samedi 1 juillet 2023

Je suis en colère

 

                                                Je suis en colère

                Par Christian Fremaux avocat honoraire

Le seul combat qui vaille est celui de l’homme a écrit Jean Bodin. Un homme ou une femme jeune ou non qui meurt, rend triste et furieux surtout à l’époque actuelle où la compassion se porte en bandoulière. L’émotion submerge avant la raison. On casse ses jouets avant de réfléchir de peur de rater l’occasion de protester et de s’affronter à l’autorité qui est l’adversaire suprême pour tout. 

Quand je regarde les scènes d’émeutes d’une intensité encore jamais vue un peu partout sur le territoire y compris dans des petites villes réputées calmes, je me rappelle du tableau d’Edvard Munch : le cri avec l’homme moderne emporté par une crise d’angoisse existentielle.

Je suis en colère contre les arguments aussi insignifiants qu’inexacts que les apprentis guérilleros invoquent pour tenter de justifier leurs exactions : la solidarité après la mort à Nanterre du jeune Nahel. Et la vengeance, mais contre qui ? Contre tous les autres citoyens innocents ? Contre l’Etat responsable de tout ? Ou contre les forces de l’ordre que je soutiens puisqu’elles nous protègent ? La faute d’un membre ne disqualifie pas tout le corps. 

 Comme si le fait d’être jeune était en soi une explication et une circonstance atténuante et exonérait du respect des lois. Je trouve que les marches blanches sont à géométrie variable et qu’à part la famille du tué qui le considère comme un ange, cette qualité excessive en l’espèce se discute. D’ailleurs Byzance s’est perdue en discutant du sexe des anges alors que le péril était à sa porte. Ce qui ne change rien à l’attitude du policier qui a tiré et qui sur le champ a été mis en examen et incarcéré. La justice a été très rapide. Personne ne le relève ? Le garde des sceaux habituellement vilipendé devrait être remercié ! 

 Et si on attendait la fin de l’enquête judiciaire car une vidéo ne fait pas tout et n’est pas la preuve définitive de la culpabilité et des circonstances de celle- ci. Le petit ange a -t -il eu un comportement parfait ? Même si un policier doit garder son sang-froid et ne peut ouvrir le feu que quand les conditions légales sont réunies, loi de 2017 sur les refus d’obtempérer ou non. Le policier est présumé innocent comme on nous serine le principe à chaque fois qu’un forcément déséquilibré fait un carnage. Et c’est fréquent. L’indignation ne doit pas intervenir par intermittence.  Même si on sait que les émeutes ont des causes et des revendications diverses d’ordre sociologiques et identitaires, aussi sociales avec un sentiment d’abandon et de discriminations et agrègent tous les ressentiments et les colères. 

Le président de la république a passé trois jours à câliner Marseille et à dépenser nos impôts. On apprend que certains marseillais sont à la pointe des émeutes. M. Macron doit déplorer l’ingratitude. Dans les petites communes tranquilles les élus qui se dévouent pour tous sans inégalités qui ont vu le saccage de leurs mobiliers urbains, leurs mairies, les bâtiments publics comme l’école qui doit fabriquer des citoyens par la connaissance et la réflexion, et leurs commerces dévalisés -car l’occasion fait le larron par ces temps d’inflation - doivent aussi maudire le fait qu’ils n’ont pas eu la manne présidentielle mais ils ont récolté des tempêtes. Belle moisson !

Moi aussi je suis en colère. Je vois hébété mes efforts et sacrifices partir en fumée dans un délire sans fin, les mortiers n’étant pas une fête. Les plus radicaux veulent des morts comme si on était ennemis entre nous. Mais je ne vais pas avec mes potes des ehpads et la majorité silencieuse tout casser et brûler à chaque fois qu’une décision publique ne me plait pas ou qu’un incident voire plus grave fait une victime que je déplore. Pourtant j’en ai le droit puisque je paie mes contributions, arrête ma voiture que je conduis avec permis et assurance quand on me le demande et que j’applique les règles enfin autant que je le peux selon mes intérêts soyons francs ! En plus je vote à toutes les élections. Les résultats parfois me dérangent. Je suis donc un citoyen de base en colère. Jeune j’ai vécu en banlieue, on en sort. Je n’ai pas mis en cause mes ancêtres ou des voisins pour ce qu’ils ont fait de bien ou pas. Mes parents m’ont tenu la bride, je n’en suis pas stigmatisé, la fermeté n’étant pas un gros mot et est parfois constructive. 

Rien n’excuse la violence surtout dans notre république plutôt généreuse en aides diverses et libertés si on se compare avec le reste du monde et chacun peut prendre sa chance. On corrige ce qui ne va pas mais on ne détruit pas le collectif. La responsabilité personnelle est une clé de la réussite. Ce n’est pas toujours la faute des autres si on n’a pas eu son chocolat à 16 heures, une voiture ou une moto de course à 18 ans, et une rolex à 50 ans comme le disait un célèbre communicant, formule qui n’a pas été la plus républicainement subtile. C’est pourquoi je suis souvent en retard !

Mais que faire pour éviter ce qu’avait prédit l’ancien ministre de l’intérieur M. Gérard Collomb à savoir que nous allons vivre face à face et plus ensemble. Ce serait la dislocation de la nation qui doit dépasser toutes les exigences. C’est grave car tout le monde estime avoir raison et des pseudo élites en rajoutent une couche dans le misérabilisme ou jettent de l’huile sur le feu avec des arrières pensées au lieu de tenter d’apaiser et de ne pas crier au loup pour tout .Le pays est fracturé, comment le ressouder ? Soyons réalistes : on ne va pas dissoudre la police. Même les biens pensants humanistes habituels réclament plus de forces de l’ordre et de répression. C’est inédit ! Nos institutions peuvent être plus ouvertes mais elles sont solides et l’Etat est indispensable pour les fonctions régaliennes. On ne va pas tout donner gratuitement et sans efforts. L’insertion dans la société se mérite et n’est pas liée à la couleur de peau, à la religion ou au faciès, même s’il y a des dérapages. La laïcité est une liberté et pas une interdiction. La république et ses valeurs est un cadre en béton. Je choisis le devoir de convergence au droit à la différence. L’ordre public garantit la vie sociale.

Décréter l’état d’urgence pénaliserait tous ceux qui ne sont coupables de rien et ne serait pas la solution sauf si la chienlit perdure. Les beaux esprits crieraient aux mesures liberticides et dans les quartiers dit sensibles aux mains des vendeurs de drogue on hurlerait à la dictature et au racisme. Il va falloir se ressaisir et convaincre que l’autorité est un bien commun et que collectivement tout le monde en profite. Dans la famille, dans les écoles, contre la délinquance, contre les désobéisseurs civils qui pensent détenir la vérité, contre toute violence quel qu’en soit le motif.

Je ne serai plus en colère comme les éternels motards qui refusent le contrôle technique, quand tous les français se comporteront en citoyens et assumeront leurs devoirs plutôt que de réclamer l’extension infinie des droits individuels. Et un traitement particulier.    

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