lundi 4 septembre 2023

L’arc républicain

 

                              L’arc républicain

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

Depuis A. Camus on sait que ne pas bien nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. Notre personnel politique vit au rythme de petites phrases, de slogans, d’approximations quand ce ne sont pas de contresens historiques ou sémantiques. Cela fait le buzz et évite d’aborder le fond avec des arguments objectifs, contradictoires, vérifiables.

 L’émotion a remplacé la raison et l’urgence du jour remplace celle de la veille. On considère des rappeurs comme les nouveaux intellectuels influenceurs pour la jeunesse avec leurs valeurs atypiques et on les invite à s’exprimer doctement sur tous les sujets y compris les plus délicats comme l’antisémitisme, l’environnement, le racisme, la citoyenneté et la politique sinon l’économie avec le partage de leurs richesses. Cette dernière exigence ne les concernant pas, il ne faut rien attendre de ces généreux artistes et surtout pas des solutions. 

Des élites énamourées et bien entendu absolument pas intéressées par la récupération électoraliste tapent des mains, et se pâment à entendre la voix râpeuse des banlieues et les explications de quasi stars en colère, en considérant que ce qui est de bon sens et traditionnel comme les valeurs républicaines sont à ranger au magasin des accessoires. On y substitue le racisme, les discriminations, les inégalités, qui seraient structurellement avérés. Sans oublier l’écriture inclusive, le genre, la tenue vestimentaire ou autres étrangetés qui feraient partie du nouveau progrès indispensable. Certes tout ceci divise plus qu’il n’unit mais on ne fait pas de plats purs sans casser des œufs périmés affirment nos marmitons endoctrinés qui se disent humanistes.     

On aurait besoin parait-il des réflexions intenses des jeunes qui surtout ont esquivé l’école et sont rebelles appuyés sur de plus anciens, des bobos ou des éveilleurs qui savent tout de la morale ou du comportement des humains, à la vie de tous les jours. Sauver la planète avant la fin du mois par exemple. Eradiquer les injustices aussi. Nos politiques progressistes parlementaires ou militants ont besoin des lumières de ceux qui ne participent pas à la société puisqu’ils la contestent. C’est grave si nos élus sont conseillés par des hip-hoppeurs      communautarisés. Car la majorité silencieuse composée de papis soixante- huitards  qui en auraient  bien profité (comme s’ils n’avaient pas énormément travaillé après la 2ème guerre mondiale et les guerres d’indépendance, et affrontés des conflits de toute nature dont les crises énergétiques et financières puis cotisés à fond pour la génération qui suit ) ou d’individus responsables qui réfléchissent et assument leurs engagements dans l’intérêt général ,ne servirait plus à rien sauf à retarder les échéances et donc à contrarier les bien- pensants  qui ont des objectifs particuliers qui décoiffent !Leurs opposants sont à éliminer. C’est toujours A. camus qui a dit que « chaque génération se croit vouée à refaire le monde : la mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas ». Conserver nos acquis tout en corrigeant ce qui ne va pas est déjà la mission principale. La table rase n’a jamais rien rapporté. N’est pas Attila qui veut. 

Car nos idéalistes oublient que la France n’est pas seule dans le monde, que des Etats émergents voire capitalistes sans l’avouer polluent la planète, -la France ayant une part de 1% dans le total-, que des guerres existent, que des migrations s’intensifient avec les dangers sur la personne et le climat qui change, et que notre situation locale économique comme sociale n’a pas besoin qu’on lui rajoute des charges supplémentaires ou des débats qui créent un climat délétère. En culpabilisant certains qui n’ont forcément aucun cœur. S’il faut donner place à une nouvelle société, aux mélanges de toute nature, à ChatGPT qui substitue la machine sans poésie ni fantaisie à l’imagination humaine, si les algorithmes sont l’alpha et l’Omega de l’être vivant, attention danger.

Si les libertés sont illimitées car les devoirs collectifs n’apportent rien, on va bâtir une démocratie qui va poser problème. Si on ajoute dans le monde politique une partition entre le bien et le mal à partir de concepts abscons et partiaux on se dirige vers des exclusions alors qu’on a besoin d’union. 

On entend désormais parler d’arc républicain pour désigner ceux qui sont du club et ceux qui n’ont pas droit d’entrée. Et de parole. Je ne sais pas qui détient cet arc et qui est l’archer suprême qui décide d’envoyer une flèche, celle qui défend un agressé ou tue un agresseur. Robin des bois est passé de mode ! Ce n’est en tous les cas pas un arc en ciel car des couleurs sombres n’en font pas parties, du brun noir, au rouge écarlate, ou au vert très foncé tirant sur le violet. On se contente de couleurs neutres, ce qui va de l’extrême centre à droite et de l’extrême centre à gauche, en passant par les centristes incolores, les libéraux ouverts à l’Etat, des conservateurs lucides ou touchés par la rédemption, des socialistes peu colorés…Le choix est subjectif et restrictif. Le chef cuisinier coupe les deux bouts de l’omelette. Ce qui réduit le choix de qui est dans l’espace démocratique et renvoie dans leurs foyers les électeurs qui sont daltoniens. Car il n’y a aucun critère défini à respecter.  Des obscurs partisans auto- proclamés éclairés trient les bons électeurs qui peuvent participer aux scrutins et gouverner en faisant des compromis et en négociant, et les mauvais qui doivent rester chez eux en baissant la tête et en s’excusant ou en allant à Canossa. Je ne crois pas que la démocratie progresse avec cette méthode car le seul arbitre légitime est le citoyen qui vote comme il l’entend. Seul l’Ulysse politique peut bander l’arc. Est-ce M. Macron qui a réuni toutes les têtes politiques de gondole ?

L’arc renvoie à des vérités historiques ou des légendes au- delà des indiens d’Amérique qui ont été exterminés et dont les successeurs se battent actuellement devant les tribunaux pour reprendre leurs biens. L’injustice ne meurt jamais. On se rappelle de Guillaume Tell en Suisse qui avait oublié de saluer le chapeau impérial en passant sur la place du village et qui fut condamné à tirer avec son arbalète une flèche -un carreau -dans une pomme en équilibre sur la tête de son fils. L’arbitraire a perdu. On se souvient surtout du « bateau ivre » poème d’Arthur Rimbaud : « comme je descendais des fleuves impassible je ne me senti plus guidé par les haleurs ! Des peaux rouges criards les avaient pris pour cibles, les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs ».

Mais il faut ne pas oublier la flèche de Parthe, anciennement Iran. Les combattants faisaient semblant de partir mais tiraient des flèches par derrière. L’arc républicain n’est pas un bouclier et les électeurs ostracisés se feront un plaisir de le contourner. On ne joue pas avec la démocratie qui doit être sincère et responsable. A vouloir être trop malin c’est parfois contre- productif.

2 commentaires:

  1. C’est tellement juste ! Merci cher Christian pour ce papier qui devrait rappeler je la démocratie mérite mieux que ce qui nous est «servi »…! Amitié

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