Je suis en colère
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Le seul
combat qui vaille est celui de l’homme a écrit Jean Bodin. Un homme ou une
femme jeune ou non qui meurt, rend triste et furieux surtout à l’époque
actuelle où la compassion se porte en bandoulière. L’émotion submerge
avant la raison. On casse ses jouets avant de réfléchir de peur de rater
l’occasion de protester et de s’affronter à l’autorité qui est l’adversaire
suprême pour tout.
Quand je
regarde les scènes d’émeutes d’une intensité encore jamais vue un peu partout
sur le territoire y compris dans des petites villes réputées calmes, je me
rappelle du tableau d’Edvard Munch : le cri avec l’homme moderne emporté
par une crise d’angoisse existentielle.
Je suis en
colère contre les arguments aussi insignifiants qu’inexacts que les apprentis
guérilleros invoquent pour tenter de justifier leurs exactions : la
solidarité après la mort à Nanterre du jeune Nahel. Et la vengeance, mais
contre qui ? Contre tous les autres citoyens innocents ? Contre
l’Etat responsable de tout ? Ou contre les forces de l’ordre que je soutiens
puisqu’elles nous protègent ? La faute d’un membre ne disqualifie pas tout le
corps.
Comme si le fait d’être jeune était en soi une
explication et une circonstance atténuante et exonérait du respect des lois. Je
trouve que les marches blanches sont à géométrie variable et qu’à part la
famille du tué qui le considère comme un ange, cette qualité excessive en l’espèce
se discute. D’ailleurs Byzance s’est perdue en discutant du sexe des anges
alors que le péril était à sa porte. Ce qui ne change rien à l’attitude du
policier qui a tiré et qui sur le champ a été mis en examen et incarcéré. La
justice a été très rapide. Personne ne le relève ? Le garde des sceaux
habituellement vilipendé devrait être remercié !
Et si on attendait la fin de l’enquête judiciaire
car une vidéo ne fait pas tout et n’est pas la preuve définitive de la culpabilité
et des circonstances de celle- ci. Le petit ange a -t -il eu un comportement
parfait ? Même si un policier doit garder son sang-froid et ne peut ouvrir
le feu que quand les conditions légales sont réunies, loi de 2017 sur les refus
d’obtempérer ou non. Le policier est présumé innocent comme on nous serine le
principe à chaque fois qu’un forcément déséquilibré fait un carnage. Et c’est
fréquent. L’indignation ne doit pas intervenir par intermittence. Même si on sait que les émeutes ont des
causes et des revendications diverses d’ordre sociologiques et identitaires,
aussi sociales avec un sentiment d’abandon et de discriminations et agrègent
tous les ressentiments et les colères.
Le président
de la république a passé trois jours à câliner Marseille et à dépenser nos impôts.
On apprend que certains marseillais sont à la pointe des émeutes. M. Macron doit
déplorer l’ingratitude. Dans les petites communes tranquilles les élus qui se
dévouent pour tous sans inégalités qui ont vu le saccage de leurs mobiliers
urbains, leurs mairies, les bâtiments publics comme l’école qui doit fabriquer
des citoyens par la connaissance et la réflexion, et leurs commerces
dévalisés -car l’occasion fait le larron par ces temps d’inflation - doivent
aussi maudire le fait qu’ils n’ont pas eu la manne présidentielle mais ils
ont récolté des tempêtes. Belle moisson !
Moi aussi je
suis en colère. Je vois hébété mes efforts et sacrifices partir en fumée dans
un délire sans fin, les mortiers n’étant pas une fête. Les plus radicaux
veulent des morts comme si on était ennemis entre nous. Mais je ne vais pas
avec mes potes des ehpads et la majorité silencieuse tout casser et brûler
à chaque fois qu’une décision publique ne me plait pas ou qu’un incident voire
plus grave fait une victime que je déplore. Pourtant j’en ai le droit puisque
je paie mes contributions, arrête ma voiture que je conduis avec permis et
assurance quand on me le demande et que j’applique les règles enfin autant que
je le peux selon mes intérêts soyons francs ! En plus je vote à toutes les
élections. Les résultats parfois me dérangent. Je suis donc un citoyen de base
en colère. Jeune j’ai vécu en banlieue, on en sort. Je n’ai pas mis en cause
mes ancêtres ou des voisins pour ce qu’ils ont fait de bien ou pas. Mes parents
m’ont tenu la bride, je n’en suis pas stigmatisé, la fermeté n’étant pas un
gros mot et est parfois constructive.
Rien
n’excuse la violence surtout dans notre république plutôt généreuse en aides
diverses et libertés si on se compare avec le reste du monde et chacun peut prendre
sa chance. On corrige ce qui ne va pas mais on ne détruit pas le collectif. La
responsabilité personnelle est une clé de la réussite. Ce n’est pas toujours la
faute des autres si on n’a pas eu son chocolat à 16 heures, une voiture ou
une moto de course à 18 ans, et une rolex à 50 ans comme le disait un
célèbre communicant, formule qui n’a pas été la plus républicainement
subtile. C’est pourquoi je suis souvent en retard !
Mais que
faire pour éviter ce qu’avait prédit l’ancien ministre de l’intérieur M. Gérard
Collomb à savoir que nous allons vivre face à face et plus ensemble. Ce serait la
dislocation de la nation qui doit dépasser toutes les exigences. C’est grave car
tout le monde estime avoir raison et des pseudo élites en rajoutent une couche
dans le misérabilisme ou jettent de l’huile sur le feu avec des arrières
pensées au lieu de tenter d’apaiser et de ne pas crier au loup pour tout .Le
pays est fracturé, comment le ressouder ? Soyons réalistes : on ne va pas dissoudre
la police. Même les biens pensants humanistes habituels réclament plus de
forces de l’ordre et de répression. C’est inédit ! Nos institutions
peuvent être plus ouvertes mais elles sont solides et l’Etat est indispensable
pour les fonctions régaliennes. On ne va pas tout donner gratuitement et sans
efforts. L’insertion dans la société se mérite et n’est pas liée à la
couleur de peau, à la religion ou au faciès, même s’il y a des dérapages.
La laïcité est une liberté et pas une interdiction. La république et ses
valeurs est un cadre en béton. Je choisis le devoir de convergence au
droit à la différence. L’ordre public garantit la vie sociale.
Décréter
l’état d’urgence pénaliserait tous ceux qui ne sont coupables de rien et ne
serait pas la solution sauf si la chienlit perdure. Les beaux esprits
crieraient aux mesures liberticides et dans les quartiers dit sensibles aux
mains des vendeurs de drogue on hurlerait à la dictature et au
racisme. Il va falloir se ressaisir et convaincre que l’autorité est
un bien commun et que collectivement tout le monde en profite. Dans la famille,
dans les écoles, contre la délinquance, contre les désobéisseurs civils qui pensent
détenir la vérité, contre toute violence quel qu’en soit le motif.
Je ne serai plus
en colère comme les éternels motards qui refusent le contrôle technique, quand
tous les français se comporteront en citoyens et assumeront leurs devoirs plutôt
que de réclamer l’extension infinie des droits individuels. Et un traitement
particulier.
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