .Bendaoud au moment où les forces
de l’ordre donnaient l’assaut à l’immeuble à Saint Denis où étaient logés les
terroristes, et lui a donné la parole dont il a profité. Celui-ci a pu dire
combien il était surpris d’avoir logé des terroristes et combien il était de
bonne foi ! (sic) .La France entière a ri de cette déclaration bien que les
faits soient dramatiques. Puis l’enquête
a commencé et on a appris la réalité de la personnalité de ce logeur qui se
déclarait innocent.
Sur BFM TV
vendredi 26 janvier à 19 h. il y a eu une émission sur le cas Bendaoud avec aux manettes Mme Elkrief qui a dirigé
les débats, plus un journaliste politique M.Gattegno, un journaliste polémique
M.VaL, une ancienne magistrate qui a présidé
la cour d’assises Mme Bernard-Requin , et mon excellent confrère Me Thibault de
Montbrial partie civile (il y en des centaines ce qui explique l’émotion dans
ce dossier qui n’est pas celui des terroristes) dans le procès contre
M.Bendaoud et qui sortait de la vraie audience. Débat intéressant par ailleurs
. Ce qui m’a chagriné c’est qu’aucun membre de la défense de M.Bendaoud n’ait
été convié ou se soit déplacé ? et que
l’on a organisé un quasi débat sur la
culpabilité alors que le procès était en cours. Il fallait attendre le jugement
puisque contre toute attente il a été
relaxé le 14 février 2018 de l’infraction de recel de malfaiteurs terroristes,
alors que l’autre prévenu Mohamed Soumah a été condamné à 5 ans fermes, et Youssef Aït Boulahcen a été condamné à 4
ans dont un avec sursis pour non-dénonciation de crime terroriste. M.Bendaoud
doit rire !. Les juges ont du
considérer qu’il n’y avait pas la preuve qu’il savait qu’il hébergeait des
terroristes et ses déclarations extravagantes à l’audience lui ont bénéficié. Les magistrats
ont fait du droit et n’ont pas cédé à la
pression du scandale et de l’émotion. Les parties civiles vont hurler et BFM TV
va expliquer cette surprise judiciaire ! Il y
a un appel du parquet. Comme quoi il faut respecter le temps judiciaire
parfois long.
Pourtant il
y a eu un précédent qui a eu lieu en décembre dernier lié à
l’immixtion des médias dans un procès, qui aurait du inciter à la circonspection. Le
procès devant la cour d’assises de Bobigny de M.Georges Tron ancien ministre et
député accusé je crois d’agressions
sexuelles et viols, a été renvoyé à une date ultérieure à la demande de la
défense et ce avec raison, notamment
parce qu’une émission de télévision a été diffusée pendant le procès, émission
qui n’était pas à la gloire de l’accusé .
On critique
aussi les avocats en direct soit parce que leur défense est jugée excessive ou
scandaleuse, (affaire Abdelkader Merah) soit parce que l’avocat un peu bavard semble avouer à la place de son client
(affaire Jonathan Daval) , soit parce qu’il assiste un client passé de victime à accusé (affaire Fiona)
soit parce qu’il est venu sur le plateau d’abord pour s’indigner des
accusations contre son client , rappeler le secret de l’instruction, puis quelques semaines plus tard
quand son client a avoué pour essayer de le rendre humain malgré la
douleur des parents (affaire Maëlys). Le méchant n’est pas l’avocat. Je plaide bien sûr pour ma paroisse. Etre auxiliaire de justice ne veut
pas dire que l’on doive accuser son client ou dire le contraire de lui. On
défend une vérité relative ou un individu même si on n’est pas évidemment d’accord avec ce qu’il a fait. On cherche les
quelques éléments objectifs pouvant atténuer sa responsabilité. Cela ne marche
pas toujours. La critique est facile mais l’art difficile
quand on est confronté à une situation exceptionnelle.
La justice
ne doit pas être un spectacle et on
n’est pas dans les jeux du cirque. Le devoir d’information des médias ne doit
pas se substituer au devoir d’impartialité et de réserve et ce quelque soit la
personne poursuivie que l’on peut haïr à titre personnel, et que les victimes
ont le droit de poursuivre pour obtenir réparations de toute nature. On ne doit
pas leur voler leur justice. Bien sûr les parties civiles n’imaginent pas que
les juges vont être indulgents ou vont faire du droit et ne pas condamner au maximum de la
loi. Voire acquitter si les éléments
constitutifs du crime ou délit ne sont pas réunis. Tout avocat qui a un peu
d’expérience et de prudence sait que tout peut arriver. L’opinion publique
n’intègre pas ces données. La justice est pour elle la condamnation voire la
vengeance. Mais dans un état de droit il faut respecter les règles comme celles
de la procédure pour n’importe quel individu même le plus vil d’être assisté
par un avocat, et de se défendre en racontant n’importe quoi.
Dans notre
société du show, de la transparence
exigée pour les autres, des fake news et de l’à peu près, de la bien-pensance
et de ses excès, l’objectivité veut
qu’en matière de justice personne ne se mette à la place des juges. Les
magistrats sont suffisamment décriés pour qu’on ne les remplace pas par des
caméras et des militants. Le tribunal de l’opinion télévisée ne doit pas siéger
tous les jours.
Et les
médias comme BFM en pointe sur le sujet ne changent pas une équipe qui gagne sans
estimer avoir une quelconque responsabilité dans ces violations de la loi. Si
les médias n’organisaient pas de débats tous les jours sur les affaires
judiciaires en cours au prétexte que
tout doit être connu, que le public doit savoir, il y aurait sûrement moins de buzz et la
justice serait sereine pour faire son métier. Son indépendance ne serait pas
soumise aux pressions de l’opinion publique et de ceux qui sont pressés d’en finir aux
risques d’une précipitation injuste voire d’une erreur judiciaire . Certes tout
le monde a le droit d’avoir son quart d’heure de gloire médiatique comme le
disait Andy Warhol. Mais imagine- t -on un débat où les participants se
retrancheraient derrière le secret de l’enquête, ou de l’instruction ou le
secret professionnel ? comme plaisantait
Coluche : « circulez y a rien à voir ». Les médias
périraient de rage .Ils ont besoin de confrontations ,de hauts parleurs d’une cause (on a avancé
le terme féminicide), d’enquêteurs journalistes sur le terrain qui refont le match si l’on ose dire, et
pourquoi pas d’une accusation et d’une défense qui plaideraient en direct avec
comme jurés tous les téléspectateurs : on gagnerait ainsi du temps,
puisque la justice est rendue au nom du peuple français. N’est -ce pas le
président de la république au congrès en juillet 2017 qui avait demandé aux
médias un peu de retenue ? Il n’a pas dû être entendu.
L’indépendance
de la justice passe donc par chacun d’entre nous qui aimons les faits divers,
et la chute des puissants. En oubliant que nous sommes tous des justiciables potentiels
et que les principes qui s’appliquent aux autres, peuvent aussi nous concerner.
Nous devons bannir une justice de ragots, de rumeurs ,de dénigrement et de
télé-réalité. Ce n’est pas la justice que l’on mérite dans un état de droit où
le symbole est fort pour apaiser les rapports sociaux et donner du sens à nos
actions.
Comme pour M.
Hulot dont on ne doit pas parler-ce que je fais- mais dont le cas a été évoqué
à longueur d’antenne et qui a pris l’initiative originale et inédite de démentir
une plainte qui n’était pas encore connue -aurait- t- il été informé
discrètement ou la rumeur vaut- elle un SMS ou un ancien télégramme ?-.Il
semble que les faits soient prescrits
avérés ou non, qu’ils datent d’il y a plus de 20 ans. Il n’y a ni enquête, ni
poursuites pour l’instant en février 2018 quand j’écris. Il n’est ni témoin
assisté ni mis en examen. L’avocat de la
plaignante dont on connait le nom Mme M. qui avait demandé à la presse de ne
pas évoquer le dossier tout en parlant avec des journalistes (on dirait un
oxymore ou comme une contradiction) a
déclaré que la prescription n’empêchait pas la vérité des faits, ce qui est
exact sauf s’ils ne sont pas établis ce que seule une enquête judiciaire contradictoire peut conclure. Mais
s’il y a prescription faut -il ouvrir un dossier quand même pour que la parole
qui s’est libérée puisse s’étancher ? Que veut la plaignante : que
son statut de victime soit reconnue
bien sûr et que M.Hulot démissionne, qu’il répare ? même si personne ne doute
de la souffrance de celle qui s’estime blessée et qui a besoin de passer à une
autre étape de sa vie.
Je suis
vert, mais de confusion , je n’achète
pas les produits de la gamme Ushuaïa et je ne connais pas le ministre qui
est assez grand pour se défendre
lui-même .Je peux donc dénoncer la violation de la présomption d’innocence
voire le secret lié à la vie privée du ministre que le gouvernement et Mme Schiappa soutiennent.
Il va
falloir ajouter un hashtag « balancequituveux.sans
t’occupersilesfaitssontanciensetétablis.tuserascrusurparole.l’odieuxpersonnagedoitpayer
».Pourtant je vous confirme mesdemoiselles et mesdames, qu’un homme a aussi une
conscience, qu’il sait assumer et
reconnaitre une faute vraie, peut exprimer remords et regrets, et qu’il souffre
des accusations qui touchent aussi sa famille. Les victimes ne sont pas
toujours dans un seul camp.
Et puisque
la justice est au cœur de notre société , parlons en.
De l’indépendance de la justice
bis repetita, et de son rôle dans
l’état de droit .
Tout le
monde s’accorde-sauf les condamnés qui s’estimaient innocents ou les soupçonnés
qui ont perdu une occasion d’atteindre le sommet- pour affirmer haut et fort
qu’il faut faire confiance à la justice surtout pénale de son pays et qu’elle
doit être indépendante ; que la séparation des pouvoirs telle que Montesquieu
la prescrivait exige qu’il n’y ait aucune immixtion dans l’appréciation des
juges ; qu’il n’y a plus d’instructions dans les dossiers individuels ce qui est parfait, même si un léger doute
persiste ; et que les juges du siège, ceux qui rendent les jugements et les
arrêts n’ont ni leçons à recevoir, ni
recommandations à appliquer. Le chancelier Antoine Séguier 1er
président de la cour d’appel sous Charles X disait que la cour rend des arrêts
et pas des services. Cela n’empêche pas
les campagnes de presse ou de diverses origines si un procès ne tourne pas
selon les désirs des bien -pensants, ou selon ceux qui sont dans le camp du
bien auto-proclamé qui est à géométrie variable ou de ceux qui combattent pour
une cause, y compris quand une ministre critique le système de défense d’un
avocat pour son client. Il y a aussi un débat récurrent qui concerne le statut
de ceux qui mènent l’accusation à savoir les procureurs , les avocats généraux
et leurs substituts.
La cour
Européenne des droits de l’homme de Strasbourg
a déclaré que les procureurs ne
pouvaient avoir un statut égal à celui des magistrat du siège, car ils tiraient
leurs fonctions des liens qu’ils ont avec le pouvoir exécutif c’est-à-dire le ministre de la justice dont
ils dépendent hiérarchiquement. Depuis
de très nombreuses années, quelque soit le gouvernement en place, personne n’a
été capable de proposer un système de remplacement qui fasse l’unanimité malgré
de multiples propositions dont la nomination d’un procureur de la nation. Aucun
projet de réforme n’aboutit et trouve une majorité parlementaire pour ce faire.
Dans sa décision n°2017-QPC du 8 décembre 2017 le Conseil Constitutionnel a
jugé : « le ministre de la justice ne peut adresser aux magistrats du parquet
aucune instruction dans des affaires individuelles…le ministère public exerce
l’action publique et requiert l’application de la loi dans le respect du
principe d’impartialité auquel il est tenu … il développe librement les
observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice… l’article
39-3 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 confie au procureur de la république
la mission de veiller à ce que les investigations de police judiciaire tendent
à la manifestation de la vérité et qu’elles soient accomplies à charge et à
décharge dans le respect des droits des victimes, du plaignant et de la
personne suspectée…Il décide de l’opportunité d’engager des poursuites… et à
l’audience la parole des magistrats du parquet est libre.. » .
Le Conseil Constitutionnel a donc décidé que les mots « et sous
l’autorité du garde des sceaux ministre de la justice » figurant à la première
phrase de l’article 5 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 sont conformes à la constitution.
On ne change
donc rien.
C’est ce que
M. Emmanuel Macron Président de la République a décidé et fait savoir lors de
la rentrée solennelle à la cour de cassation, sauf changement d’avis futur et
sauf modifications à prévoir dans la réforme , prévue celle-ci, de la
composition et du fonctionnement du conseil supérieur de la magistrature.
L’Elysée
milite pour la déjudiciarisation des
contentieux avec la numérisation et la simplification ainsi que la dématérialisation y compris dans
le champ pénal tout ceci pour
2019/2020.Le président est revenu sur la réforme de la peine avec des alternatives à l’incarcération, avec un plan pénitentiaire global .On a
annoncé aussi la création d’un parquet national
anti-terroriste véritable force de frappe judiciaire. Ce parquet reprendrait à titre
exclusif les compétences en matière de terrorisme confiées jusqu’ ici au
parquet de paris, qui doit gérer d’autres domaines aussi. On évoque M .François
Molins actuel procureur de paris pour prendre la tête de cette structure spécialisée.
Mme
Belloubet a dû affronter la révolte du personnel pénitentiaire. On ne pourra
pas éviter un grand débat et la prise de décisions sur les prisons.
Mais il n’y
a pas que la justice pénale qui intéresse le grand public par les faits divers,
par la personnalité et la psychologie qui conduisent au mal des criminels homme
comme femme, là il y a égalité ; ou le terrorisme qui fait peur et la
délinquance petite et grande qui les concerne directement. Selon la dernière
enquête de victimation de l’observatoire de la délinquance et des réponses
pénales 32% des sondés disent avoir été
témoins d’au moins une infraction ces 12 derniers mois [ le figaro 7 décembre
2017 page 10 et 11 ]. Il y a aussi la justice de tous les jours, civile,
commerciale, sociale, administrative, familiale. Mme Belloubet Garde des Sceaux
a lancé des chantiers qui vont au-delà des nécessaires budgets à augmenter sur
le plan matériel, du personnel qui n’est pas assez nombreux , des magistrats
qui manquent de tout pour être plus performants…On veut une justice plus
simple, plus rapide ,moins coûteuse, l’idéal donc. Encore faut il s’en donner
les moyens et considérer que la justice doit jouer un rôle central dans notre
société tant pour les droits individuels que pour l’intérêt général et
collectif quand il y a des menaces de toute nature. C’est ce qui motive le
citoyen , le justiciable qui préfère la victime
au délinquant, qui est honnête, paie taxes et impôts en râlant, subit ce
qu’il déplore sans tout casser ou brûler, et a besoin d’un arbitre, un juge
pour trancher ses différends. Le sénat a
proposé une réforme de la justice « clés en main » [le Figaro. Paule
Gonzalès. 24 juillet 2017 page 6] pour accélérer le vote de la loi
d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. Il s’agit
d’augmenter substantiellement le budget de la justice et de le
sanctuariser ; de revoir les implantations judiciaires ce que des avocats
traduisent par des suppressions de tribunaux ou cours d’appel, ou de
modification de leurs compétences , ce qui a entrainé des mouvements de
protestations, des « grèves » ! dans certains barreaux
inquiets ; de créer un guichet unique pour la justice du quotidien ce qui
permettra au justiciable d’éviter de rechercher son juge (sic)…Le sénat
propose plus de conciliation avec un
délégué du juge chargé d’arriver à une solution négociée, la réforme de l’aide juridictionnelle en rétablissant le droit de timbre (il était
de 35 euros par procédure et a été supprimé) ; et la consultation
obligatoire d’un avocat pour juger de la pertinence d’un recours (très bien j’approuve !).
Que ces
projets aboutissent vite ce qui aura peut être un effet sur les malaises
ambiants.
Malaises.
Parmi tout
ce qui ne va pas certains ont moins de chance que d’autres et subissent plus.
La grève des
gardiens de prison à la suite d’ agressions graves , a confirmé la dangerosité
de leurs fonctions et les risques qu’ils prenaient avec des sujétions fortes ,
pour un salaire que l’on peut qualifier d’insuffisant. Eux aussi sont privés de
liberté puisqu’ils exercent dans les
centres de détention pour faire en sorte que les peines de prison
ordonnées par les tribunaux soient exécutées dans les meilleures conditions
possibles. « Surveiller et punir »
comme l’a écrit Michel Foucault est un
devoir symbolique qui renvoie au
châtiment fonction sociale complexe qui doit décourager de transgresser la loi
, qui doit permettre la réparation pour les victimes et la société ; et
qui doit éviter la récidive. Mais qu’avons-nous trouvé de mieux, que la prison
dans des conditions acceptables, de plus «
humain » dans le pays des droits de l’homme pour les criminels endurcis,
dangereux, ou ceux qui nient nos valeurs, ne croient qu’en eux-mêmes et leurs
idoles, suppriment la vie des autres avec distance voire délectation, et veulent notre destruction ? Nous
devons mener une réflexion œcuménique et rapide puisque les menaces demeurent, que des catégories de
nouveaux délinquants apparaissent, et que nous ne savons pas encore comment
faire totalement face. Le réalisme doit l’emporter sur les bons sentiments tout
en nous appuyant sur nos principes humanistes. Sinon ceux qui nous haïssent
gagneront le combat des idées.
Les gardiens
de prison n’ont pas à pâtir de cette situation nouvelle. Ils ont droit à la
reconnaissance de la nation et à des conditions de travail décentes et
sécurisées. Il en est de même pour les forces de l’ordre.
Leur malaise
n’est pas passé. Ils en ont assez d’être des cibles vivantes, d’être accusées
de violences récurrentes et volontaires et de devoir répondre à la moindre
accusation ou rumeur. En août 2017 M. Jean-Marc
Falcone préfet et quittant son poste de directeur général de la police
nationale a déclaré que « plus que des primes les policiers veulent être
respectés ». Les policiers et gendarmes en ont assez de la violence à leur
égard, de leur morts et blessés, de passer de l’acclamation (après Charlie
hebdo) à la méfiance (l’affaire Théo qui a d’ailleurs évolué a priori en leur
faveur après le visionnage d’une vidéo) et de l’emballement des médias pour un
oui ou un non. Les pouvoirs publics ont réagi. La D.O.P.C. direction de l’ordre
public et de la circulation, a décidé de passer au crible ses systèmes de
maintien de l’ordre surtout lors des manifestations à Paris. Elle a créé une
cellule « synapse » avec des experts, des policiers de terrain, des
stagiaires de sciences po .et de polytechnique
et a adopté les méthodes d’un think- tank. Sa réflexion vise à inventer de
nouvelle tactiques contre les casseurs, et autres fauteurs de troubles [ le
figaro. 29 septembre 2017 page 10].
La
gendarmerie s’adapte aussi car elle a constaté que « la violence politique
a peu à peu dérivé vers des violences urbaines éclatant dans des contextes
éruptifs, plus réactifs ».(zadistes, altermondialistes, black blocks…).
Dans son
discours devant les forces de l’ordre le 18 octobre 2017 le Président de la
République les a exhortées à « être fortes et justes, jamais faibles
pour combattre l’insécurité et la menace terroriste car les français ne
supportent plus l’impuissance politique ». Qu’il soit entendu et que
les paroles se transforment en actes dans la mission régalienne de l’Etat, et
ailleurs aussi.
Sur la délinquance de toute nature.
Le bilan
2017 n’est pas très encourageant. La dégradation concerne tant les cambriolages
que les violences. Notre ami Christophe Soullez
directeur de l’observatoire national de la délinquance et des réponses
pénales a précisé que le ministère de l’intérieur ne pouvait tout faire, que la
justice doit s’impliquer davantage, et qu’il faut remédier au manque de places
en prison. [ le figaro du 26 janvier 2018 page 8]. Selon notre ami éminent criminologue Alain Bauer « les chiffres sont toujours partiels,
parcellaires et parfois partiaux.. » (ibid). Il recommande de s’appuyer
sur les résultats de l’enquête annuelle de victimation réalisée par
l’observatoire. Il ajoute qu’avec « les attaques de tout porteur
d’uniforme il y a une sorte de désocialisation, et l’image et la crédibilité de
l’Etat se dégradent ». Il déplore le défi de la violence de
proximité : « la réponse apportée a toujours été la politique de
la ville au nom d’un prétendu lien mécanique entre l’habitat et la criminalité.
Mais la réponse sociale n’est que partielle… ». Que faire des
délinquants ?
Madame
Adeline Hazan contrôleur général des lieux de privation de liberté a dénoncé
les conditions de vie des détenus soumis à la surpopulation carcérale ;
elle est hostile à la construction de nouvelles places : « il
faut se défaire de l’idée selon laquelle le nombre de personnes emprisonnées
est lié à l’état de délinquance du pays , la relation entre ces deux données
est en réalité très indirecte ».[ le figaro. 7 février 2018 page 10].
Alain Bauer avait ajouté : « en matière d’incarcération nous
sommes dans la prise de position morale plutôt que légale. Le code pénal impose
la prison pour tous et tout. Ce qui n’a pas de sens…la détention devrait être
réservée aux condamnés pour des violences physiques et d’application immédiate…
alors peut-être pourrait-on résoudre la contradiction entre ce quoi elle est
censée servir et ce que l’on n’y fait pas, c’est-à-dire réinsérer et
éduquer ».
En matière
de délinquance on s’occupe aussi du trafic de cannabis. On évoque sa
libéralisation . Certains magistrats semblent réservés face à la simple amende
pour usage de drogue et regrettent l’absence de politique de santé publique.
Cette future procédure allégée laisse à l’écart toute réponse sanitaire indique
Mme Parisot secrétaire nationale de l’U.S.M.
De son côté
Mme Katia Dubreuil présidente du syndicat de la magistrature indique
« qu’une amende n’a jamais permis de résoudre les problèmes
d’addictologie ». Elle milite pour
une légalisation du cannabis. La conférence des procureurs répugne par principe
à tout dispositif automatique.[ Mme Paule Gonzalès. Le figaro du 7 février 2018
] . Le débat reste ouvert.
Pour les
incivilités qui agacent voire plus tout le monde, il y a du nouveau.
Comme dans
la ville de Calais -qui a elle des soucis plus graves- la ville de Paris a
assermenté des gardiens d’immeubles pour constater tout délit ou infraction
« portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde » et dresser
des P.V. avec des amendes pouvant aller de 17 euros à 1 500 euros. Ils
sont agréés par le préfet du département. D’autres maires notamment de banlieue
s’intéressent à ce dispositif.
Par ailleurs
la France est toujours la cible de cyberattaques. Les services du premier
ministre ont rédigé un livre blanc décrivant les menaces et qui conclut à la
nécessité de « durcir » les réseaux sensibles du pays. L’Etat est
visé, ainsi que des opérateurs d’importance vitale en charge d’activités
militaires, de l’énergie, de l’industrie, des télécommunications , de la
finance ou de l’alimentation. Louis Gauthier
secrétaire général du S.G.D.S.N.
a dévoilé une revue stratégique de
cyberdéfense, rendue publique dans sa version expurgée. [ le figaro .13 février
2018. Page 9].
Enfin le
ministre de l’intérieur a exposé sa conception de la protection
des citoyens avec la police de
sécurité du quotidien (P.S.Q.) créée après une très large consultation de plus de 70. 000 policiers et
gendarmes. Il s’agit de supprimer des tâches non opérationnelles comme les
gardes statiques et de rendre à
l’administration pénitentiaire les extractions judiciaires ; de réinjecter le personnel sur le
terrain ; d’améliorer la procédure pénale ; de numériser les P.V.
transmis aux magistrats ; de confier aux chefs de service territoriaux des
objectifs qu’ils fixeront eux- mêmes… Il a défini 60 sites de « reconquête
républicaine » tant en zones police qu’en zones
gendarmerie…M.Eric Morvan qui a
succédé à M.Falcone à la tête de la
police nationale a expliqué que la police de sécurité du quotidien
est mise en place partout sur le
territoire, et elle doit redonner de la
disponibilité aux forces de l’ordre ; c’est une police « sur
mesure » à la fois préventive et répressive ; les policiers malgré
leur malaise savent se mobiliser ;
mais ils veulent être reconnus, attendent du respect car ils incarnent
l’autorité de l’Etat ; et
souhaitent que la justice aussi fasse un
effort en matière de « justice du quotidien ». [le figaro.9 février 2018 page 11].
Considérations générales sur le terrorisme.
Comme l’a
déclaré le président de la république devant les ambassadeurs la politique
étrangère de la France participe de notre protection. Il a nommé le
« terrorisme islamique » comme le grand danger. Le dispositif
militaire en opérations extérieures joue
un rôle essentiel. L’Europe doit aussi se mobiliser.
Il faut lire
le numéro 1 de janvier 2018 du nouveau
magazine « contre terrorisme » publié sous la direction de M.Mohamed
Sifaoui qui explique sa création pour les raisons
suivantes : « il fallait informer l’opinion publique sur une
réalité que dis-je ! une menace, qu’elle devra affronter durant-nous le
déplorons tous- au moins une génération. Le terrorisme fut et restera une
violence que les extrémistes politiques ou religieux, la plupart des ennemis de
la démocratie, ne cesseront d’utiliser le plus souvent contre des populations
civiles… ».M.Sifaoui a réuni dans sa rédaction une équipe de spécialistes
pluridisciplinaires pour analyser et
essayer de comprendre. Il écrit :
« je
pense qu’il faut rompre avec la culture de l’à peu près et de l’approximation
et du niveau proposé à travers les réseaux sociaux notamment qui ont fait
émerger des acteurs toxiques cherchant à investir le sujet par effraction et
là, pour le coup ,tous nourris le plus souvent sinon par une quête d’une quelconque notoriété
ou par leurs agendas respectifs ,par un affairisme indécent et indigne… ».
Il a raison. La plupart des experts-dont je ne suis pas- de tout et de rien et
surtout auto-proclamés n’apportent aucune solution concrète en terme de
prévention ou de protection, ni de
gestion des individus concernés, et encore moins dans l’accompagnement des
victimes. Si la sécurité est l’affaire de tous, tous ne doivent pas s’en mêler
car ils n’ont aucune légitimité. M.David Thomson journaliste
lauréat en juillet 2017 du prix
Albert-Londres pour son ouvrage « les revenants » édition poche
point, a enquêté sur le terrain sur les djihadistes français qui reviennent de
Syrie. Son témoignage sur l’univers mental des combattants de Daech est
effrayant :[le figaro 29 janvier 2018 page 2 et 3]. « ceux qui
tournaient en dérision mes propos en 2014 quand j’essayais de les alerter sur
les intentions terroristes des djihadistes français partis en Syrie ont encore micro ouvert dans
tous les médias audiovisuels. De nombreux experts de la non-expertise monnayent
leur label « vu à la télé » auprès de l’autorité publique et certains
ont fini par avoir l’oreille du précédent gouvernement .D’où les retards et
erreurs d’analyse en France face à la menace terroriste… la déradicalisation
institutionnelle est une chimère… en rejoignant un groupe terroriste les
djihadistes savaient où ils mettaient les pieds… et promettaient de mettre la
France à genoux… il n’y a aucune différence à faire entre un homme et une femme
en matière de djihadisme les niveaux de détermination et de dangerosité sont
les mêmes … ».
M.Thomson
termine en affirmant : «un revenant m’a dit : j’ai quitté la
Syrie pour fuir Daech et j’ai retrouvé Daech à Fleury-Mérogis ». Le débat sur les revenants surtout les femmes et
les enfants divise. On essaie de trouver
la solution la moins « nuisible »possible…pour eux puisque on a
des principes, et gagnante pour nous.
M.Salah
Abdelsam lors de son procès en Belgique a refusé de répondre aux questions sauf
pour faire l’apologie du djihad, puis
n’a plus voulu comparaitre devant les juges. Il n’allait pas s’expliquer devant
les victimes ou proférer des remords.
Que pouvait- on attendre d’autre de lui ? Selon moi mais j’espère
me tromper, un accusé de ce « calibre » ne craque pas, ni devant les
questions des avocats parties civiles , ni devant les accusations du ministère
public ni devant les investigations
incisives du président de la cour ou du
tribunal et ne cède pas à l’émotion ambiante. Il préfère être condamné puisqu’il est
un martyr de la cause.
Il faut
cependant juger les terroristes ou leurs complices fournisseurs de logistique
qu’ils se taisent en arguant de leur droit au silence, ou qu’ils paradent comme
M .Bendaoud pathétiquement. Juger un djihadiste
est important car cela permet de faire savoir publiquement que les
règles de droit ont été respectées , que le procès dans un état de droit honore tous les démocrates et nous grandit.
Ne pas les juger serait justifier leurs délires qu’ils prendraient pour une
victoire.
Enfin je
donne la parole à un vrai spécialiste responsable à savoir M. le procureur de
paris François Molins qui s’est exprimé le lundi 12 février par une conférence à l’IHEDN : il y a actuellement (février
2018) 490 dossiers judiciaires ouverts avec 430 mis en examen. C’est
considérable et cela concerne directement ou non environ 1500 personnes. On a
adapté notre législation. Désormais on poursuit sauf exception , sous la
qualification d’association criminelle de malfaiteurs terroristes ce qui permet de
prononcer des peines allant jusqu’à 30
ans de prison ou à perpétuité. La cour de cassation a validé cette
interprétation du droit. Pour les facilitateurs, les recruteurs ou les fournisseurs de moyens, les poursuites
sont délictuelles avec des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison. Les velléitaires ceux qui veulent partir ou
tenter, et s’intégrer à une cellule
criminelle sont très suivis car ils
sont dangereux. Enfin pour les femmes dont on pensait jadis qu’elles avaient
des tâches familiales notamment de pourvoir le califat de lionceaux
qui prendraient la suite, on s’est aperçu qu’elles avaient aussi un niveau
de dangerosité avérée. Certes les profils sont variés et on les étudie au cas
par cas. Mais en septembre 2017 Daech officiellement a appelé les femmes et les enfants à participer sous
toute forme au djihad armé. A leur
retour elles sont envoyées en garde à
vue puis après mise en examen sont
placées en détention. Il y en a actuellement 120 dont 40 en détention. Les
enfants ont vécu la guerre et ont été endoctrinés y compris à la violence. A partir de 13 ans ils sont poursuivis
pénalement avec des mandats d’arrêt, des gardes à vue, souvent à travers le
parquet de Bobigny puisqu’ils rentrent en France par Roissy.
Il y a
désormais une massification des contentieux terroristes. On poursuit aussi
l’apologie hors du cadre de la loi de
1881 sur la presse. Sous la coordination du parquet de paris qui a une
compétence nationale, l’action est menée par l’ensemble des parquets sur le
territoire pour les signaux de faible
intensité, avec l’aide des préfet et de leurs nouveaux pouvoirs.
M.Molins a
conclu en disant que les enjeux majeurs étaient les suivants :
-le partage
de l’information notamment avec les services de renseignement dont les
activités ont été légalement sécurisées : on peut se passer des PV et
dossiers ;
-la
judiciarisation à venir des militaires
qui vont contribuer aux enquêtes et au renseignement ;
-
l’amélioration constante de l’arsenal législatif pour s’adapter en permanence
aux nouvelles menaces ou formes d’attentat ;
-comment
éviter la récidive et comment gérer et
suivre ceux qui sont détenus, puis qui vont être libérés avec ou sans contrôle judiciaire.
Souvenirs judiciaires.
L’actualité
me permet de parler de moi, ce qui n’est pas pour me déplaire ! vous
voudrez bien me pardonner.
C’était il y
20 ans et plus…
Ce 6 février
2018 le Président de la République Emmanuel Macron a commémoré sur place à
Ajaccio le souvenir de l’assassinat du Préfet Claude Erignac par un commando comprenant Yvan
Colonna. Il s’agissait de rendre hommage à un homme sacrifié sur l’autel de la
politique par la violence, et montrer
que l’Etat se continue, qu’il ne cède ni aux menaces ni aux attaques -internes
comme externes - et que l’autorité républicaine ne se délite pas en fonction de
la conjoncture électorale qui a vu
arriver au pouvoir les autonomistes.
Le Préfet
Claude Erignac a été tué le 6 février 1998 alors que sans arme, sans protection
policière, à pied il rejoignait son épouse au théâtre. Il fut exécuté par trois
balles tirées dans le dos.
J’ai
participé comme avocat partie civile à tous les procès contre les membres du
commando et Yvan Colonna qui ont duré de 2003 à 2011 devant la cour d’assises
anti- terroriste de Paris. Ce furent des procès difficiles sous le feu
des projecteurs, des médias qui guettaient informations, rebondissements,
polémiques, commentant témoignages et déclarations des uns et des autres ; avec
un large public dont les familles des personnes poursuivies, acquis
à leur argumentation et certains
de l’innocence d’Yvan Colonna…
Avant de
tuer le préfet quelques mois plus tôt le commando avait attaqué de nuit la
gendarmerie de Pietrosella. Tandis qu’une partie du commando faisait sauter par
explosif les bâtiments, conformément à l’usage ! l’autre partie des membres
avait pris en otage deux gendarmes, leur avait mis sur le visage une
cagoule ou plus exactement un sac pour
qu’ils ne voient rien ce qui ajoute à la peur, les avait baladés dans le maquis
en leur annonçant qu’ils allaient être exécutés. Finalement ils relâchèrent les
gendarmes qui n’oublièrent pas le
traumatisme qu’ils avaient subis. Mais en s’enfuyant le commando vola les deux armes de service
des gendarmes qui furent déposées comme signature, pour rappeler le premier
défi à l’Etat, au pied du cadavre du préfet le 6 février 1998.
Je ne
reviens pas sur le fond des débats qui appartiennent à l’histoire judiciaire
sauf pour dire que la défense des membres du commando - Yvan Colonna plaida
qu’il était innocent de tout - se résuma
notamment à soutenir qu’il n’avait pas voulu tuer l’homme, mais qu’il avait
éliminé le représentant de l’Etat qu’il détestait et qui était responsable
depuis des années des difficultés du peuple Corse.
J’étais
partie civile pour un gendarme. Me Caty Richard pénaliste de grande qualité
assistait l’autre gendarme. L’Etat était représenté par le talentueux et
incisif Me Benoit Chabert. La famille Erignac, sa veuve Dominique et ses
enfants qui ne manquèrent aucune audience, en étant dignes et sans haine malgré
ce qu’ils entendaient, était défendue par le célèbre Me Philippe Lemaire.
Robert , frère de M.Claude Erignac était défendu par Me Vincent Courcelle
-Labrousse pénaliste confirmé.
La défense
du commando comprenait des avocats de
talent et était notamment assurée par Me Vincent Stagnara bâtonnier du barreau
de Bastia. Ce confrère fera une chute du troisième étage de son immeuble et
disparaitra en 2010. Le procès du
commando se termina le 11 juillet 2003. Les deux principaux protagonistes
furent condamnés à la réclusion criminelle à
perpétuité (ils sont toujours détenus) ; des complices à 30 ans (qui
furent ensuite acquittés) et les autres membres à diverses peines de prison.
Le 4 juillet
2003 donc quelques jours avant la fin du procès du commando, Yvan Colonna que
toutes les polices de France et de Navarre recherchaient, fut capturé dans le maquis
, pas loin de son port d’attache à savoir Cargèse. On s’interrogea pour savoir
s’il fallait suspendre le procès du commando. Après discussions animées il n’en
fut rien .Yvan Colonna principale « vedette », « bénéficia » d’un procès rien
que pour lui, plus tard.
Le procès
d’Yvan Colonna débuta en fin 2007. Il
fut condamné, il fit appel en 2009 : à l’audience il se fâcha, quitta le box,
et ses avocats le suivirent. Il fut encore condamné. Il y eut un pourvoi en
cassation et le dernier procès eut lieu en juin 2011. Il fut une nouvelle fois
condamné le 20 juin 2011 à la réclusion criminelle à perpétuité, sans peine de
sûreté. Son pourvoi en cassation fut rejeté, de même que son recours devant la
Cour Européenne des droits de l’homme. Il purge sa peine sur le continent, et
non en Corse ce qui est selon lui et ses avocats une double peine.
Me Philippe
Lemaire défenseur acharné de la mémoire et de l’action du préfet Erignac,
décéda quelques jours après l’ouverture du dernier procès contre Yvan Colonna.
Il fut substitué par Me Yves Baudelot pénaliste de grande notoriété.
Me Stagnara
avait été remplacé par le rugueux Me Antoine Sollacaro bâtonnier d’Ajaccio. Il
sera abattu en 2012 sur son île par des tueurs qui lui logèrent des balles dans la tête alors qu’il
faisait le plein d’essence de son véhicule.
Yvan Colonna
fut défendu outre par Me Sollacaro par des avocats pénalistes de grands talents dont Me Dupont-Moretti, Me
Maisonneuve ; Me Garbarini ; Me Dehapiot. Et surtout par Me Gilles Siméoni
ayant une connaissance stupéfiante des volumineux dossiers, accrocheur et
pugnace. L’histoire est passée. Me Siméoni est désormais un homme politique, maire de Bastia et
président de l’exécutif Corse, c’est-à-dire selon les autonomistes de « l’Etat Corse ». Il doit donc composer avec le
représentant de l’Etat sur place puisque il a un devoir de responsabilité. Il
n’a pas dû apprécier le discours du président de la république le 6 février
disant notamment que l’exécution d’un préfet était inacceptable et ne se
plaidait pas ? Il va devoir gérer ses contradictions.
Me Jean-Guy
Talamoni, avocat, devenu aussi homme politique, élu régional et actuel
président de l’assemblée Corse, était un témoin récurrent pour tous les procès.
Il a refusé, je crois, d’écouter le président de la république.
L’accusation
fut soutenue par des avocat(e)s généraux de grande classe résistant aux coups de
boutoir de la défense, et les présidents successifs, malgré la tension ,
l’opinion publique corse, des attaques diverses, surent mener à bien et à terme
les procès. Il y eut de multiples coups de théâtre et surprises. Ainsi lors du
dernier procès d’Yvan Colonna le directeur de la police nationale en personne
qui venait témoigner fit état d’une lettre qui avait été saisie, lettre envoyée
de prison à prison selon des modalités non éclaircies par Yvan Colonna demandant à un membre du
commando de l’innocenter. Cette lettre fut beaucoup discutée, tant sur sa
véracité que son origine. Les avocats d’Yvan Colonna se posèrent même la question de savoir si ce n’était pas
un faux émanant d’une officine. Il y eut du tumulte. Le Président Hervé Stéphan
remarquable, réussit à rétablir une certaine sérénité des débats, et le procès
prit fin avec la condamnation d’Yvan Colonna.
Ce sont ces
souvenirs qui me sont remontés à la mémoire le 6 février dernier.
Aucune cause
surtout politique dans notre démocratie ne justifie l’assassinat d’un homme,
fût -il le représentant d’un Etat exécré. Le commando a ajouté du malheur au
malheur. Les membres se sont trompés. Ils ont voulu à quelques uns -quel culte
du moi- modifier le destin de la Corse et faire céder la République. Ils ne
pouvaient réussir. Ils le paient de leur liberté ce qui n’est que justice, car
l’Etat c’est-à-dire tous les français ont été touchés par la mort de l’homme
aussi préfet, et la famille Erignac souffrira à vie.
C’est à Mme
Erignac toujours droite et mesurée que
revient le dernier mot : « oublier un crime est un crime…j’espère que la
République ne faillira pas. »
Pour terminer sans conclure.
Chacun a son
idée de ce qu’il faut faire ou non dans tous les domaines. C’est comme pour
l’équipe de France. Il y a autant de sélectionneurs que de français. On peut
discuter à l’infini de dispositions matérielles, de lois nécessaires, de droits
et de devoirs , de fraternité indispensable, de tolérance partagée, d’accueil ,
de compréhension sauf de ce qui
dépasse notre entendement moyen
et raisonnable. Mais la raison a cédé la place à l’émotion , à l’urgence, à la
fureur, à la violence. Cette escalade doit cesser sans pour autant que notre
vigilance soit amoindrie.
Dans « La
France d’hier » éd. Stock. fév.
2018 le philosophe Jean-Pierre Legoff
écrit : « le plus profond besoin spirituel des hommes n’est ni la
justice ni l’ordre mais la signification. Chaque personne a besoin que sa vie
signifie et non seulement par son insertion dans quelque vouloir ou dans
quelque entreprise collective ».
Article rédigé en janvier-février
2018 pour l’Auditeur revue de l’ANA-INHESJ qui sera diffusée en mars -avril
2018.
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