« Retiens
la nuit » car « c’était bien ».
Par Christian
FREMAUX avocat honoraire et élu local.
Pierre
Desproges avait ironisé : « quand Coluche est mort j’ai pleuré
alors que quand Tino Rossi est mort j’ai repris deux fois des moules ».
Nous n’aurons l’occasion que d’être triste à la suite du décès à quelques
heures d’intervalle de Jean d’Ormesson et de Johnny Hallyday : deux voix
se sont éteintes mais on les entendra encore longtemps car elles sont gravées
dans notre mémoire.
L’un était
la gloire, incarnait les anciens, la connaissance, la littérature, la
philosophie, le bonheur et l’art de vivre. L’autre était l’idole qui
représentait les jeunes et leurs espoirs
quelques soient leurs âges, la musique, l’artiste, l’amour , ce qui fait la vie avec ses joies.
L’âge ne
comptait plus et ils étaient tous deux très modernes chacun dans son domaine ayant passé les époques, les modes,
les polémiques, l’histoire. On le lisait ou on l’écoutait en l’aimant ou non,
mais ils faisaient rêver et on aurait voulu être comme eux. Jean
d’Ormesson avait eu tous les honneurs de
la république et de l’élite intellectuelle ou de celle qui se prétendait
telle, et populaire car les livres
ouvrent l’esprit de ceux qui n’ont pas eu la chance de naître au bon endroit ou
qui veulent approcher le savoir qui libère. Johnny avait eu tous les honneurs
du peuple qui aime ceux qui viennent de
loin et se sont hissés au sommet, ce qui
vaut toutes les médailles et l’académie. Ils auront tous deux à juste titre des
funérailles nationales, le président de la république sera présent et pour l’un
et pour l’autre.
J’ai
beaucoup lu Jean d’Ormesson mais avec ses derniers livres surtout je ne l’ai
pas entièrement compris. Il volait trop haut pour moi. J’ai aimé en revanche son sens de la
conversation, son humour, ses citations, comme André Malraux qui m’avait
fasciné quand j’étais adolescent pour son personnage et sa culture. Je n’ai pas apprécié certaines périodes et
inspirations des chansons de Johnny tout en reconnaissant son immense talent
sur scène, alors que j’avais été subjugué quand j’étais jeune par les textes de
Georges Brassens.
Je ne sais
de jean d’Ormesson ou de Johnny celui qui m’a le plus formé et donné envie de
m’investir en me créant un destin, petit certes, mais le mien.
Jean était
un raconteur d’histoires, de grandeur , de sublime même parfois dans le trivial . Johnny donnait des leçons de vie pratique et
d’espoirs, de désespoir qui se terminait bien. Comme Corneille écrivait des vers pour montrer
ce qu’il faudrait faire dans la vie, tandis que Racine nous disait ce qu’il en
est dans la réalité. Les hommes tels qu’ils devraient être face aux hommes tels
qu’ils sont.
Il n’y a pas
d’art mineur : il y a du talent ou non, et le public sait le reconnaitre.
Tous les
deux étaient le symbole de l ‘amour : courtois et parfois badin pour l’un,
plus heurté pour celui qui chantait le
rock-and-roll. Ils ont partagé les
difficultés de la vie chacun à sa manière car la réussite n’exclut pas les
épreuves, comme pour tous les hommes. Ils nous ont appris à vivre et c’est une
leçon extraordinaire.
« Je
dirai malgré tout que cette vie fut belle » a conclu Jean d’Ormesson.
Johnny a cherché à « retenir la nuit ». Ils ont réussi leur
pari : nous rendre heureux.
Au revoir et
merci.
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