vendredi 9 juin 2023

Qui perd gagne et inversement

 

                              Qui perd gagne et inversement

                 Par Christian Fremaux avocat honoraire

On devrait être plus prudent avec l’usage de la constitution qui est le cadre dans lequel on vit avec des murs porteurs en roc. La fissurer, l’attaquer, la dénaturer, l’user jusqu’à la corde peut conduire à des conséquences graves, car si les citoyens n’ont plus de toit ils seront dans la rue à la merci de n’importe quoi et des démagogues avec une instabilité certaine faute de règles de droit précises c’est à dire un déni de démocratie. On est fatigué de ce qui se passe au parlement, des députés ne satisfaisant que leurs égos et leurs intérêts politiciens pour avoir le beau rôle quoiqu’il en coûte aux français. On verra qui aura raison et si les électeurs même mécontents de la réforme de la retraite les suivront dans leurs surenchères. Les débats  à l’assemblée sont minables. On est dans la cour d’école : tu vas voir ta gueule à la récré. Mais avec menaces et harcèlement ce qui est indigne d’élus de la république. Je renvoie toutes les parties dos à dos car comme toujours se pose la question de la poule et l’œuf : qui a commencé ? qui est l’agresseur qui est l’agressé ? Et l’intérêt général qui l’invoque ? Les citoyens vont devoir assumer ces querelles picrocholines que l’on estime intelligentes.

Il faut savoir terminer un combat et passer à autre chose d’autant plus que les sujets de préoccupation sont innombrables. On a besoin de soutien moral et financier et de protection ce qui est le rôle premier de l’Etat. Un consensus devrait se dessiner au moins sur des sujets régaliens. Les propositions sociétales ne sont pas l’urgence. Il faut s’occuper en priorité de l’économique et du social avec la sécurité en général et la défense puisque le monde est devenu très risqué. Dans le chaos notamment des esprits, les libertés se brouillent. L’éducation nationale doit être restaurée et sanctuarisée car elle est la source du civisme et de la laïcité. J’aime la phrase de Camus : « chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne consiste à empêcher que le monde ne se défasse ». Expliquons notre art de vivre et ce en quoi on croit dont un destin collectif. Consolidons nos acquis, modernisons les institutions et réformons sans psychodrame quand on s’aperçoit que c’est nécessaire bien que parfois douloureux. A ne pas anticiper les difficultés des années à venir on va dans le mur. Transition énergétique ou non en sortant de l’idéologie, des croyances et des postulats. Que des militants exigent en voulant punir s’il le faut pour aboutir.

Faut-il une VIème république donc une nouvelle constitution ? Celle de 1958 qui vient d’être mise à l’épreuve n’est pourtant pas en cause. Les professeurs de droit et ceux qui se sont auto- proclamés spécialistes des subtilités textuelles s’en sont donnés à  fond avec des opinions péremptoires mais contradictoires. Ce sont ceux et celles qui en ont examiné tous les alinéas et utilisé toutes les possibilités qui sont responsables et personne n’est satisfait. Je comprends mal le débat qui consiste à dire qu’il y a déni démocratique car la légalité a été respectée mais la volonté du peuple a été ignorée. Cela veut- il dire que la légitimité sondagière du peuple domine dans toutes circonstances ? Pourquoi ne pas supprimer le conseil constitutionnel notre arbitre suprême dans ce cas ? Et quand le peuple exige une loi par la voix de la rue ou de la minorité politique il faudrait obéir et légiférer toutes affaires cessantes ? Le mieux serait alors de se passer aussi des élections qui ne donnent jamais les résultats idéaux. Surtout par forte abstention. 

On dit qu’on a bafoué les droits du parlement alors que tout le monde a assisté en direct à ce qui se passait entre les parlementaires et l’exécutif. Chacun utilisant les ressources de la constitution et du règlement de l’assemblée pour faire échouer l’autre. Cela m’a rajeuni. Après mai -68 ! j’ai suivi le cours de droit constitutionnel à la faculté de droit de paris- X Nanterre où l’on contestait l’ordre bourgeois ! Le professeur agrégé conseillait de ne toucher aux lois et surtout à la constitution que d’une main tremblante et nous avait appris qu’à part l’Angleterre qui n’a pas de constitution écrite mais l’Habeas Corpus et une tradition parlementaire, tous les pays qui jouaient avec la règle fondamentale tombaient dans le chaos. L’actualité récurrente lui a donné naturellement raison avec les coups d’Etat divers, les changements brutaux de constitution pour se maintenir au pouvoir, pour museler l’opposition en l’envoyant en exil ou en prison pour compléter ses études, en décrétant des libertés théoriques inapplicables en réalité. Ce n’est pas le cas en France. 

Dans notre beau pays démocratique et de vieille culture juridique, la patrie de Montesquieu et Descartes, le berceau des droits de l’homme et du citoyen -celui qui ne sert plus à rien semble- t- il puisqu’il est remplacé par les réseaux sociaux et bientôt par des algorithmes- on a assisté depuis des mois à un pugilat constitutionnel qui restera la marque tragique du déclin de l’humanisme et de la dignité outre de la bonne foi qui s’accompagnait de haine au moins verbale. L’article 49.3 a été enfoncé. On a tout entendu, du droit d’amendement qui n’obstrue pas pour celui qui l’emploie, à la censure, du fonctionnement des commissions parlementaires, du rôle du président de la commission des finances dévolu par coutume à l’opposition, de celui de la présidente de l’assemblée, à l’article 40 qui permet de déclarer irrecevable une proposition, à un prétendu refus de vote, du passage en force…J’en oublie et on s’y perd. Les intéressés aussi. Et je m’aperçois que je n’ai pas écouté aussi attentivement qu’il le fallait mon illustre maitre. Les procédures l’ont emporté sur le fond.

Je ne sais pas si les français ont suivi et ont été passionnés, eux qui demandent aux élus de faire avancer les dossiers dans un sens positif et réaliste - pas tout ou rien, pas de table rase - et de ne pas perdre leur temps à se bagarrer et pinailler. Même sur des sujets essentiels. Les prochaines élections donneront la réponse. Il ne faut pour les réformes ni vainqueurs ni vaincus.

La constitution de la Vème république est solide. Les piliers résistent au temps et à l’évolution de la société. On n’a pas à la changer pour tenter quoi ? sur quels projets et principes nouveaux ? La république garde ses valeurs. Mais on peut l’améliorer et la rénover avec plus de participation des citoyens en les interrogeant puisque les élus paraissent un peu déconnectés du terrain, pas tous heureusement.

François Mitterrand qui avait écrit « le coup d’Etat permanent » s’est fort bien accommodé de la constitution pendant 14 ans. Ses successeurs aussi. Ce qui me rappelle l’apostrophe du député P.S. André Laignel en 1981 : « vous avez juridiquement tort puisque vous êtes politiquement minoritaire ».  Fermez le ban.    

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