Le droit malléable
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Le droit doit
apaiser les esprits et résoudre les conflits. Est -ce le cas ?
Le droit
interne comme international réserve des surprises. Rien n’est jamais sûr et
définitif puisque soit la loi ne prévoit rien d’affirmatif, soit elle est interprétée
par des juges outre les diplomates, soit elle dépend de rapport de forces ou de
circonstances, sans oublier les arrière -pensées. Tout le monde est de bonne
foi et s’estime juste. L’insécurité
juridique et judiciaire ne sera pas corrigée par l’intelligence artificielle car
ce sont des hommes et des femmes avec leurs subjectivités, leurs vérités
et leurs défauts qui auront le mot final surtout dans la société globalisée où
de vieilles rancœurs ressurgissent.
Le citoyen
qui est perdu dans un monde qu’il ne maitrise pas et qui va trop vite pour lui essaie
de savoir si telle information est vraie ou non, et si ce qu’il a entendu comme
vérité le matin est confirmé ou démenti le soir. Est- ce que la décision prise
est légale ? Le droit est devenu malléable car l’émotion submerge la
raison.
M. Bayrou quand il était haut-commissaire au
plan n’avait rien vu venir et surtout pas une économie de guerre. Sans penser qu’il
serait premier ministre. Il faut désormais se mobiliser. J’ai ressorti
du grenier mes galons de caporal -chef quand je faisais mon service militaire à
Balard Paris 15ème, dans les bureaux. Et il va falloir produire plus
d’armement. Donc recréer des industries.
Le concours Lépine va commencer pour trouver de multiples milliards d’euros. Des
magiciens vont nous expliquer comment les fabriquer sans les rendre et sans
aucun préjudice pour personne. Il y aura de l’impôt virtuel devenu patriote. Et
de l’épargne militarisée. Sans toucher à l’Etat providence ?
Il faut ajouter des moyens au combat
fondamental déjà existant sur le plan intérieur (terrorisme et islamisme
radical avec violences individuelles) et financer sur le plan extérieur puisque
la menace est réelle. La crainte est peut -être exagérée ? Mais le
principe de précaution s’impose : on
doit combattre les deux en même temps. Va- t -on voter des lois dites
d’exception qui seront immédiatement taxées de liberticides et de va -t
-en guerre. Et si on ne faisait rien et que la prophétie se concrétise ? « Père
gardez -vous à droite père gardez- vous à gauche » a dit Philippe le hardi
futur duc de Bourgogne lorsque son père le roi de France Jean Le Bon a été défait
lors de la 3ème bataille de Poitiers en 1356.
Prenons un
exemple chaud de question juridique à résoudre entre Etats.
Pour
accélérer une paix forcée qu’on espère durable, on entend des éminents juristes
affirmer qu’il est possible de s’approprier de fait les intérêts sinon la
propriété des sommes et des biens qui ont été confisqués aux autorités Russes
qui sont l’agresseur. Et donc des hors- la -loi. Ce serait
aussi moral ? Et de les mettre à la disposition des Ukrainiens, sinon
indirectement de l’Union Européenne qui va les utiliser. D’autres aussi savants
jurisconsultes crient au scandale et expliquent que le droit international
interdit une telle spoliation en raison de l’immunité des Etats. L’illégalité
justifie-elle le non-respect du principe ? Une nation doit- elle être
malhonnête comme les voyous ? Cette
sanction serait en outre contre- productive : qu’aurions-nous à proposer aux russes pour les victimes comme
deal sonnant et trébuchant si on a dilapidé leurs sous ?
Notre assemblée nationale a adopté une
résolution sur la confiscation, comme pour les biens mal acquis, avec les
pour et les contre ! Le droit est flexible en politique.
Le droit international est à géométrie
variable et dépend de la puissance des Etats. D’autant plus que l’ordre d’après
-guerre vole en éclat, qu’il n’y a pas eu la fin de l’histoire en 1989, et que
des puissances émergent ou renouvellent des ambitions anciennes. Le territoire
européen n’a pas apporté une paix irréversible. Et la solidarité ?
Les juridictions internationales et la
communauté des Etats démocratiques surtout vont devoir revoir leurs corpus
juridiques et ce qui était considéré comme du droit acquis. Et d’autant plus
que des Etats ne jouent plus le jeu de leurs obligations comme avec les OQTF.
Ou le respect des souverainetés. En entamant des guerres en toute conscience
plus ou moins éclairée et en écartant les prohibitions publiques.
Observons un
autre exemple de droit mouvant tiré d’un récent contentieux français.
Après large concertation
pendant des années il avait été décidé de construire l’autoroute A.69.
Cela engageait des millions d’euros. Les autorisations administratives ont
été données et le chantier a commencé. Un peu hâtivement a priori ? Mais le
tribunal administratif saisi plusieurs fois en référé a validé les travaux qui
ont été exécutés à près de 70 %. Et brutalement sur le fond des mois plus tard
à la requête d’associations défendant l’environnement et estimant que ce projet
n’avait aucune utilité, le tribunal administratif a annulé les arrêtés des
préfets du Tarn et de Haute Garonne faute" d'intérêt public majeur". Et de risque sur la bio- diversité. L’aspect positif économique est
rejeté. Chacun appréciera le vague du motif principal qui au -delà du droit
et de son respect dépend de l’appréciation de chacun...On aurait pu s’en rendre
compte plus tôt. Il y a appel avec demande de reprise des travaux !
Une cour administrative d’appel peut déjuger un tribunal administratif. C’est
la beauté de la justice. Et l’insécurité judiciaire dans toute sa splendeur. C’est
du droit chewing- gum.
Compte tenu
des contraintes et menaces actuelles, il n’est pas question de remettre en
cause l’état de droit avec la hiérarchie des normes, des élections libres, une
séparation des pouvoirs avec une justice indépendante. C’est la
démocratie. Mais il n’est pas interdit de revoir le droit, de voter des
lois plus soucieuses du collectif, de redéfinir ce qu’est l’intérêt général qui
n’est pas la volonté de bâtir une société telle qu’on voudrait qu’elle soit. En
considérant que la collectivité a le droit de se protéger et de prendre des mesures
qui profitent au plus grand nombre. La sécurité juridique fait partie de la
protection des citoyens.
Salvador Dali a peint les montres molles. On
voudrait que les juges nous donnent l’heure exacte et ferme.
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