mercredi 2 mars 2022

La liberté denrée rare sur le marché

 

                  La liberté denrée rare sur le marché.

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 C’est la guerre sur un territoire aux portes de l’union européenne. On est choqué. Elle l’est déjà ailleurs dans le monde en orient notamment où la réaction chez nous est moins grande pour des motifs divers sauf en ce qui est l’immigration.  La politique internationale, les intérêts des puissances, les égos démesurés, et les rancœurs historiques entrainent souvent des conflits. La mobilisation est générale dans les esprits évidemment pour ceux qui ne sont pas en première ligne et les conseilleurs ne peuvent être les payeurs. Les va-t’en guerre défensive pour des raisons idéologiques et des raisonnement tirés des Ong ou de Saint -Germain des prés avec la réponse du faible au fort doivent mettre un silencieux, sur leur verbe bien sûr ! Des êtres humains ont perdu leurs libertés voire leurs vies et souffrent. Il faut les aider sans restriction. Chacun a son opinion sur l’origine de la lutte armée mais quelles que soient ses raisons l’agresseur a tort. La force ne résout rien. Elle envenime et laisse des séquelles. L’histoire nous l’a appris. Les sentiments submergent mais la diplomatie doit gagner. La Russie ne pourra triompher car elle est déjà au ban des nations. Il faut négocier, concilier et qu’il n’y ait ni vainqueur ni vaincu. Facile à écrire j’en ai conscience. Mais l’avenir est en jeu et nos libertés collectives avec. Il faut réfléchir à deux fois avant de s’emparer de la liberté comme d’un étendard qui peut être aussi belliqueux que défensif. Et ne pas affirmer qu’on ira au bout (de quoi ?), qu’on ne cédera jamais : paroles verbales ! Eugène Delacroix a peint la liberté guidant le peuple. Il peut arriver que l’on n’aboutisse nulle part ou qu’il faille retourner en arrière, les divers printemps politiques nous l’ont montré. Mais espérons, car les démocraties sont la seule solution possible et souhaitable.  Avant d’être guillotinée Mme Rolland a soupiré : « Ô liberté que de crimes on commet en ton nom ».

Comparaison n’est pas raison mais il faut savoir parfois en profiter pour réfléchir sur nous- mêmes et voir si on n’est pas des enfants gâtés à propos de libertés. Nous avons l’habitude en France de disperser ou mépriser ce que l’on possède à profusion sans même s’en rendre compte. Le mot liberté est sur toutes les lèvres de nos concitoyens et on est prompt à dénoncer ce qui l’amoindrirait ou serait une atteinte forcément scandaleuse. Peut-on être plus mesuré dans les revendications et tolérant sans juger l’autre avec qui on n’est pas d’accord et en essayant de le comprendre sans l’approuver ou le persuader pour aboutir globalement à une société plus apaisée ? Ce qui n’enlève rien à ceux qui réclament un meilleur sort et combattent les injustices. La liberté qui se trouve sur le marché à l’étranger avec parcimonie et avec une loupe mais qui est plutôt en excellente diffusion en France doit se partager et ne pas être l’apanage de minorités inclusives ou de personnes qui pensent détenir la vérité. La collectivité a des droits. La liberté ne peut être illimitée sinon c’est le désordre et la loi du plus fort, et ne peut résulter que du résultat d’un dialogue objectif. Les ayatollahs de la liberté tous azimuts me critiqueront. Mais j’essaie de ne pas galvauder ce qui est précieux et rare car les mots ont une signification et à trop les interpréter ils se vident de tout sens concret. Prenons dans notre pays peu suspect de dictature ou de totalitarisme les exemples du terrorisme et de la pandémie qui mettent à mal par obligation pratique l’absolu de la liberté. 

 D’abord le terrorisme a obligé nos dirigeants pour préserver nos libertés à faire voter démocratiquement des lois qui ont été qualifiées par certains de liberticides. C’est exact sur le principe. Des libertés ont été quelque peu rognées mais peut-on ne pas se préparer à se défendre contre des actes de guerre et à les sanctionner ,contre la destruction de nos valeurs, de nos choix collectifs, de notre civilisation. Nous avons une culture et un passé que nous devons accepter globalement avec le bon et le mauvais : Clemenceau disait que la révolution est un bloc. Qui peut sérieusement soutenir que le terrorisme n’est pas une attaque pour tuer et déstabiliser, qu’il vient de l’extérieur et encore pire de l’intérieur c’est-à- dire mené par des individus qui ont été élevés en France avec le principe liberté, égalité, fraternité et j’ajoute laïcité, et qui ont profité de la république ? Certes les dispositions légales prises pour lutter contre le terrorisme ont été incluses dans notre arsenal juridique. Et pourraient être utilisés contre ceux qui ne sont pas terroristes, mais délinquants de grande envergure, voire plus modestes ce qui est relatif pour les victimes. C’est un débat concernant l’aspect régalien de la campagne présidentielle et surtout législative qui va suivre. Qui va oser plaider pour les libertés individuelles absolues ? Qui accepterait que le pouvoir exécutif ne prenne pas des dispositions pour protéger la population innocente et pour punir ceux qui nous agressent. Il suffit de lire les comptes rendus de l’actuel procès d’assises qui juge les responsables des attentats de 2015 pour être convaincus que les libertés n’existent que parce que parfois il faut fixer des limites et dire non.Tendre la deuxième joue est réservé à ceux qui croient sans restriction en l’homme bon. Les humanistes ont le devoir de réfléchir et d’allier sagesse et grands principes avec ouverture d’esprit et fermeté.  Jean Bodin a écrit que la seule querelle qui vaille c’est l’homme. Mais parfois la réalité nous rattrape et la liberté peut avoir le visage de Janus. La guerre est une chose trop grave pour la confier aux militaires ou à l’émotion.  

Ensuite la pandémie qui est un autre exemple où les libertés ont été malmenées, mais dans l’intérêt collectif. Le pouvoir toujours avec des votes du parlement a pris des mesures provisoires qui ont concerné nos libertés, celles d’aller et venir, de fréquenter tel ou tel lieu, de devoir porter un masque, et a incité à la vaccination. Certains « résistent » (je n’insiste pas sur le grotesque outrancier de ce terme), car ils veulent être libres de leurs corps, de leur santé donc de mourir ou être malades mais selon leurs choix. Et bien sûr d’être pris en charge si nécessaire dans nos hôpitaux.  Au nom de leur liberté ils refusent toute directive gouvernementale servirait-elle à protéger le reste de la population. La solidarité ne compte pas pour ces rebelles de papier : leurs convictions dominent. C’est un débat de société pour riches puisque dans de nombreux pays il n’y a ni vaccin, ni hôpitaux, ni sécurité sociale, ni solidarité nationale. L’homme / la femme sont ce qu’ils sont avec leurs qualités et leurs défauts. Il faut essayer de les convaincre car le bien n’est pas une donnée naturelle, innée, surtout chez les autres. Il faut plutôt réfléchir au mal en général qui est beaucoup plus difficile à définir et à canaliser ce qui est aussi un problème de liberté(s).  

Descartes a dit que le bon sens était la chose du monde la mieux partagée. Je n’en suis pas certain. Mais je suis sûr que la liberté et la démocratie ne se monnayent pas. Chacun a le droit de vivre selon ses convictions bien que le moi soit haïssable selon Blaise Pascal. Dans le cadre républicain qui soude dans la nation avec ses valeurs et son histoire en ce qui nous intéresse, en écrivant partout liberté comme le poète Paul Eluard en …1942 !          

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