vendredi 28 février 2025

Le droit et les barbelés

 

                                                Le droit et les barbelés

                 Par Christian Fremaux avocat honoraire

Que les vrais spécialistes des conflits armés et des relations internationales ainsi que les professeurs de droit mes maitres me pardonnent. Je ne suis qu’un civil et surtout un avocat honoraire qui s’est battu devant les tribunaux ce qui est un front peu risqué pour les droits de la Défense. Et ceux des victimes ainsi que pour l’Etat dans les dossiers anti-terroristes ; ou pour des militaires quand le tribunal aux forces armées existait. Sans oublier les policiers et les gendarmes quand je me préoccupais de sécurité intérieure dont la dégradation m’inquiète. A l’ère du néant intellectuel on donne son avis et chacun, surtout s’il n’a ni responsabilité ni mandat, se croit important. J’en fais partie. Le philosophe Coluche disait : « de tous ceux qui n’ont rien à dire les plus agréables sont ceux qui se taisent ». On ne l’a pas écouté car la désinformation tous azimuts fait rage. 

Dans ma campagne picarde où j’ai été élu on me pose des questions qui franchissent les bornes. On discute de la pluie et du beau temps qui déterminent le cours mondial du blé, du sucre, des produits venant de contrées lointaines difficiles à fixer sur un globe. Ou de régions sous le feu ennemi ou interne. Ce qui fait parler de guerres en cours. Je suis le modeste correspondant défense de la commune. A ma surprise on m’a demandé de m’exprimer sur le sujet suivant : qui ment ?  Qui a le droit de faire ou le devoir de s’abstenir ? Qui est l’arbitre ?  c’est quoi le droit international public dont on parle partout ? Est-il efficient et utile?

Je n’ai pas osé répondre que pour être pertinent ce sont des années très longues d’études, des conférences, des séjours à l’ONU à New York notamment, avec des ONG ou dans des juridictions ou institutions internationales. Des voyages et comparaisons. La reconnaissance de ses pairs. Des discussions sans fin pour une virgule. Ou un m2. Ou l’épaisseur de la ligne d’une séparation. Donc des compromis. Des définitions à trancher : qui est l’agresseur et qui est l’agressé ? C’est quoi un Etat et un groupuscule terroriste ?  Enfin d’avoir la maitrise des diplomates ou de combattre sur le terrain. Le droit public international concerne la vie ou la mort de groupes d’êtres humains ou de peuples entiers. La paix surtout. Le monde rural conduit parfois loin. Et il s’intéresse aux individus dans leurs essences. J’ai restitué le peu que j’avais appris.

—On sait que le droit international public entendu comme celui de la guerre ou humanitaire est malmené. Les Etats font- ils ce qu’ils veulent ?  Les frontières et les murs sont transpercés. Il y a des camps avec des barbelés, des tunnels et des planques cachés dans les déserts et les villes sous les hôpitaux ; des massacres y compris dans le même peuple, des génocides pour les uns, des résistances pour les autres. Des crimes contre l’humanité de tous les côtés. Les atrocités des guerres, sales par nature.  Les innocents sacrifiés comme des bébés otages notamment. Et tout ce qu’on devine confusément avec les réfugiés.  S’il suffisait de siffler la fin du match pour que tout s’arrête on le saurait. Chaque jour des éminentes personnalités en bombant le torse et au nom de leurs vérités exigent un cessez -le -feu immédiat. Et comme rien n’intervient on continue. Comme les résolutions enflammées aux Nations Unies avec les 5 membres permanents les puissances nucléaires dont la France avec leur droit de veto ou les appels à la paix des plus hautes autorités politiques comme morales et religieuses.

Le droit international public régit les relations entre Etats. Sa fonction première est d’établir un ordre. Ce qui implique que les Etats valident sa légitimité et respectent les règles contraignantes qu’il établit. Il n’y a pas une police ou une armée qui fait la loi de force et impose la paix. La Cour Internationale de Justice qui dépend de l’ONU siège à La Haye et poursuit des Etats ou juge des contentieux interétatiques. Elle ne condamne pas le chef de l’Etat ou de gouvernement pour sa politique y compris militaire.   

Et s’il s’agit non pas d’un Etat mais d’une organisation terroriste, la difficulté s’aggrave. Comment appréhender une nébuleuse fantôme mais barbare ?  

La Cour Pénale Internationale créée à Rome en 1998 et siégeant aussi à La Haye peut poursuivre des dirigeants politiques, des militaires et chefs de guerre, des génocidaires présumés ou avérés et d’autres catégories de criminels du même acabit à titre individuel, émettre des mandats d’arrêt et envoyer les coupables en prison.  

Les domaines du droit international public sont multiples : droits de l’homme ; désarmement ; criminalité transnationale ; conduite de la guerre ; mer et espace...Les sources applicables du droit sont la coutume ; les principes généraux du droit, les Chartes et Conventions ; les Traités que chaque partie doit faire ratifier sur le plan interne et qui sont supérieurs à notre Constitution pour notre cas ; les accords bilatéraux ou plus larges qui engagent les Etats. Il n’y a pas un code écrit pénal ou civil mondial avec une jurisprudence générale exploitable en pratique. 

Le droit international humanitaire a pour but de limiter les conflits armés dans leurs conséquences matérielles et physiques. Les principes d’humanité, neutralité impartialité et indépendance dominent. Le droit de la guerre vise la proportionnalité, les souffrances inutiles (blessés et prisonniers de guerre) et l’honneur. Il faut protéger les faibles et limiter les moyens de la guerre. Comme LA bombe. 

Les conventions de Genève qui sont dans l’actualité fixent aussi les limites à la barbarie et le respect des populations civiles. Israël et la Palestine sont signataires. La Russie est membre du conseil de sécurité. Chacun peut apprécier l’efficacité !

—on m’a objecté : « s’il n’y a aucun vainqueur sur le terrain y -a- t-il des tirs au but [ou obus] pour savoir qui a gagné ? ». J’ai botté en touche car il y a de la triche au plus haut niveau. Et des retournements d’alliances inattendus. Le devoir fondamental d’un Etat est de protéger ses ressortissants et prendre ses responsabilités quitte à déplaire. Un Etat n’a pas d’amis mais des intérêts. Le droit international public est fait pour des objectifs universels.

—Le droit et la raison humaine peuvent-ils l’emporter sur l’idéologie et l’émotion ?

Mes interlocuteurs ont rejoint leurs foyers un peu dubitatifs. La paix est un long combat.     

     

1 commentaire:

  1. Lu et relu. Merci maître pour ces réflexions très actuelles
    G Colombert

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