lundi 25 septembre 2023

Le syndrome de Pinocchio

 

                                        Le syndrome de Pinocchio

                     Par Christian Fremaux avocat honoraire

Est- il nécessaire de mentir ou de raconter n’importe quoi pour faire avancer la société ? Le progrès se construit- il sur du faux ? Le citoyen se laisse -t -il prendre par les billevesées qui annoncent l’apocalypse ? Tout ce qui est excessif est insignifiant disait le prince de Talleyrand.

Nous sortons d’une belle semaine. Nous avons accueilli avec ferveur le Roi Charles III qui règne mais ne gouverne pas. Cela nous plait, nous qui vivons dans une monarchie républicaine selon la formule de l’illustre professeur de droit Maurice Duverger. Les bleus ont passé un carton en rugby à la Namibie. L’équipe exprime la cohésion avec ses diverses personnalités talentueuses, sa force et sa discipline en mêlée, l’attaque incessante, sa résilience quand il le faut, donc l’image que l’on souhaite de notre nation. Surtout quand les joueurs chantent vraiment la Marseillaise et qu’on ne parle pas de mercato à plusieurs millions d’euros. Le spirituel faisant défaut dans notre vie quotidienne on s’est réjoui que le pape vienne à Marseille, en France a-t-il précisé. Certes depuis la loi de 1905 la laïcité a remplacé à juste titre l’organisation civique de la fille ainée de l’église, mais dans les communes les églises restent au centre du village. Il a indiqué que nous n’étions pas envahis mais qu’on nous demandait l’hospitalité et qu’il fallait ouvrir les bras. La France est fière de son droit d’asile à condition qu’il ne soit pas dévoyé et en pouvant choisir ceux qui deviendront des citoyens. Et qu’on ne nous accuse pas des pires sentiments négatifs. Mais sa sainteté n’a pas proposé que les migrants surtout réellement mineurs se réunissent place saint -pierre et que l’Etat du Vatican prenne sa part concrète dans la situation de migration actuelle. Jamais Dieu ne remplace César. Personne n’a le monopole de l’humanisme.

C’est le samedi 23 septembre que tout s’est gâté avec les manifestations contre les violences policières ce qui serait une priorité absolue. Avant même la lutte contre les délinquants de toute nature et l’insécurité en général. Deux tentatives d’attentats sont déjouées chaque mois ! Était- ce pour rappeler aussi que la république est supérieure à une monarchie même constitutionnelle, ou que le pape n’a qu’un pouvoir intemporel et que les êtres humains souffrent partout dans le monde y compris dans notre cher et vieux pays ?  On ne le saura pas car les gentils organisateurs pacifiques et tolérants à géométrie variable par choix, n’avoueront rien. Ils n’ont qu’une cible : la police qui tue, soyons nuancés !

Dans tout le pays il y aurait eu une vingtaine de mille manifestants. C’est peu au regard des millions de citoyens dont la majorité reconnait le rôle essentiel de protection et de secours des forces de l’ordre, et qui préfère les innocents aux voyous. Mais la minorité qui hurle est agissante et hétéroclite et use de son droit de manifester non discuté sous l’œil vigilant des policiers qui s’exposent à être pris à partie ou malmenés et qui disposent de la violence légitime parfaitement légale. Paradoxe quand tu nous tiens.

Les cortèges étaient composés de tous ceux et celles qui sont mécontents, mais pour eux leur haine vient de la faute des autres, de tous les pouvoirs, de ceux qui ne leur donnent pas raison à première revendication, et notamment des élus dont le président de la république et plus généralement de l’Etat sachant que l’Etat c’est nous tous, donc moi aussi. Le mieux serait de supprimer toutes les élections et les institutions démocratiques, puisque ce serait la rue qui dirigerait. Enfoncés la république, la monarchie, le pape, des citoyens venant de nulle part mais éclairés par leurs bougies ont la science infuse. Pour arriver à leurs fins politiques, ils sont prêts à raconter n’importe quoi, à mentir s’il le faut car leurs ambitions seraient justes, à extrapoler, à affirmer sans élément incontestable et à exacerber les tensions. L’état de droit ne les concerne que quand il est à leur avantage. La justice est partiale avec certains notamment les soi -disant racisés ou discriminés systémiques, sauf si les juges partagent leurs convictions. Ce fut le cas samedi et c’est ce qui me désole.

Dans le cortège il y avait des gilets jaunes se disant martyrs de tirs de l.b.d.et des comités de soutien à des prétendues victimes de la police qui serait le bras armé du racisme institutionnel , quelles que soient les décisions de justice rendues ; des membres de la Cgt qui sont pour la justice sociale ce qui est loin du domaine de la police ; des mécontents de tout, de l’inflation à la réforme des retraites en passant par le réchauffement climatique ou la théorie du genre ;  et enfin des membres du syndicat de la magistrature ce qui m’a choqué.

Il y a eu des heurts comme d’habitude et une voiture de police attaquée par ce qui serait une bande de black -blocs toujours présents au rendez- vous. On n’a pas vu un manifestant ou des centaines de manifestants sur place tenter de venir aux secours des policiers ! Il y a eu des interpellations et la justice va être saisie, je l’espère. Mais peut -on être partie au défilé, témoin de la scène et … juger ceux qui sont déférés ? Il va y avoir pour les parties civiles de la récusation dans l’air. Avec la présence du syndicat de la magistrature à la fête de l’humanité puis qui défile aux côtés de délinquants attendus en validant au moins implicitement les slogans anti flics, c’est le devoir d’impartialité et de réserve qui disparait. Et la distinction entre je n’ai rien contre la police mais je combats les violences policières qui sont d’ailleurs condamnées avec rigueur quand elles sont avérées est un argument byzantin et trop subtil pour moi. Je ne crois pas que la confiance dans la justice s’accroit avec ces comportements.

Immédiatement des politiques ont accusé le ministre de l’intérieur d’être responsable des débordements et exigé la suppression de l’I.g.p.n voire la police elle -même pour la remplacer par je ne sais quoi de proximité ,un peuple sélectionné ou l’opinion publique ? Des médias objectifs vérifient la réalité des images et des paroles pour savoir s’il s’agit d’intox, de fake- news ou de montages. On s’aperçoit que le mensonge ou les demi-suppositions sans preuves sinon les approximations orientées sont à tous les étages. On n‘attend pas la fin des enquêtes judiciaires pour accuser et condamner. Si le supposé et utile coupable ne l’est pas, tant pis pour lui. La cause d’abord.

Mentez, dissimulez, tronquez il en restera toujours quelque chose. La société libéro/étatique serait forcément responsable de tout ce qui ne va pas. La responsabilité individuelle se dissout dans la foule indignée et l’absence de devoirs collectifs ! A tout dramatiser on amplifie à tort les problèmes et on empêche les solutions d’émerger. 

Geppetto a perdu la maitrise de sa marionnette le pantin Pinocchio dont le nez s’allonge quand il ne dit pas la vérité. Elle est entre les mains d’une poignée d’individus qui veulent imposer leurs certitudes croyant qu’elles sont bonnes pour l’intérêt général. Ils sont dangereux et sans panache. N’a pas le nez de Cyrano de Bergerac qui veut.    

vendredi 15 septembre 2023

L’arlésienne à la barre

 

                                      L’arlésienne à la barre

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

L’indépendance de la justice est comme le monstre du Loch Ness : un serpent de mer. Dans notre constitution de la Vème République la justice est une autorité ce qui vexe ceux qui en sont et qui s’estiment bien plus haut que cela. Outre le droit ils devraient aussi connaitre le sort d’Icare. Elle n’est pas un pouvoir comme l’exécutif ou le législatif et la théorie de Montesquieu n’est pas suivie. C’est le général de Gaulle en 1958 qui en a décidé ainsi. Il devait avoir une bonne raison ? D’autant plus que les gouvernements successifs de gauche comme de droite ne se sont pas lancés dans une réforme d’envergure. Ils l’ont annoncé ou constitué des colloques ou commissions d’étude. Point. L’opinion publique joue -t -elle un rôle pour que rien ne change ? Le débat concerne surtout l’indépendance des procureurs mais pas seulement. Et globalement la légitimité des juges n’ayant pas subi l’onction populaire. Puisqu’ils sont nommés et que le Garde des Sceaux en suivant des avis corporatistes se préoccupe de leurs promotions ce qui apparait comme un entre soi. 

On ne touche aux lois que d’une main tremblante. A la Constitution encore plus. Pour les juges on n’ose pas mettre un doigt dans l’engrenage. Ce n’est jamais le bon moment pour s’attaquer aux problèmes de fond connus et reconnus concernant les magistrats. On préfère parler à juste titre d’ailleurs, de budgets, de délais, de manque de moyens et de personnel qui sont de vraies difficultés. Mais la qualité des hommes et les femmes qui jugent est aussi déterminante. Ceux et celles qui décident au nom du peuple français doivent assumer qu’ils peuvent défaire une carrière ou la ralentir, se tromper ou refuser ou accepter tel fait ou ajouter à la loi, par leur interprétation des textes dans un contexte politique flottant ou social très chaud, ou environnemental contesté ou autre considération personnelle. Ce sont les arbitres de notre Etat de droit fondamental pour la démocratie à la suite d’un concours ardu passé souvent très jeunes après des études brillantes mais sans expérience du terrain ou de l’individu qui parfois substituent leurs avis à la volonté populaire. Et peuvent commettre des erreurs comme n’importe qui. Doivent- ils échapper à leurs responsabilités et rendre des comptes ? La réussite à une sélection confère -t-elle l’irresponsabilité à vie ?  

C’est la grande question puisque nul n’est plus égal qu’un autre citoyen, et que chacun doit assumer les conséquences de sa propre décision. On ne peut se cacher derrière le paravent de l’Etat ou d’une immunité de fait sinon de droit tout en gardant son libre arbitre, son indépendance quand il s’agit de se prononcer et de motiver le jugement ou l’arrêt. Et faire carrière car il faut gagner – le mieux possible - sa vie. Reconnaissons que trouver un équilibre est un vrai défi et on comprend que les politiques y vont à reculons. Mais leur honneur est d’être courageux, pas pour eux mais au profit des justiciables donc de tous les citoyens. On ne peut plaire à tout le monde : le grand écart est réservé aux plus souples et entrainés.


Comme la femme de César, la magistrature ne peut être soupçonnable. Or on apprend que des membres du syndicat de la magistrature [S.M.]  Institution qui regroupe environ un tiers des 9.000 magistrats en France ce qui est considérable, participent à la fête de l’humanité du parti communiste (avec le rappeur Médine) et discutent avec les héritiers de Staline et de Trotski - Poutine ou Kim Jong Un étant actuellement hors-jeu et M. Mélenchon pas disponible - de violences policières, de l’insécurité, du capitalisme à bannir ou de la propriété qui spolie, voire de l’immigration. Sujets pas seulement juridiques, car tous éminemment politiques, polémiques et qui sont dans l’actualité.  On rétorquera que ce sont des simples syndicalistes qui s’expliqueront et échangeront sans forcément approuver leurs interlocuteurs en vertu de leur liberté d’expression de citoyens et pas des juges en tant que tels. Mais s’ils étaient d’accord avec les politiques, comment le sait- on ? Leurs jugements reflèteront - ils une idéologie malgré leur devoir de réserve ?

Les querelles byzantines et sémantiques sont dépassées. Certes je connais la théorie d’Ernst Kantorowicz des deux corps du roi, le premier mortel et naturel le second surnaturel et immortel. Mais comment fonctionne un syndicaliste militant en même temps juge professionnel pour faire la distinction intellectuelle et concrète entre ses convictions partisanes que chaque citoyen a le droit d’avoir et l’application de la loi qui est celle de tout le peuple y compris de la majorité silencieuse, et qui nécessite impartialité et réflexion outre de prendre de la hauteur surtout si celui que l’on doit juger est pour soi dans le camp du mal, ou que la cause à  apprécier est contraire à ce que l’on croie. On ne demande pas aux magistrats d’être des héros, mais on exige l’objectivité, l’absence de partialité même inconsciente voire une neutralité active à mon avis étant quasi impossibles. Mais je dois être trop pessimiste sur la nature humaine !

 Chaque magistrat à son niveau doit s’empêcher comme disait Albert Camus. Et je parle aussi de ceux qui comme moi juge au conseil de prud’hommes ne sont pas des professionnels et qui doit faire l’effort de la tolérance, de la compréhension de l’autre et des intérêts supérieurs de la collectivité. Avec comme seule boussole le droit positif, les textes votés qui émanent de la volonté populaire. Et en cas de doute ou d’hésitation de se décider en esprit éclairé et équitable. Pas pour faire triompher un camp. La justice n’est pas là pour refaire le monde, pour soutenir telle vision de la cité qui deviendrait parfaite et idéale, pour punir certains et exonérer d’autres pour diverses raisons. Sinon le citoyen est perdu, il subodore la partialité et n’a plus confiance en la justice ce qui est grave. Ce sont les citoyens qui décident de ce que doit être la justice, pas de prétendues élites que l’on compte sur les doigts de quelques centaines de professionnels cooptés avec des mains blanches a priori pures et qui donnent des leçons. « Le devoir des juges est de rendre la justice, leur métier est de la différer. Quelques- uns savent leur devoir et font leur métier. Heureusement la plupart des juges connaissent leurs métiers et font leurs devoirs » comme l’a écrit La Bruyère.

La justice est un monument en péril. Les « maçons » du syndicat de la magistrature avaient construit le mur des cons ce qui n’a pas entrainé un mouvement enthousiaste à leurs bénéfices. On se rappelle l’exergue du magistrat Oswald Baudot dans les années 1970 qui incitait les juges à être partiaux. En devenant compagnons de route d’un parti que l’histoire a rejeté les juges du S.M. fissurent le mur de la justice. Celui de Berlin s’étant écroulé en 1989. L’histoire parfois bégaie. Donc attention.

L’indépendance commence dans les têtes et les consciences avant d’être institutionnalisée.       

lundi 11 septembre 2023

Désobéissance civile et démocratie

 

                 Désobéissance civile et démocratie

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Le Garde des Sceaux M. Eric Dupont-Moretti a poussé un coup de gueule dans son langage fleuri mais que tout le monde comprend. Alors qu’il comparaissait à l’assemblée nationale à propos de l’enquête sur les violences notamment pour s’opposer aux méga- bassines à Sainte- Soline où il y a eu des affrontements très graves entre les gentils et pacifiques manifestants et les méchantes forces de l’ordre guerrières qui provoquent rien que par leur présence, le ministre a déclaré en substance : « ras le bol de la désobéissance civile… on a le droit disent certains quand on est porteur d’une cause légitime de ne plus obéir à la loi… C’est infernal… Rien n’est plus liberticide » a dit l’ancien ténor du barreau toujours percutant. En visant une partie extrême de l’échiquier politique. En prononçant aussi au passage le terme de « conneries » pour ce genre de raisonnement qui entraine des conséquences dramatiques. Il faut savoir nommer précisément les faits ce qui n’ajoute pas au malheur du monde. Outre un minimum de courage politique et ne pas se servir de slogans hargneux ou d’invectives qui excitent des citoyens qui se croient confortés dans leurs dérives ou utiliser la langue de bois, comme on l’entend souvent dans les débats parlementaires ou dans les protestations où c’est le plus sectaire qui croit avoir raison contre tous. Au nom de l’empathie sélective. Et de la détestation de l’ordre public.

J’approuve totalement le ministre de la justice car dans le rapport à la loi, dans le consentement même sans être convaincu à ce qui est légal et voté publiquement c’est le lien avec la démocratie qui est en jeu. Sans règles objectives, sans normes collectives, sans respect d’autrui sous le contrôle des tribunaux, avec la violence parce qu’on est convaincu de ce qui serait l’évidence, il n’y a plus d’Etat de droit. On n’attend même plus les échéances électorales. C’est  la jungle et la loi du plus fort ou du plus braillard qui s’applique. Si la liberté individuelle l’emporte sur les devoirs envers la nation on va au clash. On sait comment se termine le désordre ou le gouvernement du peuple directement ou à travers une avant- garde qui se dit éclairée. Si on s’autorise à n’en faire qu’à sa tête pour un motif quelconque, à accuser les adversaires de tous les maux, à attiser la haine par exemple contre des riches qui donnent aux restos du cœur, ou en dénigrant toutes les institutions et ses représentants en récusant par avance toute interdiction ou responsabilité, il n’y a plus de vie en société.

La désobéissance civile est un concept dévoyé.  Si les réactions ou revendications parfois brutales de diverses catégories sociales comme celles des individus durent depuis très longtemps on a pris la mauvaise habitude pour ne pas faire de vagues donc à tort, de constater que certains ne respectent rien dans le courant quotidien. On déplore que pour toute décision publique il y a un refus de l’autorité, une répugnance à respecter la loi, à considérer que toute disposition impérative voire toute simple recommandation, toute instruction générale sont des atteintes aux libertés et abusives, à ne tolérer aucune contrainte quelconque et à croire qu’en désobéissant on est dans le camp du bien. 

Cette rébellion ou pour ne pas exagérer cette propension à discuter, protester, pinailler, douter, dire tout et son contraire, se retrouvent dans tous les domaines et chacun d’entre nous doit l’affronter : par exemple  dans la famille avec les enfants ; à l’école où les parents viennent agresser les enseignants ;  dans l’entreprise où la moindre remarque est considérée comme du harcèlement moral et de la discrimination ; en justice où les jugements rendus font polémiques ; et bien sûr dans la sphère publique quand les politiques votent des lois à la suite d’un processus démocratique. A peine élu, le responsable n’est plus entendu. Car seule l’opinion publique aurait raison, c’est -à- dire une infime partie de la minorité. Notre monde actuel est devenu un mode d’empêcher de gouverner en rond, sans avoir la moindre légitimité et je pense aussi aux médias, sans répondre de ses actes si on se trompe, au prétexte que la démocratie est une vérification permanente par le peuple ou ceux qui prétendent l’incarner, et qu’il est normal de s’opposer ou de dire non y compris violemment. C’est de la vigilance active voire activiste. N’en faire que selon ses désirs est devenu un sport national, une manière de vivre et d’être, de se croire dissident -sans risques d’ailleurs- de s’en prendre aux pouvoirs publics tout en profitant des avantages et en négligeant que l’Etat ce n’est pas « moi » mais nous. Refuser d’obéir, de se soumettre à la loi, c’est considérer que la liberté individuelle est un principe supérieur à toute autre considération. L’intérêt général devient secondaire bien qu’il aille de soi qu’une loi peut être revue si elle est injuste ou inadaptée. 

On doit se rappeler ce que prêchait le père Henri Lacordaire (1802-1861), membre de l’Académie française et homme politique : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».

Les militants qui désobéissent en se disant pacifiques mais en n’hésitant pas à faire le coup de poing contre les gendarmes et policiers et parfois secouristes, qui cassent ou créent des ZAD symboles de la résistance à l’Etat et à la Justice, utilisent le concept de désobéissance civile pour se justifier. Elle a été décrite en 1849 par le philosophe, naturaliste et poète né en 1817 à Concord (Usa) Henry David Thoreau. En juillet 1846 il avait refusé de payer un impôt à l’Etat américain pour protester contre l’esclavage. Il ne va passer qu’une nuit en prison car sa tante va payer sa caution. Furieux il décide de théoriser son action, sans oublier « le discours de la servitude volontaire ou le contr’un » d’Estienne de la Boétie (1530-1563) qui est une remise en cause de la légitimité des gouvernants à propos d’une révolte antifiscale - déjà - en Guyenne en 1548. La question est : pourquoi obéit-on ? Au bénéfice de qui ? Sinon la collectivité globale, indivisible et laïque désormais ?

Avec la désobéissance civile on refuse de se soumettre à une loi ou une mesure qui nous paraissent inacceptables. On s’interroge :  le légal est-il juste ? alors que l’on est en République et que l’absolutisme n’existe plus et sauf à penser que l’Etat est totalitaire.  On en appelle à des valeurs subjectives, à sa conscience personnelle, à ce qui nous motive, à sa définition du bien et du mal, pour renforcer parait -il l’intérêt collectif outre pour combattre l’impuissance des Etats face à des firmes mondialisées. Sans demander l’avis des autres citoyens. La désobéissance pour avoir raison ou par principe ne peut mener qu’à la chienlit. La vérité est protéiforme et seule l’élection démocratique permet de progresser. La désobéissance conduit à l’impasse exceptés quelques exemples historiques. Elle met en danger la démocratie. 

lundi 4 septembre 2023

L’arc républicain

 

                              L’arc républicain

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

Depuis A. Camus on sait que ne pas bien nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. Notre personnel politique vit au rythme de petites phrases, de slogans, d’approximations quand ce ne sont pas de contresens historiques ou sémantiques. Cela fait le buzz et évite d’aborder le fond avec des arguments objectifs, contradictoires, vérifiables.

 L’émotion a remplacé la raison et l’urgence du jour remplace celle de la veille. On considère des rappeurs comme les nouveaux intellectuels influenceurs pour la jeunesse avec leurs valeurs atypiques et on les invite à s’exprimer doctement sur tous les sujets y compris les plus délicats comme l’antisémitisme, l’environnement, le racisme, la citoyenneté et la politique sinon l’économie avec le partage de leurs richesses. Cette dernière exigence ne les concernant pas, il ne faut rien attendre de ces généreux artistes et surtout pas des solutions. 

Des élites énamourées et bien entendu absolument pas intéressées par la récupération électoraliste tapent des mains, et se pâment à entendre la voix râpeuse des banlieues et les explications de quasi stars en colère, en considérant que ce qui est de bon sens et traditionnel comme les valeurs républicaines sont à ranger au magasin des accessoires. On y substitue le racisme, les discriminations, les inégalités, qui seraient structurellement avérés. Sans oublier l’écriture inclusive, le genre, la tenue vestimentaire ou autres étrangetés qui feraient partie du nouveau progrès indispensable. Certes tout ceci divise plus qu’il n’unit mais on ne fait pas de plats purs sans casser des œufs périmés affirment nos marmitons endoctrinés qui se disent humanistes.     

On aurait besoin parait-il des réflexions intenses des jeunes qui surtout ont esquivé l’école et sont rebelles appuyés sur de plus anciens, des bobos ou des éveilleurs qui savent tout de la morale ou du comportement des humains, à la vie de tous les jours. Sauver la planète avant la fin du mois par exemple. Eradiquer les injustices aussi. Nos politiques progressistes parlementaires ou militants ont besoin des lumières de ceux qui ne participent pas à la société puisqu’ils la contestent. C’est grave si nos élus sont conseillés par des hip-hoppeurs      communautarisés. Car la majorité silencieuse composée de papis soixante- huitards  qui en auraient  bien profité (comme s’ils n’avaient pas énormément travaillé après la 2ème guerre mondiale et les guerres d’indépendance, et affrontés des conflits de toute nature dont les crises énergétiques et financières puis cotisés à fond pour la génération qui suit ) ou d’individus responsables qui réfléchissent et assument leurs engagements dans l’intérêt général ,ne servirait plus à rien sauf à retarder les échéances et donc à contrarier les bien- pensants  qui ont des objectifs particuliers qui décoiffent !Leurs opposants sont à éliminer. C’est toujours A. camus qui a dit que « chaque génération se croit vouée à refaire le monde : la mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas ». Conserver nos acquis tout en corrigeant ce qui ne va pas est déjà la mission principale. La table rase n’a jamais rien rapporté. N’est pas Attila qui veut. 

Car nos idéalistes oublient que la France n’est pas seule dans le monde, que des Etats émergents voire capitalistes sans l’avouer polluent la planète, -la France ayant une part de 1% dans le total-, que des guerres existent, que des migrations s’intensifient avec les dangers sur la personne et le climat qui change, et que notre situation locale économique comme sociale n’a pas besoin qu’on lui rajoute des charges supplémentaires ou des débats qui créent un climat délétère. En culpabilisant certains qui n’ont forcément aucun cœur. S’il faut donner place à une nouvelle société, aux mélanges de toute nature, à ChatGPT qui substitue la machine sans poésie ni fantaisie à l’imagination humaine, si les algorithmes sont l’alpha et l’Omega de l’être vivant, attention danger.

Si les libertés sont illimitées car les devoirs collectifs n’apportent rien, on va bâtir une démocratie qui va poser problème. Si on ajoute dans le monde politique une partition entre le bien et le mal à partir de concepts abscons et partiaux on se dirige vers des exclusions alors qu’on a besoin d’union. 

On entend désormais parler d’arc républicain pour désigner ceux qui sont du club et ceux qui n’ont pas droit d’entrée. Et de parole. Je ne sais pas qui détient cet arc et qui est l’archer suprême qui décide d’envoyer une flèche, celle qui défend un agressé ou tue un agresseur. Robin des bois est passé de mode ! Ce n’est en tous les cas pas un arc en ciel car des couleurs sombres n’en font pas parties, du brun noir, au rouge écarlate, ou au vert très foncé tirant sur le violet. On se contente de couleurs neutres, ce qui va de l’extrême centre à droite et de l’extrême centre à gauche, en passant par les centristes incolores, les libéraux ouverts à l’Etat, des conservateurs lucides ou touchés par la rédemption, des socialistes peu colorés…Le choix est subjectif et restrictif. Le chef cuisinier coupe les deux bouts de l’omelette. Ce qui réduit le choix de qui est dans l’espace démocratique et renvoie dans leurs foyers les électeurs qui sont daltoniens. Car il n’y a aucun critère défini à respecter.  Des obscurs partisans auto- proclamés éclairés trient les bons électeurs qui peuvent participer aux scrutins et gouverner en faisant des compromis et en négociant, et les mauvais qui doivent rester chez eux en baissant la tête et en s’excusant ou en allant à Canossa. Je ne crois pas que la démocratie progresse avec cette méthode car le seul arbitre légitime est le citoyen qui vote comme il l’entend. Seul l’Ulysse politique peut bander l’arc. Est-ce M. Macron qui a réuni toutes les têtes politiques de gondole ?

L’arc renvoie à des vérités historiques ou des légendes au- delà des indiens d’Amérique qui ont été exterminés et dont les successeurs se battent actuellement devant les tribunaux pour reprendre leurs biens. L’injustice ne meurt jamais. On se rappelle de Guillaume Tell en Suisse qui avait oublié de saluer le chapeau impérial en passant sur la place du village et qui fut condamné à tirer avec son arbalète une flèche -un carreau -dans une pomme en équilibre sur la tête de son fils. L’arbitraire a perdu. On se souvient surtout du « bateau ivre » poème d’Arthur Rimbaud : « comme je descendais des fleuves impassible je ne me senti plus guidé par les haleurs ! Des peaux rouges criards les avaient pris pour cibles, les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs ».

Mais il faut ne pas oublier la flèche de Parthe, anciennement Iran. Les combattants faisaient semblant de partir mais tiraient des flèches par derrière. L’arc républicain n’est pas un bouclier et les électeurs ostracisés se feront un plaisir de le contourner. On ne joue pas avec la démocratie qui doit être sincère et responsable. A vouloir être trop malin c’est parfois contre- productif.