vendredi 12 mars 2021

dissoudre est-ce régler les problèmes?

 

                  Dissoudre est-ce régler les problèmes ?

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire

A chaque fois qu’une idée ne plait pas surtout si elle n’est pas dans la tendance de l’anti- racisme, de la discrimination, de la théorie du genre, et qu’elle ne s’exprime pas en écriture inclusive, les beaux esprits hurlent au fascisme pour le moins, et demande la condamnation judiciaire de l’auteur pour que l’idée s’efface. On croit que par un éventuel casier judiciaire de celui qui a prononcé une opinion le mal est éradiqué : erreur fatale souvent l’auteur poursuivi se prend pour un quasi martyr et il est conforté dans son avis bon ou mauvais.

                                                Dissoudre le débat.

La justice est devenue malgré les critiques formées contre elle pour des raisons spécifiques, l’arbitre de la bien-pensance, le jury quasi populaire par délégation des déclarations publiques voire de la pensée unique. On exclut le débat public et plutôt que d’obliger ceux qui ont des idées bien arrêtées en forme de slogans souvent formulées sous le coup de l’indignation  à venir publiquement et courageusement les détailler, les expliquer par la raison face à un contradicteur structuré ce qui permettrait à chacun de se faire une opinion précise et de voir que souvent l’invective n’a aucune profondeur ou est démentie par l’histoire ou simplement par la réalité, on préfère polémiquer et avancer des arguments invérifiables. On a donc dissous la discussion publique qui enrichit, au bénéfice de l’à- peu près et du sectarisme. A Sciences- po Paris ou dans d’autres universités qui devraient donner l’exemple de l’ouverture intellectuelle, on interdit à des personnalités de venir faire une conférence en présupposant que leurs discours ne conviendront pas à une minorité agissante : c’est très grave, car si l’élite- prétendue - future avance avec des œillères et des idéologies où les faits doivent s’y conformer, il n’y a plus de démocratie.

                                            Dissoudre les associations déviantes

Je pose en outre une question de principe qui est d’actualité. Dès qu’il y a un drame ou un incident quelconque qui fait la une des médias, on exige la dissolution de la structure ou de l’association loi 1901 qui a porté la voix pendant que son responsable est envoyé se justifier devant la justice pénale. La dissolution devient une arme des néo censeurs pour faire taire. Elle est justifiée pour des faits graves qui mettent en cause la nation et ses lois et les citoyens. Mais on la réclame aussi quand il n’y a rien de répréhensible a priori, sauf de ne pas partager l’opinion au pouvoir ou la pensée dominante de ceux qui gesticulent.   Ainsi pour l’association « génération identitaire » que je ne défends pas particulièrement, dont chacun peut penser ce qu’il veut de ses actions de protection auto- autorisée de la nation française qu’il les approuve ou non, et qui a fait l’objet d’une dissolution comme quelques associations islamistes telles le Ccif ou  BarakaCity qui prêchaient la haine de la France ce qui a pu conduire à des actions violentes liées au terrorisme.   Tout se vaut- il ? Y a- t -il équivalence parfaite ? A vouloir équilibrer la balance cela peut être contreproductif. Il appartient à la justice en l’espèce celle des juges administratifs d’examiner les motifs de dissolution. Les magistrats ont le dernier mot pour d’autres sujets à la place des politiques. C’est l’état de droit.  La dissolution d’associations de la loi de 1901 doit se faire d’une main tremblante car elle porte atteinte à une liberté fondamentale réaffirmée par le conseil constitutionnel en 1971. Il ne s’agit pas d’en user par opportunité du moment. Les critères à respecter sont visés à l’article L.121-1 du code de la sécurité intérieure et touchent à l’ordre public.

                                           Dissoudre en équilibre

 Si je comprends la démarche du ministre de l’intérieur il n’y aurait ainsi pas lieu à critiques sur le principe de deux poids et deux mesures, et le en même temps s’applique à plein.  Le Conseil d’Etat jugera et examinera les motifs de la dissolution :  s’il annule, les concernés s’estimeront être sur le bon chemin.  J’ajoute que dans le souci de ne pas faire de vagues, plutôt que de sanctionner seulement ceux qui ne suivent pas la règle commune républicaine et ont des actions qui bouleversent la société, on choisit de supprimer la cause et non les effets , ce qui entraine que tous ceux qui n’ont rien fait sont pénalisés.  J’évoque pour l’exemple la loi en discussion sur le séparatisme et le non -respect des valeurs républicaines. Le Grand Rabbin de France Haïm Korsia vient de déclarer : « il faut faire attention aux effets collatéraux sur les autres religions d’autant qu’il y a des cultes qui ont été exemplaires depuis toujours avec la république ». Cette réflexion est valable dans de nombreux autres domaines.

                                            Dissoudre avec prudence

Abordons la dernière polémique avec Sciences Po Grenoble où deux professeurs ont été taxés d’islamophobie, et sont désormais… sous protection policière ! Chacun a en tête le mensonge de la collégienne qui a entrainé la décapitation du professeur Paty. A Grenoble ce sont des représentants de l’Unef qui auraient désigné les cibles. C’est un tollé à juste titre. On savait que ce syndicat avait des orientations politiques mais il défendait aussi les intérêts de tous les étudiants en dialoguant aussi avec les enseignants pas en les bâillonnant. On a suivi ses péripéties matérielles et ses dérives y compris philosophiques ou communautaires.  Outre une enquête administrative sur les faits, la justice judiciaire va instruire sur l’appel à la haine, les menaces et autres délits même si l’Unef nationale s’est désolidarisée de ses représentants locaux ce qui est facile et la moindre des choses. Mais là encore on crie à la dissolution de l’organisation syndicale.  Je suis cohérent et je ne suis pas pour les dissolutions hâtives sous le coup de l’émotion sauf motifs graves, bien que je désapprouve et le mot est faible le comportement des quelques étudiants qui au lieu d’apprendre la tolérance prétendent détenir une vérité universelle, qui ont stigmatisé leurs professeurs et qui méritent au moins une sanction. La liberté universitaire n’équivaut pas à une impunité.  

                                           Dissoudre pour apprendre la tolérance.

On ne peut dissoudre les associations qui ne plaisent pas sauf infractions à l’ordre public avérées, menaces sur les individus et la nation. Nous sommes dans un combat d’idées, de civilisation où la nôtre est menacée.  Nous devons convaincre de nos principes fondamentaux comme liberté , égalité, fraternité plus laïcité, de nos traditions, de nos institutions et de l’état de droit qui protège par ses lois  notamment ceux qui nous attaquent !, débattre pour persuader que les libertés ne peuvent vivre que dans une nation apaisée, collectivement forte, culturellement ouverte et humaniste, avec le même destin et des valeurs compatibles entre elles, et des chances pour tous. Sans oublier que nous avons également des devoirs.  On ne pourra pas dissoudre le passé dont je ne suis pas responsable, ni l’histoire revue à l’aune de nos références contemporaines. Chaque individu ou évènement historique a ses zones d’ombre, et on ne le découpe pas en tranches.

Seule la raison doit l’emporter et en prononçant une dissolution on punit mais on n’enseigne rien. Il faut donc s’y résoudre avec parcimonie pour des motifs objectifs mais sans faiblir, et ne pas vouloir faire un exemple général.  La pensée, les idées, la transmission de connaissances ne sont pas solubles dans la force, la pression, les menaces. L’opinion publique surtout celle d’une infime minorité ne peut pas faire la loi.  En démocratie seul le débat public est fécond. Les réseaux sociaux dont je souhaite qu’ils aient un minimum de responsabilités en droit doivent répondre de ce qu’ils diffusent dans l’anonymat quand les limites de la liberté d’expression sont franchies. L’autorité n’est pas incompatible avec les libertés. Un problème ne disparait pas parce qu’on a dissout son émetteur.  


mercredi 3 mars 2021

vive la justice égale pour ...tous

 

                 Vive la justice égale… pour tous.

              Par Christian Fremaux avocat honoraire

La journée du lundi 1er mars 2021 aura marqué la justice d’une pierre blanche. La justice pénale naturellement des mineurs aux adultes qui ne traite pourtant qu’une très petite partie du contentieux. La justice civile celle qui concerne  tous les individus dans leur vie personnelle, ou prud’homale devenue essentielle, ou commerciale  pour les entreprises, ou administrative dans nos relations avec les autorités publiques occupe  la majorité des décisions mais elle intéresse moins ou pas du tout car ce qu’aime le quidam quelque peu voyeur et revanchard c’est la chute des puissants rattrapés  et traités comme des voyous, les assassins  qui intriguent plutôt que les victimes qui ont le tort d’être là au mauvais moment,  et la punition pour les autres car à titre individuel on est sans reproche.

Le débat sur le sentiment d’insécurité, l’ensauvagement ou non de la société est dépassé. Chacun peut se faire une opinion en constatant les faits divers chaque jour un peu partout sur le territoire et pas seulement dans des quartiers perdus de la  république, les rixes entre bandes (Coluche avait un sketch « on est une bande de jeunes on se fend la gueule…»), les agressions diverses et l’usage de mortier contre les forces de l’ordre, pompiers ou médecins qui sont en légitime défense- ce que la justice devrait plus approuver-  les règlements de comptes à l’arme lourde en plein jour,  la violence endémique, et je ne parle pas du plus grave le terrorisme  et des conséquences du séparatisme de toute nature sur fond de croyances et de trafics. On attend que les juges qui participent à la sécurité globale s’approprient cette évolution des mœurs et soient plus tranchants avec la délinquance du quotidien.   Il faut sortir du débat sur le sexe des anges, les excuses sociologiques ou diverses le racisme prétendu systémique, sur les fautes présumées tirées du passé de la France dont les contemporains ne sont pas responsables, ou les discriminations réelles ou supposées à tous les coins de rue. On peut rester humain et compatissant tout en rétablissant l’autorité à tous les niveaux y compris dans les familles et à l’école, sous le contrôle des tribunaux.  C’est mon sujet d’ailleurs : je veux parler des magistrats, procureurs comme juges du siège qui font l’objet de polémiques qui ne devraient pas avoir lieu, car s’il n’y a plus de justice efficace et considérée l’état de droit est détruit et notre démocratie déjà affaiblie va aller très mal.

                                            Pour les mineurs.

Le lundi 1er mars le Garde des Sceaux a annoncé une réforme essentielle : celle du code de la justice pénale des mineurs. L’ordonnance de 1945 a été revue déjà en septembre 2019 mais il fallait aller plus loin  puisqu’il n’est pas contesté que les comportements de petits jeunes mais vrais délinquants posent de graves problèmes en pourrissant la vie des honnêtes gens,  et que l’on hésite tout le temps entre  la répression qui ne peut être une solution définitive et unique même si elle est indispensable, et l’éducation avec la victimisation qui est fondamentale mais se heurte parfois aux plus déterminés à continuer sur le mauvais chemin. Le ministre qui n’a pas un tempérament de laxiste mais qui est gardien des principes et des libertés, veut une réponse au plus près des faits par la justice sur la culpabilité ou non ce qui devrait satisfaire ceux qui se plaignent d’une réponse pénale tardive ; puis laisser un peu de temps pour examiner les mesures à prendre pour éviter si c’est possible la case prison qui n’arrange rien ; enfin de prononcer la peine s’il y a lieu, ce process étant enfermé dans un délai court de quelques mois. C’est un vrai progrès et les juges auront de nouvelles armes légales pour agir. Le parlement va examiner le projet et écrire les textes en fixant une date la plus proche possible d’entrée en vigueur. Les mineurs délinquants sont enfin pris à leur juste mesure de nuisance. L’apostrophe insolente « justice même pas peur » doit disparaitre.  

                                     Pour les adultes.

Le lundi 1er mars fut aussi la condamnation d’un ancien chef de l’Etat à de la prison ferme avec un aménagement possible. C’est une première désolante sous la Vème république dont on aurait pu se passer et qui ne va pas resserrer le lien de confiance entre les électeurs -citoyens et les futurs élus ou ceux déjà aux affaires.  Je ne connais rien au dossier sauf ce que la presse en dit et je ne vais pas faire comme ceux que je dénonce membres auto -proclamés du tribunal médiatique, compétents pour tout sujet et commentant un jugement sans l’avoir lu et compris.  Mais comme j’ai entendu des commentaires et lu des articles sérieux, je vais quand même donner mon avis pas plus irrecevable que celui de ceux qui n’y connaissent rien en droit ou en justice et sur ce que je crois être les raisonnements parfois surprenants des magistrats exceptés quand ils font droit à celui que l’on soutient : ils deviennent de bons juges ! Je ne m’énerve pas disait Coluche à sa femme j’explique aux gens.

 Je ne sais pas si Paul Bismuth alias Nicolas Sarkozy est coupable ou non dans une affaire que l’on a voulue « d’Etat », qu’on a monté en épingle et qui ramenée aux faits et aux prétendus objectifs des poursuivis pour avoir des avantages d’ailleurs non atteints, est en réalité minuscule.  La construction intellectuelle purement subjective des juges aboutissant à un faisceau d’indices graves précis et concordants qui constitueraient une preuve me perturbe, l’accusation dont c’est le rôle n’ayant rien démontré. La presse judiciaire qui a assisté aux débats avait conclu que les prévenus étaient proches de la non- culpabilité? Mais le tribunal a entériné le raisonnement ténu du parquet financier par solidarité de corps ou conviction profonde ? Il aurait estimé que faute de preuves irréfutables, d’éléments de faits tangibles, l’intention frauduleuse par elle -même suffirait pour être convaincu d’avoir commis l’infraction. Pourtant il n’y a rien de plus difficile à caractériser qu’une intention dont le contenu est à géométrie variable et qui se nourrit de sentiment personnel  proche de la morale : il n’aurait pas dû tenter de… Et que fait- on du vieil adage : « le doute profite à l’accusé » ? Le tribunal aurait pu relaxer et il se serait grandi en montrant une indépendance d’esprit et la connaissance fine et subtile du droit chacun pensant ce qu’il veut des faits en cause.  Je ne doute pas des compétences juridiques des juges, mais j’estime qu’ils ont commis sauf preuve contraire du dossier une erreur d’appréciation. On part donc désormais dans la polémique et le soupçon politique d’autant plus que les sanctions dépassent tout entendement pour des primo- délinquants, qui ont eu des carrières éblouissantes et qui ne vont ni fuir ni récidiver. Je l’admets : je souhaitais l’innocence de Paul Bismuth , et encore plus celle de Me Thierry Herzog que je connais depuis très longtemps, avocat pénaliste de grand talent , expérimenté, connaissant le droit et la déontologie de l’avocat et reconnu unanimement par ses pairs. Corporatisme oblige mais pas que, on peut et doit être sincère ! Aurait-il fait une erreur sans aucun préjudice avéré pour personne sauf le principe théorique du non-respect d’obligations légales et déontologiques ayant peut-être pu conduire à de la corruption et du trafic d’influence, on ne condamne pas pour l’exemple un avocat avec un casier judiciaire naturellement vierge et des dizaines d’années de barreau à de la prison ferme en y ajoutant 5 ans d’interdiction d’exercer ce qui revient à annoncer sa mort professionnelle. Ayant avoué mon opinion, je puis continuer de mettre en avant des éléments objectifs.  Il y aura appel, puis pourvoi en cassation de l’une ou l’autre partie, puis saisine éventuelle de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’Homme à Strasbourg au moins sur les écoutes qui ont été réalisées par le parquet national financier secrètement pendant des années selon la pratique des « filets dérivants » qui ont accroché aussi Me Dupond- Moretti avocat, à partir d’une autre affaire. S’ajoutera le problème fondamental pour la défense et donc les libertés pour tous de la violation du secret professionnel général et absolu en écoutant un avocat et son client et en triant- ce que le tribunal a trouvé normal !- ce qui peut être retenu à charge au prétexte que l’avocat serait complice ou aurait participé à une infraction et en écartant ce qui n’intéresse pas la juridiction et peut innocenter la personne poursuivie. Le tribunal est ainsi de fait juge et partie. C’est très inédit et inquiétant comme pratique. Mais patientons jusqu’à ce que la cour d’appel se prononce, et en l’attente la présomption d’innocence demeure.

                                        Une décision politique ?

Certains crient à la décision politique. Si à chaque fois qu’un « grand » élu par ses fonctions ou notoriété est poursuivi pour des faits de droit commun ce serait politique et non juridique, il ne pourra plus y avoir de justice possible. D’où des « protégés » par leurs fonctions ce qui n’est pas acceptable.  Essayons de quitter l’émotion et l’écume de la polémique pour examiner cette objection. Je ne crois pas que le Président Macron - ne serait -ce que par son Garde des sceaux qui envoie des circulaires de politique pénale à ses parquets et est interdit de donner des instructions sur des dossiers individuels -soit ravi que M.Sarkozy ait été aussi lourdement condamné. Imagine- t -on l’ancien président avec un bracelet électronique, obligé de pointer au commissariat de police, participer à un travail d’intérêt général ou suivre un stage de civisme ?  Le président Macron politiquement, pourrait avoir besoin du soutien ou de la neutralité du nouveau condamné pour braconner sur les terres de l’électorat de droite attaché à son ancien chef, qui va être désormais une victime de la justice dite macronienne et lui porter contradiction puisqu’un politique n’est jamais mort avant de disparaitre, on a vu des ressuscités par le passé. Se servir de la justice ou d’un média comme Médiapart dénonciateur orienté en chef et accusateur public pour le bien qu’il préconise et choisit arbitrairement, n’est pas un bon calcul politicien car il est réversible.  Mais je ne joue pas dans la cour des grands stratèges, je ne suis qu’un électeur, je peux me tromper et être encore naïf après tant d’années de barreau et de vie publique !  Les juges qui ont des valeurs et des convictions dont celle d’être impartiaux, n’ont besoin de personne et n’attendent pas de recevoir des ordres, soit pour vouloir faire plaisir au pouvoir comme les juges dits rouges d’après 1981 ce qui est un jeu dangereux, soit pour ne suivre que leur devoir et conscience pour se prononcer sur les faits du dossier et le droit applicable. Dans tous les cas si une personnalité politique est en lice, ils seront critiqués.  La justice est une science inexacte : on peut être condamné en 1ère instance et relaxé en appel, et inversement (exemple récent de M.Tron devant la cour d’assises). Pourquoi ne pas admettre que les juges sont indépendants au point de n’en faire qu’à leur tête sans rendre de compte à personne ? C’est un vrai sujet au moins d’égalité de traitement et de responsabilité puisqu’une décision judiciaire n’est pas neutre : il y a un gagnant et un perdant les deux étant d’ailleurs souvent insatisfaits, et en matière pénale il y a des relaxés ou des condamnés ce qui modifie le cours de leur vie. Que se passe- t -il quand le juge s’est trompé, ou que sa décision entraine des conséquences désastreuses puisqu’ il est faillible comme chacun d’entre nous ?  

                          Une réflexion s’impose sur la responsabilité des juges.

 Le lundi 1er mars sera aussi peut être la date de départ d’une vraie réflexion- une sorte de grenelle de la justice- sur l’autorité judiciaire, la place des juges dans l’état de droit, le rôle du parquet national financier créé en 2013 après l’affaire Cahuzac pour lutter contre la grande délinquance financière nationale et internationale, en revoyant sa pratique procédurale pour la rendre plus transparente et plus neutre avec des garanties pour la défense et une délimitation précise de ses compétences.  On n’est pas obligé de jeter l’outil avec l’eau du bain même s’il y a eu des dérives ou si certains réclament à cors et à cris sa dissolution.  Il faudra aussi analyser ce que les soupçonneux appellent le gouvernement des juges, nationaux comme européens et leur influence sur notre souveraineté. Peut-on se protéger par des lois spécifiques sans encourir le veto d’une jurisprudence qui serait externe ? On y ajouterait un vieux débat : comment engager la responsabilité des juges puisque si les justiciables et les avocats sont soumis au droit commun encore faut-il que le conseil de la magistrature ne juge pas disciplinairement « entre soi » comme le dirait le Garde des sceaux ?  On sait qu’un magistrat qui aurait commis une faute dans ses activités juridictionnelles est substitué par l’Etat -l’agent judicaire du trésor- devant les juridictions et qu’il faut démontrer une faute lourde ou un déni de justice. C’est un régime de responsabilité dérogatoire que le citoyen ne comprend pas.

                                          Qui crée le droit légitimement ?

Faut-il faire du juge avec des barrières pour empêcher les abus, un justiciable comme un autre ? Oui s’il s’est vraiment auto -attribué un rôle très large, la nature ayant horreur du vide. Mme Chantal Arens 1ère présidente de la cour de cassation a déclaré récemment dans la presse : « en théorie la loi prévoit tout. Mais dans les faits nous voyons bien que la société qui se complexifie a un rôle créatif et est souvent en avance sur le temps des gouvernants. Cela amène les tribunaux et la cour de cassation à créer du droit dans le respect de nos rôles ».  Qui compose et avec quelle légitimité la société en question ? La « création » même improbable ou minoritaire devient -elle une obligation supérieure ? Et encore faut-il, puisque la justice est rendue au nom du peuple que celui- ci soit d’accord et que le parlement où il élit ses représentants ne soit pas dépossédé de son pouvoir de fabriquer la loi, en fonction de l’avis de la majorité des électeurs et sous le verdict des urnes. Montesquieu ne peut pas avoir tort et la séparation des pouvoirs est intangible. La question est de savoir qui est le plus qualifié pour incarner le peuple et sa volonté de choisir son destin, ses règles de droit et ses valeurs républicaines dans une démocratie ? En général on ne demande pas à l’arbitre de changer les règles ou d’en inventer d’autres pendant le jeu. La justice qui a la fonction délicate de trancher les litiges donc de créer des mécontents, n’est pas faite pour remédier à toutes les injustices, faire de la quasi loi par une jurisprudence innovante, bâtir ex -nihilo une société idéale, punir par principe les uns et exonérer les autres et faire du progressisme selon ses choix ou ceux d’imaginatifs inconnus sans en répondre.  Le dernier mot doit revenir au peuple qui a besoin d’être éclairé mais pas d’être remplacé.

La justice doit être égale pour tous, justiciables de tout niveau, politiques, avocats, procureurs et juges du siège.  C’est un principe de responsabilité où nous sommes tous égaux. Il n’y a impunité pour personne.  On a besoin des juges : rendons les forts, insoupçonnables et encore plus responsables.