jeudi 21 décembre 2017

BONNE ANNÉE 2018

Bonne année 2018,année magique ?
Par Christian FREMAUX AVOCAT HONORAIRE ET ELU LOCAL .
Cessons les hostilités car le nouvel an arrive avec ses espoirs et noël est devenu une fête quelconque puisque  les croix et les crèches ne sont plus en odeur de sainteté devant les tribunaux  qui se prononcent en droit, et même si la mairie de paris célèbre la fin du ramadan dans ses locaux, oeucuménisme oblige. La laïcité  ne se divise pas , elle n’est ni ouverte ni fermée. A défaut  c’est  l’opportunité pour tout ce que l’on ne veut pas voir comme les prières dans les rues ou la remise en cause de pratiques à l’école ou dans la vie publique, et de ce qui fait notre tradition historique et le ciment de notre république. Mais la laïcité n’empêche pas la paix entre tous, la compréhension des autres, la cohabitation non conflictuelle et la volonté d’avoir un destin commun ce qui caractérise la nation. On ne peut effacer le passé tout  en reconnaissant les autres cultures qui s’ajoutent et ne remplacent pas: construisons un présent et un futur neufs, débarrassés de méfiances réciproques . C’est possible il faut y croire.
Halte au feu aussi sur ce qui sépare, ce qui clive, à savoir l’affrontement d’un groupe avec un autre. Tous les jours sur des sujets a priori sérieux ou plus futiles des polémiques éclatent qui ne durent  que ce que durent les roses : l’espace d’un matin, comme écrivait F .de Malherbe. L’écume cache la vague de fond qui peut causer des drames. Soyons donc prudents dans nos réactions. Le ton monte, on s’invective, on croit que c’est la fin du monde mais le lendemain on n’y pense plus ou moins, et on passe à un autre sujet tout aussi fondamental !, aussi scandaleux, aussi insupportable. Et ainsi  de suite. Jamais on ne prend le temps de hiérarchiser les priorités et les gravités, de creuser un sujet, d’y consacrer un vrai débat avec des interlocuteurs prêts à entendre et tenir compte des arguments adverses, sans camper sur leur dogmatisme ou avoir la vérité révélée et vouloir discréditer l’autre . Quand on n’est pas aux responsabilités il est facile de critiquer et de dire ce n’est pas cela qu’il fallait faire, sans pour autant donner la solution . Et quand on arrive ensuite au pouvoir on doit s’incliner devant la réalité, ses contraintes et les contradictions, voire les exagérations de ses amis, et faire au mieux . On connait tout ceci ce qui devrait conduire à la modestie et à la modération .Tel n’est pas le cas : on pérore, on affirme, on exige, on disqualifie et l’on pense être génial . Si on représente une minorité on crie au racisme, y compris de l’Etat !, à la discrimination ou au harcèlement. L’excès ne fait pas peur il est même indispensable - croit-on -pour être crédible. Basta, comme nous le disent les autonomismes et indépendantistes corses qui viennent d’avoir une élection triomphale et qui ont déjà posé leurs conditions à l’Etat . Plus rien n’est pris avec distance car tout est prétendument hyper grave. L’humour -même celui qui n’est pas drôle voire douteux- n’est plus toléré et on ne peut plus rire de tout. Un ayatollah de la pensée veille et la justice est aussitôt saisie comme si les juges qui sont des professionnels du droit avant tout étaient tous des «  pic de la mirandole », l’érudit qui avait une culture universelle sur la dignité de l’homme et la quasi réponse à tout ? Tout en dénigrant par ailleurs lesdits juges quand ils rendent des jugements qui ne conviennent pas ou sont soupçonnés d’être aux ordres des puissants .L’esprit français qu’incarnait Jean d’Ormesson a disparu avec lui :il avait l’art d’être sérieux en feignant d’être léger. Nous avons à sa place  des imprécateurs toujours mécontents de tout et son contraire .Désormais noir c’est noir comme le chantait Johnny, et les méchants pullulent. Les médias en continu qui répètent  le vrai comme le faux ou le non vérifié sont devenus des nouveaux magistrats  faisant leurs propres enquêtes dans des conditions souvent partiales et non contradictoires, partielles bien sûr  et donnent leurs conclusions comme si c’était la vérité. En cas d’erreurs ils ne peuvent pas être sanctionnés et ne s’excusent pas car ils sont présumés  de bonne foi, ont un devoir d’information  exigeant la transparence absolue pour les autres et sont neutres ,selon eux !. L’opinion publique est devenue la reine des élégances, l’arbitre suprême puisque les sondages font office de lettres de cachet,  et on lui sacrifie tout, vie privée comme présomption d’innocence, séparation des genres en devenant une autorité judiciaire bis qui se prononce à chaud sur l’émotion, et mise au ban de la société de ceux qui ne sont pas dans les normes édictées par une minorité  agissante décrétant quel est le camp du bien.
Le procès qui a eu lieu début décembre 2017 de M .Georges Tron maire de Draveil devant la cour d’assises de Bobigny  pour viols et agressions sexuelles est une illustration de ce que je dis. N’ayant pas lu le dossier et n’ayant pas assisté aux audiences , mon avis n’a qu’une valeur relative puisque je m’appuie sur les compte-rendus de la presse dont je viens de dénoncer les défauts. Mais après 42 ans de barreau et de plaidoirie y compris devant les juridictions pénales dont la cour d’assises j’estime pouvoir formuler quelques explications crédibles sur ce qui s’est passé. Je ne soutiens ni ne défends M.Tron qui a d’excellents avocats. L’ordre moral et le puritanisme ne doivent pas s’installer .Mais comme petit  élu moi-même  je m’étonne que M.Tron « prenne  son pied » par l’exercice de la réflexologie plantaire  pratique médicale alternative, ce qui est son droit sauf qu’il exerçait dans son bureau de la mairie, ce qui est peu usité et me parait déplacé puisque un élu  surtout ancien ministre et député doit donner l’exemple en toutes les matières y  compris pour sa vie personnelle.  On tombe certes  dans la subjectivité . Jacques Chirac flattait le cul des vaches mais c’était au vu de tous au salon agricole notamment . Revenons donc à nos moutons .
La procédure d’instruction a duré plusieurs années et M.Tron a bénéficié de non -lieux, le parquet ne s’y opposant pas . Le parquet est composé de procureurs en correctionnelle et d’avocats généraux devant la cour d’assises. On sait que le parquet est indivisible et que ses réquisitions s’imposent à tous ses membres. Bien sûr cette règle de droit connait une exception qui s’exprime ainsi : « la plume est serve mais la parole est libre ». Autrement dit l’avocat général qui porte l’accusation contre M.Tron doit suivre les réquisitions d’acquittement s’il y en a, mais rien ne lui interdit de dire le contraire oralement ! C’est ce qui est arrivé pour M.Tron si j’ai bien compris. L’avocat général à l’audience a eu l’air de considérer que M.Tron pouvait être coupable .Divine surprise pour les plaignantes et grosse colère de la défense .Après quatre jours d’audiences chaotiques  le procès a du être arrêté et renvoyé à une date ultérieure sans précision .On ne sait pas s’il reprendra ce que j’espère car soit M.Tron est innocent et il doit être lavé des soupçons, soit il ne l’est pas et les plaignantes doivent être reconnues comme victimes.Ce sont les motifs du renvoi qui m’ont chagriné :
-une émission de télévision plutôt à charge de M.Tron a été diffusée pendant  que le procès se tenait, alors que l’avocat de M.Tron avait écrit au CSA pour demander la non- diffusion. Il avait raison : la cour aurait du appuyer cette demande ;
- mais le plus scandaleux pour forcer les mots est que les réseaux sociaux ont mis en cause le président (un homme) de la cour pour lui reprocher les questions incisives et indiscrètes qu’il posait aux plaignantes ce qui serait un manque de respect .Les bras m’en tombent et cela me rappelle un procès célèbre d’il y a longtemps devant une juridiction d’exception où le président répondait systématiquement à la  défense : « la question ne sera pas posée » ce qui permettait de ne pas mettre en cause le pouvoir d’alors.
Il est du devoir du président de mener les débats à charge et à décharge envers toutes les parties . L’avocat de la défense comme celui des parties civiles s‘il l’estime utile doit pouvoir aussi aller aussi loin qu’il le souhaite dans son interrogatoire, avec délicatesse mais tout dépend de l’interrogateur,  sans insulter ou rabaisser  celui ou celle qui est concerné. Une audience n’est pas un lynchage en direct mais le moment où l’on essaie de faire émerger une vérité qui sera judiciaire. On doit pouvoir poser des questions qui dérangent, qui touchent à l’intimité en matière de viols ou agressions sexuelles, car les enjeux sont graves pour toutes les parties. On n’envoie pas une personne en prison pour de longues années sous le coup de l’émotion, ou pour faire un exemple. L’intime conviction des jurés d’assises doit être étayée par des faits avérés, une convergence tendant à la culpabilité ou mieux des preuves quand elles existent. Le climat extérieur comme «  balancetonporc » ou l’affaire «  Weinstein » ne sont pas des éléments à charge.
-« la foi du palais »  qui est un élément structurant pour un avocat comme le secret professionnel. Qu’est ce que c’est ? C’est une réunion informelle ou une discussion  entre avocats, ou entre avocats et magistrats pour faire le point d’une difficulté et essayer de trouver une solution qui satisfait tous les participants . Elle est confidentielle par nature et tout ce qui s’y dit ne doit pas être répété ou utilisé contre quiconque .Chacun peut exprimer ses interrogations, faire part de ses états d’âme, émettre des hypothèses, proposer un compromis sans que cela n’aboutisse d’ailleurs . C’est comme cela qu’on arrive à des accords ou à apaiser des contentieux.  Si l’on prend une comparaison, en matière diplomatique on essaie de rapprocher les points de vue  de façon discrète voire secrète avant d’organiser la réunion officielle et de signer un traité .La foi du palais est une  pierre angulaire de la justice et la trahir est grave. Dans le procès Tron il semble que le président ait laissé perçer son amertume d’avoir été mis en cause, et s’est demandé si une femme président  n’aurait pas fait mieux que lui. De ce point de vue je ne partage pas son avis ; une femme aurait pu être tout aussi intrusive, voire plus féroce.
Toujours est-il qu’à la reprise de l’audience l’avocat de M.Tron a parlé publiquement de ce qui s’était dit sous la foi du palais  pour justifier une demande de renvoi qui lui avait été précédemment refusée, et ce fut un tollé des autres avocats et certainement des magistrats. Ledit avocat a justifié la violation de la foi du palais par l’intérêt supérieur de son client . Cela se discute et ne doit pas se renouveler selon moi car une brêche -une de plus- s’est ouverte dans les relations de confiance entre le barreau et les magistrats qui ont déjà tendance à malmener le secret professionnel des avocats pour diverses raisons avec des motifs alambiqués et peu crédibles souvent, ce qui est très très grave. La défense a le droit et le devoir si c’est son intérêt d’être en rupture mais pas au point de menacer l’ensemble des avocats  qui croient encore naïvement ou  bêtement en  la foi du palais  qui a fait ses preuves et permet de résoudre des difficultés. A ce sujet le public a du être surpris et se méfiera désormais de ce que peuvent dire ou non  des avocats, pas tous heureusement. Finalement le renvoi a été ordonné. Twitter a gagné contre la foi du palais. La fin justifie- t -elle tous les moyens ?
En réalité ce qui est en jeu c’est le poids de l’opinion publique. C ‘est elle qui justifie les informations en continu inlassablement répétées jusqu’à satiété en fonction  du principe de transparence qui se moque de la vie privée ou de la présomption d’innocence, qui oblige chacun à répondre au moindre soupçon ou rumeur dans l’heure sur tous sujets, tout étant égal, les valeurs étant confondues, sous peine d’être déclaré immédiatement coupable ou suspect. Robespierre n’avait pas fait mieux mais il avait au moins l’excuse de vouloir la vertu dans l’intérêt du peuple tout entier, et non pas de ceux qui braillent le plus en criant au scandale pour tout et rien même si leur cause peut être juste . Le procès Tron est  un échec terrible pour la justice et ce n’est pas une satisfaction pour la cause des femmes . C’est une victoire à la Pyrrhus  pour la défense de M .Tron car il n’a pas été innocenté et le doute persiste.
Il n’y a cependant rien de nouveau. Mon illustre confrère Me Moro-Giafferi (1878-1956) avait déclaré lors d’un fameux procès d’assises : « l’opinion publique ,chassez la [du prétoire] cette prostituée qui tire le juge par la manche ».Comme ailleurs, dans  le combat judiciaire n’est pas Me yoda ou jedi de star wars   qui veut et croire que tout est permis en vertu d’une notoriété ou de la grosse tête que donne le talent. Il faut savoir utiliser la force pour arriver au bien. Mais si la justice sans la force est impuissante,  la force sans la justice est tyrannique a écrit blaise Pascal. Un procès est un affrontement entre deux logiques , entre deux vérités humaines. La stratégie judiciaire existe mais ni la haine ou le mépris ni la manipulation  n’y ont  leur  place  car elles sont  contradictoires avec ce qui est juste. Notre société cloue au pilori médiatique [lire Vincent Trémolet de Villers le figaro du 19 décembre 2017 page 19 ]ceux qui ne partagent pas le délire collectif. Sans rapport ou peu avec tout ce qui précède cela me rappelle le bateau ivre d’Arthur Rimbaud :
« comme je descendais les fleuves impassibles,
Je ne me senti plus guidé par les hâleurs ;
Des peaux rouges criards nous  avaient pris pour cibles ,
Nous ayant cloués nus aux poteaux de couleurs ».
C’est « un grand  tort d’avoir toujours raison » a écrit Edgar Faure, célèbre personnalité politique et avocat. La lumière ne brille pas à tous les étages des hurleurs et indignés professionnels et souvent leurs cris entrainent l’effet contraire à ce qu’ils recherchaient . j’ai sûrement tort car je ne suis jamais dans le camp majoritaire. Mais je vous ai compris comme avait dit un général idolâtré y compris par ceux qui ne l’ont pas soutenu et leurs héritiers .En 2018 je vais me rattraper et faire mon coming out. Je n’essaierai plus de comprendre, de douter, de vérifier les faits, d’essayer de réfléchir par moi-même et de choisir la raison. J’adhérerai au prêt à penser et au premier coup de sifflet je me mettrai au garde à vous . Je ne veux plus être traité de conservateur c’est ringard, ni encore moins de réactionnaire c’est dépassé .Je verrai une atteinte aux droits de l’homme dans tout, du racisme y compris d’Etat  avéré, et de la discrimination avec du harcèlement dans  les rapports humains. Le faible ou le minoritaire  aura raison sans discussion et le puissant ou le riche sera coupable par principe. Je serai pour tous les anti, anti-sémite, anti-musulman, anti -religieux ou capitaliste en général, anti- bourgeois, anti – propriétaire, et la liste n’est pas exhaustive.Sans oublier l'anti-virus, l'anti-rouille et l'anti-connerie mais je m'avance pour elle  car c'est un vaste programme.
En 2018 je signerai toutes les pétitions depuis pour  les bébés phoques jusqu’à l’éradication du paupérisme  après 18 heures surtout en hiver ; je serai pour l’accueil de tous les migrants chez les autres car chez moi c’est trop petit ; j’hurlerai avec les loups ce qui ne fera pas plaisir à nos bergers ; je soutiendrai les battu(e)s car il faut être inclusif ;  je haïrai les coupables désignés car les entendre est une perte de temps ; et j’enfoncerai les portes ouvertes .Je ferai repentance pour les croisades;  pour Clovis qui a cassé le vase de Soissons ; pour la saint- Barthélémy ; et pour Charles Martel qui a osé arrêter les arabes à Poitiers ; je n’oublie pas Jules Ferry et son passé colonial, ni la terreur ou l’empire autoritaire. Et pas de liberté pour les ennemis de la liberté ou de la croyance du jour les maoïstes sont de retour. C’est déjà une longue liste pour ce qui n’est pas contemporain et je risque de manquer de temps pour expier.
En 2018 j’aurai enfin bonne conscience  et j’aurai atteint le but ultime : être un progressiste c’est-à-dire être contre ce qui est pour et inversement , ceci sans responsabilité, sans légitimité, sans qu’on ne m’ait rien demandé. Le pied quoi, comme le dirait M.Tron. Espérons que l’année 2018 sera réussie car il n’y a pas d’élections sauf la préparation des européennes de 2019 pour tous les battus de 2017 qui espèrent ressusciter. On croit en plus de croissance et moins de chômage ; en plus de fraternité et moins de polémiques subalternes ; en plus de sécurité et moins de fous de dieu ; en plus de sérénité et moins de violences…
Comme on n’est pas à l’abri d’un succès,   l’année 2018 devrait être magique, mais pas à la façon de l’illustre illusionniste Harry Houdini [1874-1926] qui avait l’art de faire croire ce qui n’est pas et de faire prendre les vessies pour les lanternes.
Bonne année à toutes et à tous , selon la syntaxe présidentielle .







jeudi 7 décembre 2017

« Retiens la nuit » car « c’était bien ».

« Retiens la nuit » car «  c’était bien ».
Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
Pierre Desproges avait ironisé : « quand Coluche est mort j’ai pleuré alors que quand Tino Rossi est mort j’ai repris deux fois des moules ». Nous n’aurons l’occasion que d’être triste à la suite du décès à quelques heures d’intervalle de Jean d’Ormesson et de Johnny Hallyday : deux voix se sont éteintes mais on les entendra encore longtemps car elles sont gravées dans notre mémoire.  
L’un était la gloire, incarnait les anciens, la connaissance, la littérature, la philosophie, le bonheur et l’art de vivre. L’autre était l’idole qui représentait les jeunes  et leurs espoirs quelques soient leurs âges, la musique, l’artiste,  l’amour , ce qui fait la vie avec ses joies.
L’âge ne comptait plus et ils étaient tous deux très modernes chacun dans son  domaine ayant passé les époques, les modes, les polémiques, l’histoire. On le lisait ou on l’écoutait en l’aimant ou non, mais ils faisaient rêver et on aurait voulu être comme eux. Jean d’Ormesson  avait eu tous les honneurs de la république et de l’élite intellectuelle ou de celle qui se prétendait telle,  et populaire car les livres ouvrent l’esprit de ceux qui n’ont pas eu la chance de naître au bon endroit ou qui veulent approcher le savoir qui libère. Johnny avait eu tous les honneurs du peuple  qui aime ceux qui viennent de loin et se sont hissés au sommet,  ce qui vaut toutes les médailles et l’académie. Ils auront tous deux à juste titre des funérailles nationales, le président de la république sera présent et pour l’un et pour l’autre.
J’ai beaucoup lu Jean d’Ormesson mais avec ses derniers livres surtout je ne l’ai pas entièrement compris. Il volait trop haut pour moi.  J’ai aimé en revanche son sens de la conversation, son humour, ses citations, comme André Malraux qui m’avait fasciné quand j’étais adolescent pour son personnage et sa culture.  Je n’ai pas apprécié certaines périodes et inspirations des chansons de Johnny tout en reconnaissant son immense talent sur scène, alors que j’avais été subjugué quand j’étais jeune par les textes de Georges Brassens. 
Je ne sais de jean d’Ormesson ou de Johnny celui qui m’a le plus formé et donné envie de m’investir en me créant un destin, petit certes, mais le mien.
Jean était un raconteur d’histoires, de grandeur , de sublime  même parfois dans le trivial .  Johnny donnait des leçons de vie pratique et d’espoirs, de désespoir qui se terminait bien.  Comme Corneille écrivait des vers pour montrer ce qu’il faudrait faire dans la vie, tandis que Racine nous disait ce qu’il en est dans la réalité. Les hommes tels qu’ils devraient être face aux hommes tels qu’ils sont.
Il n’y a pas d’art mineur : il y a du talent ou non, et le public sait le reconnaitre.
Tous les deux étaient le symbole de l ‘amour : courtois et parfois badin pour l’un, plus heurté  pour celui qui chantait le rock-and-roll.  Ils ont partagé les difficultés de la vie chacun à sa manière car la réussite n’exclut pas les épreuves, comme pour tous les hommes. Ils nous ont appris à vivre et c’est une leçon extraordinaire.
« Je dirai malgré tout que cette vie fut belle » a conclu Jean d’Ormesson. Johnny a cherché à « retenir la nuit ». Ils ont réussi leur pari : nous rendre heureux.

Au revoir et merci. 

mercredi 8 novembre 2017

Voir le procès Abdelkader Merah par le petit bout de la lorgnette.

Voir le procès Abdelkader Merah par le petit bout de la lorgnette.
Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
Je ne vais pas commenter l’enjeu de ce procès et son résultat qui a été observé à la loupe grossissante et je partage les analyses dominantes au fond tout en étant réservé sur les prétendus spécialistes et ceux qui croient détenir la vérité, jugent les avocats et les magistrats, et savent ce qu’il faudrait faire pour éradiquer le terrorisme tout en conservant une législation qui n’est pas liberticide mais efficace(sic). Les conseilleurs n’ont jamais été les payeurs.  Je vais m’attarder sur des détails qui sont essentiels pour moi et essayer de faire connaitre un peu de l’envers du décor et du rôle de l’avocat qui défend un terroriste. Ce n’est que ma vision par le petit bout de la lorgnette. Que les avocats réels cités dans cet article me pardonnent mes approximations et commentaires car rien ne remplace la présence  à l’audience, les rapports physiques, la confrontation intellectuelle, l’ambiance générale, le décorum solennel avec les robes  noires ou rouges, le public dont certains sont au spectacle, la presse qui a des exigences et des préférences, l’émotion qui submerge la raison…Dans un procès qui concernait l’assassinat d’un préfet devant ladite cour d’assises anti-terroriste Me Dupont-Moretti a été mon adversaire. Il a été loyal tout en étant ferme. On a la personnalité que l’on s’est créée et le succès ne vient qu’à ceux qui le méritent. Avocats de parties civiles comme ceux de la défense sont égaux. Le meilleur gagne, si le dossier s’y prête.
Il fallait naturellement que ce procès ait lieu pour que les victimes puissent dévisager en direct et haïr physiquement celui qui comparaissait dans le box et d’après ce que j’ai vu dans les dessins d’audience portait cheveux longs et barbe hirsute et avait une mine patibulaire. Il était condamné déjà sur son apparence. Je partage naturellement l’émotion des victimes et j’en suis solidaire sans avoir été touché à titre personnel, comme je suis ému à chaque fois qu’il y a un attentat ou un évènement grave qui aurait pu me concerner ou un de mes proches. Il fallait que la société tout entière se fasse une idée de celui qui a été présenté comme celui qui a armé le bras de l’assassin odieux -si ce n’est toi c’est donc ton frère comme l’écrivait le doux  psychologue et poète Jean de La fontaine dans le loup et l’agneau-  et  essayer de comprendre pourquoi certains qui sont nés sur notre territoire, ont été élevés dans nos écoles avec le principe de laïcité, ont partagé notre culture,  nous ont fréquenté, ont profité de notre état de droit, de notre démocratie, de notre solidarité, nous détestent au point de vouloir nous tuer,  discréditent  nos valeurs, combattent nos principes, et sont prêts à tout  perdre et à accomplir le pire en devenant des barbares ,en prenant la vie au hasard d’innocents dont des enfants, au nom d’une religion en s’inféodant à des terroristes lointains et désincarnés, bourreaux professionnels ? Cette question reste quasi sans réponse mais elle est pourtant pour moi, LA question fondamentale. Certes je ne suis pas un rebelle cela se sent et se saurait et j’incline plus vers l’ordre public, le respect de l’autre et le combat démocratique, tout ceci étant certainement ringard et sans importance aucune. Je me fonds dans le collectif en essayant d’apporter ma pierre à la construction d’une société qui rassemble et qui est plus juste surtout pour ceux qui ne sont pas nés avec une cuillère dans la bouche et n’ont ni tous les codes ni la connaissance des filières qui gagnent. Mais je m’interroge : qu’avons-nous fait à ces terroristes ? Avons-nous seulement tenté de les priver d’un élément essentiel pour eux, de leur identité, de leur personnalité, en les rejetant, en les discriminant, et les dédaignant, en les cantonnant dans ce qu’ils croient être leur ghetto, en ne leur donnant pas les mêmes chances qu’à d’autres ce qui expliquerait qu’ils nous méprisent ? Je réponds non ce qui est peut-être une explication courte, mais je ne suis pas partisan de la repentance en général, de la culpabilité collective même si la France n‘a pas tout bien fait dans l’histoire mais comme pour la révolution elle est un bloc : on la prend comme elle est avec sa grandeur et ses défauts, et on peut s’y investir pour en améliorer le fonctionnement et introduire plus de justice sociale, plus de fraternité, plus de tolérance, plus de rapports humains. Mais on n’essaie pas de la détruire, de la toucher au cœur, de créer des haines entre communautés, de l’abaisser. Que faudrait-il changer pour que les terroristes ou assimilés de toute délinquance soient satisfaits, qu’il n’y ait plus d’Abdelkader et de Mohamed Merah. Mais surtout est-ce à nous de changer ? Dans le pays des droits de l’homme et de la démocratie même imparfaite et j’exagère volontairement, exemple rare dans le monde surtout sur la terre d’islam, faut-il céder au chantage à la violence de quelques individus voire quelques centaines, ce qui serait une défaite impensable en rase campagne de la pensée, des libertés et de nos valeurs ? Bien sûr que non, et nous devons faire face. No pasaràn disaient les républicains espagnols…
Revenons à nos moutons, et je ne parle pas du troupeau Merah mais de la cour d’assises anti-terroriste spécialement composée qui pendant cinq semaines a essayé de garder la tête froide et de ne pas céder à la pression.  Pour moi le petit bout de la lorgnette était de vouloir faire le procès de Mohamed qui ne sera jamais jugé, à travers son frère Abdelkader et sa mère. On comprend la frustration des familles de victimes qui auraient voulu que l’assassin encore vivant réponde de ses crimes, voire les explique et les justifie selon lui. Cela aurait été un tollé. Mais que peut- on attendre d’un barbare ? Sûrement pas qu’il s’excuse, qu’il regrette, qu’il indique comment il s’est procuré des armes et des munitions, pourquoi il a choisi pour mourir tel ou tel sur leur foi apparente ou leur uniforme ou leur innocence, ou en suivant son inspiration maudite et le hasard ? En un mot qu’il « collabore » avec cynisme à sa propre condamnation.  Cela aurait été insupportable à entendre et les polémiques qui ont émaillées le procès d’Abdelkader auraient franchi toutes les bornes et auraient créé des fossés incomblables entre tous. Tant mieux si Mohamed l’arrogant d’après les descriptions n’a pas comparu puisque les forces de l’ordre qui ont porté l’assaut ont fait leur travail. Il nous manquera des réponses à des questions légitimes mais l’on n’est pas obligé d’aller tout au bout de l’horreur pour avoir une conviction et détester celui qui est passé à l’acte. Je vais certainement choquer certains en écrivant ce qui précède mais il faut être réaliste et ne pas se lamenter pour rien il y a d’autres motifs pour être en colère. Quand c’est impossible ayons la certitude que nous avons raison et privilégions la conciliation entre les victimes toutes plus honorables les unes que les autres, la société qui a besoin d’être soudée dans l’affrontement et les menaces protéiformes, et nos valeurs de paix.
Le petit bout de la lorgnette c’est aussi de se réjouir que M. Abdelkader Merah ait été condamné à juste titre au maximum avec une peine de sûreté pour sa participation à une association de terroristes et de féliciter les juges, mais de les critiquer parce qu’ils ont prononcé -également à juste titre selon moi mais je suis un petit juriste en droit pénal-, un acquittement pour les poursuites de complicité d’assassinat. Me Dupont-Moretti seul contre tous on l’a vu et certainement à rebours de l’opinion a encore frappé, et je l’en félicite, car le droit ne doit pas céder à l’émotion même si celle-ci est constamment présente et doit être prise en compte naturellement.
Le plus important dans ce drame qui est jugé  c’est  la culpabilité avérée d’Abdelkader  Merah l’idolâtre, le penseur avéré , celui qui a réfléchi au meilleur moyen de faire le mal, qui a organisé et fourni les moyens, a armé le bras qui a tué à savoir son propre frère d’ailleurs (merci l’amour entre eux) et l’a laissé se sacrifier .Je ne sais pas s’il peut se regarder tranquillement dans la glace de la  prison ou en parler avec sa mère  qui vient lui rendre visite au parloir, et sauf s’ils étaient tous les deux d’accord ce qui ne ressort pas des audiences? C’est Abdelkader le plus dangereux car Mohamed qui se pavanait au volant de bolides puissants n’a pas été décrit comme un cerveau exceptionnel mais plutôt comme une petite frappe délinquante sans envergure.
Le petit bout de la lorgnette encore c’est de braquer les projecteurs sur le kamikaze sans foi ni loi, sur l’exécutant, sur l’opérateur pas fou bien sûr ce serait trop facile mais drogué à la haine et indifférent à l’autre -son frère en humanité - qu’il voit comme le reflet de son échec. Ce qui compte c’est de s’interroger sur les commanditaires, tenter de comprendre leurs réflexions, leurs répulsions, leurs envies et leurs haines ce qui va de pair, pour essayer d’anticiper leurs actions coupables et stopper ou minimiser les attentats autant que faire se peut.
J’attendais ce procès impatiemment car il devait permettre de répondre à des questions de fond, notamment sur la justice anti-terroriste qui existe  dans notre état de droit depuis 1986 et qui va avoir encore beaucoup de travail, alors que l’état d’urgence a été intégré dans le droit commun avec quelques réserves et inquiétudes  justifiées dans les principes pour les libertés individuelles comme publiques, mais si on ne prenait pas  des mesures de protection collective préventive, et si  l’on ne fournissait pas des armes légales à ceux qui luttent contre le terrorisme et à ceux qui jugent,  que ne dirait- on au prochain attentat !
Ce procès ne m’a pas plu car les attaques personnelles et les menaces contre Me Dupont-Moretti ont été honteuses.  On me dira que c’est encore le petit bout de la lorgnette et surtout de la solidarité corporatiste, mais non. Personne -sauf les rares confrères qui sont présents à la barre dans les procès qui défraient la chronique - ne peut connaitre la solitude de l’avocat qui défend un monstre aux yeux des victimes et de l’opinion qui voudraient qu’un exemple ait lieu, que l’on ne fasse pas du juridisme et que l’on ne s’embarrasse pas des grands principes, puisqu’il est coupable « forcément coupable » comme aurait pu l’écrire Marguerite Duras, qui voyait du sublime dans le tragique ou le sordide.  C’est le petit bout de la lorgnette de confondre l’avocat avec son client. Entendre un avocat partie civile ce qui est admettons le une tâche fondamentale mais peu risquée -sauf erreur de ma part car je n’étais pas à l’audience, je n’ai rien entendu et je me réfère aux commentaires ou compte rendus lus dans la presse parfois partiale ou incomplète sauf exception et je parle d’expérience- insulter l’avocat de la défense qui a le poids du procès outre l’hostilité générale en lui disant qu’il est le déshonneur du barreau m’a laissé médusé et en colère. Un avocat ne peut tenir ce genre de propos car il n’a plus de distance avec son client et il le surpasse dans la détestation qui ne devrait concerner que l’accusé qui lui incarne en l’espèce le mal absolu ce qu’admet son avocat d’ailleurs sauf erreur de ma part. Il faut beaucoup de talent et de courage à l’avocat de la défense pour faire respecter les grands principes du droit, celui de la preuve que l’accusation doit établir, du doute qui profite à l’accusé et chasser du prétoire l’opinion publique cette « catin » comme l’avait dit il y a longtemps le célèbre avocat Me Moro-Giafferi. L’avocat qui a insulté Me Dupont-Moretti devrait lire les maximes de La Rochefoucauld de 1664 sur la vanité et l’honneur, et surtout la bible de la défense à savoir l’ouvrage de Me Albert Naud « les défendre tous ». Chaque avocat a ses raisons d’accepter une défense qui sont des motifs personnels et qui relèvent de sa seule conscience. On n’est pas obligé de l’approuver mais on n’a ni le droit ni la supériorité de l’accabler. Rappelons-nous Voltaire : « je ne partage pas vos idées mais je me ferai tuer pour que vous puissiez les exprimer ». Me tuer est excessif car je n’ai pas ce courage, et pour quelle cause se tue-t-on dans nos sociétés consuméristes ? même si je suis tolérant pas plus que la moyenne cependant et que la liberté d’expression surtout à la barre est l’apanage des grands.
On devrait remercier Me Dupont-Moretti d’avoir développé devant la cour une véritable défense sur les faits en débats,  plutôt que d’avoir adopté une posture ou une défense de rupture comme Me Jacques Vergès (qui se qualifiait de salaud « lumineux » titre qu’aucun avocat  ne lui a contesté quand il défendait sous les huées en 1987  le bourreau nazi Klaus Barbie  pour crime contre l’humanité) et d’avoir plaidé l’acquittement ce qui a obligé l’avocate générale -qui représente la société- à être très offensive et rigoureuse en droit  pour démontrer un faisceau d’éléments à charge et ainsi obliger la cour à motiver point par point sa condamnation( j’avoue n’avoir pas lu l’arrêt). Il n’y a ainsi pas eu de débats sur la légitimité de la cour, sur sa nécessité. Et pour l’avenir les terroristes qui comparaitront sauront à quoi s’en tenir. Ce n’a pas toujours été le cas dans notre histoire.   
Je me permets un souvenir personnel qui rejoint le procès Merah sauf pour les motivations des accusés qui défendaient la France, puisque j’ai été le jeune collaborateur de Me Tixier-Vignancour de 1973 à 1981, pendant mon stage ; il fut mon seul patron au palais. Je n’ai pas hérité de son talent, hélas.
Devant la cour de sûreté de l’Etat qui a jugé entre 1963 et 1981   des accusés  notamment pour des faits  en relation avec les évènements d’Algérie (des algériens étaient considérés comme des terroristes et les partisans de l’Algérie française avec l’OAS se considéraient comme des patriotes), le  lieutenant- colonel Bastien-Thiry, décoré de la légion d’honneur, poursuivi pour avoir organisé un attentat contre le général de Gaulle  était défendu par Me Jean-Louis Tixier-Vignancour et Me jacques  Isorni (qui avait défendu juste après la fin de la guerre le maréchal Pétain ).La défense était incarnée par des ténors du barreau. Le pouvoir exécutif leur était hostile et ils s’étaient fait huer au parlement. On n’a jamais aimé les terroristes ou présumés tels, ni les avocats qui les défendent, ce qui se comprend. Au cours d’une audience Me Isorni s’attaqua à l’indépendance des juges et à la légitimité de la cour : il fut inculpé sur le champ pour outrages et il comparut en flagrant délit. Me Tixier-Vignancour le défendit. Me Isorni écopa de trois oui trois ans, de suspension. La défense est parfois à risques par les temps troublés ce qui est notre cas actuel. 
Par sa défense au procès Merah Me Dupont -Moretti a confirmé ses lettres de noblesse -qu’elle avait déjà dans des affaires passées- à notre justice anti-terroriste. Ce n’était certainement pas son objectif ? mais ainsi l’état de droit a été renforcé et les terroristes n’ont pas gagné : nous avons conservé notre liberté de juger. A défaut notre justice serait l’exécutrice des basses bien que compréhensibles œuvres du pouvoir, ce que personne ne tolérerait car la fin ne justifie jamais les moyens y compris pour l’Etat. C’est le chancelier Séguier premier président de la cour d’appel de Paris qui déclarait jadis que « la cour rend des arrêts pas des services ».  
On a reproché à Me Dupont-Moretti d’avoir cité la phrase de Camus : « entre la justice et ma mère je choisis ma mère ». C’était pendant la guerre ou les évènements d’Algérie, (d’où mon aparté sur la cour de sûreté de l’Etat plus haut) et Me Dupont -Moretti n’a certainement pas voulu comparer Camus et Merah ? Ils n’évoluent pas dans la même catégorie humaine et philosophique ! Mais que pouvait- on attendre du témoignage de la mère d’Abdelkader et Mohamed Merah ? Qu’elle les accable, qu’elle accuse ses fils ou l’un pour sauver l’autre ? Le jugement de Salomon n’est pas possible dans une justice républicaine de surcroît. Et l’autocritique comme au temps des maoïstes ou des khmers rouges est passée de mode. Regrette-t-on ces grands moments d’humanité ?
Le petit bout de la lorgnette enfin est que tout le monde est mécontent ce qui est bon signe. Les parties civiles qui ont eu une défense médiatique très lacrymale sont des victimes à vie ce qu’il faut respecter et sont déçues car M. Merah avec ce verdict sortira de prison dans quelques-longues- années. Qui sera-t-il ? Aura -t- il des remords ? Sera-t-il prêt à une vraie reconversion passant par une intégration dans notre société ? Dédommagera-t-il les parties civiles ? Elles veulent que l’acquittement soit effacé et que M. Merah soit condamné à la peine perpétuelle avec mesure de sûreté maximum.
La défense avec l’autre accusé et M. Merah défendu par Me Dupont-Moretti qui a fait une cure de silence médiatique, très bonne tactique au demeurant qui a exaspéré ses adversaires au passage, est aussi déçue car la cour n’a pas fait droit à tous les arguments de droit qui ont été avancés et a retenu à charge des faits et leurs conséquences qu’elle contestait. Enfin l’accusation représentée par Mme l’avocate générale n’est pas d’accord avec l’arrêt et elle a interjeté appel. Puisque tout le monde proteste du résultat peut-on en déduire que la justice a été bien rendue ?
Il y aura donc un nouveau procès. En attendant Abdelkader est détenu. C’est une bonne nouvelle.
Mais il faut quand même que je critique Me Dupont-Moretti. Il aurait déclaré à la barre que des crachats sur sa robe valaient la légion d’honneur qu’il a d’ailleurs refusé. Il a tort. Personnellement je ne suis pas assez talentueux, effronté et important pour refuser la légion d’honneur que l’on a bien voulu m’accorder pour des mérites liés à la justice mais pas seulement. On peut briller ailleurs qu’au prétoire, et une décoration n’est pas le signe d’un talent avéré. Si c’était le cas la bataille pour l’obtenir serait rude. Quant au crachat il ne souille que celui qui le projette : c’est l’argument ultime des médiocres.

J’espère qu’en appel la sérénité régnera, l’enjeu restant fondamental. 

lundi 6 novembre 2017

La justice entre Halloween et la Toussaint, réflexions banales.

La justice entre Halloween et la Toussaint, réflexions banales.
Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
Pendant que certains étaient en vacances la semaine du 30 octobre au 5 novembre a été riche d’évènements. On ne sait plus s’il faut fêter les saints ce qui est du domaine du religieux ou la simple visite à nos chers disparus au nom de la mémoire et de l’amitié ou de l’amour, ou pousser des cris d’horreur avec la fête païenne d'Halloween plus proche du grand guignol et du commerce que de la méditation. Notre société balance entre le spirituel-même si les églises ne se sont pas en odeur de sainteté-  et la tradition, et le prétendu modernisme du spectacle et de la futilité.
La justice n’a pas été au repos en raison d’une actualité qui a pu choquer.
1°) Commençons par les USA qui ont poussé des cris d’horreur réelle car il y a eu récidive d’un grand classique : une tuerie de masse. Concernant l’attentat à Manhattan à la voiture- bélier par un originaire d’Ouzbékistan ce qui n’est pas une circonstance aggravante, je ne crois pas que le président Trump va déclarer en twittant la guerre à ce pays, mais il va essayer de réintroduire son décret anti-migrant et suppression de la « loterie » ou tirage au sort qui permettait à certains de venir aux USA, et la justice à savoir la cour suprême va devoir se prononcer de nouveau. Puis on est dans le connu :   après le massacre  il y a un mois de Las Vegas où il y a eu plus de 50 morts et des dizaines de blessés , perpétré par un américain blanc, riche, fréquentant peut être une église , sans histoire apparente, sûrement sain d’esprit  si on l’est quand on tue à vue ?, avec famille et enfants, possédant un arsenal d’armes en toute légalité a priori et qui s’est suicidé  ou a été tué par la police c’est un peu glauque , un ancien soldat de 26 ans est entré dans une église d’un petit village dimanche et a tiré sur tout ce qui bouge faisant 26 morts et des blessés, avant d’être retrouvé mort dans son véhicule. Y a-t-il une leçon à tirer de ces deux drames ; la justice ne passera pas puisque les auteurs sont décédés ; la législation sur les armes aux USA ne sera pas revue. Le président Obama a échoué dans sa tentative et le président Trump   est plutôt un partisan de la « national rifle organisation » qui est le puissant lobby des armes et ses électeurs le soutiennent. Halloween a bien porté son nom.
Toujours aux USA des proches du président ont été inculpés   de complot contre les USA ce qui est d’une gravité inouïe. Le procureur spécial Bob Mueller semble déterminé. La justice américaine n’est pas tendre, elle qui peut condamner des individus à des centaines d’années de prison. Le feuilleton continue et les adversaires de M. Trump visent l’impeachment du président. Qui gagnera ?
2°) En catalogne c’est la débandade. Je ne critique pas ceux qui considèrent qu’un peuple a droit à son autodétermination-sinon tous les tyrans, massacreurs, dictateurs ont des beaux jours devant eux-, ou à une autonomie prononcée, ils ont le droit d’y croire et de le vouloir par les urnes en convaincant et en respectant ceux qui ne sont pas d’accord et jamais par la violence , l’assassinat  ou les armes ou la sédition auto- proclamée surtout dans une démocratie et en profitant d’un état de droit et des avantages de la nation qui leur a permis de pouvoir prendre leur essor. Leur réussite est aussi celle des autres membres de la communauté nationale dont ils veulent se séparer, de la solidarité, et de l’État central qu’ils exècrent. Manifestement M. Puigdemont et ses amigos ont été débordés par leur audace. Ils ne savaient plus que faire à la suite de leur coup d’éclat-sinon d’État-, le départ de beaucoup de banques et d’entreprises, la fermeté de Madrid, et le refus évident de l’union européenne qui les a accueillis à bras fermés.  Ils ont eu tout faux. Ils n’avaient pas suffisamment réfléchi à l’après, ont entraîné leurs partisans dans une impasse, et ont donc eu un comportement irresponsable. Ils ont dû pour les uns se livrer à la justice espagnole et pour le leader M. Puigdemont s’exiler en Belgique ce qui est lamentable. C’est une reddition croquignolesque pour reprendre une expression de M. Macron.   Un mandat d’arrêt européen est en cours d’exécution. Les justices belge et espagnole vont se prononcer, tandis que des élections auront lieu en décembre. Je souhaite le possible à M. Puigdemont qui doit être sincère même s’il se trompe, car on ne tire jamais sur un homme qui a un genou à terre. 

3°) Mais c’est notre Conseil d’État qui s’est distingué par son arrêt du 25 octobre 2017 -connu la semaine de la Toussaint quelle coïncidence ! -, n°396 990 Fédération Morbihannaise de la libre pensée, Mme C .  et  M. D.  contre la commune de Ploërmel, obligeant celle-ci à retirer uniquement  la croix qui surmonte  la statue en conservant celle-ci  ! de Jean-Paul II édifiée sur une place publique. Les catholiques ont été outrés, et les laïcs ont applaudi. La justice est -elle en cause ? Les demandeurs de la libre pensée qui se gargarisent d’une victoire à la Pyrrhus de la laïcité ont obtenu l’effet inverse qu’ils recherchaient. Partout dans le pays il y a eu une vague d’indignation et des comités « montre ta croix » se sont créés. Il y a du futur contentieux dans l’air, et en visant les signes ostentatoires catholiques qu’en sera – t -il des signes ostensibles et visibles musulmans, des prières de rue, des mosquées ou autres bâtisses construites après 1905, et des prières dans la rue espace public par excellence. Sans compter l’autorisation du burkini dans les piscines publiques comme à Rennes sauf erreur. (ce qui  nous change de Paris où Mme Hidalgo semble vouloir  des piscines pour naturistes : quel sera l’objet du délit qui offense la vue ?) .  Je crois que nos libres penseurs de Bretagne et d’ailleurs ont du pain (non béni) sur la planche, avec la liberté   d’être aussi offensif contre tout ce qui heurte la laïcité. Pour bien comprendre le débat de droit et non de l’émotion ou de la croyance il faut connaitre les textes.
La lecture de l’arrêt du conseil d’état laisse sceptique même si la lettre de la loi est claire. Mais on le sait : les juridictions ont parfois un prisme  orienté et la jurisprudence sait contourner la lettre.  On vise l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation DES églises et de l’État, même si on se rappelle que le combat de l’époque concernait non pas le culte ou la foi catholique mais son expression séculière à savoir le clergé et son influence avec la volonté de s’immiscer dans le profane voire de gouverner les affaires de l’État. Cet article dispose littéralement : « il est interdit à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte , des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou des expositions ». Nos cathédrales, églises, calvaires notamment  ont donc échappé à la loi. Depuis 1905 cependant l’eau sous les ponts a coulé et les croyances se sont raréfiées au profit du consumérisme matériel, et d’une spiritualité à géométrie diverse : nos idoles pour la plupart des citoyens ne sont plus celles d’antan, ce qui n’est pas une raison pour admettre n’importe quoi et fouler au pied les principes de la république et de la laïcité, nous sommes d’accord. Mais la tolérance et l’ouverture d’esprit ne sont pas non plus à reléguer au magasin des idées ringardes. Dura Lex Sed Lex. Selon moi la laïcité doit être entendue comme l’obligation par l’État - et donc son bras armé les juridictions - de ne pas interférer dans les libertés intimes   et dans le domaine privé de la religion, en donnant les moyens  à ceux qui croient d’exercer leur culte en contemplant s’il le souhaite  des statues (ne n’est pas le veau d’or en l’espèce) , et à ceux qui ne croient pas, de n’être pas agressés  par un prosélytisme apparent car  en effet une statue ne parle pas ,et muette elle ne délivre pas de message d’adhésion. Sinon les statues de nos généraux et maréchaux ou soldats morts pour la France appelleraient à la guerre, alors qu’elles militent pour le plus jamais cela et la concorde. La laïcité est une arme de paix si je puis utiliser cet oxymore entre les groupes, entre ceux qui ne pensent pas pareil, en obligeant à l’ouverture des esprits et en pratiquant la tolérance. C’est ce qui se passe dans une commune qui en son conseil municipal représente des citoyens à croyances et sensibilités diverses sans compter les agnostiques et les athées, fait des choix dans l’intérêt général discute d’une installation de qui et où, est libre de ne pas se censurer et de plier devant une maigre opposition et de rendre hommage à un homme public fut-il religieux. Jean Paul II pape certes catholique est le héros des anti communistes et a contribué à donner des libertés à des peuples opprimés qui ne se réclamaient pas de la croix.  Sa statue n’est pas un appel à la foi catholique. Elle est la reconnaissance du courage et de l’amour entre les hommes. Et un appel à ne pas avoir peur. Cela concerne tout le monde.  C’est certainement pour cela que nos amis libres penseurs ont accepté la statue mais pas la croix qui leur cause un préjudice, de principe, esthétique, de conscience ils doivent le préciser ? Demie mesure qui n’a pas de sens et qui crée la polémique au lieu de l’éteindre outre l’argent que cela coûte aux contribuables de Ploërmel en frais de justice et autres. Ils ont préféré la lutte des consciences à la communion des âmes. Que la paix soit avec eux. Je ne défends naturellement ni la croix, ni le croissant, ni l’étoile de David, ni une spiritualité quelconque qui sont de la sphère privée. Mais je ne m’offusquais  pas  et je n’aurai pas saisi la justice si j’en avais eu les moyens, quand je voyais il y a peu ,des monuments ou des rues à la gloire de despotes ou de massacreurs en série des libertés dans des communes politiquement engagées soutenant  les bilans globalement positifs, et je ne suis pas partisan de la repentance ou de voir débaptiser  certains noms de notre histoire au nom d’une bien pensance nouvelle ou d’une appréciation correspondant aux droits de l’homme revisités et opportunistes de notre période contemporaine .Il reste du boulot à nos libres penseurs intégristes de la laïcité qui  bien sûr, doit se défendre quand elle est attaquée ou que l’on veut la réduire à rien.  Ou à une religion précise. Mais il faut choisir le bon combat et ne pas revenir aux vieilles lunes et à la traditionnelle calotte   qui a été remplacée par d’autres symboles visibles.
Pourvu que vos valeureux libres penseurs bretons ne s’attaquent pas comme Astérix aux romains, y compris ceux qui leur ressemblent chez nous, c’est-à-dire à Rome ville catholique avec le Vatican et dans nos campagnes, à la croix de lorraine ; à la Croix-Rouge ; aux croix de bois ; aux croix de nos pharmacies ; aux croi..ssants…
Le conseil d’État a rendu le 9 novembre 2016, avec  la fédération départementale  de la libre pensée de seine et marne (lire aussi l’arrêt n°395223 fédération de la libre pensée de Vendée), un arrêt  n°395 122  qui rappelle la liberté de conscience et la garantie de libre exercice des cultes, et qui est nuancé sur les crèches qui sont aussi une tradition et des décorations profanes avec un caractère culturel, artistique ou festif et n’ont pratiquement plus de connotation religieuse sauf pour ceux qui voient partout du religieux. Inspirons-nous-en et faisons une croix sur nos querelles dépassées. Jean-Paul II ne mérite pas ce déshonneur.
La justice qui tranche les problèmes spirituels a une mission quasi « divine » !

4°) Enfin pour terminer il y a eu le verdict dans le procès contre Abdelkader Mérah - celui que tout le monde déteste il fait l’unanimité de ce point de vue-  procès qui a échauffé les esprits. Les parties civiles sont déçues, c’est constant. La défense aussi car elle estime que la cour a condamné trop sévèrement malgré l’acquittement partiel un de plus au palmarès de Me Dupont-Moretti qui n’oubliera pas ce qu’il a honteusement subi personnellement. Enfin il y a appel du ministère public.
Puisque personne n’est content n’est-ce pas le signe que les magistrats ont bien jugé ? Je ferai part de mes commentaires dans un article ultérieur. A suivre!

dimanche 29 octobre 2017

Billet d’humeur sur l’air du temps : les croyances, les élites et l’argent, la politique évidemment…

Billet d’humeur sur l’air du temps : les croyances,  les élites et l’argent, la politique évidemment…
Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
Ce sont les vacances autorisons nous de la légèreté. On ne fête plus la toussaint et la visite des cimetières qui ne m’a jamais enthousiasmé ,  car c’est ringard sûrement et cela rappelle trop pour certains l’église que je ne fréquente d’ailleurs pas. Se souvenir de ceux qui ne sont plus est suspect sauf le culte pour ceux qui témoignent de  diverses révolutions car on tuait pour la bonne cause, parait- il. On attendra donc  le 11 novembre pour commémorer  les morts pour la France ou ceux qui sont tombés en combattant le terrorisme  ou les délinquants de toute nature .Le conseil d’Etat  champion de la protection des libertés publiques-après des années de contentieux initié par la libre pensée de bretagne - vient d’ interdire de garder  une croix sur un monument  construit sur le domaine public d’une commune  qui avait voulu rendre hommage à Jean-Paul II  pape catholique,  un de ceux qui ont combattu le communisme et aider à  rendre la liberté à certains peuples . Laïcité extensive et radicale oblige . Je ne défends évidemment ni la croix, ni le croissant, ni l’étoile de David , ni autre symbole. Mais faudra- t-il décapiter le sommet de nos églises et le mont saint Michel qui incarnent  la croix ? Sans compter les cathédrales dont la dernière à paris de l’église orthodoxe.  On espère qu’il en sera de même quand  des fidèles  d’autres religions voudront faire connaitre leur croyance à tout le monde, et l’afficheront sur le domaine public, dans nos rues en particulier.  Nos libres penseurs doivent être attentifs à toute manifestation de religion sur l’espace commun, quelle soit en béton ,  en vêtements ou en psalmodie. Et surtout être tolérant s’il n’y a pas de prosélytisme. La laïcité  n’est pas faite que d’interdictions. Elle est aussi un moyen pour conserver la paix  et admettre l’histoire d’un peuple et ses racines. 
On préfère célébrer Halloween et se faire peur, fête paienne  de samain  dieu de la mort,  sorte de nouvel an  celte  en vogue chez les anglo-saxons et qui sauf erreur de ma part n’a pas une dimension spirituelle très affirmée. On mange des bonbons après avoir revêtu un masque d’horreur, ce qui ravit nos boulangers et autres vendeurs de sucreries, ainsi que les dentistes bien sûr.
 Je préfère essayer de rire autrement  dans ce monde de brutes et d’indignations pour tout et rien comme si le ciel allait nous tomber sur la tête plusieurs fois par jour. Puis l’écume disparait et reste la réalité.  L’actualité nous donne des exemples.
Je suis toujours étonné par les polémiques qui démarrent de façon tonitruante, qui durent « intensément » l’espace d’un moment plus ou moins court, mais échauffent les esprits comme s’il s’agissait d’une affaire cruciale remettant en cause notre destin  pas moins. Ainsi la tentative d’exclusion des « traîtres » -on n’a pas peur des mots-qui ont choisi de travailler et soutenir M.Macron tout en restant membre du parti  les républicains, et qui contribuent à faire voter des mesures que la droite soutient  depuis des années. Pour le militant qui est le traître ? La procédure de radiation a tourné à la pitrerie, malgré la haute qualité auto-proclamée et le souci de cohérence des dirigeants des  républicains transformés  en  juges et ne pensant pas à leurs propres intérêts, bien sûr. Quel est l’intérêt des électeurs de la droite républicaine : que les mesures  revendiquées depuis des années que les gouvernements de droite n’ont pu réaliser soient prises et que la France réussisse même si le président n’est pas  membre des républicains canal historique. Ce qui ne veut pas dire forcément approbation de tout ce que fait le chef de l’Etat qui semble avoir un vocabulaire qui ferait pâlir de dépit Nicolas Sarkozy qui a été vilipendé pour rien dans cette sémantique. Mais ce que l’on ne pardonne pas à l’un, on s’en gausse avec indulgence pour l’autre.    
Pour d’autres sujets on jette des anathèmes à la figure, on cite des noms (en faisant fi de toutes précautions, de la présomption d’innocence, et de la réalité des faits ou non). Le dénonciateur  ou la dénonciatrice ne tombons pas dans l’exclusion et respectons la parité, a bonne conscience car il ou elle  est certain de sa vérité, parce qu’il ou elle est une victime forcément sublime aurait écrit marguerite Duras,  et qu’il ou elle  se bat pour les autres. Mais les autres -moi en particulier - ne lui ont rien demandé et  ne sont intéressés que de loin souvent ou pas du tout par son malheur présumé. Autrefois on parlait de l’avant-garde du prolétariat qui éclairait le peuple tout en lui dictant sous peine de représailles des règles brutales. Aujourd’hui une poignée prétendent être les porte- paroles de l’éthique,  de l’anti racisme et de la lutte contre toutes les discriminations, en montrant  où est le bien et quelles sont  les conduites à tenir. Non merci ! comme disait Cyrano de Bergerac. Je n’ai pas besoin de nounous . J’agis selon ma conscience.
M. Bruno Le Maire  sémillant  ministre qui avait  voulu être président des républicains de droite et qui a été sèchement  battu  aux élections internes mais rattrapé au tirage par le  chef de l’Etat , est passé par convictions sans aucun doute chez M.Macron  et  vient de rétropédaler après avoir répondu qu’il ne dénonçait pas-par haine de la dénonciation qui rappelle de mauvais souvenirs - dans le milieu politique les harceleurs. Il a publié immédiatement après la bronca qu’il a suscitée une vidéo pour dire que la  dénonciation du harcèlement en politique aussi -comme félicie- s’imposait en réalité mais qu’il n’avait personne à dénoncer. Ouf ! Le politiquement correct a frappé même si la cause est juste.
Des dénonciations sont permanentes : on tape sur les élites et l’argent , bien que le niveau pour être riche descende dangereusement. Personnellement je l’avoue, ce qui devrait m’être à moitié pardonné : j’ai toujours rêvé de faire partie de l’élite et d’être riche comme un jeune footballeur brésilien ou français ou un adolescent qui a créé une start-up, ce qui m’aurait permis de ne pas payer beaucoup d’impôts voire que le trésor public m’adresse un chèque comme pour Mme Bettencourt, paix à son âme . La contribution à l’impôt est la base de la vie en société car elle permet la redistribution donc la lutte pour l’égalité. A la condition que chacun mette du sien, à son niveau, avec ses moyens. Quand c’est gratuit c’est-à-dire que l’on ne participe  pas même de façon symbolique, cela n’a plus de sens et ne responsabilise personne. Cette remarque ne plaira pas à tous puisqu’il faut faire payer les riches qu’ils le soient par leur mérite et leur travail ou non. J’assume.  Mais si je pouvais pour des raisons de droit à ne pas confondre avec la morale être exonéré d’impôts , tout en profitant de tous les services en France , de la solidarité, de la protection de l’Etat  et de mon confort, j’approuve. Personne ne paie plus que le calcul  et le montant qu’il reçoit du centre des finances publiques, il y a des limites à  la philanthropie. Je ne fais partie selon moi, que de la classe moyenne devenue supérieure parce que je suis propriétaire immobilier-merci le nouvel ISF- et j’ai toujours payé impôts et taxes sans jamais recevoir une quelconque aide publique. Je suis donc illégitime à parler justice sociale comme de n’avoir pas bénéficié d’une HLM avec un sur- loyer pourtant largement inférieur au prix du marché. Je n’ai pas su faire, et donc il est normal de me punir en me classant parmi les riches qui vont payer à leur retraite une CSG augmentée, sans bénéficier de la disparition de la taxe d’habitation.  Dura lex sed lex qu’elle soit injuste ou non.  Cela m’apprendra à avoir économisé et eu des ambitions.  M.Hollande n’aimait pas les riches c’était clair. M.Macron les adore et veut qu’ils investissent. Dans les deux cas je  suis à contre courant. Cherchez l’erreur.
Je ne suis pas non plus une élite, un grimpeur exemplaire, j’ai le vertige quand je monte trop haut y compris sur un escabeau, et je fais partie de ceux qui s’accrochent à la corde comme la corde soutient le pendu. M.Laurent Wauquiez qui est candidat à la présidence du parti les républicains est un premier de la classe, un premier de cordée dirait M.Macron qui en est un autre. Il est bardé de diplômes les plus prestigieux, appartient à l’élite intellectuelle, et se dit non héritier en politique. Il a dû oublier que c’est M.Jacques Barrot qui lui a laissé son siège de député en haute- Loire . Pourtant M.Wauquiez devant les militants de droite à  la Napoule vient de déclarer   qu’il voulait être le porte- parole  de la majorité silencieuse- ce qui nécessite une ouïe  affûtée ou un appareil  auditif  de bonne qualité - qui n’était pas entendue: « alors le peuple vote pour les extrêmes et les élites : pour faire taire le peuple on brandit l’étendard du populisme ». Mais qui sont les élites si on exclut M.Mélenchon et Mme Le Pen  et M.Wauquiez qui aime le peuple, lui ? Il a évoqué « le moule [de la pensée] forgé par les grandes écoles » (dont il est issu) .Il a dénoncé les censeurs du débat, la bien pensance de la gauche -j’ajoute de l’ultra gauche  car le parti socialiste a disparu avec ses idées d’un autre siècle -et il  a raison car les donneurs de leçons de toutes catégories  qui culpabilisent l’autre qui ne croit pas dans leurs  valeurs mais en a  des différentes, m’exaspèrent et les débats factices d’une communauté ou d’un genre me sont insupportables.  M.Wauquiez préfère la France au village global. Mais l’un n’exclut pas l’autre et on ne peut se replier sur soi en ignorant ce qui se passe ailleurs. Le brexit nous le démontre. C’est un grand tort d’avoir toujours raison comme le disait Edgar Faure. La vraie catégorie élite, celle qui éclaire sans dénoncer ou  rejeter est donc très réduite.
Il nous faut des élites entendues comme celles qui savent , réfléchissent et proposent des solutions d’intérêt général  qui ne sont pas dogmatiques. Celles autoproclamées  autour de saint -germain- des prés ou dans des pré-carrés résultant de leurs statuts sociaux  ne vivent que de leurs protections, copinages , absence de prise de risque, connaissance du système institutionnel ,renvoi d’ascenseurs, et de  l’héritage culturel. L’espoir est de proposer la même chance pour tous et de sortir par le haut. Ce n’est pas une simple question d’argent mais de moyens mis à la disposition des plus doués d’où qu’ils viennent et du bas en particulier et qui veulent s’intégrer dans la partie qui réussit, en faisant sauter les barrières d’une société codifiée et construite en silos. Le mérite comme l’effort doivent être récompensés. Et puis sortons de notre rapport conflictuel à l’argent. Le comédien Fabrice Luchini en parle au théâtre des bouffes parisiens. Il n’évoque pas les yachts, les voitures de luxe, les tableaux de maître, les propriétés improbables, les lingots…tout ce qui est vulgaire mais biens matériels détenus par les vrais riches  notamment  par des dirigeants de sociétés mondiales qui créent des fondations pour devenir mécènes.  M.Macron ne s’est pas encore attaqué à ces phénomènes de nouveaux ou anciens possédants sauf pour dénoncer la jalousie à leur encontre. Il parle d’or venant de la banque Rothschild !  M.Luchini fait parler les écrivains qui se sont exprimés sur l’argent . Il cite notamment Sacha Guitry : « si j’étais le gouvernement comme dirait ma concierge, c’est sur les signes extérieurs de feinte pauvreté que je taxerais impitoyablement les personnes qui ne dépensent par leurs revenus ». Les élites qui écrivent ont tout dit sur l’argent.
 Après Me  Raquel Garrido qui  a dû quitter son hlm alors qu’elle est une avocate pauvre selon elle  qui ne paie pas -ou ne payait  pas- ses cotisations à la caisse de retraite ou à l’ordre des avocats  tout en travaillant  chez T. Ardisson et est marié ou vit avec M.Corbière député de  la France insoumise et très proche de M.Mélenchon, une élue du même parti qui occupe légalement  une hlm de  la ville de paris de 80 m2 pour 1300 euros par mois et refuse de partir a déclaré : « je ne vais pas payer un loyer pour enrichir un propriétaire et augmenter la spéculation immobilière » (SIC) . Les étudiants ou les familles nombreuses qui louent un studio ou une chambrette pour à peu près le même prix apprécieront.  Vivement que M.Hulot qui protège les espèces rares  s’intéresse  à ces catégories de politiques qui se sentent discriminés !
Que ces polémiques démagogiques cessent et que l’on s’attaque à la réalité des dossiers. Une société apaisée doit rassembler tout le monde.  Dans une équipe de foot pour que l’avant- centre et les ailiers soient efficaces, la défense doit être solide, et les milieux de terrain remonter inlassablement la balle pour la passer dans les meilleures conditions possibles à ceux qui ont le talent de marquer les buts. C’est cela une nation.



mercredi 11 octobre 2017

« JUSTICE et ÉQUITÉ » le 10 octobre 2017

 « JUSTICE et ÉQUITÉ » (extraits d’une conférence modeste  dans un club de réflexion le 10 octobre 2017.)


 La route de la vie est longue et il ne faut ni être pressé d’atteindre le but -si celui-ci existe ? -ni renoncer au moindre obstacle . La patience est une vertu et l’ambition qui est louable doit s’accompagner d’expériences voire d’échecs pour rebondir et  toujours faire mieux On parle de justice et d’équité mais est- ce la même chose  ou l’une a -t-elle besoin de l’autre pour que le juste soit reconnu ?
La Justice est au centre de la réflexion, constamment , formellement ou implicitement car l’homme pour vivre, pour donner un sens à la vie et à la sienne en particulier doit avoir la certitude que le monde est juste ; que les rapports sociaux le sont aussi ; et que le bien triomphe toujours, même si parfois il est permis de s’interroger  quand on regarde l’actualité en France et dans le monde et que l’on constate effaré que l’homme est imaginatif pour faire le mal .La justice incarne la loi, le droit, et est prononcée par des hommes .Elle doit écarter l’injustice, c’est-à-dire ce qui est abusif, arbitraire, illégitime…( bien qu’un ancien président de la république ait  parlé de la force injuste de la loi, dans certains cas) et elle est destinée à régler les conflits entre les hommes. Elle doit être objective et parfois elle s’éloigne  des cas humains spécifiques car elle a aussi une fonction d’exemplarité…
L’équité est une vertu –comme la justice- qui tient plus de la loi naturelle, et non pas de celle des hommes  fabriquée par des parlementaires ou des magistrats avec la jurisprudence, dans l’appréciation de ce qui est dû à chacun. Victor HUGO s’exprimait  ainsi : « le monde matériel repose sur l’équilibre, le monde moral sur l’équité ». L’équité permet de prendre en considération la dimension humaine, au-delà de la place de l’individu dans la société, avec ses contradictions, sa part d’ombre, et elle permet de « compenser » ce que le droit ne retient pas comme circonstances à charge ou à décharge…
On dit que la charité et l’équité inspirent les jugements. L’équité est une garantie contre toute forme de pouvoir arbitraire ce qui permet un traitement égal des êtres humains, et souligne l’imperfection des règles de droit. On est plus dans l’éthique que dans la règle intangible et l’on parie -si je puis dire - sur la perfection de l’être humain qui doit pouvoir s’amender quitte à le pousser à le faire !
Justice et équité ne font cependant   qu’un. Quels sont les éléments qui permettent de l’affirmer ?…

1°) Le doute :
Le doute est consubstantiel  à celui qui est de bonne foi et ouvert , mais c’est un doute positif qui permet d’agir et ne fait pas reculer : Il faut assumer ses responsabilités. Ce n’est pas une sorte de principe de précaution devenu constitutionnel sous la Vème république. Le doute de l’honnête homme  se situe en amont  dans la réflexion préalable, dans la discussion qui permet d’affiner la pensée et d’en extraire les scories ou le dogmatisme même involontaire. Et  dans la pesée au trébuchet du pour et du contre, des conséquences de la décision  et de sa motivation. Rechercher la vérité est un projet quelque peu prétentieux ou présomptueux, et un exercice qui peut se rattacher à mission impossible si l’on tient pour vérité  diverses affirmations et certitudes .Mais on ne peut y renoncer ou reculer car l’homme est sur terre pour faire progresser son alter ego, et là où il le peut , avec ses modestes moyens, par l’exemple dans l’action faire avancer le plus grand nombre vers ce que l’on définit comme le progrès donc en combattant le mal et l’injuste.  Notre devoir n’est pas dicté par l’extérieur, par un pouvoir temporel ou spirituel à qui l’on obéit  ,  mais émane de nous .C’est aussi accepter que notre solution ne soit pas LA solution , mais qu’elle ait été élaborée après vérifications, soumise au débat contradictoire, énoncée de bonne foi,  et si possible  bénéfique pour d’autres…
Le doute philosophique ne conduit pas à l’incertitude ou au scepticisme ou à la renonciation : « Tout ce que je sais c’est que je ne sais rien » mais suffisamment quand même pour agir .Une fois que l’on s’est débarrassé de ses déterminismes - l’homme n’est grand que s’il domine ses peurs et préjugés ce qui n’est pas le plus facile -ou de ses réflexes idéologiques nés de divers motifs, il doit avancer vers la recherche de la vérité que personne n’a cernée définitivement et ne prononce avec certitude. C’est DESCARTES dans le discours de la méthode qui nous donne quelques clés pour nous apprendre comment faire pour s’en remettre à la raison et à faire attention à nos sens, à notre instinctivité ,à nos penchants naturels : l’homme libre tend vers la justice et la vérité qui sont des notions qu’il a en lui et qu’il  essaie de faire émerger de façon concrète après une longue méditation accentuée par les épreuves qu’il traverse et l’enseignement qu’il reçoit à tout instant. Il doit se faire un avis personnel, car s’il est un jour appelé à devenir juge, et participer  à un tribunal, il devra être éclairé c’est-à-dire distinguer la justice de l’équité, trouver une vérité et prendre ses responsabilités sans haine ni faiblesse, et en écartant ce qui pourrait l’entraver dans sa décision ou abuser de ses fonctions. Il faut rappeler la sentence de PASCAL qui réunit apparemment des contradictions : « la justice sans la force est impuissante : la force sans la justice est tyrannique ». Ce qui signifie que la justice a besoin des autres pour réussir…

Rien n’est jamais définitivement acquis .A chaque avancée il y a une contrepartie et comme l’indiquait KANT « l’usage de la raison sans critique ne conduit qu’à des assertions sans fondement », même si KANT croit à l’impératif moral. Les trois pouvoirs traditionnels l’exécutif  ; la religion surtout à notre époque où la laïcité est redevenue un combat ;  les militaires  ou la force en général, auxquels on peut ajouter les médias, doivent être relativisés dans leurs effets et leurs puissances et être exercés  sous bonne garde avec le parlement et des contre-pouvoirs divers pour en combattre tous les excès et rappeler que l’individu n’a pas que des droits personnels mais qu’il a surtout des devoirs collectifs .C'est le débat actuel entre  les moyens donnés à la lutte contre le terrorisme et la garantie des libertés individuelles. Où faut -il placer le curseur  pour que le point d’équilibre soit trouvé ?. L’Etat peut- il , doit- il avoir des pouvoirs exceptionnels  sous peine qu’il en abuse et que par la force de l’habitude et des prétextes divers, fondés ou non , tous les membres de la société doivent devenir suspects, dans l’intérêt du plus grand nombre ?. La justice doit- elle faire pencher le fléau dans des circonstances majeures pour tous ?...
L’homme attentif blanchi sous le harnois  des ans  a pris du poids (philosophique) même malgré lui, s’il a été attentif pendant toutes ces années d’apprentissage ; il a élargi son horizon (intellectuel) ; il a pris des coups de toute nature qui parfois ont remis en cause  ce qu’il croyait sur la nature humaine en particulier  dans le domaine du mal en général, et il s’est confronté avec la réalité , l’égalité, l’opinion des autres : il est devenu plus ouvert, plus tolérant . Il a compris aussi qu’il ne peut y avoir d’organisation sociale sans justice. ROUSSEAU n’a pas toujours raison surtout quand il prétend que l’homme est né bon et que la société le pervertit ; les combats de VOLTAIRE pour CALAS ou le Chevalier de la BARRE, en se transformant en avocat pour qui la vraie justice soit rendue, entrent en résonance avec notre siècle. Certes « il n’y a pas de véritable action sans volonté » ajoute ROUSSEAU .L’homme devra rendre la justice en équité, car  la loi positive des hommes peut n’être pas suffisante ni juste pour juger l’homme dans sa globalité. S’il faut de surcroît juger un autre  dont la conscience ou l’action répondent à d’autres critères plus immatériels, à des valeurs qui dépassent le concret ou celles qui sont communément admises dans le cadre de la tolérance, la responsabilité de ses juges est grande .Le juge devra faire son examen de conscience : doit-il appliquer stricto sensu la loi écrite relative et circonstancielle, ou doit -il la tempérer par ce qui n’est pas écrit, une loi naturelle qui ressortit uniquement de l’humain ?...
Le doute philosophique fera partie du jugement.
 L’homme qui a vécu et réfléchi a compris que les apparences peuvent être trompeuses, que la vérité avec un grand V, celle qui va vers la connaissance des hommes et de l’humanité a besoin d’être disséquée, confrontée, polie  .Il doit tenter et réussir, de se libérer de sa part obscure pour atteindre un objectif enthousiasmant qui le porte vers l’avant, vers le haut, et vers la sérénité. Lorsqu’il atteindra le but qu’il s’est assigné il sera revenu à son point de départ : il aura compris qui il est, et ce qu’il doit servir. Autrement dit à la prétendue fin du parcours il lui restera tout à faire.
En réalité connaitre c’est se ressouvenir. C’est ce que dit PLATON à travers la maïeutique :
« Socrate : si donc la vérité existe dans notre âme, elle doit être immortelle. Aussi faut-il quand il se trouve que l’on ne sait pas, c’est-à-dire qu’on ne se rappelle pas d’une chose, se mettre avec CONFIANCE à la chercher et s’en ressouvenir  » [.MENON] .
Mais encore faut-il que nous ayons « la  ferveur » ou le bagage humain suffisant  en nous car nous pouvons être creux ou ignorant, tout le monde ne possédant pas un niveau  intellectuel  à la hauteur des philosophes anciens ! Le chemin permet soit de redécouvrir pour les meilleurs, soit de créer pour les autres. Dans tous les cas de figure l’action paie, et on doit distribuer aux autres la monnaie de ce que l’on a récolté . Ajoutons que l’homme a une conscience qui lui donne le sentiment -voire la certitude - qu’il est responsable de ses actes. C’est le philosophe ALAIN (1868-1951) qui distinguait la morale composée d’obligations exigées par la société, aux devoirs universels que l’esprit nous impose. Par ceux-ci l’homme donne un sens à sa vie et à l’humanité…
Le doute méthodique  au service de l’action va donc permettre d’aborder la justice et l’équité avec plus d’acuité et de connaissances éprouvées.

2°) Justice et équité : les deux faces de la responsabilité :
Il faut faire préalablement remarquer qu’un individu  peut échapper à la justice s’il ne commet aucune infraction (volontaire ou non) ; s’il n’a aucun litige personnel  avec un autre ou familial ; professionnel ; ou autre contentieux (urbanisme, fiscal, social ); si aucun « ennemi » ne le poursuit pour une raison ou une autre ; si personne ne le met en cause pour une raison bonne ou non .Ce qui est déjà rare dans une vie bien remplie !
L’homme tout au long de son parcours est obligé de réfléchir à la justice soit pour lui-même soit pour les autres.On est dans l’application de la loi tout simplement et de la justice entendue comme le respect de la règle, de la norme sociale, et la volonté de réparer le préjudice d’une  ou des victimes. Les juges n’ont pas à y glisser une appréciation a priori morale. DURA LEX SED LEX…
Puis progressivement la notion de justice va se complexifier ; les fondamentaux restent mais on y ajoute l’équité qui est une notion plus volatil, d’essence naturelle, qui existe sans texte et est donc de la conscience de chacun. Dans son « petit traité des grandes vertus » le philosophe André COMTE-SPONVILLE définit ainsi cette vertu : « c’est un sommet entre deux voies, une ligne de crête entre deux abîmes ». Il définit ensuite la justice comme suit :
« être  juste au sens moral du terme c’est refuser de se mettre au-dessus des lois (comme  quoi la justice même comme vertu reste liée à la légalité)  et des autres ». Albert CAMUS aussi a défini le juste en écrivant (c’était alors la guerre d’ALGERIE)  qu’entre sa mère et la justice il préférait sa mère. La justice est donc aussi un appel à la conscience. La justice est cette vertu par laquelle chacun tend à surmonter son premier réflexe, à ne pas suivre sa tentation ou celle du plus grand nombre, en se mettant sur les hauteurs, en regardant la plaine du haut de la montagne (a dit le philosophe IBSEN) , et en sacrifiant s’il le faut ses désirs et ses intérêts. La justice peut appeler au sacrifice et nécessite souvent un effort d’humanisme pour ne pas tomber dans la facilité et le contentement de soi. La justice se tient entre les deux branches du bien et du mal , dans la mesure que symbolise sa balance  donc dans l’équilibre ou la proportion…
La justice et la loi injuste : l’équité.
Selon ARISTOTE « l’équitable tout en étant juste n’est pas le juste selon la loi, mais un correctif de la justice légale », lequel permet d’adapter la généralité de la loi à la complexité changeante des circonstances et à l’irréductible singularité des situations concrètes. C’est selon ARISTOTE « la plus parfaite des vertus ».
 L’équité est la dimension horizontale entre les hommes, à travers la tolérance acquise  car elle n’est pas forcément innée, et la fraternité  polie par les rapports humains est  parfois rugueuse .La justice c’est aussi donner à chacun ce qui lui revient. Le droit est l’art d’organiser la vie en société grâce à des règles votées démocratiquement-même si on est loin de l’agora des grecs .Il s’agit de régir les rapports sociaux pour le plus grand nombre par une règle objective, respectueuse des grands principes et des valeurs républicaines (même si certains en contestent le contenu et la portée), avec la justice (au sens de l’organisation judiciaire) pour arbitre.
L’équité est le reflet de la primauté du cas particulier sur la règle générale : elle représente une justice fondée sur l’égalité qui cherche à résoudre les litiges en dehors des règles de droit prétendues trop « raides », trop axées sur l’intérêt collectif et l’intérêt général définis par une majorité qu’une minorité n’accepte pas ou plus.
Dans son article dans l’encyclopédie intitulé « droit naturel », Denis DIDEROT écrit : « le droit est le fondement ou la raison première de la justice . Mais qu’est-ce que la justice ? Vous resterez convaincu que la justice est à l’équité comme la cause est à son effet ou que la justice ne peut être que l’équité déclarée ». Il ne faut pas confondre la justice avec la vengeance  chacun  le sait .Il faut persévérer puisque SOPHOCLE nous dit que la justice finit toujours par arriver ( ANTIGONE face au roi)…
L’homme doit combattre surtout l’INJUSTICE au nom du bon droit et de la protection des faibles . Il ne doit pas oublier l’amour ou la compréhension  -au sens de comprendre l’autre- qui transforme son combat  mais ne l’affaiblit pas : il le transfigure  pour qu’il devienne plus apaisé mais aussi déterminé. La vengeance n’apaise pas la souffrance. La justice la sublime et est inspirée aussi par un souci moral  , qui vient en « soutien » de la règle de droit, des vertus cardinales, celle de la justice est bonne absolument, surtout si elle s’appuie sur l’équité .La prudence, l’espérance et le courage ne sont des vertus qu’au service du bien ou relativement à des valeurs ( la justice) qui les dépassent ou les motivent.
La douceur et la compassion ne tiennent pas lieu de justice même à l’égard des faibles.
L’inquisition (de jadis avec les hommes de dieu) n’est pas la justice, même si notre système judiciaire actuel est inquisitoire : un juge cherche des preuves. Inspecter veut dire contrôler : toutes les règles sont –elle respectées dans l’intérêt de tous ?…
En réalité la justice et l’équité sont des frères en miroir car ce qui est juste ne peut s’exonérer de conscience, de droiture, et de responsabilité. L’homme avec le temps, et si ce n’est pas le cas c’est grave, a  réfléchi et progressé : ce sont ses actes et non ses  pensées qui le révèlent. Il a   accepté des sacrifices  en y rajoutant l’humanité ce qui fait beaucoup mais est un objectif que l’on doit qualifier d’atteignable même si l’utopie n’a pas réussi au chancelier d’Angleterre Thomas MORE. A-t-il  accompli son  devoir ? Oui peut être  mais ce n’est pas fini. A-t-il  surmonté ses  défauts et a – t-il  été indulgent avec lui même ? On l’espère  mais c’est parce que l’homme est perfectible et non parfait, que la justice doit fonctionner et l’équité l’irriguer…
3°)Le chemin est long et difficile :
L’homme dans sa grande inconscience et prétention a construit la tour de BABEL  pour parler à dieu d’égal à égal. En retombant sur terre  les diverses communautés se sont affrontées , raisons légitimes ou non  contre croyances. On sait comment cela s’est terminé. Depuis ce temps c’est le chaos .Parmi ceux qui lisent la bible ou le coran, certains prennent ces textes au pied de la lettre, et deviennent des intégristes sans aucun doute , pensant avoir la vérité révélée. L’écrivain Jean TEULE a dit qu’au début de ces textes « fondateurs » il aurait fallu y ajouter : « il était une fois ».
C’est parce qu’il était une fois que la progression vers la vérité échappe à toute révélation et certitude et qu’elle est plus proche de la raison, même si celle – ci n’est pas toujours la panacée puisque l’homme a besoin d’espérer  et de récompenses qui le motivent et lui font comprendre qu’il ne s’est pas trompé dans ses choix et ses combats.
 L’idéal est utopique, mais nécessaire . Le chemin pour tenter de trouver Sa vérité , qui on est vraiment et ce que l’on peut apporter aux autres est très difficile. Mais il faut poursuivre la route   inlassablement car le but à atteindre change ou s’éloigne – comme l’horizon qui recule au fur et à mesure que l’on s’en rapproche -tous les jours et d’une satisfaction on passe à un regret de n’avoir pas fait mieux. C’est le président KENNEDY qui disait : « ne vous demandez pas ce que le pays peut faire pour vous. Demandez -vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». L'homme est comme Sisyphe  avec CAMUS qui situait son héros dans le cycle de l’absurde ; il doit remonter son rocher tous les jours car un jour le rocher sera au sommet et il ne redescendra plus. C’est le but ultime de l’homme, et il faut y croire même dans le contexte actuel de notre société mondialisée en proie à des soubresauts démocratiques ou parfois théocratiques ce qui ne présage rien de bon. Le chemin est plus escarpé qu’un autre car même avec un G.P.S philosophique et l’aide des autres  on n’est pas sûr d’arriver au port. C’est l’interrogation qui fixe le but. L’homme  doit remettre son ouvrage cent fois sur le métier puisque  la tâche n’est jamais achevée . C’est parfois décourageant  mais c’est aussi exaltant car sans but dans la vie , sans objectifs, on a tendance à stagner voire à renoncer. PENELOPE détricotait la nuit ce qu’elle avait tissé le jour , et ULYSSE son héros est revenu ! Il faut donc persévérer pour tendre vers le mieux. Mais pour qui et pour quoi ? Sa seule satisfaction n’est pas un but exclusivement légitime même s’il n’est pas interdit d’avoir de la considération pour soi , de connaitre ses défauts et qualités ne serait-ce que pour épargner le pire de soi à ses proches et aux autres. « Il n’y a que l’homme qui vaille » avait déclaré le général de GAULLE lors d’une conférence de presse le 25 /3/ 1959, année chahutée où l’ETAT devait faire des choix pouvant peser sur le destin individuel de certains. Il s’était certainement inspiré de JEAN BODIN (1529-1596) fondateur de la conception moderne de la souveraineté qui avait écrit dans «  les  six livres de la république-1576 » : « il n’y a richesse ni force que d’hommes ».
La justice quotidienne, prétorienne, celle qui sanctionne les infractions au pacte social appartient au domaine régalien de l’ETAT , est un signe de son autorité. LOUIS IX ( 1214-1270) ou SAINT LOUIS dit le prud’homme ( ce qui n’est pas une allusion à cette juridiction avec les réformes en 2015 et 2017 de M. MACRON) rendait la justice sous un chêne et n’avait à respecter que ses propres codes. Il incarnait la justice divine sur terre et tout se confondait : l’intérêt royal, la morale de l’époque, dieu et le droit coutumier à géométrie variable. Le justiciable, l’individu de base non encore reconnu comme citoyen, devait s’en remettre à la « sagesse » du roi ou à son arbitraire .La justice du XXI ème siècle a évolué même si notre droit est innervé par ceux des autres Etats de l’Union Européenne  avec leurs coutumes, leurs morales, les rapports de l’ETAT et de la religion ce qui donne un compromis. Pour celui qui respecte évidemment l’état de droit, la loi n’est pas malgré tout un horizon indépassable, surtout s’il considère qu’une décision, un jugement n’est pas juste. Il n’accepte la justice que si c’est un homme libre qui a comparu c’est à –dire qu’il a eu pleine conscience  de ses responsabilités individuelles et collectives. Tout au long de son parcours l’homme essaie d’apprendre ce qui ressortit à la volonté personnelle  de faire le bien, le mieux parfois, en étant libéré de chaines diverses  qui emprisonnent, consciemment ou non   l’individu. C’est un travail délicat souvent fastidieux  où il faut savoir se remettre en cause, où le principe de réalité souvent submerge celui de conviction comme  MAX WEBER l’a décrit, où le but n’est jamais vraiment atteint même si l’on est parvenu à grimper en haut de l’échelle.  On doit se souvenir constamment  de la chute d’ICARE. Car après avoir atteint un plafond qui peut être son niveau d’incompétence que devient l’homme? S’en contente-t-il ou doit- il encore progresser ?Pour moi la réponse est évidente : l’homme ne peut qu’essayer d'évoluer encore détaché de toute préoccupation de carrière ou d’ambition, car il doit aller dans le monde répandre ce qu’il a appris, compris  et mis en œuvre .Il doit aborder tous les évènements de la vie -dont la justice -, avec un supplément d’âme que la seule raison ne produit pas .L’équité est dans la justice comme « l’oeil était dans la tombe et regardait Caïn » (VICTOR HUGO, la conscience dans la légende des siècles).
On n’échappe ni  à sa conscience ni à son propre jugement qui s’est affiné  à travers les épreuves subies. « Ce n’est pas le chemin qui est difficile mais le difficile qui est le chemin » a écrit Soren KIEKEGAARD. Ce que je retiens du chemin, c’est que je l’ai emprunté librement sans savoir où il menait mais avec confiance en ayant la certitude qu’il conduisait au bien, entendu comme la connaissance de l’homme  donc de moi-même . Le travail sur soi-même permet d’identifier ce qu’il faut changer , et effacer les scories les plus criantes, les certitudes les moins étayées, les carences ( de la raison , de l’émotion , du rapport à l’autre).  La justice  et  l’équité ne sont pas des valeurs que l’homme  applique et analyse tous les jours. Mais le bien et le mal, le juste et l’injuste, le combat entre la lumière et les ténèbres, le niveau, l’équilibre et la mesure, et enfin la responsabilité , sont  ses valeurs quotidiennes  qui le renvoient à la justice et l’équité…..
L’homme doit devenir  ce qu’il est et forger sa réflexion  pour aboutir à ce qu’il pense et lui permet d’agir en toute conscience. Certains y arrivent plus vite que d’autres. Mais le temps ne fait rien à l’affaire, seul le résultat compte. Justice et équité ont conduit son cheminement.
4°) En guise de conclusion :
L’individu  a mis des années pour découvrir qui il est vraiment et en tirer toutes les conséquences. Il va continuer son chemin en mettant en pratique ce qu’il a appris, mais en cherchant à approfondir encore et toujours ses connaissances, en fréquentant ses semblables et le monde avec un œil acéré , avec un raisonnement lucide tenant compte des réalités et du contexte  sans oublier la compassion  qui permet d’avoir une approche globale des autres . Par la force de l’expérience il est devenu plus ouvert, et par le doute  il est plus fraternel et compréhensif  des exigences des hommes .L’inaccessible étoile est en vue mais elle ne se laisse pas capturer. La fin de l’histoire n’est inscrite nulle part et il faut toujours progresser, avec d’autres outils plus immatériels,  et après s’être façonné pour lui-même, être au service  des autres sans condition préalable. C’est ce que je retiens de mon parcours : analyser mes erreurs et mes insuffisances pour ne plus recommencer ce que j’ai raté; confronter mes convictions ; ne pas croire  dans un prétendu « dogme inaltérable » : par exemple une justice parfaite , qu’elle soit sociale ou autre : tirer profit des débats et discussions auxquels je participe, même en silence, et être persuadé que l’homme dans sa diversité liée à ses déterminismes peut s’améliorer pourvu qu’on lui explique les tenants et aboutissements  , qu’on lui en donne les moyens .La raison n’est pas la panacée mais elle est encore le meilleur vecteur pour aboutir. La critique doit l’irriguer en tenant compte des faiblesses ou du côté obscur de l’homme . On passe ainsi de la justice-idéal à atteindre- à l’équité qui est concrète et fait progresser, pour faire en sorte que l’égalité triomphe. C’est une approche indirecte du bonheur, ce que nous recherchons tous «  idée neuve en Europe »disait SAINT JUST avant de faire décapiter ses frères en révolution. Dans la lutte du blanc et du noir  on nous apprend que le blanc l’emporte. Si personne n’a le monopole du bien , certains incarnent le mal à coup sûr…
La justice  est de condamner ce que nos valeurs traditionnelles  républicaines réprouvent : l’équité est de donner à celui qui le mérite la possibilité de bénéficier d’une valeur non écrite mais qui est ancrée dans la croyance que l’homme peut comprendre pour se modifier, c’est-à-dire se surpasser vers le mieux. L’histoire nous l’a appris . Et s’il fallait conclure de façon plus philosophique, avec plus de hauteur, je citerai Régis DEBRAY (philosophe) et Didier LESCHI (préfet) qui ont écrit [ la laïcité au  quotidien. GUIDE PRATIQUE FOLIO GALLIMARD 2016 ]: « mon droit n’est pas concédé : il est reconnu et la tolérance est à la laïcité ce que la charité est à la justice ; s’il existe une spiritualité laïque liée à un idéal d’équité et de retenue, ce n’est pas un mantra, un point d’honneur ou un prêchi-prêcha. C’est avant tout une construction juridique fondée sur une exigence de la raison, l’égalité en droit de tous les êtres humains ».
Ce qui vaut pour la laïcité, s’applique à la justice et l’équité.