mercredi 17 janvier 2018

HUMANISME ET AUTORITÉ

Humanisme et autorité
Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
C’est reparti ou plutôt cela continue, le débat entre  bons sentiments ou humanisme, et autorité pris dans le sens d’inhumanité et de force. La loi sur l’asile et l’immigration  que le gouvernement concocte a été esquissée par le président Macron lors de sa visite à Calais et sa rencontre avec des migrants , de vrais réfugiés puisque venant du Soudan semble -t- il ? S’il s’était agi d’albanais aurait-on protesté ? La future loi qui a pour objectif de maîtriser l’immigration n’est pas encore connue mais déjà les associations, les défenseurs des droits de l’homme, tous ceux qui ont une conscience pour les autres et font de l’être humain la priorité quelques soient les circonstances, les lieux et les possibilités, sont contre , farouchement contre et sont prêts à en découdre !
Mais ne pourrait-on pas aborder les sujets qui fâchent d’une autre manière, qui ne soit pas conflictuelle comme si le ciel allait nous tomber sur la tête. A force d’entendre que le fascisme ne passera pas, qu’il y a un racisme d’Etat, que quasiment l’homme est un porc pour tout, ce qui est faux ou pour le moins excessif, qu’il ne faut rien ni personne discriminer ce qui est exact, et que seuls les rapports de force comptent surtout quand ils émanent d’un infime minorité, on se lasse, on se fatigue et on se demande pourquoi il faut s’incliner tout le temps en vertu de la bien -pensance, pourquoi la majorité silencieuse ne fait pas la loi, pourquoi on se sent toujours coupable de quelque chose, pourquoi il faut se repentir et réécrire l’histoire quand la fin ne convient pas (comme Carmen qui désormais tue son harceleur) , pourquoi l’excuse pour tout et rien est devenue la norme, et pourquoi il y a une police de la pensée avec des ayatollahs vigilants qui guettent ce qui ne leur convient pas et clouent au pilori médiatique ceux qui ne pensent pas comme eux. Georges Orwell est dépassé. Halte au feu.
Est-ce un oxymore quand on parle d’une autorité humaniste, celle qui concilie les droits et les devoirs, qui fait respecter les règles et la loi, qui sanctionne les infractions et qui comprend les pauvres, les exclus, les faibles, les persécutés divers, les malheureux en général. « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur,  c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » déclarait  jean- baptiste Lacordaire religieux dominicain (1802-1861).
Peut-on imaginer de laisser les choses en l’état et ne pas avoir une politique migratoire jugée « inhumaine » par certains dont des députés de La République en marche ?. Est-il humain d’accueillir  tous les migrants, qu’ils soient réfugiés stricto sensu, ou  pour des raisons économiques, climatiques ou culturelles voire religieuses  pour les laisser dans une impasse et finalement les renvoyer chez le voisin ou d’où ils viennent ? Les habitants des territoires concernés, comme à Calais, Ouistreham, ou Vintimille et la Savoie désormais  n’ont-ils pas le droit , comme tous les citoyens français de vivre dans la paix, sans avoir peur à tort ou à raison , sans subir des exactions avérées certes commises par des voyous  en petit nombre mais qui sont. La république ne doit-elle pas protéger d’abord ses citoyens ? Il est facile d’être généreux à distance, de dénoncer les sans cœurs d’autres régions, et de ne voir  que de loin la complexité et la réalité du problème. Sans oublier les forces de l’ordre qui font un travail ingrat , qui sont accusées sans preuve - des fake news ?- des pires maux, les pompiers et les services de santé qui font le maximum, tandis que les collectivités locales sur place y vont de leur budget et de la critique de leurs administrés.
Les bons sentiments sont- ils un humanisme ? L’humanisme est une philosophie du 16ème siècle , de la Renaissance qui place l’homme et les valeurs humaines au- dessus de toutes les autres valeurs. Il vise à l’épanouissement de l’homme par la culture d’origine grecque et latine ,par l’éducation. Son équivalent est l’ altruisme ,l’ amour des hommes (et des femmes, parité oblige).
L’humanisme n’empêche pas le regard critique, puisque il est fondé sur la réflexion, sur le doute qui s’oppose aux dogmes, aux certitudes, aux postulats. Il est en recherche permanente de l’équilibre entre le bien et le mal (qui existe hélas)  et sur la connaissance de l’homme pour l’améliorer donc en faire profiter l’humanité. L’humanisme n’est pas un laxisme : au contraire pour que les valeurs humaines triomphent sur  d’autres valeurs qui clivent, séparent, accablent ou conduisent au mal (exemple le terrorisme qui s’appuie principalement sur une religion donc un dogme dans lequel l’homme ou la femme se soumettent volontairement ), il faut un cadre , et non pas un état de nature sauvage ou chacun fait ce qu’il lui plait .Une démocratie est l’organisation des rapports humains, avec une autorité légitimée par des élections libres et une justice indépendante. Est-il normal et humain de céder à toutes les minorités qui obéissent parfois à des motifs idéologiques ou politiques qui n’ont rien à voir avec l’idéal qu’ils prétendent défendre,  ou qui vomissent notre société démocratique capitaliste, libérale et redistributive,  dont ils profitent et qui leur laisse la liberté d’expression ?
L’humanisme c’est aussi d’admettre que l’on n’a pas toujours raison et de penser que l’autre est aussi respectable. L’humanisme c’est la volonté de régler les problèmes par la raison et non par le canon ;  par la conviction et non l’imposition ; et de considérer que les droits personnels sont en miroir avec les devoirs collectifs » .On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments » disait André Gide. Victor Hugo pensait que tout dépend du talent de l’écrivain et je crois qu’il avait raison. Prenons un exemple  lié à l’actualité quand on a manifesté récemment l’intention de republier les ouvrages de Louis-Ferdinand Céline : on peut faire de la bonne ou originale littérature  tout en étant clairement ignoble sur le fond. On a battu en retraite et renoncé en fonction des cris d’orfraie entendus. L’opinion publique est impitoyable, voire autoritaire.
Mais l’humanisme ne se divise pas et il ne s’agit évidemment pas de poursuivre des politiques publiques sur de mauvais sentiments. Je n’imagine pas un seul homme politique  et une femme encore moins, annoncer cyniquement qu’il allait prendre une loi liberticide ou discriminatoire ou revancharde ou protectrice des français de souche on non (autre polémique) , pour que nos valeurs dites universelles mais réputées à tort  franchouillardes s’appliquent qu’ entre nous, que nous seuls profitions de nos avantages et que tout ce qui n’est pas citoyen de la république soit exclu. On a les gouvernements que l’on mérite mais jusqu’à ce jour ils sont responsables et humains, que l’on ait voté pour eux ou non. 
Cela n’empêche pas d’avoir du bon sens chose du monde la mieux partagée disait Descartes et de l’autorité. Au contraire c’est une obligation.  
L’autorité est le pouvoir de commander, d’être obéi. Elle implique les notions de légitimité,  et de commandement. Elle ne se confond ni avec l’autoritarisme ni avec la répression. On ne discute pas de l’autorité de la chose jugée par la justice, ni de l’autorité parentale par exemple. Ou de l’autorité naturelle de telle personnalité ou quidam. C’est une valeur conférée qui concerne surtout l’Etat. C’est son caractère nécessaire à la structure de toute organisation qui la rend légitime.  Et qui permet de l’opposer erga omnes. L’autorité  se confond avec les pouvoirs publics.  Platon a beaucoup disserté sur l’autorité et Max Weber a parlé de l’autorité charismatique. Chaque citoyen a sa compréhension de l’autorité et de son contenu. Il la souhaite plutôt ouverte à son égard  quand cela l’arrange, et ferme  pour les autres sur des sujets qui lui tiennent à cœur. Chacun vit avec ses contradictions.  Les buts de l’autorité sont la sauvegarde du groupe et la conduite de celui-ci vers des objectifs collectifs consentis.
L’évacuation de la ZAD de notre- dame- des landes des éléments les plus radicalisés (qui sont-ils ?) quelque soit la décision sur le fond va être un test pour l’autorité de l’Etat en nette perte de vitesse ces dernières années : souvenons- nous seulement du feuilleton Léonarda ! La colère des surveillants de prison qui se font agresser par des détenus, comme les agressions contre les forces de l’ordre, ou les médecins et pompiers dans les territoires dits perdus de la république mais pas perdus pour le business lié à la drogue ; ou encore les insultes voire violences commises à l’intérieur des tribunaux contre les magistrats comme l’a dénoncé Mme la Procureure du TGI de Nanterre, témoignent que désormais tout est possible et que certains estiment  qu’ils ont droit à l’impunité au nom de prétextes fumeux qui vont de la misère sexuelle (les frotteurs dans le métro) ou sociale, au manque de travail ou de revenus, ou parce qu’ils s’ennuient ( des intellectuels  sérieux ont justifié l’incendie des véhicules en disant que c’était surtout ludique-sic-), et enfin parce que les barres d’immeubles invivables inciteraient à la violence (déclaration du ministre de l’intérieur) et que dans ces quartiers la moindre arrestation ou un contrôle d’identité tourne au drame et à l’accusation contre la police qui soit provoque par son uniforme ,soit est raciste et violente. Basta comme on dit chez certains de nos amis corses qui s’y connaissent un peu  en la matière.  Et les motifs ne sont pas exhaustifs .
Mais l’autorité est surtout remise en cause par ceux qui  prétendent détenir  la vérité, qui savent ce qui est bon et bien, qui nient la société telle qu’elle existe et qui ne leur convient pas, qui ont beaucoup beaucoup discuté…  entre eux , sans admettre d’autres contradicteurs (rappelons nous de nuit debout) , qui croient incarner le peuple sans avoir été élus-c’est ringard- ou avoir le moindre mandat -pourquoi rendre des comptes ?-ni naturellement une quelconque légitimité : ils ne représentent qu’eux, ce qui est court pour exiger quoique ce soit. Mais on les entend : ils haïssent les médias qui diffuseraient  des fausses nouvelles ou informations et  les télévisions qui abêtissent  les citoyens selon eux, mais ils savent s’en servir et faire passer leur message : nous résistons -résiste chantait France Gall- à l’oppression, à la finance, aux ordres et à une société inhumaine, disent- ils. Nous avons des droits naturels, comme ceux de s’approprier des terres puisque le sol n’appartient à personne…Merci pour les propriétaires.
Le journal le parisien a titré le 16 janvier : « enquête sur la génération j’ai le droit ». Il aurait pu ajouter que des parents avaient la même conception de la société.
Quand on a que des droits, on ne tolère plus l’autorité et on pense que tout ce qui est contraire à ce que l’on pense est forcément injuste et inhumain. Le «  je » l’emporte sur le « nous », comme le masculin l’emporte sur le féminin en  grammaire, mais plus pour longtemps semble-t-il , les féministes s’activent . L’écriture inclusive  veut  s’imposer ce qui n’est un progrès pour personne.

Et s’il n’y avait plus d’autorité(s) comme on a bien interdit la fessée par amendement du parlement du 22 décembre 2016  que se passerait -il ?  Chacun peut imaginer ce qu’il en serait de la vie en société. L’humanisme n’est pas incompatible avec les principes de responsabilité et réalité.  Un gouvernement doit faire des choix en raison des besoins internes  et notamment pour le logement (plus ou moins de social, faut- il pénaliser les propriétaires privés); la sécurité (la lutte contre le terrorisme justifie-t-elle une législation rigoureuse tout en protégeant les libertés publiques et individuelles ?), la justice  (le procureur doit- il être soumis à l’exécutif ou être totalement indépendant, ou à quoi sert la prison ?) ; les impôts à qui servent ils ?; comment intégrer les jeunes sur le marché du travail et ne pas pénaliser les retraités -dont je suis- qui ont payé impôts et taxes toute leur vie et qui ne sont pas des privilégiés, puisque en plus ils aident enfants et petits enfants ?.... Tous les sujets doivent être traités avec un souci de résultats et de dimension humaine. Humanisme et autorité sont donc compatibles, sachant qu’il y aura toujours des mécontents et des moins gagnants que d’autres. Ne peut on baisser d’un ton,  essayer d’abord de faire prévaloir la raison et ne pas voir dans un contradicteur un horrible  raciste, un macho ou un ultra conservateur. Comme si le progrès  ne résultait que de ce qui est minoritaire, ou d’arguments qui partent du cœur et ne sont ni objectifs ni vérifiés.
L’Etat qui dirige à ce jour 67,2 millions de citoyens et essaie d’intégrer ceux qui appellent au secours doit trouver l’équilibre entre l’autorité sans qui rien ne peut se faire et le respect de la vie et des libertés c’est-à-dire les valeurs humanistes ou républicaines  les deux se confondant. C’est la grandeur de sa mission.



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