La poignée de main au palais
Bourbon.
Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Les citoyens
ont du génie. Ceux qui n’ont pas voté ont approuvé implicitement ceux qui n’ont
pas voulu donner une majorité absolue à l’assemblée nationale. On est revenu aux
fondamentaux de la 5ème république version 1958 avant la réforme
constitutionnelle de 1962 introduisant l’élection du président de la république
au suffrage universel. Jupiter n’est plus. Le parlement est ressuscité dans ses
pouvoirs et son importance dans l’équilibre des pouvoirs cher à
Montesquieu. Sans même devoir passer par la 6-ème république que M. Mélenchon exigeait. Il ne le fera plus
d’ailleurs puisque ses amis de LFi bien que minoritaires en nombre et
représentant une petite fraction des français ont désormais des responsabilités
très importantes au sein de l’institution. En profitant de la manne financière.
Le scrutin majoritaire à deux tours a eu des effets similaires à une
proportionnelle réclamée à cor et à cris. Personne ne s’en plaint. Les rebelles
de tout horizon vont-ils s’embourgeoiser ? On va voir ce qu’on va voir
quand les maçons sont au pied du mur.
Je
m’enflamme un peu hâtivement par ces temps de canicule ce qui n’est pas bon
pour la nature. J’ai cru voir s’allumer un feu de brindille et je crie à l’aide
des pompiers à titre préventif. C’est souvent par le petit bout de la
lorgnette que l’on comprend la réalité des faits. Et des arrière-pensées. Je
regardais à la télévision l’élection et l’installation du président de
l’assemblée nationale qui détient le poste fondamental, comme des centaines de
milliers de citoyens. Lors de cette cérémonie on demande aux plus jeunes
députés d’être les secrétaires de séance et de veiller à la régularité du
scrutin. Un député LFi est monté à la tribune vêtu selon les codes de ses
croyances à savoir une simple chemise sans cravate et pas de veste qui doivent
être les signes de la ringardise et de l’ordre établi ? C ‘est une
provocation patente. Mais dérisoire. Je n’ai pas aimé car le débraillé reflète
un état d’esprit, et un parlementaire représente la nation dont je fais partie
et pas seulement sa circonscription ou des idées personnelles. Ce député croit-
il qu’il est à l’image de l’électeur de base ce qui est un contre- sens.
Et une insulte. Le citoyen mérite le mieux. Certes l’habit ne fait pas le
moine, mais l’apparence souligne le respect et la dignité des fonctions
publiques.
Ledit
député se tenait près de l’urne et serrait la main au passage de chaque
collègue qui venait voter. Sauf pour les représentants du rassemblement
national à qui il a refusé de donner une poignée de main en gardant obstinément
les bras croisés. J’ai été choqué par ce que certains qualifieraient
d’incident minuscule d’un idéologue qui voit du fascisme, de l’antisémitisme et
du racisme partout excepté dans son camp. J’y ai vu plus que cela un symbole,
avec une exclusion arbitraire notamment pour les millions de citoyens lambdas
et de bonne foi qui ont voté pour ce parti légal et participant à la vie
publique qu’on l’aime ou non. Et une approche du dialogue républicain très fermée.
Ce député n’a pas dû trouver la clé du cadenas qui ligote l’ouverture d’esprit.
Serait- ce un défaut de jeunesse ? Mon objection vaut naturellement pour
toutes les composantes et membres de l’assemblée faut-il le
préciser ? La démocratie a besoin de la diversité des opinions, c’est ce
qui fait sa force car l’intérêt général résulte de discussions et de
décisions ni technocratiques ni de principe pour une minorité donnée. Ce n’est
pas la somme des intérêts partisans.
Il y a des
poignées de main qui sont sans signification, mineures simplement polies, et majeures
qui scellent un accord, un cessez-le feu ou la paix. Il y a celles qui
réconcilient et qui permettent d’envisager un avenir plus apaisé. Donc de
l’espoir. Certaines sont historiques comme avec Churchill, Truman et Staline ;
ou entre Rabin et Arafat ; ou Adenauer et le Général de gaulle ; ou
entre Obama et Raul Castro. C’est avant tout de la communication : on
fait passer un message. Celui du député LFi est clair. Il refuse de se
compromettre en serrant la main à un concurrent ou adversaire politique choisit
par le peuple car ce parlementaire est un ennemi de la république. Seul le
député LFi est crédible puisque le peuple c’est lui ! Cela augure mal des 5 ans qui viennent alors
que le président de la république prône la main tendue. On n’a pas
demandé aux députés de se serrer la main à la romaine c’est à dire
jusqu’au coude. Un minimum suffira pour donner l’exemple de la civilité, de la
tolérance, du respect du suffrage universel, et de la nécessité de faire des réformes
qui sont urgentes selon tout le monde. Et de trouver des compromis sans
compromission.
Le refus de
la poignée de main ne peut devenir un geste politique sectaire : je ne
salue que ceux qui pensent comme moi, les autres devant être ignorés sinon
condamnés et rejetés. Si tel était
le cas notre société déjà violente et peu encline à admettre l’autre ne s’en
remettrait pas. Le parlement doit être le lieu où le civisme règne et où
les valeurs républicaines de liberté, égalité et fraternité s’appliquent plus
largement qu’ailleurs. Dans une courtoisie élémentaire. Ce qui n’empêche pas le
combat des idées.
Dans le
film « pour une poignée… de dollars » on se bat à coup de colts,
mais le héros « l’étranger » rend la justice. En se battant contre le
mal. Seul contre tous. A l’assemblée nationale chacun œuvre pour le bien
et une poignée de main n’est ni une approbation ni une abdication. Qu’on se le
dise. Pour que les séances télévisées du mardi et mercredi ne soient pas une
foire d’empoigne.
La
répartition des postes et fonctions a eu lieu à l’assemblée. Les extrêmes
opposants comme élus de la majorité ont été servis. Je m’en réjouis. M. Coquerel
de LFi qui a lu Gramsci est devenu président de la commission des finances qui
joue un rôle déterminant bien que de contrôle. Ce député répétait pendant la
campagne électorale, à l’instar de son chef, « nous allons leur faire
les poches ». Il parlait donc de moi aussi ! Je m’inquiète mais
je table sur le sens de sa responsabilité qui comme l’innocence est présumée.
Et sur son dépassement intellectuel au service de la collectivité. J’espère
qu’il serrera la main des députés qui le contrediront quand
il s’agira de parler de mes futurs impôts et taxes.
Je félicite
Mme Yaël Braun- Pivet - par ailleurs avocate pénaliste ce qui me plait corporativement
parlant ! - d’être la première femme élue au perchoir. Elle a
immédiatement déclaré : « je ne ferai pas de tri entre les
députés ». Que celui qui s’estime visé lève la main. Je pense qu’avec
une femme à la présidence les conduites seront plus policées et les débats
moins tendus. La raison doit l’emporter au- delà des egos, des postures, et des
ambitions. Je me serre ma propre main pour y croire.
Bravo et merci pour ce tour d horizon des débuts de nos nouveaux parlementaires.
RépondreSupprimerJe ne peux que te serrer une main franche et amicale.