La
clause du grand-père et du père, des enfants et petits- enfants.
Par Christian FREMAUX avocat honoraire et
élu local.
Depuis environ 18 mois M.Delevoye nommé
haut- commissaire aux retraites bat l’estrade pour expliquer ce que sera la
réforme que M.Macron a promise. Il s’agit d’instaurer à la place des
régimes spéciaux qui apparaissent donner des privilèges d’une autre époque à
ceux qui en bénéficient et de coûter cher à l’Etat donc aux contribuables, un régime
dit universel qui sera plus juste et peut être plus profitable à la majorité
des futurs retraités. Cela se discute naturellement et toutes les corporations
sont montées au créneau de la ratp en passant par la Sncf et autres professions
qui veulent que le contrat d’origine soit respecté (on gagne peu mais la
retraite est bonne) et de tous ceux qui ont des régimes autonomes - donc non
spéciaux - rentables pour maintenant et l’avenir comme les professions libérales
telles les avocats par exemple. Chacun défend ses intérêts ce qui est humain
mais ce qui pose des problèmes s’agissant d’une réforme systémique. On est
d’accord pour la réforme à la condition qu’elle ne nous impacte pas
personnellement. Mais si on crée des exceptions il n’y a plus d’équité. Comment
faire ?
M.Delevoye après avoir beaucoup écouté
notamment le président de la république à l’occasion du grand débat suite à la
crise des gilets jaunes, a discuté avec les syndicats et les personnes
concernées de leurs spécificités, a accepté des compromis puis a déposé
officiellement son rapport avec plusieurs pistes auprès du gouvernement.
M.Delevoye a
été intégré comme ministre (ce doit être une promotion ?) toujours avec
son unique mission, et vient de se poser la bonne question sur la
transition nécessaire avant application réelle de la réforme : si elle est
votée quand entrera-t-elle en vigueur ? D’ici 2025 car il y aura à cette
date un déficit de plusieurs milliards à combler quoiqu’il arrive ; ou
plus tard et seulement pour ceux qui sont nés après 1963 ? ou aux calendes
grecques le temps que les jeunes de 20 ans entrent sur le marché du travail et
qu’ils prennent leurs retraites après 43 ans d’activités ce qui reporte l’effet
de la retraite vers les années 2060/2063 ?
Cette dernière
solution dite clause du grand-père est envisagée pour éviter un conflit social majeur
tel qu’il a été annoncé par la grève générale et illimitée prévue pour le 5
décembre prochain. La grande crise de 1995 avec les projets sociaux de M.Juppé -
désormais à l’abri comme membre du conseil constitutionnel ! - n’est pas
oubliée. Mais peut- être avait- il eu raison trop tôt ? MM.Macron et
Philippe veulent s’épargner un autre conflit peu avant les municipales, car
celui des gilets jaunes n’est pas totalement soldé, et la réforme des retraites
inquiète aussi ceux qui y sont déjà car on ne sait jamais ; ceux qui vont
y être prochainement ; et ceux … qui n’ont pas commencé à travailler :
cela fait du monde même si l’on s’accorde pour dire qu’il faut réformer ne serait-
ce que pour des raisons budgétaires pour
maintenir l’équilibre des dépenses publiques et le niveau avec la garantie de
percevoir sa retraite.
La clause du
grand-père est d’origine américaine et vient de la période de ségrégation. La loi
visait à exclure les noirs récemment émancipés du droit de vote dans les Etats
du sud au 19ème siècle sauf ceux qui avaient ou leurs aïeux le droit
de vote avant le début de la guerre de sécession. Cette clause fut déclarée
anticonstitutionnelle en 1915.
C’est
désormais une clause d’antériorité dite de droits acquis notion que l’on
comprend bien en France. Elle permet de
dispenser d’un nouveau régime ceux qui ont des droits acquis avant le vote de
la loi. Par extension cette clause permet une application différenciée de la
loi. Ainsi en 2018 pour la réforme du statut des cheminots, ou pour des
privatisations d’entreprises publiques.
Le débat est
ouvert. M.Delevoye a fait savoir qu’il était contre le fait d’appliquer la clause
du grand-père ce qui reviendrait en pratique à ce qu’il n’y ait plus de réforme
avant des dizaines d’années et que nous n’ayons pas les moyens de combler les
déficits prochains. Mais il a été recadré par le président de la
république et le 1er ministre et il a dit qu’il serait solidaire des
décisions du gouvernement quelqu’elles soient. Je ne sais si c’est courageux ou
une retraite en rase campagne ?
De mon point
de vue M.Delevoye a raison : pour moi né en 1948 je ne m’interroge pas
pour savoir comment je serai et où en
2060 ! J’ai déjà réservé le lieu paisible et campagnard. Mais pour ma
fille de presque 40 ans qui travaille depuis des années et ma petite fille de 9
ans je me demande en quel état physique et mental elles seront, dans quelle
société elles vivront, quelles seront les contraintes politiques, économiques
et sociales outre culturelles voire religieuses dans plus de 40 ans, et quel sera
l’état du monde ou celui de la France. Et l’on ne peut avoir des français qui
avancent à vitesses différentes ou qui ne sont pas sur un pied d’égalité.
La question
est de savoir s’il faut céder ou non aux syndicats qui ne détiennent pas la
vérité, qui sont les rois des droits acquis et des régimes spéciaux et se sont
arrogés le droit de bloquer le pays en prétendant défendre le service public et
les intérêts des français à travers leurs propres revendications catégorielles.
Dans d’autres pays les syndicats ont un rôle réformiste et ne veulent pas
changer la vie selon leurs visions plus ou moins politiques. De même je
n’apprécierai pas que des politiques opportunistes de tous bords pour essayer
de récupérer des voix s’associent aux grèves pour que l’on renonce à améliorer
ce qui existe mais est défaillant. S’il le faut interrogeons les français par
référendum.
Le constat d’une indispensable réforme est
acté de façon factuelle mais on a le droit d’en contester la méthode et de ne
pas vouloir d’un régime où un sou payé vaut un sou de retraite sans connaitre
le calcul de la valeur du point ce qui s’approche de la capitalisation et n’est
plus de la répartition. Sur ce point le gouvernement est flou, qu’on lui fasse
préciser les choses. Mais que l’on propose mieux.
Si le pays ne se transforme pas on ira dans le
mur. Il sera alors bien temps de dire on s’est trompé et on aurait dû accepter la
réforme. Que l’on discute d’un échéancier raisonnable je suis pour. Mais au nom
du père et du grand-père que je suis je l’espère responsable et objectif que
l’on agisse et que l’on ne se ridiculise pas en renonçant de fait. Que
l’on ne défile pas pour se faire plaisir et gagner, contre qui
d’ailleurs ? Sinon à quoi ça sert que Ducros (lire Delevoye) se soit décarcassé
si c’est pour aboutir à rien ? Nos enfants et petits-enfants seraient
fondés à refuser notre héritage.
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