dimanche 10 novembre 2019

la clause du grand-père et du père, des enfants et petits-enfants


La clause du grand-père et du père, des enfants et petits-                enfants.
            Par Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local.
 Depuis environ 18 mois M.Delevoye nommé haut- commissaire aux retraites bat l’estrade pour expliquer ce que sera la réforme que M.Macron a promise. Il s’agit d’instaurer à la place des régimes spéciaux qui apparaissent donner des privilèges d’une autre époque à ceux qui en bénéficient et de coûter cher à l’Etat donc aux contribuables, un régime dit universel qui sera plus juste et peut être plus profitable à la majorité des futurs retraités. Cela se discute naturellement et toutes les corporations sont montées au créneau de la ratp en passant par la Sncf et autres professions qui veulent que le contrat d’origine soit respecté (on gagne peu mais la retraite est bonne) et de tous ceux qui ont des régimes autonomes - donc non spéciaux - rentables pour maintenant et l’avenir comme les professions libérales telles les avocats par exemple. Chacun défend ses intérêts ce qui est humain mais ce qui pose des problèmes s’agissant d’une réforme systémique. On est d’accord pour la réforme à la condition qu’elle ne nous impacte pas personnellement. Mais si on crée des exceptions il n’y a plus d’équité. Comment faire ?
 M.Delevoye après avoir beaucoup écouté notamment le président de la république à l’occasion du grand débat suite à la crise des gilets jaunes, a discuté avec les syndicats et les personnes concernées de leurs spécificités, a accepté des compromis puis a déposé officiellement son rapport avec plusieurs pistes auprès du gouvernement.
M.Delevoye a été intégré comme ministre (ce doit être une promotion ?) toujours avec son unique mission, et vient de se poser la bonne question sur la transition nécessaire avant application réelle de la réforme : si elle est votée quand entrera-t-elle en vigueur ? D’ici 2025 car il y aura à cette date un déficit de plusieurs milliards à combler quoiqu’il arrive ; ou plus tard et seulement pour ceux qui sont nés après 1963 ? ou aux calendes grecques le temps que les jeunes de 20 ans entrent sur le marché du travail et qu’ils prennent leurs retraites après 43 ans d’activités ce qui reporte l’effet de la retraite vers les années 2060/2063 ?  
Cette dernière solution dite clause du grand-père est envisagée pour éviter un conflit social majeur tel qu’il a été annoncé par la grève générale et illimitée prévue pour le 5 décembre prochain. La grande crise de 1995 avec les projets sociaux de M.Juppé - désormais à l’abri comme membre du conseil constitutionnel ! - n’est pas oubliée. Mais peut- être avait- il eu raison trop tôt ? MM.Macron et Philippe veulent s’épargner un autre conflit peu avant les municipales, car celui des gilets jaunes n’est pas totalement soldé, et la réforme des retraites inquiète aussi ceux qui y sont déjà car on ne sait jamais ; ceux qui vont y être prochainement ; et ceux … qui n’ont pas commencé à travailler : cela fait du monde même si l’on s’accorde pour dire qu’il faut réformer ne serait- ce que pour des raisons budgétaires  pour maintenir l’équilibre des dépenses publiques et le niveau avec la garantie de percevoir sa retraite. 
La clause du grand-père est d’origine américaine et vient de la période de ségrégation. La loi visait à exclure les noirs récemment émancipés du droit de vote dans les Etats du sud au 19ème siècle sauf ceux qui avaient ou leurs aïeux le droit de vote avant le début de la guerre de sécession. Cette clause fut déclarée anticonstitutionnelle en 1915.
C’est désormais une clause d’antériorité dite de droits acquis notion que l’on comprend bien en France.  Elle permet de dispenser d’un nouveau régime ceux qui ont des droits acquis avant le vote de la loi. Par extension cette clause permet une application différenciée de la loi. Ainsi en 2018 pour la réforme du statut des cheminots, ou pour des privatisations d’entreprises publiques.
Le débat est ouvert. M.Delevoye a fait savoir qu’il était contre le fait d’appliquer la clause du grand-père ce qui reviendrait en pratique à ce qu’il n’y ait plus de réforme avant des dizaines d’années et que nous n’ayons pas les moyens de combler les déficits prochains. Mais il a été recadré par le président de la république et le 1er ministre et il a dit qu’il serait solidaire des décisions du gouvernement quelqu’elles soient. Je ne sais si c’est courageux ou une retraite en rase campagne ?
De mon point de vue M.Delevoye a raison : pour moi né en 1948 je ne m’interroge pas pour savoir comment je serai  et où en 2060 ! J’ai déjà réservé le lieu paisible et campagnard. Mais pour ma fille de presque 40 ans qui travaille depuis des années et ma petite fille de 9 ans je me demande en quel état physique et mental elles seront, dans quelle société elles vivront, quelles seront les contraintes politiques, économiques et sociales outre culturelles voire religieuses dans plus de 40 ans, et quel sera l’état du monde ou celui de la France. Et l’on ne peut avoir des français qui avancent à vitesses différentes ou qui ne sont pas sur un pied d’égalité.  
La question est de savoir s’il faut céder ou non aux syndicats qui ne détiennent pas la vérité, qui sont les rois des droits acquis et des régimes spéciaux et se sont arrogés le droit de bloquer le pays en prétendant défendre le service public et les intérêts des français à travers leurs propres revendications catégorielles. Dans d’autres pays les syndicats ont un rôle réformiste et ne veulent pas changer la vie selon leurs visions plus ou moins politiques. De même je n’apprécierai pas que des politiques opportunistes de tous bords pour essayer de récupérer des voix s’associent aux grèves pour que l’on renonce à améliorer ce qui existe mais est défaillant. S’il le faut interrogeons les français par référendum.
 Le constat d’une indispensable réforme est acté de façon factuelle mais on a le droit d’en contester la méthode et de ne pas vouloir d’un régime où un sou payé vaut un sou de retraite sans connaitre le calcul de la valeur du point ce qui s’approche de la capitalisation et n’est plus de la répartition. Sur ce point le gouvernement est flou, qu’on lui fasse préciser les choses. Mais que l’on propose mieux.
 Si le pays ne se transforme pas on ira dans le mur. Il sera alors bien temps de dire on s’est trompé et on aurait dû accepter la réforme. Que l’on discute d’un échéancier raisonnable je suis pour. Mais au nom du père et du grand-père que je suis je l’espère responsable et objectif que l’on agisse et que l’on ne se ridiculise pas en renonçant de fait.   Que l’on ne défile pas pour se faire plaisir et gagner, contre qui d’ailleurs ? Sinon à quoi ça sert que Ducros (lire Delevoye) se soit décarcassé si c’est pour aboutir à rien ? Nos enfants et petits-enfants seraient fondés à refuser notre héritage.

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