vendredi 1 juillet 2022

La poignée de main au palais Bourbon.

 

             La poignée de main au palais Bourbon.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Les citoyens ont du génie. Ceux qui n’ont pas voté ont approuvé implicitement ceux qui n’ont pas voulu donner une majorité absolue à l’assemblée nationale. On est revenu aux fondamentaux de la 5ème république version 1958 avant la réforme constitutionnelle de 1962 introduisant l’élection du président de la république au suffrage universel. Jupiter n’est plus. Le parlement est ressuscité dans ses pouvoirs et son importance dans l’équilibre des pouvoirs cher à Montesquieu. Sans même devoir passer par la 6-ème république que M.  Mélenchon exigeait. Il ne le fera plus d’ailleurs puisque ses amis de LFi bien que minoritaires en nombre et représentant une petite fraction des français ont désormais des responsabilités très importantes au sein de l’institution. En profitant de la manne financière. Le scrutin majoritaire à deux tours a eu des effets similaires à une proportionnelle réclamée à cor et à cris. Personne ne s’en plaint. Les rebelles de tout horizon vont-ils s’embourgeoiser ? On va voir ce qu’on va voir quand les maçons sont au pied du mur.

Je m’enflamme un peu hâtivement par ces temps de canicule ce qui n’est pas bon pour la nature. J’ai cru voir s’allumer un feu de brindille et je crie à l’aide des pompiers à titre préventif. C’est souvent par le petit bout de la lorgnette que l’on comprend la réalité des faits. Et des arrière-pensées. Je regardais à la télévision l’élection et l’installation du président de l’assemblée nationale qui détient le poste fondamental, comme des centaines de milliers de citoyens. Lors de cette cérémonie on demande aux plus jeunes députés d’être les secrétaires de séance et de veiller à la régularité du scrutin. Un député LFi est monté à la tribune vêtu selon les codes de ses croyances à savoir une simple chemise sans cravate et pas de veste qui doivent être les signes de la ringardise et de l’ordre établi ? C ‘est une provocation patente. Mais dérisoire. Je n’ai pas aimé car le débraillé reflète un état d’esprit, et un parlementaire représente la nation dont je fais partie et pas seulement sa circonscription ou des idées personnelles. Ce député croit- il qu’il est à l’image de l’électeur de base ce qui est un contre- sens. Et une insulte. Le citoyen mérite le mieux. Certes l’habit ne fait pas le moine, mais l’apparence souligne le respect et la dignité des fonctions publiques.

 Ledit député se tenait près de l’urne et serrait la main au passage de chaque collègue qui venait voter. Sauf pour les représentants du rassemblement national à qui il a refusé de donner une poignée de main en gardant obstinément les bras croisés. J’ai été choqué par ce que certains qualifieraient d’incident minuscule d’un idéologue qui voit du fascisme, de l’antisémitisme et du racisme partout excepté dans son camp. J’y ai vu plus que cela un symbole, avec une exclusion arbitraire notamment pour les millions de citoyens lambdas et de bonne foi qui ont voté pour ce parti légal et participant à la vie publique qu’on l’aime ou non. Et une approche du dialogue républicain très fermée. Ce député n’a pas dû trouver la clé du cadenas qui ligote l’ouverture d’esprit. Serait- ce un défaut de jeunesse ? Mon objection vaut naturellement pour toutes les composantes et membres de l’assemblée faut-il le préciser ? La démocratie a besoin de la diversité des opinions, c’est ce qui fait sa force car l’intérêt général résulte de discussions et de décisions ni technocratiques ni de principe pour une minorité donnée. Ce n’est pas la somme des intérêts partisans.

Il y a des poignées de main qui sont sans signification, mineures simplement polies, et majeures qui scellent un accord, un cessez-le feu ou la paix. Il y a celles qui réconcilient et qui permettent d’envisager un avenir plus apaisé. Donc de l’espoir. Certaines sont historiques comme avec Churchill, Truman et Staline ; ou entre Rabin et Arafat ; ou Adenauer et le Général de gaulle ; ou entre Obama et Raul Castro. C’est avant tout de la communication : on fait passer un message. Celui du député LFi est clair. Il refuse de se compromettre en serrant la main à un concurrent ou adversaire politique choisit par le peuple car ce parlementaire est un ennemi de la république. Seul le député LFi est crédible puisque le peuple c’est lui !  Cela augure mal des 5 ans qui viennent alors que le président de la république prône la main tendue. On n’a pas demandé aux députés de se serrer la main à la romaine c’est à dire jusqu’au coude. Un minimum suffira pour donner l’exemple de la civilité, de la tolérance, du respect du suffrage universel, et de la nécessité de faire des réformes qui sont urgentes selon tout le monde. Et de trouver des compromis sans compromission.

Le refus de la poignée de main ne peut devenir un geste politique sectaire : je ne salue que ceux qui pensent comme moi, les autres devant être ignorés sinon condamnés et rejetés.  Si tel était le cas notre société déjà violente et peu encline à admettre l’autre ne s’en remettrait pas. Le parlement doit être le lieu où le civisme règne et où les valeurs républicaines de liberté, égalité et fraternité s’appliquent plus largement qu’ailleurs. Dans une courtoisie élémentaire. Ce qui n’empêche pas le combat des idées. 

Dans le film « pour une poignée… de dollars » on se bat à coup de colts, mais le héros « l’étranger » rend la justice. En se battant contre le mal. Seul contre tous. A l’assemblée nationale chacun œuvre pour le bien et une poignée de main n’est ni une approbation ni une abdication. Qu’on se le dise. Pour que les séances télévisées du mardi et mercredi ne soient pas une foire d’empoigne. 

La répartition des postes et fonctions a eu lieu à l’assemblée. Les extrêmes opposants comme élus de la majorité ont été servis. Je m’en réjouis. M. Coquerel de LFi qui a lu Gramsci est devenu président de la commission des finances qui joue un rôle déterminant bien que de contrôle. Ce député répétait pendant la campagne électorale, à l’instar de son chef, « nous allons leur faire les poches ». Il parlait donc de moi aussi ! Je m’inquiète mais je table sur le sens de sa responsabilité qui comme l’innocence est présumée. Et sur son dépassement intellectuel au service de la collectivité. J’espère qu’il serrera la main des députés qui le contrediront quand il s’agira de parler de mes futurs impôts et taxes.

Je félicite Mme Yaël Braun- Pivet - par ailleurs avocate pénaliste ce qui me plait corporativement parlant ! - d’être la première femme élue au perchoir. Elle a immédiatement déclaré : « je ne ferai pas de tri entre les députés ». Que celui qui s’estime visé lève la main. Je pense qu’avec une femme à la présidence les conduites seront plus policées et les débats moins tendus. La raison doit l’emporter au- delà des egos, des postures, et des ambitions. Je me serre ma propre main pour y croire.

1 commentaire:

  1. Bravo et merci pour ce tour d horizon des débuts de nos nouveaux parlementaires.
    Je ne peux que te serrer une main franche et amicale.

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