La violence destructrice du
pacte social.
Par Christian Fremaux avocat
honoraire et élu local
Je n’arrive
pas à m’habituer à la violence de toute nature ni à ceux qui estiment que seule
la force est légitime et efficace pour obtenir des résultats et permet de faire
céder les gouvernements c’est-à-dire moi puisque le pouvoir exécutif résulte
d’élections libres donc de la volonté des citoyens. Je conçois la démocratie
non dans la fureur mais dans le dialogue même âpre. Le pacte social résulte de
compromis et de la certitude qu’il y a un destin commun, des devoirs qui s’imposent
aux droits, et la nécessité d’accepter des contraintes collectives qui
permettent d’exercer ses libertés. Les minorités doivent se fondre dans le
contrat républicain et adopter ses valeurs.
Si des réformes sont proposées c’est parce
qu’elles sont utiles sinon indispensables dans l’intérêt de tous pour éviter la
faillite ou la paralysie du pays. Si tout allait bien, s’il n’y avait pas de
privilégiés, pas d’injustices, que l’harmonie régnait entre les uns et les
autres quelques soient leurs modes de vie, leurs croyances, leurs besoins, dans
un cadre champêtre sans pollution ni menaces - ce qu’on appelle l’utopie -
l’immobilisme serait justifié (bien que critiqué avec hargne) et il n’y aurait
pas de violences pour s’opposer à tout et son contraire. Que l’on me désigne le
pays qui réunit tous ces critères dans un monde parfait.
Je fatigue d’entendre tous les jours ceux qui
ont été battus aux élections mais qui donnent des leçons virulentes et de
gouvernance et de morale, qui monopolisent les médias et qui savent ce qu’il
aurait fallu faire pour obtenir un pays apaisé et prospère. Que n’y ont-ils
pensé plus tôt quand ils étaient aux affaires pour les plus démocrates, et pour
les plus radicaux aux idées simples voire simplistes de gauche ou de droite
qu’ils se fassent élire par les urnes et pas par la rue pour que l’on voit ce
qu’ils sont capables de conclure dans un consensus et le calme.
La violence s’entend
principalement d’exactions physiques ce qui est le plus spectaculaire et surtout
de destructions, mais elle s’exerce aussi dans l’expression orale brutale avec
le rejet de l’autre, la suspicion envers telle catégorie sociale ou la
dénonciation par ceux qui croient détenir la vérité. Chacun a pu remarquer qu’au mépris de toute certitude il suffit de s’attaquer à un individu
et de l’accuser sans preuve concrète sur des intentions supposées ou pour des
faits d’il y a parfois des dizaines d’années prescrits ou non, pour qu’aussitôt
la personne visée soit considérée comme coupable et mise au ban de son métier,
de sa famille et proches et doive se défendre sans même connaitre précisément
ce dont on l’accuse .La justice s’auto- saisit vite de peur qu’on l’accuse de
couvrir telles turpitudes ou infractions ! C’est du terrorisme intellectuel, le règne de la
colère ou de la réaction sensible, et on ne prend pas la peine d’attendre un
peu que les éléments matériels soient avérés : on cloue d’abord au pilori
et on avise ensuite. C’est aussi de la violence à l’état pur. Il ne s’agit pas
d’excuser des faits graves ou de soutenir une personnalité qui a mal agi ou
s’est rendue coupable d’actes inqualifiables puisqu’on n’en sait rien. On n’est
pas obligé de croire sur parole tous ceux et celles qui s’estiment victimes. Je
dénonce l’émotion, l’à peu près, le non -respect de la présomption d’innocence,
l’absence de tout débat contradictoire et le lynchage médiatique. Quand une
société se laisse aller à ce genre d’emportements c’est grave et la porte
ouverte au pire, à une ère du soupçon, du règlement de compte, et à une justice
expéditive. Nous vivons une approche subjective de la violence qui serait
justifiée par des considérations aussi multiples qu’irrationnelles.
Nous sommes à fronts renversés. Il y a le camp
des bons ceux qui luttent, ceux qui détruisent pour imposer leurs idées, ceux
qui prétendent se battre pour les autres la majorité silencieuse, ceux qui
cassent pour tenter de bâtir un autre monde ou simplement parce qu’ils ne
supportent aucun ordre fût -il public, ni aucune autorité à part la leur et
sont contre l’Etat et ses représentants forcément racistes, discriminatoires et
injustes. Et il y a le camp des méchants
auto- qualifiés par ses adversaires ceux qui sont responsables, attachés aux
principes républicains et à notre art de vie, qui prônent la raison même si certaines
décisions leur sont défavorables et qui soutiennent l’Etat qui est le garant
des libertés et du fonctionnement des institutions, en croyant aux élections
qui ne sont des pièges à cons que pour ceux qui
ne participent pas ou qui ne peuvent se faire élire.
A ce sujet
je suis toujours stupéfait d’entendre des députés nationaux ou européens qui
sont des élus de la France entière au-delà de leurs positions partisanes,
appeler à manifester et soutenir certains qui méprisent la France et veulent la
faire céder, ou inciter à de la désobeïssance civile et civique, voire
s’associer aux grèves qui paralysent le pays, et contester les lois qui ont été
votées au parlement dont ils sont membres. C’est de la violence parlementaire qui va bien
au -delà de la légitime critique et lutte politique pour conquérir le pouvoir.
Après les
dernières violences du 16 novembre 2019 et la destruction notamment de la stèle
du maréchal Juin héros de la bataille d’Italie, j’ai entendu des personnalités
ou journalistes dirent que les black blocks étaient acculturés (la conjuration
des imbéciles comme on l’a dit pour les violences de Chanteloup-les-vignes) et
qu’ils n’avaient voulu que se procurer des projectiles en marbre. Je réfute
cette analyse. Je pense que les black blocks qui sont quelques centaines agissant
sous les caméras des médias et quasiment à visage découvert devraient pouvoir
être retrouvés par nos excellents services de renseignement et jugés car ce
sont des professionnels de la violence. Je crois qu’ils sont plus intelligents
qu’on le dit, qu’ils ont une idéologie au moins anti- capitaliste ou anti
-libérale, qu’ils veulent abattre un Etat dit bourgeois, n’ont pas de
revendications sociales précises, détestent l’ordre ou l’autorité, et qu’ils
veulent instaurer un chaos sans pour autant aboutir à une démocratie
participative ou rénovée.
On verra
lors de la grande manifestation prévue pour le 5 décembre comment réagissent
les syndicats qui devraient avoir un service d’ordre musclé empêchant les black
blocs de leur voler leur grève, sinon ce serait une complicité passive car
l’Etat avec ses forces de l’ordre ne peut tout faire d’autant plus que toute
prétendue ou avérée bavure est vilipendée et fait scandale .La violence est aussi de fermer les yeux ou de s’estimer non
responsable des conséquences de la liberté de manifester. C’est trop
facile. Il faut arrêter l’escalade de la violence qui menace notre unité. Tout le
monde doit s’y mettre à son niveau. On a le droit d’être mécontent, de se
sentir victime, de vouloir plus, d’être considéré. Mais on ne peut accepter que la violence
l’emporte.
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