jeudi 21 avril 2016

DÉFICIT DÉMOCRATIQUE OU DÉMOCRATIE A RÉNOVER ?

Déficit démocratique ou démocratie  à rénover ?
Par Christian FREMAUX, avocat honoraire et élu local.
Les mots ont un sens .Après l’annonce de la faillite de la justice par le ministre, qui rejoint celle plus large de l’Etat-tous les observateurs et institutions de contrôle tirent la sonnette d’alarme, mais selon le Président la France va mieux !- on parle désormais de déficit, mais démocratique c’est-à-dire que les français n’auraient pas suffisamment la parole ou ne sont pas écoutés ou que le pouvoir  n’obéît pas immédiatement à chaque demande de  groupuscule minoritaire, sans aucune légitimité, avec des membres cooptés qui partagent le même avis :rien ne va .Fi des élections qui ont porté au pouvoir des élus  politiques nationaux ou locaux : fi des élections professionnelles avec  des représentants de syndicats ; fi tous les corps intermédiaires ou institutions qui réfléchissent aux problèmes inédits de société ; fi contre tous ceux qui détiennent une légitimité même petite. On remet tout en cause. On veut du direct comme à ATHENES jadis sur l’agora, avec le peuple ou plutôt quelques individus qui s’expriment, pétitionnent contre tout, exigent par exemple un salaire pour tous à vie, dénoncent pêle-mêle les méchants selon eux , les riches, le capitalisme, la police, un philosophe, la politique nucléaire, la loi travail, la sélection à l’université, la mondialisation… et la liste n’est pas exhaustive. Et on les prend au sérieux : les médias ne cessent de les interroger,  et diverses élites dont certains politiques qui ont du participer à MAI 68 avant de devenir députés, sénateurs, ou ministres (on ne cite aucun nom mais on peut les reconnaitre), ou des nostalgiques du CHE ou de FIDEL, enfin de héros « modernes »qui ont échoué et plongé leur pays dans la misère,  d’anciens adeptes d’idéologies qui ont conduit à des massacres de masse et l’anéantissement de l’être humain,  pensent que tout ceci est rafraichissant et qu’il faut que la parole se libère  sans trop savoir ce qu’on va en faire des belles paroles, des slogans  creux et des injonctions irresponsables. Au passage lesdits politiques se tirent une balle dans le pied car si on en est à un tel rejet, ce sont eux qui sont visés au premier rang car ils sont au pouvoir depuis des décennies. Notre démocratie se caractérise par  un état de droit certes perfectible mais l’un des meilleurs au monde avec une liberté d’expression que beaucoup de pays  mêmes démocrates nous envient, des alternances sans drame, des élections libres pratiquement tous les ans pour les divers échelons  de notre administration locale ; un parlement où l’on discute ferme et où toutes les tendances et groupes de pression  s’invectivent plutôt que dialoguer ; où le pouvoir exécutif  essaie de faire voter des réformes et est surtout paralysé par sa propre majorité !Et où le président de la république à peine élu par une majorité est décrié (parfois à juste titre),contesté  dans ses choix et décisions, avec des sondages sur sa popularité au jour le jour. On connait donc l’avis du peuple ou de ceux qui prétendent parler à sa place sans en avoir reçu mandat. On entend évidemment pas la majorité silencieuse, celle qui travaille  ou est utile dans une activité quelconque, sans profiter d’aides diverses, qui va voter, respecte le choix des autres,  se conforme à la loi même quand elle est injuste pour elle, ne commet pas d’infractions ou de violences, enfin est  composée  de citoyens ordinaires, apaisés même s’ils n’en pensent pas moins.
Il n’y a donc pas de déficit démocratique même si on peut et l’on doit améliorer le fonctionnement des institutions de la V ème république créée en 1958 pour le général de Gaulle. On ne veut plus d’un chef qui dirige tout, selon son instinct et sa grandeur ou la haute idée qu’il a de ses qualités, (malgré les référendums et les fameuses conférences de presse du général) avec une majorité qui ne discute rien et dont les députés  se contentent d’être des godillots  pour pouvoir se faire réélire ; avec un premier ministre suiveur ou sans personnalité voire simple collaborateur… Ce temps est révolu car le temps s’est accéléré, les problèmes sont devenus complexes et inédits (il faut inventer des solutions nouvelles les anciennes recettes comme pour tenter d’éradiquer  le chômage ne marchent plus) ; la mondialisation à ses effets positifs et aussi des conséquences négatives ; les menaces au-delà du terrorisme qui ne vient plus que de l’extérieur sont multiples et anxiogènes, et il est difficile de communiquer  à leur propos sans provoquer une inquiétude encore plus forte. On discute de tout , dans tous les domaines, et le passant lambda , celui qui n’a aucune compétence particulière, aucun avis motivé mais est de bonne foi et semble honnête , répond aux journalistes à propos de n’importe quel sujet fût-il fondamental :faut-il faire la guerre au sol en Syrie ? Faut-il remplacer le nucléaire par autre chose ? Comment résoudre le chômage ? faut-il taxer les riches et augmenter les impôts( pour les 50% de français qui en paient) ?Doit-on passer aux 32 heures  et augmenter les charges des patrons qui ont reçu un « cadeau » du gouvernement pourtant de gauche ?  L’islam est –il compatible avec la laïcité ? (quand le questionné sait définir la laïcité ce qui n’est pas évident) . La crise de la démocratie ne peut-elle se résoudre par la simple parité et l’interdiction du cumul des mandats ? Et les fonctionnaires : doivent-ils garder leur statut à vie ? (si on interroge un chômeur du privé, on connait la réponse) !:Et encore dans le plus léger, quoique !: M.MACRON est-il de droite ou de gauche : ferait-il un bon président de la république ; Karim BENZEMA doit-il revenir en équipe de France ?.L ‘I.S.F. est-il un impôt qui fait fuir les élites (si on pose la question à un SDF on devine sa réaction !)… Cela devient ridicule. On n’est plus dans le déficit démocratique mais dans le trop-plein car on ne gouverne pas  avec des sondages et pour faire plaisir à l’opinion qui est versatile par nature, changeante au gré de ses propres intérêts ce qui est naturel , et qui est soumise au présent de l’émotion avec une vision courte .En revanche  il va de soi  que tous ceux qui contestent un projet  quelconque, peuvent avoir raison et qu’un élu  n’a pas la science infuse, sortirait-il d’HEC et de l’ENA réunis, voire de maternelle supérieure puisque pour être élu il n’est pas nécessaire d’avoir fait des études et d ’avoir de grands diplômes (contrairement à un métier manuel où le brevet professionnel est obligatoire) : mais cette remarque est une boutade, quoique ! et je m’applique la remarque à moi-même puisque je suis un très ancien élu local. Il faut toujours commencer par balayer devant sa porte. Le problème est qu’actuellement rien n’est prévu pour revenir dans la sérénité sur une décision qui apparait mauvaise, sauf manifestations, violences, destructions et désespoirs. Il y a là un déficit de lieu de rencontres et de discussions raisonnables .Le  citoyen se sent méprisé alors que celui qui a pris souvent collectivement la décision  est sûr de son bon droit,  et de l’argent qu’il va dépenser grâce aux contribuables.
Cela veut dire que l’on ne peut pas continuer comme cela. On n’est pas couchés comme dirait L.RUQUIER avec le mouvement NUIT DEBOUT qui campe sur la place de la république qui n’est pas la place MAIDAN ou celle de TIAN AN MEN (aucune révolution ne prendra son essor en France en 2016 ou 17 à partir de la place de la république  PARIS 11- ème arrondissement, espérons le, et soyons modestes) et veut enlever les dalles fraichement posées à la suite de travaux pour des centaines de milliers voire millions d’euros, pour y faire pousser des carottes et des radis. Sans commentaire, sauf que quand les casseurs s’en mêlent tout est ravagé alentour (commerces divers, banques ,mobilier urbain ), avec des forces de l’ordre blessées ce qui est honteux, et on ne poursuit pas pénalement alors que les marcheurs défendant la famille il y a quelques mois se sont vus envoyer par la mairie de PARIS la facture des réparations de la pelouse… foulée aux pieds. Deux poids et deux mesures qui semblent n’offusquer personne : on est là dans le déficit de justice, mais au nom d’une politique orientée qui ne veut pas déplaire à son électorat. Pour moi, les débats de NUIT DEBOUT sont confondants de naïveté et de bonne conscience-sauf quand ils s’en prennent à un académicien dont on peut ne pas partager son opinion sans lui cracher dessus !- et ne peuvent conduire à rien de concret. Ils sont cependant révélateurs : les français veulent participer à la prise de décision en amont car l’application les concerne dans leur avenir, et si la loi ou la décision prise devient un échec, c’est eux qui subiront et paieront les pots cassés. La loi générale et faite pour «  l’éternité » sous l’appréciation et l’interprétation des tribunaux, n’est plus forcément la bonne solution même si on a besoin de sécurité juridique donc de stabilité de la réglementation. Il faut donc inventer un nouveau style  de régime représentatif-même si les députés ou les sénateurs, et encore plus les élus locaux sont à l’écoute de leurs électeurs et font remonter les attentes  et parfois des idées de bon sens- pour que la loi soit la plus consensuelle possible, que le dialogue avec les spécialistes et les usagers ou consommateurs (les français de base) ait eut lieu avant l’écriture des textes et leur vote ; qu’il soit prévu une période d’essai et une date de « revoyure » pour corriger ce qui ne donne rien ou accentuer ce qui est efficace ; que l’on simplifie les textes…et s’ils sont mauvais qu’on les abroge. Que l’on se dispense des effets d’annonce et que l’on explique et explique encore les tenants et aboutissants de telle ou telle mesure.
Faut-il aussi rédiger une nouvelle Constitution que certains réclament sans en donner le contenu en détail sauf à réclamer un pouvoir plus réduit pour le président de la république (que tous les français choisissent) ; avec un nombre de députés et de sénateurs diminué et qui ne feront que la loi (est-il bon de les couper d’un territoire et de leurs électeurs ?; avec la suppression du conseil économique et social (vieille idée de vouloir se priver des avis des forces vives du pays même s’il y a parfois des désignations de « copinage » bien que les conseillers soient compétents pour la plupart) ; quel doit être le rôle des juges qui disent le droit et protègent les libertés individuelles et doivent avoir une place centrale  pour arbitrer et participer à l’équilibre des pouvoirs (comme MONTESQUIEU le préconisait) ?...La Constitution actuelle a permis de franchir toutes les crises majeures depuis 1958 notamment la grave crise financière qui perdure depuis 2008 , et faire face au terrorisme qui va durer, malheureusement. Il faut donc y toucher d’une main tremblante car elle a fait ses preuves et on ne sait pas ce qui peut advenir en se lançant dans l’inconnu. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Nous sommes entrés dans la précampagne  présidentielle qui va s’accélérer et se crisper dans tous les camps. Nous allons osciller de la démagogie à la surenchère   je le crains, et certains vont essayer de flatter leur clientèle électorale habituelle, plutôt que de penser à l’intérêt général et à la France. Les candidats sérieux, ceux qui sont responsables, auront un vrai programme, courageux, novateur, chiffré  et applicable au plus vite ,  et devront annoncer ce qu’ils vont faire, comment et avec quoi et qui. En renouvelant les genres, avec l’enthousiasme d’une nouvelle génération celle du numérique et l’expérience des anciens .C’est parce qu’ un candidat n’a pas prévenu de ce qu’il allait faire –ou ne le savait pas d’avance et a été pris par les circonstances- et a suivi une politique qui était parfois le contraire de ce qu’il avait dit, mais en le faisant mal car il ne pouvait aller au bout, hué par son propre camp, que l’on parle actuellement de déficit démocratique. En réalité  c’est une politique de gribouille, improvisée, arbitrée pour ne déplaire à personne de son camp, qui ne peut que conduire à la déception de tous. Ce n’est jamais assez pour personne, mais toujours de trop pour les autres, et tout le monde est mécontent.
La démocratie de PERICLES, le pire des régimes à l’exception de tous les autres selon Sir W.CHURCHILL, est à réinventer dans un monde nouveau et une société où les valeurs et les espoirs ont profondément changé ,pour que le citoyen se sente concerné en permanence : il ne lui suffit plus de voter (voir le niveau très élevé d’abstention pour toutes les élections y compris communales pourtant  de proximité) et d’attendre des résultats jusqu’à la prochaine élection. Il veut pouvoir influer à tout moment s’il considère que l’élu n’a rien fait, ou mal fait, ou est finalement incapable tout le monde atteignant son niveau d’incompétence à un moment donné, selon la courbe de PETER. Il faut donc lui donner les moyens juridiques et réels (pétition ? référendum local ? réclamation officielle  quelconque ?)… pour lui permettre de manifester son désaccord et demander un changement de direction.  Naturellement il ne s’agit pas d’accepter n’importe quoi, des demandes saugrenues et qu’une petite minorité –autoproclamée sachante-remette tout en cause à tout moment. Pour réussir il faut de la stabilité donc de la durée. Mais il faut inventer des respirations, des remises à plat, des rediscussions. C’est avant tout vers  une modification des comportements, que la loi doit encadrer donc préciser,  des responsables élus et des citoyens, à laquelle il faut tendre. La démocratie mérite que l’on réfléchisse à son avenir. Elle le vaut bien, et cela nous économisera des querelles inutiles et des propositions débiles qui nous font perdre du temp

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