Bonne année 2018,année magique ?
Par Christian FREMAUX AVOCAT
HONORAIRE ET ELU LOCAL .
Cessons les
hostilités car le nouvel an arrive avec ses espoirs et noël est devenu une
fête quelconque puisque les croix et les
crèches ne sont plus en odeur de sainteté devant les tribunaux qui se prononcent en droit, et même si la
mairie de paris célèbre la fin du ramadan dans ses locaux, oeucuménisme oblige.
La laïcité ne se divise pas , elle n’est
ni ouverte ni fermée. A défaut
c’est l’opportunité pour tout ce
que l’on ne veut pas voir comme les prières dans les rues ou la remise en cause
de pratiques à l’école ou dans la vie publique, et de ce qui fait notre
tradition historique et le ciment de notre république. Mais la laïcité
n’empêche pas la paix entre tous, la compréhension des autres, la cohabitation
non conflictuelle et la volonté d’avoir un destin commun ce qui caractérise la
nation. On ne peut effacer le passé tout en reconnaissant les autres cultures qui
s’ajoutent et ne remplacent pas: construisons un présent et un futur neufs,
débarrassés de méfiances réciproques . C’est possible il faut y croire.
Halte au feu
aussi sur ce qui sépare, ce qui clive, à savoir l’affrontement d’un groupe avec
un autre. Tous les jours sur des sujets a priori sérieux ou plus futiles des
polémiques éclatent qui ne durent que ce
que durent les roses : l’espace d’un matin, comme écrivait F .de
Malherbe. L’écume cache la vague de fond qui peut causer des drames. Soyons
donc prudents dans nos réactions. Le ton monte, on s’invective, on croit que
c’est la fin du monde mais le lendemain on n’y pense plus ou moins, et on passe
à un autre sujet tout aussi fondamental !, aussi scandaleux, aussi
insupportable. Et ainsi de suite. Jamais
on ne prend le temps de hiérarchiser les priorités et les gravités, de creuser
un sujet, d’y consacrer un vrai débat avec des interlocuteurs prêts à entendre
et tenir compte des arguments adverses, sans camper sur leur dogmatisme ou
avoir la vérité révélée et vouloir discréditer l’autre . Quand on n’est
pas aux responsabilités il est facile de critiquer et de dire ce n’est pas cela
qu’il fallait faire, sans pour autant donner la solution . Et quand on
arrive ensuite au pouvoir on doit s’incliner devant la réalité, ses contraintes
et les contradictions, voire les exagérations de ses amis, et faire au
mieux . On connait tout ceci ce qui devrait conduire à la modestie et à la
modération .Tel n’est pas le cas : on pérore, on affirme, on exige,
on disqualifie et l’on pense être génial . Si on représente une minorité
on crie au racisme, y compris de l’Etat !, à la discrimination ou au
harcèlement. L’excès ne fait pas peur il est même indispensable - croit-on
-pour être crédible. Basta, comme nous le disent les autonomismes et
indépendantistes corses qui viennent d’avoir une élection triomphale et qui ont
déjà posé leurs conditions à l’Etat . Plus rien n’est pris avec distance
car tout est prétendument hyper grave. L’humour -même celui qui n’est pas drôle
voire douteux- n’est plus toléré et on ne peut plus rire de tout. Un ayatollah
de la pensée veille et la justice est aussitôt saisie comme si les juges qui
sont des professionnels du droit avant tout étaient tous des « pic
de la mirandole », l’érudit qui avait une culture universelle sur la
dignité de l’homme et la quasi réponse à tout ? Tout en dénigrant par
ailleurs lesdits juges quand ils rendent des jugements qui ne conviennent pas
ou sont soupçonnés d’être aux ordres des puissants .L’esprit français
qu’incarnait Jean d’Ormesson a disparu avec lui :il avait l’art d’être sérieux
en feignant d’être léger. Nous avons à sa place des imprécateurs toujours mécontents de tout
et son contraire .Désormais noir c’est noir comme le chantait Johnny, et les
méchants pullulent. Les médias en continu qui répètent le vrai comme le faux ou
le non vérifié sont devenus des nouveaux magistrats faisant leurs propres enquêtes dans des
conditions souvent partiales et non contradictoires, partielles bien sûr et donnent leurs conclusions comme si c’était
la vérité. En cas d’erreurs ils ne peuvent pas être sanctionnés et ne s’excusent
pas car ils sont présumés de bonne foi, ont un devoir d’information exigeant la transparence absolue pour les
autres et sont neutres ,selon eux !. L’opinion publique est devenue la
reine des élégances, l’arbitre suprême puisque les sondages font office de
lettres de cachet, et on lui sacrifie
tout, vie privée comme présomption d’innocence, séparation des genres en
devenant une autorité judiciaire bis qui se prononce à chaud sur l’émotion, et
mise au ban de la société de ceux qui ne sont pas dans les normes édictées par
une minorité agissante décrétant quel est le camp du bien.
Le procès
qui a eu lieu début décembre 2017 de M .Georges Tron maire de Draveil
devant la cour d’assises de Bobigny pour
viols et agressions sexuelles est une illustration de ce que je dis. N’ayant
pas lu le dossier et n’ayant pas assisté aux audiences , mon avis n’a qu’une
valeur relative puisque je m’appuie sur les compte-rendus de la presse dont je
viens de dénoncer les défauts. Mais après 42 ans de barreau et de plaidoirie y
compris devant les juridictions pénales dont la cour d’assises j’estime pouvoir
formuler quelques explications crédibles sur ce qui s’est passé. Je ne soutiens
ni ne défends M.Tron qui a d’excellents avocats. L’ordre moral et le puritanisme
ne doivent pas s’installer .Mais comme petit élu moi-même
je m’étonne que M.Tron « prenne son pied » par l’exercice de la réflexologie
plantaire pratique médicale alternative,
ce qui est son droit sauf qu’il exerçait dans son bureau de la mairie, ce qui
est peu usité et me parait déplacé puisque un élu surtout ancien ministre et député doit donner
l’exemple en toutes les matières y
compris pour sa vie personnelle. On
tombe certes dans la subjectivité .
Jacques Chirac flattait le cul des vaches mais c’était au vu de tous au salon
agricole notamment . Revenons donc à nos moutons .
La procédure
d’instruction a duré plusieurs années et M.Tron a bénéficié de non -lieux, le
parquet ne s’y opposant pas . Le parquet est composé de procureurs en
correctionnelle et d’avocats généraux devant la cour d’assises. On sait que le
parquet est indivisible et que ses réquisitions s’imposent à tous ses membres.
Bien sûr cette règle de droit connait une exception qui s’exprime
ainsi : « la plume est serve mais la parole est libre ». Autrement
dit l’avocat général qui porte l’accusation contre M.Tron doit suivre les
réquisitions d’acquittement s’il y en a, mais rien ne lui interdit de dire le
contraire oralement ! C’est ce qui est arrivé pour M.Tron si j’ai bien
compris. L’avocat général à l’audience a eu l’air de considérer que M.Tron
pouvait être coupable .Divine surprise pour les plaignantes et grosse colère de
la défense .Après quatre jours d’audiences chaotiques le procès a du être arrêté et renvoyé à une
date ultérieure sans précision .On ne sait pas s’il reprendra ce que
j’espère car soit M.Tron est innocent et il doit être lavé des soupçons, soit
il ne l’est pas et les plaignantes doivent être reconnues comme victimes.Ce sont
les motifs du renvoi qui m’ont chagriné :
-une
émission de télévision plutôt à charge de M.Tron a été diffusée pendant que le procès se tenait, alors que l’avocat de
M.Tron avait écrit au CSA pour demander la non- diffusion. Il avait raison :
la cour aurait du appuyer cette demande ;
- mais le
plus scandaleux pour forcer les mots est que les réseaux sociaux ont mis en
cause le président (un homme) de la cour pour lui reprocher les questions
incisives et indiscrètes qu’il posait aux plaignantes ce qui serait un manque
de respect .Les bras m’en tombent et cela me rappelle un procès célèbre d’il y
a longtemps devant une juridiction d’exception où le président répondait
systématiquement à la défense :
« la question ne sera pas posée » ce qui permettait de ne pas mettre
en cause le pouvoir d’alors.
Il est du
devoir du président de mener les débats à charge et à décharge envers toutes
les parties . L’avocat de la défense comme celui des parties civiles s‘il
l’estime utile doit pouvoir aussi aller aussi loin qu’il le souhaite dans son
interrogatoire, avec délicatesse mais tout dépend de l’interrogateur, sans insulter ou rabaisser celui ou celle qui est concerné. Une audience
n’est pas un lynchage en direct mais le moment où l’on essaie de faire émerger
une vérité qui sera judiciaire. On doit pouvoir poser des questions qui
dérangent, qui touchent à l’intimité en matière de viols ou agressions
sexuelles, car les enjeux sont graves pour toutes les parties. On n’envoie pas
une personne en prison pour de longues années sous le coup de l’émotion, ou
pour faire un exemple. L’intime conviction des jurés d’assises doit être étayée
par des faits avérés, une convergence tendant à la culpabilité ou mieux des
preuves quand elles existent. Le climat extérieur comme «
balancetonporc » ou l’affaire « Weinstein » ne sont pas
des éléments à charge.
-« la
foi du palais » qui est un élément structurant pour un avocat comme
le secret professionnel. Qu’est ce que c’est ? C’est une réunion
informelle ou une discussion entre
avocats, ou entre avocats et magistrats pour faire le point d’une difficulté et
essayer de trouver une solution qui satisfait tous les participants . Elle
est confidentielle par nature et tout ce qui s’y dit ne doit pas être répété ou
utilisé contre quiconque .Chacun peut exprimer ses interrogations, faire part
de ses états d’âme, émettre des hypothèses, proposer un compromis sans que cela
n’aboutisse d’ailleurs . C’est comme cela qu’on arrive à des accords ou à
apaiser des contentieux. Si l’on prend
une comparaison, en matière diplomatique on essaie de rapprocher les points de
vue de façon discrète voire secrète avant
d’organiser la réunion officielle et de signer un traité .La foi du palais est une
pierre angulaire de la justice et la
trahir est grave. Dans le procès Tron il semble que le président ait laissé
perçer son amertume d’avoir été mis en cause, et s’est demandé si une femme
président n’aurait pas fait mieux que
lui. De ce point de vue je ne partage pas son avis ; une femme aurait pu
être tout aussi intrusive, voire plus féroce.
Toujours
est-il qu’à la reprise de l’audience l’avocat de M.Tron a parlé publiquement de
ce qui s’était dit sous la foi du palais pour justifier une demande de renvoi qui lui
avait été précédemment refusée, et ce fut un tollé des autres avocats et
certainement des magistrats. Ledit avocat a justifié la violation de la foi du
palais par l’intérêt supérieur de son client . Cela se discute et ne doit
pas se renouveler selon moi car une brêche -une de plus- s’est ouverte dans les
relations de confiance entre le barreau et les magistrats qui ont déjà tendance
à malmener le secret professionnel des avocats pour diverses raisons avec des motifs alambiqués et peu crédibles souvent, ce qui est très très grave. La
défense a le droit et le devoir si c’est son intérêt d’être en rupture mais pas
au point de menacer l’ensemble des avocats
qui croient encore naïvement ou bêtement en
la foi du palais qui a fait ses
preuves et permet de résoudre des difficultés. A ce sujet le public a du être
surpris et se méfiera désormais de ce que peuvent dire ou non des avocats, pas tous
heureusement. Finalement le renvoi a été ordonné. Twitter a gagné contre la foi
du palais. La fin justifie- t -elle tous les moyens ?
En réalité
ce qui est en jeu c’est le poids de l’opinion publique. C ‘est elle qui
justifie les informations en continu inlassablement répétées jusqu’à satiété en
fonction du principe de transparence qui
se moque de la vie privée ou de la présomption d’innocence, qui oblige chacun à
répondre au moindre soupçon ou rumeur dans l’heure sur tous sujets, tout étant
égal, les valeurs étant confondues, sous peine d’être déclaré immédiatement
coupable ou suspect. Robespierre n’avait pas fait mieux mais il avait au moins
l’excuse de vouloir la vertu dans l’intérêt du peuple tout entier, et non pas
de ceux qui braillent le plus en criant au scandale pour tout et rien même si
leur cause peut être juste . Le procès Tron est un échec terrible pour la justice et ce n’est
pas une satisfaction pour la cause des femmes . C’est une victoire à la Pyrrhus pour la défense de M .Tron car il n’a
pas été innocenté et le doute persiste.
Il n’y a
cependant rien de nouveau. Mon illustre confrère Me Moro-Giafferi (1878-1956)
avait déclaré lors d’un fameux procès d’assises : « l’opinion
publique ,chassez la [du prétoire] cette prostituée qui tire le juge par la
manche ».Comme ailleurs, dans le
combat judiciaire n’est pas Me yoda ou jedi de star wars qui veut et croire que tout est permis en
vertu d’une notoriété ou de la grosse tête que donne le talent. Il faut savoir
utiliser la force pour arriver au bien. Mais si la justice sans la force est
impuissante, la force sans la justice
est tyrannique a écrit blaise Pascal. Un procès est un affrontement entre deux
logiques , entre deux vérités humaines. La stratégie judiciaire existe mais ni
la haine ou le mépris ni la manipulation n’y ont leur place car elles sont contradictoires avec ce qui est juste. Notre
société cloue au pilori médiatique [lire Vincent Trémolet de Villers le figaro
du 19 décembre 2017 page 19 ]ceux qui ne partagent pas le délire collectif.
Sans rapport ou peu avec tout ce qui précède cela me rappelle le bateau ivre
d’Arthur Rimbaud :
« comme
je descendais les fleuves impassibles,
Je ne me
senti plus guidé par les hâleurs ;
Des peaux
rouges criards nous avaient pris pour
cibles ,
Nous ayant
cloués nus aux poteaux de couleurs ».
C’est
« un grand tort d’avoir toujours
raison » a écrit Edgar Faure, célèbre personnalité politique et avocat. La
lumière ne brille pas à tous les étages des hurleurs et indignés professionnels
et souvent leurs cris entrainent l’effet contraire à ce qu’ils recherchaient .
j’ai sûrement tort car je ne suis jamais dans le camp majoritaire. Mais je vous
ai compris comme avait dit un général idolâtré y compris par ceux qui ne l’ont
pas soutenu et leurs héritiers .En 2018 je vais me rattraper et faire mon
coming out. Je n’essaierai plus de comprendre, de douter, de vérifier les
faits, d’essayer de réfléchir par moi-même et de choisir la raison. J’adhérerai
au prêt à penser et au premier coup de sifflet je me mettrai au garde à vous .
Je ne veux plus être traité de conservateur c’est ringard, ni encore moins de
réactionnaire c’est dépassé .Je verrai une atteinte aux droits de l’homme
dans tout, du racisme y compris d’Etat
avéré, et de la discrimination avec du harcèlement dans les rapports humains. Le faible ou le
minoritaire aura raison sans discussion
et le puissant ou le riche sera coupable par principe. Je serai pour tous les
anti, anti-sémite, anti-musulman, anti -religieux ou capitaliste en général, anti- bourgeois,
anti – propriétaire, et la liste n’est
pas exhaustive.Sans oublier l'anti-virus, l'anti-rouille et l'anti-connerie mais je m'avance pour elle car c'est un vaste programme.
En 2018 je
signerai toutes les pétitions depuis pour les bébés phoques jusqu’à l’éradication du
paupérisme après 18 heures surtout
en hiver ; je serai pour l’accueil de tous les migrants chez les autres
car chez moi c’est trop petit ; j’hurlerai avec les loups ce qui ne fera pas plaisir à nos bergers ; je soutiendrai les battu(e)s car il faut être
inclusif ; je haïrai les coupables
désignés car les entendre est une perte de temps ; et j’enfoncerai les
portes ouvertes .Je ferai repentance pour les croisades; pour Clovis qui a cassé le vase de
Soissons ; pour la saint- Barthélémy ; et pour Charles Martel qui a
osé arrêter les arabes à Poitiers ; je n’oublie pas Jules Ferry et son
passé colonial, ni la terreur ou l’empire autoritaire. Et pas de liberté pour
les ennemis de la liberté ou de la croyance du jour les maoïstes sont de
retour. C’est déjà une longue liste pour ce qui n’est pas contemporain et je
risque de manquer de temps pour expier.
En 2018
j’aurai enfin bonne conscience et
j’aurai atteint le but ultime : être un progressiste c’est-à-dire être
contre ce qui est pour et inversement , ceci sans responsabilité, sans
légitimité, sans qu’on ne m’ait rien demandé. Le pied quoi, comme le dirait
M.Tron. Espérons que l’année 2018 sera réussie car il n’y a pas d’élections
sauf la préparation des européennes de 2019 pour tous les battus de 2017 qui
espèrent ressusciter. On croit en plus de croissance et moins de chômage ;
en plus de fraternité et moins de polémiques subalternes ; en plus de
sécurité et moins de fous de dieu ; en plus de sérénité et moins de
violences…
Comme on
n’est pas à l’abri d’un succès, l’année 2018 devrait être magique, mais pas à
la façon de l’illustre illusionniste Harry Houdini [1874-1926] qui avait l’art
de faire croire ce qui n’est pas et de faire prendre les vessies pour les
lanternes.
Bonne année
à toutes et à tous , selon la syntaxe présidentielle .
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