DICTATEUR
Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Lors de
l’émission sur TF1 lundi 14 Mars 2022 où les 8 principaux candidats à
l’élection présidentielle répondaient à des questions sur le conflit en Ukraine
et un peu sur leurs propositions pour les français dans le prochain quinquennat,
le journaliste Gilles Bouleau a posé à chacun la même question : M.
Poutine est-il un dictateur ? comme si le vocable pouvait avoir
une influence sur les combats ou expliquer la motivation de celui qui est un
agresseur patenté.
Tous les
candidats même ceux qui étaient soupçonnés d’avoir des penchants pour M. Poutine
et pour la Russie ont refusé de répondre à la question au prétexte principal
qu’un chef d’Etat réfléchit et ne cède pas à l’émotion, n’insulte pas l’avenir,
qu’il n’a pas à qualifier péjorativement un collègue Président qu’il va
fréquenter et avec qui il va falloir négocier. Ils ont eu raison. Mais
personne n’est dupe face à la concentration de tous les pouvoirs dans les mains
d’un seul homme. Les candidats ont donc esquivé une réponse franche et massive
sauf M. Jadot l’excellent chef de ceux que certains qualifient de khmers verts
! Il a affirmé que oui M. Poutine était un dictateur. Je pense que ce dernier
en a tremblé de peur.
Mais qui doutait
que les méthodes brutales du chef de guerre russe ne respectaient pas le caractère
humain de la vie, ni les canons du droit international et humanitaire ni les règles
du droit de la guerre sur la protection des civils notamment ? Si
l’on peut admettre qu’il y a des guerres propres qui ne font qu’un
minimum de dégâts ! Au Proche et Moyen Orient, en Afrique avec les
divisions internes dans les Etats ou sur des territoires, on constate tous les
jours les conséquences des guerres ou de ce qui est appelé à l’est de l’Europe « une
opération spéciale extérieure ». La guerre ne se divise pas en bonnes
et mauvaises actions.
La Cour
Pénale Internationale [C.P.I] de La Haye a ordonné une enquête sur les actes de
M. Poutine et de ses complices qui peut être dans l’avenir seront incarcérés
pour génocide, crimes contre l’humanité et de guerre et crimes dits
« d’agression ». Mais observons
que ni la Russie ni l’Ukraine n’ont ratifié le traité de Rome de 1998 fondateur
de la C.P.I. On en profitera pour examiner ce qu’ont fait les dirigeants
ukrainiens dans le Donbass où ils sont accusés de diverses « exactions »
pour prendre un mot faible. Dans les causes rien n’est jamais tout blanc ou
tout noir malgré les apparences. Et on est solidaire de toutes les victimes.
Le terme
dictateur est surtout à usage interne. Ce sont les citoyens russes qui ont déjà
connu l’ère soviétique et le goulag qui peuvent qualifier leur président. S’ils
osent s’exprimer sans se retrouver en prison ou subir des représailles. Que nous rapporte à nous démocrates et
défenseurs des massacrés et exilés l’épithète de dictateur accolée à M. Poutine
ou qu’il soit paranoïaque voire fou ? Qu’il le soit ou non, la
guerre reste ce qu’elle est : mortelle.
Et la responsabilité du méchant Poutine est la même. Il y a 50
nuances de dictature ou de totalitarisme mais le résultat est constant :
le mal, l’intolérance, la volonté de puissance, la peur de disparaitre ou d’être
amoindri, la certitude que sa vérité exclut toute humanité, entrainent des
souffrances et des vies brisées. Tout le reste n’est que sémantique.
Des guerres
ont été déclenchées aussi par des dirigeants sains de corps et d’esprit, humanistes
déclarés et entourés d’hommes et de femmes raisonnables attachés aux libertés,
à la démocratie et au droit. Et dans le respect de la vie la seule querelle qui
vaille. On a vu les conséquences pour
les plus récentes en Serbie-Bosnie Herzégovine, en Irak, en Lybie, en Afghanistan,
voire en Syrie et chacun a son exemple. Les motifs de guerre étaient louables,
d’essence humaniste et libérale vérifiés et avérés du moins en théorie. On
combattait pour le bien, pour la civilisation et pour chasser du pouvoir un
tyran comme dans la philosophie athénienne. Mais aussi pour défendre des
intérêts matériels et stratégiques des Etats ne le rappelons pas trop fort. La
décision avait fait l’objet de débats publics et celui qui avait donné l’ordre
n’était pas un dictateur. Mais il y a eu la guerre, sale par définition.
Il ne faut pas avoir la mémoire courte et sélective.
Que M. Poutine
soit un dictateur ce que je déplore peu me chaut. On prend les faits tels
qu’ils sont. Serait-il un prétendu démocrate à la mode russe ou de fer que
cela ne changerait rien. Saint-Just qui n’hésitait pas à faire couper des
têtes affirmait que le bonheur est une idée neuve en Europe. On peut y ajouter
que la démocratie telle que nous la concevons est une idée à implanter et
conforter en permanence avec ses qualités et ses défauts. Chaque individu
a le droit de vivre en liberté sans être à la merci d’autocrates persuadés de
savoir ce qui est bon pour leurs peuples ou les autres. Deux guerres mondiales
ont déjà eu lieu, évitons la 3 -ème en n’en rajoutant pas. Ce qui n’est pas
défendre M. Poutine je le dis aux bien-pensants en proie à l’empathie ce
qui est honorable mais ne modifie rien et donneurs de leçons de morale.
Alors
dictateur, barbare, mégalomane, despote ou criminel ou tout autre qualification
ne changent pas l’action néfaste de M. Poutine. Mais il faudra bien un
cessez-le-feu et une sortie de crise qui sont du domaine des diplomates et des politiques.
Georges Clemenceau disait que la guerre est une chose trop sérieuse pour la
confier aux militaires. Elle est aussi trop grave pour la laisser à un
dirigeant totalitaire et « possédé » comme l’aurait dit Dostoïevski, sauf à le convaincre que
son intérêt est de lâcher du lest sans exiger l’impossible à savoir que
l’Ukraine perde de fait sa souveraineté. L’Ukraine devra aussi faire des
concessions comme renoncer à son adhésion à l’Otan et/ou perdre le Donbass et
la Crimée outre Odessa ? On essaie de trouver un compromis sans choisir son
interlocuteur. Personne ne doit perdre la face il faut un gagnant -gagnant.Une
guerre se termine mais il faut s’assurer d’une paix solide et durable. Charlie
Chaplin le génial Charlot a réalisé en 1940 le film « le
dictateur » en visant Mussolini et Hitler. Il contribua
à mobiliser l’opinion en faveur des démocraties. Il n’empêcha pas la
guerre.
On peut se faire plaisir par le vocabulaire
mais l’essentiel est de trouver des solutions concrètes pour arrêter la
lutte armée. Et on doit faciliter l’action de notre chef de l’Etat qui
maintient à juste titre le dialogue et essaie de trouver des mesures justes et
efficaces. Sans que la France devienne une nation co-belligérante.
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