« JUSTICE
et ÉQUITÉ » (extraits d’une conférence modeste dans un club de réflexion le 10 octobre 2017.)
La route de la vie est longue et il ne faut ni
être pressé d’atteindre le but -si celui-ci existe ? -ni renoncer au moindre
obstacle . La patience est une vertu et l’ambition qui est louable doit
s’accompagner d’expériences voire d’échecs pour rebondir et toujours faire mieux On parle de justice et
d’équité mais est- ce la même chose ou l’une a -t-elle besoin de l’autre
pour que le juste soit reconnu ?
La Justice
est au centre de la réflexion, constamment , formellement ou implicitement car
l’homme pour vivre, pour donner un sens à la vie et à la sienne en particulier
doit avoir la certitude que le monde est juste ; que les rapports sociaux
le sont aussi ; et que le bien triomphe toujours, même si parfois il est
permis de s’interroger quand on regarde
l’actualité en France et dans le monde et que l’on constate effaré que l’homme
est imaginatif pour faire le mal .La justice incarne la loi, le droit, et est
prononcée par des hommes .Elle doit écarter l’injustice, c’est-à-dire ce qui
est abusif, arbitraire, illégitime…( bien qu’un ancien président de la
république ait parlé de la force injuste
de la loi, dans certains cas) et elle est destinée à régler les conflits entre
les hommes. Elle doit être objective et parfois elle s’éloigne des cas humains spécifiques car elle a aussi
une fonction d’exemplarité…
L’équité est
une vertu –comme la justice- qui tient plus de la loi naturelle, et non pas de
celle des hommes fabriquée par des
parlementaires ou des magistrats avec la jurisprudence, dans l’appréciation de
ce qui est dû à chacun. Victor HUGO s’exprimait ainsi : « le monde matériel
repose sur l’équilibre, le monde moral sur l’équité ». L’équité permet de
prendre en considération la dimension humaine, au-delà de la place de
l’individu dans la société, avec ses contradictions, sa part d’ombre, et elle
permet de « compenser » ce que le droit ne retient pas comme
circonstances à charge ou à décharge…
On dit
que la charité et l’équité inspirent les jugements. L’équité est une garantie
contre toute forme de pouvoir arbitraire ce qui permet un traitement égal des
êtres humains, et souligne l’imperfection des règles de droit. On est plus dans
l’éthique que dans la règle intangible et l’on parie -si je puis dire - sur la
perfection de l’être humain qui doit pouvoir s’amender quitte à le pousser à le
faire !
Justice et
équité ne font cependant qu’un. Quels sont les éléments qui permettent
de l’affirmer ?…
1°) Le doute :
Le doute est
consubstantiel à celui qui est de bonne
foi et ouvert , mais c’est un doute positif qui permet d’agir et ne fait pas
reculer : Il faut assumer ses responsabilités. Ce n’est pas une sorte de
principe de précaution devenu constitutionnel sous la Vème république. Le doute
de l’honnête homme se situe en amont dans la réflexion préalable, dans la
discussion qui permet d’affiner la pensée et d’en extraire les scories ou le
dogmatisme même involontaire. Et dans la
pesée au trébuchet du pour et du contre, des conséquences de la décision et de sa motivation. Rechercher la vérité est
un projet quelque peu prétentieux ou présomptueux, et un exercice qui peut se
rattacher à mission impossible si l’on tient pour vérité diverses affirmations et certitudes .Mais on
ne peut y renoncer ou reculer car l’homme est sur terre pour faire progresser
son alter ego, et là où il le peut , avec ses modestes moyens, par l’exemple
dans l’action faire avancer le plus grand nombre vers ce que l’on définit comme
le progrès donc en combattant le mal et l’injuste. Notre devoir n’est pas
dicté par l’extérieur, par un pouvoir temporel ou spirituel à qui l’on obéit , mais
émane de nous .C’est aussi accepter que notre solution ne soit pas LA solution
, mais qu’elle ait été élaborée après vérifications, soumise au débat
contradictoire, énoncée de bonne foi, et
si possible bénéfique pour d’autres…
Le doute
philosophique ne conduit pas à l’incertitude ou au scepticisme ou à la renonciation : « Tout
ce que je sais c’est que je ne sais rien » mais suffisamment quand même
pour agir .Une fois que l’on s’est débarrassé de ses déterminismes - l’homme
n’est grand que s’il domine ses peurs et préjugés ce qui n’est pas le plus
facile -ou de ses réflexes idéologiques nés de divers motifs, il doit avancer
vers la recherche de la vérité que personne n’a cernée définitivement et ne
prononce avec certitude. C’est DESCARTES dans le discours de la méthode qui
nous donne quelques clés pour nous apprendre comment faire pour s’en remettre à
la raison et à faire attention à nos sens, à notre instinctivité ,à nos
penchants naturels : l’homme libre tend vers la justice et la vérité qui
sont des notions qu’il a en lui et qu’il
essaie de faire émerger de façon concrète après une longue méditation
accentuée par les épreuves qu’il traverse et l’enseignement qu’il reçoit à tout
instant. Il doit se faire un avis personnel, car s’il est un jour appelé à
devenir juge, et participer à un
tribunal, il devra être éclairé c’est-à-dire distinguer la justice de l’équité,
trouver une vérité et prendre ses responsabilités sans haine ni faiblesse, et
en écartant ce qui pourrait l’entraver dans sa décision ou abuser de ses
fonctions. Il faut rappeler la sentence de PASCAL qui réunit apparemment des contradictions : « la
justice sans la force est impuissante : la force sans la justice est
tyrannique ». Ce qui signifie que la justice a besoin des autres pour
réussir…
Rien n’est
jamais définitivement acquis .A chaque avancée il y a une contrepartie et comme
l’indiquait KANT « l’usage de la raison sans critique ne conduit qu’à des
assertions sans fondement », même si KANT croit à l’impératif moral. Les
trois pouvoirs traditionnels l’exécutif ; la religion surtout à notre
époque où la laïcité est redevenue un combat ; les militaires
ou la force en général, auxquels on peut ajouter les médias, doivent
être relativisés dans leurs effets et leurs puissances et être exercés sous bonne garde avec le parlement et des
contre-pouvoirs divers pour en combattre tous les excès et rappeler que
l’individu n’a pas que des droits personnels mais qu’il a surtout des devoirs
collectifs .C'est le débat actuel entre les moyens donnés à la lutte contre le
terrorisme et la garantie des libertés individuelles. Où faut -il placer le
curseur pour que le point d’équilibre
soit trouvé ?. L’Etat peut- il , doit- il avoir des pouvoirs
exceptionnels sous peine qu’il en abuse
et que par la force de l’habitude et des prétextes divers, fondés ou non , tous
les membres de la société doivent devenir suspects, dans l’intérêt du plus
grand nombre ?. La justice doit- elle faire pencher le fléau dans des
circonstances majeures pour tous ?...
L’homme
attentif blanchi sous le harnois des ans a pris du poids (philosophique) même malgré
lui, s’il a été attentif pendant toutes ces années d’apprentissage ; il a
élargi son horizon (intellectuel) ; il a pris des coups de toute nature
qui parfois ont remis en cause ce qu’il
croyait sur la nature humaine en particulier
dans le domaine du mal en général, et il s’est confronté avec la réalité
, l’égalité, l’opinion des autres : il est devenu plus ouvert, plus
tolérant . Il a compris aussi qu’il ne peut y avoir d’organisation sociale sans
justice. ROUSSEAU n’a pas toujours raison surtout quand il prétend que l’homme
est né bon et que la société le pervertit ; les combats de VOLTAIRE pour
CALAS ou le Chevalier de la BARRE, en se transformant en avocat pour qui la
vraie justice soit rendue, entrent en résonance avec notre siècle. Certes
« il n’y a pas de véritable action sans volonté » ajoute
ROUSSEAU .L’homme devra rendre la justice en équité, car la loi positive des hommes peut n’être pas
suffisante ni juste pour juger l’homme dans sa globalité. S’il faut de surcroît
juger un autre dont la conscience ou
l’action répondent à d’autres critères plus immatériels, à des valeurs qui
dépassent le concret ou celles qui sont communément admises dans le cadre de la
tolérance, la responsabilité de ses juges est grande .Le juge devra faire son
examen de conscience : doit-il appliquer stricto sensu la loi écrite
relative et circonstancielle, ou doit -il la tempérer par ce qui n’est pas
écrit, une loi naturelle qui ressortit uniquement de l’humain ?...
Le doute philosophique
fera partie du jugement.
L’homme qui a vécu et réfléchi a compris que
les apparences peuvent être trompeuses, que la vérité avec un grand V, celle
qui va vers la connaissance des hommes et de l’humanité a besoin d’être
disséquée, confrontée, polie .Il doit
tenter et réussir, de se libérer de sa part obscure pour atteindre un objectif
enthousiasmant qui le porte vers l’avant, vers le haut, et vers la sérénité.
Lorsqu’il atteindra le but qu’il s’est assigné il sera revenu à son point de
départ : il aura compris qui il est, et ce qu’il doit servir. Autrement
dit à la prétendue fin du parcours il lui restera tout à faire.
En réalité
connaitre c’est se ressouvenir. C’est ce que dit PLATON à travers la
maïeutique :
« Socrate :
si donc la vérité existe dans notre âme, elle doit être immortelle. Aussi
faut-il quand il se trouve que l’on ne sait pas, c’est-à-dire qu’on ne se
rappelle pas d’une chose, se mettre avec CONFIANCE à la chercher et s’en
ressouvenir » [.MENON] .
Mais encore
faut-il que nous ayons « la
ferveur » ou le bagage humain suffisant en nous car nous pouvons être creux ou
ignorant, tout le monde ne possédant pas un niveau intellectuel à la hauteur des philosophes anciens ! Le
chemin permet soit de redécouvrir pour les meilleurs, soit de créer pour les autres.
Dans tous les cas de figure l’action paie, et on doit distribuer aux autres la
monnaie de ce que l’on a récolté . Ajoutons que l’homme a une conscience qui
lui donne le sentiment -voire la certitude - qu’il est responsable de ses
actes. C’est le philosophe ALAIN (1868-1951) qui distinguait la morale composée
d’obligations exigées par la société, aux devoirs universels que l’esprit nous
impose. Par ceux-ci l’homme donne un sens à sa vie et à l’humanité…
Le doute
méthodique au service de l’action va
donc permettre d’aborder la justice et l’équité avec plus d’acuité et de
connaissances éprouvées.
2°) Justice et
équité : les deux faces de la responsabilité :
Il faut
faire préalablement remarquer qu’un individu peut échapper à la justice s’il ne commet
aucune infraction (volontaire ou non) ; s’il n’a aucun litige personnel avec un autre ou familial ;
professionnel ; ou autre contentieux (urbanisme, fiscal, social ); si
aucun « ennemi » ne le poursuit pour une raison ou une autre ; si
personne ne le met en cause pour une raison bonne ou non .Ce qui est déjà rare
dans une vie bien remplie !
L’homme tout
au long de son parcours est obligé de réfléchir à la justice soit pour lui-même
soit pour les autres.On est dans l’application de la loi tout simplement et de
la justice entendue comme le respect de la règle, de la norme sociale, et la
volonté de réparer le préjudice d’une ou
des victimes. Les juges n’ont pas à y glisser une appréciation a priori morale.
DURA LEX SED LEX…
Puis
progressivement la notion de justice va se complexifier ; les fondamentaux
restent mais on y ajoute l’équité qui est une notion plus volatil, d’essence
naturelle, qui existe sans texte et est donc de la conscience de chacun. Dans
son « petit traité des grandes vertus » le philosophe André
COMTE-SPONVILLE définit ainsi cette vertu : « c’est un sommet
entre deux voies, une ligne de crête entre deux abîmes ». Il définit
ensuite la justice comme suit :
« être juste au sens moral du terme c’est refuser de
se mettre au-dessus des lois (comme quoi
la justice même comme vertu reste liée à la légalité) et des autres ». Albert CAMUS aussi a
défini le juste en écrivant (c’était alors la guerre d’ALGERIE) qu’entre sa mère et la justice il préférait
sa mère. La justice est donc aussi un appel à la conscience. La justice est
cette vertu par laquelle chacun tend à surmonter son premier réflexe, à ne pas
suivre sa tentation ou celle du plus grand nombre, en se mettant sur les
hauteurs, en regardant la plaine du haut de la montagne (a dit le philosophe IBSEN)
, et en sacrifiant s’il le faut ses désirs et ses intérêts. La justice peut
appeler au sacrifice et nécessite souvent un effort d’humanisme pour ne pas
tomber dans la facilité et le contentement de soi. La justice se tient entre
les deux branches du bien et du mal , dans la mesure que symbolise sa balance donc dans l’équilibre ou la proportion…
La justice
et la loi injuste : l’équité.
Selon
ARISTOTE « l’équitable tout en étant juste n’est pas le juste selon la
loi, mais un correctif de la justice légale », lequel permet d’adapter la
généralité de la loi à la complexité changeante des circonstances et à
l’irréductible singularité des situations concrètes. C’est selon ARISTOTE «
la plus parfaite des vertus ».
L’équité est la dimension horizontale entre les
hommes, à travers la tolérance acquise
car elle n’est pas forcément innée, et la fraternité polie par les rapports humains est parfois rugueuse .La justice c’est aussi donner
à chacun ce qui lui revient. Le droit est l’art d’organiser la vie en société
grâce à des règles votées démocratiquement-même si on est loin de l’agora des
grecs .Il s’agit de régir les rapports sociaux pour le plus grand nombre par
une règle objective, respectueuse des grands principes et des valeurs républicaines
(même si certains en contestent le contenu et la portée), avec la justice (au
sens de l’organisation judiciaire) pour arbitre.
L’équité est
le reflet de la primauté du cas particulier sur la règle générale : elle
représente une justice fondée sur l’égalité qui cherche à résoudre les litiges
en dehors des règles de droit prétendues trop « raides », trop axées
sur l’intérêt collectif et l’intérêt général définis par une majorité qu’une
minorité n’accepte pas ou plus.
Dans son
article dans l’encyclopédie intitulé « droit naturel », Denis DIDEROT
écrit : « le droit est le fondement ou la raison première de la
justice . Mais qu’est-ce que la justice ? Vous resterez convaincu que la
justice est à l’équité comme la cause est à son effet ou que la justice ne peut
être que l’équité déclarée ». Il ne faut pas confondre la justice avec la
vengeance chacun le sait .Il faut persévérer puisque SOPHOCLE
nous dit que la justice finit toujours par arriver ( ANTIGONE face au roi)…
L’homme doit
combattre surtout l’INJUSTICE au nom du bon droit et de la protection des
faibles . Il ne doit pas oublier l’amour ou la compréhension -au sens de comprendre l’autre- qui
transforme son combat mais ne
l’affaiblit pas : il le transfigure
pour qu’il devienne plus apaisé mais aussi déterminé. La vengeance
n’apaise pas la souffrance. La justice la sublime et est inspirée aussi par un
souci moral , qui vient en « soutien »
de la règle de droit, des vertus cardinales, celle de la justice est bonne
absolument, surtout si elle s’appuie sur l’équité .La prudence, l’espérance et
le courage ne sont des vertus qu’au service du bien ou relativement à des
valeurs ( la justice) qui les dépassent ou les motivent.
La douceur
et la compassion ne tiennent pas lieu de justice même à l’égard des faibles.
L’inquisition
(de jadis avec les hommes de dieu) n’est pas la justice, même si notre système
judiciaire actuel est inquisitoire : un juge cherche des preuves.
Inspecter veut dire contrôler : toutes les règles sont –elle respectées
dans l’intérêt de tous ?…
En réalité
la justice et l’équité sont des frères en miroir car ce qui est juste ne peut
s’exonérer de conscience, de droiture, et de responsabilité. L’homme avec le
temps, et si ce n’est pas le cas c’est grave, a réfléchi et progressé : ce sont ses actes
et non ses pensées qui le révèlent. Il a
accepté des sacrifices en y rajoutant l’humanité ce qui fait beaucoup
mais est un objectif que l’on doit qualifier d’atteignable même si l’utopie n’a
pas réussi au chancelier d’Angleterre Thomas MORE. A-t-il accompli son devoir ? Oui peut être mais ce n’est pas fini. A-t-il surmonté ses
défauts et a – t-il été indulgent
avec lui même ? On l’espère mais
c’est parce que l’homme est perfectible et non parfait, que la justice doit
fonctionner et l’équité l’irriguer…
3°)Le chemin
est long et difficile :
L’homme dans
sa grande inconscience et prétention a construit la tour de BABEL pour parler à dieu d’égal à égal. En retombant
sur terre les diverses communautés se
sont affrontées , raisons légitimes ou non
contre croyances. On sait comment cela s’est terminé. Depuis ce temps
c’est le chaos .Parmi ceux qui lisent la bible ou le coran, certains prennent
ces textes au pied de la lettre, et deviennent des intégristes sans aucun doute
, pensant avoir la vérité révélée. L’écrivain Jean TEULE a dit qu’au début de
ces textes « fondateurs » il aurait fallu y ajouter : « il
était une fois ».
C’est parce
qu’il était une fois que la progression vers la vérité échappe à toute révélation
et certitude et qu’elle est plus proche de la raison, même si celle – ci n’est
pas toujours la panacée puisque l’homme a besoin d’espérer et de récompenses qui le motivent et lui font
comprendre qu’il ne s’est pas trompé dans ses choix et ses combats.
L’idéal est utopique, mais nécessaire . Le
chemin pour tenter de trouver Sa vérité , qui on est vraiment et ce que l’on
peut apporter aux autres est très difficile. Mais il faut poursuivre la route inlassablement car le but à atteindre change ou
s’éloigne – comme l’horizon qui recule au fur et à mesure que l’on s’en
rapproche -tous les jours et d’une satisfaction on passe à un regret de n’avoir
pas fait mieux. C’est le président KENNEDY qui disait : « ne vous
demandez pas ce que le pays peut faire pour vous. Demandez -vous ce que vous
pouvez faire pour votre pays ». L'homme est comme Sisyphe avec CAMUS qui situait son héros dans le
cycle de l’absurde ; il doit remonter son rocher tous les jours car un
jour le rocher sera au sommet et il ne redescendra plus. C’est le but ultime de
l’homme, et il faut y croire même dans le contexte actuel de notre société
mondialisée en proie à des soubresauts démocratiques ou parfois théocratiques
ce qui ne présage rien de bon. Le chemin est plus escarpé qu’un autre car même
avec un G.P.S philosophique et l’aide des autres on n’est pas sûr d’arriver au port. C’est
l’interrogation qui fixe le but. L’homme doit remettre son ouvrage cent fois sur le
métier puisque la tâche n’est jamais
achevée . C’est parfois décourageant
mais c’est aussi exaltant car sans but dans la vie , sans
objectifs, on a tendance à stagner voire à renoncer. PENELOPE détricotait la
nuit ce qu’elle avait tissé le jour , et ULYSSE son héros est
revenu ! Il faut donc persévérer pour tendre vers le mieux. Mais pour qui
et pour quoi ? Sa seule satisfaction n’est pas un but exclusivement
légitime même s’il n’est pas interdit d’avoir de la considération pour soi , de
connaitre ses défauts et qualités ne serait-ce que pour épargner le pire de soi
à ses proches et aux autres. « Il n’y a que l’homme qui vaille »
avait déclaré le général de GAULLE lors d’une conférence de presse le
25 /3/ 1959, année chahutée où l’ETAT devait faire des choix pouvant peser
sur le destin individuel de certains. Il s’était certainement inspiré de JEAN
BODIN (1529-1596) fondateur de la conception moderne de la souveraineté qui
avait écrit dans « les six livres de la république-1576 » :
« il n’y a richesse ni force que d’hommes ».
La justice
quotidienne, prétorienne, celle qui sanctionne les infractions au pacte social
appartient au domaine régalien de l’ETAT , est un signe de son autorité. LOUIS
IX ( 1214-1270) ou SAINT LOUIS dit le prud’homme ( ce qui n’est pas une
allusion à cette juridiction avec les réformes en 2015 et 2017 de M. MACRON) rendait la
justice sous un chêne et n’avait à respecter que ses propres codes. Il
incarnait la justice divine sur terre et tout se confondait : l’intérêt
royal, la morale de l’époque, dieu et le droit coutumier à géométrie variable.
Le justiciable, l’individu de base non encore reconnu comme citoyen, devait
s’en remettre à la « sagesse » du roi ou à son arbitraire .La justice
du XXI ème siècle a évolué même si notre droit est innervé par ceux des autres
Etats de l’Union Européenne avec leurs
coutumes, leurs morales, les rapports de l’ETAT et de la religion ce qui donne
un compromis. Pour celui qui respecte évidemment l’état de droit, la loi n’est
pas malgré tout un horizon indépassable, surtout s’il considère qu’une
décision, un jugement n’est pas juste. Il n’accepte la justice que si c’est un
homme libre qui a comparu c’est à –dire qu’il a eu pleine conscience de ses responsabilités individuelles et
collectives. Tout au long de son parcours l’homme essaie d’apprendre ce qui
ressortit à la volonté personnelle de
faire le bien, le mieux parfois, en étant libéré de chaines diverses qui emprisonnent, consciemment ou non l’individu. C’est un travail délicat souvent
fastidieux où il faut savoir se remettre
en cause, où le principe de réalité souvent submerge celui de conviction
comme MAX WEBER l’a décrit, où le but
n’est jamais vraiment atteint même si l’on est parvenu à grimper en haut de
l’échelle. On doit se souvenir
constamment de la chute d’ICARE. Car
après avoir atteint un plafond qui peut être son niveau d’incompétence que
devient l’homme? S’en contente-t-il ou doit- il encore progresser ?Pour
moi la réponse est évidente : l’homme ne peut qu’essayer d'évoluer encore détaché de toute préoccupation de carrière ou d’ambition, car il doit
aller dans le monde répandre ce qu’il a appris, compris et mis en œuvre .Il doit aborder tous les
évènements de la vie -dont la justice -, avec un supplément d’âme que la seule
raison ne produit pas .L’équité est dans la justice comme « l’oeil
était dans la tombe et regardait Caïn » (VICTOR HUGO, la conscience dans
la légende des siècles).
On n’échappe
ni à sa conscience ni à son propre jugement
qui s’est affiné à travers les épreuves
subies. « Ce n’est pas le chemin qui est difficile mais le difficile
qui est le chemin » a écrit Soren KIEKEGAARD. Ce que je retiens du chemin,
c’est que je l’ai emprunté librement sans savoir où il menait mais avec
confiance en ayant la certitude qu’il conduisait au bien, entendu comme la
connaissance de l’homme donc de moi-même .
Le travail sur soi-même permet d’identifier ce qu’il faut changer , et effacer
les scories les plus criantes, les certitudes les moins étayées, les carences (
de la raison , de l’émotion , du rapport à l’autre). La justice
et l’équité ne sont pas des
valeurs que l’homme applique et analyse
tous les jours. Mais le bien et le mal, le juste et l’injuste, le combat entre
la lumière et les ténèbres, le niveau, l’équilibre et la mesure, et enfin la
responsabilité , sont ses valeurs
quotidiennes qui le renvoient à la
justice et l’équité…..
L’homme doit
devenir ce qu’il est et forger sa
réflexion pour aboutir à ce qu’il pense
et lui permet d’agir en toute conscience. Certains y arrivent plus vite que
d’autres. Mais le temps ne fait rien à l’affaire, seul le résultat compte. Justice
et équité ont conduit son cheminement.
4°) En guise
de conclusion :
L’individu a mis des années pour découvrir qui il est
vraiment et en tirer toutes les conséquences. Il va continuer son chemin en
mettant en pratique ce qu’il a appris, mais en cherchant à approfondir encore
et toujours ses connaissances, en fréquentant ses semblables et le monde avec
un œil acéré , avec un raisonnement lucide tenant compte des réalités et du
contexte sans oublier la compassion
qui permet d’avoir une approche globale des autres . Par la force de
l’expérience il est devenu plus ouvert, et par le doute il est plus fraternel et compréhensif des exigences des hommes .L’inaccessible
étoile est en vue mais elle ne se laisse pas capturer. La fin de l’histoire
n’est inscrite nulle part et il faut toujours progresser, avec d’autres outils
plus immatériels, et après s’être
façonné pour lui-même, être au service
des autres sans condition préalable. C’est ce que je retiens de mon parcours :
analyser mes erreurs et mes insuffisances pour ne plus recommencer ce que j’ai
raté; confronter mes convictions ; ne pas croire dans un prétendu « dogme
inaltérable » : par exemple une justice parfaite , qu’elle soit sociale
ou autre : tirer profit des débats et discussions auxquels je participe,
même en silence, et être persuadé que l’homme dans sa diversité liée à ses
déterminismes peut s’améliorer pourvu qu’on lui explique les tenants et
aboutissements , qu’on lui en donne les
moyens .La raison n’est pas la panacée mais elle est encore le meilleur vecteur
pour aboutir. La critique doit l’irriguer en tenant compte des faiblesses ou du
côté obscur de l’homme . On passe ainsi de la justice-idéal à atteindre- à
l’équité qui est concrète et fait progresser, pour faire en sorte que l’égalité
triomphe. C’est une approche indirecte du bonheur, ce que nous recherchons
tous « idée neuve en Europe »disait SAINT JUST avant de faire
décapiter ses frères en révolution. Dans la lutte du blanc et du noir on nous apprend que le blanc l’emporte. Si
personne n’a le monopole du bien , certains incarnent le mal à coup sûr…
La
justice est de condamner ce que nos
valeurs traditionnelles républicaines
réprouvent : l’équité est de donner à celui qui le mérite la possibilité
de bénéficier d’une valeur non écrite mais qui est ancrée dans la croyance que
l’homme peut comprendre pour se modifier, c’est-à-dire se surpasser vers le
mieux. L’histoire nous l’a appris . Et s’il fallait conclure de façon plus
philosophique, avec plus de hauteur, je citerai Régis DEBRAY (philosophe) et
Didier LESCHI (préfet) qui ont écrit [ la laïcité au quotidien. GUIDE PRATIQUE FOLIO GALLIMARD
2016 ]: « mon droit n’est pas concédé : il est reconnu et la tolérance
est à la laïcité ce que la charité est à la justice ; s’il existe une
spiritualité laïque liée à un idéal d’équité et de retenue, ce n’est pas un
mantra, un point d’honneur ou un prêchi-prêcha. C’est avant tout une
construction juridique fondée sur une exigence de la raison, l’égalité en droit
de tous les êtres humains ».
Ce qui vaut
pour la laïcité, s’applique à la justice et l’équité.
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