Humanisme et autorité
Par Christian
FREMAUX avocat honoraire et élu local.
C’est
reparti ou plutôt cela continue, le débat entre
bons sentiments ou humanisme, et autorité pris dans le sens d’inhumanité
et de force. La loi sur l’asile et l’immigration que le gouvernement concocte a été esquissée
par le président Macron lors de sa visite à Calais et sa rencontre avec des
migrants , de vrais réfugiés puisque venant du Soudan semble -t- il ? S’il
s’était agi d’albanais aurait-on protesté ? La future loi qui a pour
objectif de maîtriser l’immigration n’est pas encore connue mais déjà les
associations, les défenseurs des droits de l’homme, tous ceux qui ont une
conscience pour les autres et font de l’être humain la priorité quelques soient
les circonstances, les lieux et les possibilités, sont contre , farouchement
contre et sont prêts à en découdre !
Mais ne
pourrait-on pas aborder les sujets qui fâchent d’une autre manière, qui ne soit
pas conflictuelle comme si le ciel allait nous tomber sur la tête. A force d’entendre
que le fascisme ne passera pas, qu’il y a un racisme d’Etat, que quasiment
l’homme est un porc pour tout, ce qui est faux ou pour le moins excessif, qu’il
ne faut rien ni personne discriminer ce qui est exact, et que seuls les
rapports de force comptent surtout quand ils émanent d’un infime minorité, on
se lasse, on se fatigue et on se demande pourquoi il faut s’incliner tout le
temps en vertu de la bien -pensance, pourquoi la majorité silencieuse ne fait
pas la loi, pourquoi on se sent toujours coupable de quelque chose, pourquoi il
faut se repentir et réécrire l’histoire quand la fin ne convient pas (comme
Carmen qui désormais tue son harceleur) , pourquoi l’excuse pour tout et rien
est devenue la norme, et pourquoi il y a une police de la pensée avec des
ayatollahs vigilants qui guettent ce qui ne leur convient pas et clouent au
pilori médiatique ceux qui ne pensent pas comme eux. Georges Orwell est
dépassé. Halte au feu.
Est-ce un
oxymore quand on parle d’une autorité humaniste, celle qui concilie les droits
et les devoirs, qui fait respecter les règles et la loi, qui sanctionne les
infractions et qui comprend les pauvres, les exclus, les faibles, les
persécutés divers, les malheureux en général. « Entre le fort et le faible,
entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la
liberté qui opprime et la loi qui affranchit » déclarait jean- baptiste Lacordaire religieux
dominicain (1802-1861).
Peut-on
imaginer de laisser les choses en l’état et ne pas avoir une politique migratoire
jugée « inhumaine » par certains dont des députés de La République en
marche ?. Est-il humain d’accueillir
tous les migrants, qu’ils soient réfugiés stricto sensu, ou pour des raisons économiques, climatiques ou
culturelles voire religieuses pour les laisser dans une impasse et
finalement les renvoyer chez le voisin ou d’où ils viennent ? Les
habitants des territoires concernés, comme à Calais, Ouistreham, ou Vintimille
et la Savoie désormais n’ont-ils pas le
droit , comme tous les citoyens français de vivre dans la paix, sans avoir peur
à tort ou à raison , sans subir des exactions avérées certes commises par des
voyous en petit nombre mais qui sont. La
république ne doit-elle pas protéger d’abord ses citoyens ? Il est facile
d’être généreux à distance, de dénoncer les sans cœurs d’autres régions, et de
ne voir que de loin la complexité et la
réalité du problème. Sans oublier les forces de l’ordre qui font un travail
ingrat , qui sont accusées sans preuve - des fake news ?- des pires maux,
les pompiers et les services de santé qui font le maximum, tandis que les
collectivités locales sur place y vont de leur budget et de la critique de
leurs administrés.
Les bons
sentiments sont- ils un humanisme ? L’humanisme est une philosophie du 16ème
siècle , de la Renaissance qui place l’homme et les valeurs humaines au- dessus
de toutes les autres valeurs. Il vise à l’épanouissement de l’homme par la
culture d’origine grecque et latine ,par l’éducation. Son équivalent est l’
altruisme ,l’ amour des hommes (et des femmes, parité oblige).
L’humanisme
n’empêche pas le regard critique, puisque il est fondé sur la réflexion, sur le
doute qui s’oppose aux dogmes, aux certitudes, aux postulats. Il est en
recherche permanente de l’équilibre entre le bien et le mal (qui existe hélas) et sur la connaissance de l’homme pour
l’améliorer donc en faire profiter l’humanité. L’humanisme n’est pas un
laxisme : au contraire pour que les valeurs humaines triomphent sur d’autres valeurs qui clivent, séparent,
accablent ou conduisent au mal (exemple le terrorisme qui s’appuie
principalement sur une religion donc un dogme dans lequel l’homme ou la femme
se soumettent volontairement ), il faut un cadre , et non pas un état de nature
sauvage ou chacun fait ce qu’il lui plait .Une démocratie est l’organisation
des rapports humains, avec une autorité légitimée par des élections libres et
une justice indépendante. Est-il normal et humain de céder à toutes les
minorités qui obéissent parfois à des motifs idéologiques ou politiques qui
n’ont rien à voir avec l’idéal qu’ils prétendent défendre, ou qui vomissent notre société démocratique
capitaliste, libérale et redistributive,
dont ils profitent et qui leur laisse la liberté d’expression ?
L’humanisme
c’est aussi d’admettre que l’on n’a pas toujours raison et de penser que
l’autre est aussi respectable. L’humanisme c’est la volonté de régler les
problèmes par la raison et non par le canon ; par la conviction et non l’imposition ;
et de considérer que les droits personnels sont en miroir avec les devoirs
collectifs » .On ne fait pas de bonne littérature avec de bons
sentiments » disait André Gide. Victor Hugo pensait que tout dépend du talent
de l’écrivain et je crois qu’il avait raison. Prenons un exemple lié à l’actualité quand on a manifesté
récemment l’intention de republier les ouvrages de Louis-Ferdinand Céline :
on peut faire de la bonne ou originale littérature tout en étant clairement ignoble sur le fond.
On a battu en retraite et renoncé en fonction des cris d’orfraie entendus.
L’opinion publique est impitoyable, voire autoritaire.
Mais
l’humanisme ne se divise pas et il ne s’agit évidemment pas de poursuivre des
politiques publiques sur de mauvais sentiments. Je n’imagine pas un seul homme
politique et une femme encore moins,
annoncer cyniquement qu’il allait prendre une loi liberticide ou
discriminatoire ou revancharde ou protectrice des français de souche on non
(autre polémique) , pour que nos valeurs dites universelles mais réputées à
tort franchouillardes s’appliquent qu’
entre nous, que nous seuls profitions de nos avantages et que tout ce qui n’est
pas citoyen de la république soit exclu. On a les gouvernements que l’on mérite
mais jusqu’à ce jour ils sont responsables et humains, que l’on ait voté pour
eux ou non.
Cela
n’empêche pas d’avoir du bon sens chose du monde la mieux partagée disait Descartes
et de l’autorité. Au contraire c’est une obligation.
L’autorité
est le pouvoir de commander, d’être obéi. Elle implique les notions de
légitimité, et de commandement. Elle ne
se confond ni avec l’autoritarisme ni avec la répression. On ne discute pas de
l’autorité de la chose jugée par la justice, ni de l’autorité parentale par
exemple. Ou de l’autorité naturelle de telle personnalité ou quidam. C’est une
valeur conférée qui concerne surtout l’Etat. C’est son caractère nécessaire à
la structure de toute organisation qui la rend légitime. Et qui permet de l’opposer erga omnes.
L’autorité se confond avec les pouvoirs
publics. Platon a beaucoup disserté sur
l’autorité et Max Weber a parlé de l’autorité charismatique. Chaque citoyen a
sa compréhension de l’autorité et de son contenu. Il la souhaite plutôt ouverte
à son égard quand cela l’arrange, et
ferme pour les autres sur des sujets qui
lui tiennent à cœur. Chacun vit avec ses contradictions. Les buts de l’autorité sont la sauvegarde du
groupe et la conduite de celui-ci vers des objectifs collectifs consentis.
L’évacuation
de la ZAD de notre- dame- des landes des éléments les plus radicalisés (qui
sont-ils ?) quelque soit la décision sur le fond va être un test pour l’autorité
de l’Etat en nette perte de vitesse ces dernières années : souvenons- nous
seulement du feuilleton Léonarda ! La colère des surveillants de prison
qui se font agresser par des détenus, comme les agressions contre les forces de
l’ordre, ou les médecins et pompiers dans les territoires dits perdus de la
république mais pas perdus pour le business lié à la drogue ; ou encore
les insultes voire violences commises à l’intérieur des tribunaux contre les
magistrats comme l’a dénoncé Mme la Procureure du TGI de Nanterre, témoignent
que désormais tout est possible et que certains estiment qu’ils ont droit à l’impunité au nom de
prétextes fumeux qui vont de la misère sexuelle (les frotteurs dans le métro)
ou sociale, au manque de travail ou de revenus, ou parce qu’ils s’ennuient (
des intellectuels sérieux ont justifié
l’incendie des véhicules en disant que c’était surtout ludique-sic-), et enfin
parce que les barres d’immeubles invivables inciteraient à la violence
(déclaration du ministre de l’intérieur) et que dans ces quartiers la moindre
arrestation ou un contrôle d’identité tourne au drame et à l’accusation contre
la police qui soit provoque par son uniforme ,soit est raciste et violente.
Basta comme on dit chez certains de nos amis corses qui s’y connaissent un
peu en la matière. Et les motifs ne sont pas exhaustifs .
Mais
l’autorité est surtout remise en cause par ceux qui prétendent détenir la vérité, qui savent ce qui est bon et bien,
qui nient la société telle qu’elle existe et qui ne leur convient pas, qui ont
beaucoup beaucoup discuté… entre eux ,
sans admettre d’autres contradicteurs (rappelons nous de nuit debout) , qui
croient incarner le peuple sans avoir été élus-c’est ringard- ou avoir le
moindre mandat -pourquoi rendre des comptes ?-ni naturellement une
quelconque légitimité : ils ne représentent qu’eux, ce qui est court pour
exiger quoique ce soit. Mais on les entend : ils haïssent les médias qui
diffuseraient des fausses nouvelles ou
informations et les télévisions qui
abêtissent les citoyens selon eux, mais
ils savent s’en servir et faire passer leur message : nous résistons
-résiste chantait France Gall- à l’oppression, à la finance, aux ordres et à une
société inhumaine, disent- ils. Nous avons des droits naturels, comme ceux de
s’approprier des terres puisque le sol n’appartient à personne…Merci pour les
propriétaires.
Le journal
le parisien a titré le 16 janvier : « enquête sur la génération
j’ai le droit ». Il aurait pu ajouter que des parents avaient la même
conception de la société.
Quand on a
que des droits, on ne tolère plus l’autorité et on pense que tout ce qui est
contraire à ce que l’on pense est forcément injuste et inhumain.
Le « je » l’emporte sur le « nous », comme le
masculin l’emporte sur le féminin en
grammaire, mais plus pour longtemps semble-t-il , les féministes
s’activent . L’écriture inclusive
veut s’imposer ce qui n’est un
progrès pour personne.
Et s’il n’y
avait plus d’autorité(s) comme on a bien interdit la fessée par amendement du
parlement du 22 décembre 2016 que se passerait -il ? Chacun peut imaginer ce qu’il en serait de la
vie en société. L’humanisme n’est pas incompatible avec les principes de responsabilité
et réalité. Un gouvernement doit faire
des choix en raison des besoins internes et notamment pour le logement (plus
ou moins de social, faut- il pénaliser les propriétaires privés); la sécurité (la
lutte contre le terrorisme justifie-t-elle une législation rigoureuse tout en
protégeant les libertés publiques et individuelles ?), la justice (le procureur doit- il être soumis à l’exécutif
ou être totalement indépendant, ou à quoi sert la prison ?) ; les impôts
à qui servent ils ?; comment intégrer les jeunes sur le marché du travail
et ne pas pénaliser les retraités -dont je suis- qui ont payé impôts et taxes
toute leur vie et qui ne sont pas des privilégiés, puisque en plus ils aident
enfants et petits enfants ?.... Tous les sujets doivent être traités avec
un souci de résultats et de dimension humaine. Humanisme et autorité sont donc
compatibles, sachant qu’il y aura toujours des mécontents et des moins gagnants
que d’autres. Ne peut on baisser d’un ton, essayer d’abord de faire prévaloir la raison
et ne pas voir dans un contradicteur un horrible raciste, un macho ou un ultra conservateur.
Comme si le progrès ne résultait que de
ce qui est minoritaire, ou d’arguments qui partent du cœur et ne sont ni
objectifs ni vérifiés.
L’Etat qui
dirige à ce jour 67,2 millions de citoyens et essaie d’intégrer ceux qui
appellent au secours doit trouver l’équilibre entre l’autorité sans qui rien ne
peut se faire et le respect de la vie et des libertés c’est-à-dire les valeurs
humanistes ou républicaines les deux se
confondant. C’est la grandeur de sa mission.
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