samedi 1 février 2025

Sentiment ou sentimentalisme

 

                                     Sentiment ou sentimentalisme

                     Par Christian Fremaux avocat honoraire

Que demande le peuple aux politiques ?

D’avoir un gros cœur, de préférer l’émotion, de ne pas voir ce que même un non -voyant perçoit et de ne pas prendre les décisions qui s’imposent au -delà des tactiques électorales ?  Le peuple ne vit-il que d’empathie et de fraternité en plus de ses besoins matériels ?

Ou d’agir, la raison en tête avec l’autorité et de la bienveillance ferme tous azimuts.

Le sentimentalisme est une approche philosophique selon laquelle nos états affectifs jouent un rôle décisif dans nos jugements de valeur. En politique contemporaine on réagit d’abord, on anathème puis on réfléchit mais on ne change pas d’avis pour ne pas paraitre être des girouettes. Et réserver l’avenir en changeant de discours.

On parle désormais de la formule employée par le premier ministre qui a dit qu’il avait le sentiment qu’on approchait d’une « submersion migratoire. » Immédiatement les grands généreux, les donneurs de leçons ou les intéressés pour les élections futures surjouent le drame et l’indignité. Mais pour qui ? A priori pas pour tous les citoyens qui ont aussi une âme. Et sont inquiets. C’est humain.  

Mme Tondelier souvent excessive pour EELV néanmoins minoritaire a sommé M. Bayrou de s’excuser et de retirer sa formule. Sinon il y aura censure. La menace émane d’irresponsables et elle est scandaleuse. Car ce sont les contribuables qui paient les errements et les gesticulations de leurs élus. La censure de M. Barnier a coûté plusieurs milliards aux français. En vain. Et il faudrait recommencer ? Halte à la démagogie et au chantage. On attend un budget conforme aux nécessités, juste et efficace. Sans coupables présumés. Ni perdants par état.   

On en est toujours à craindre de nommer les choses, ce qui n’est pas nouveau. Le philosophe J.J. Rousseau écartait les faits qui ne collaient pas avec ses réflexions. Robespierre coupait les têtes. Dans certains pays les dirigeants vous font disparaitre. Si on ne parle de rien, si on nie les faits de société ou divers on sera dans le mur encore plus rapidement que prévu. On a le droit de défendre nos intérêts et de vouloir rester qui nous sommes. Avec nos valeurs républicaines.  Ce qui n’exclut pas l’ouverture mais celle qu’on choisit. C’est de la souveraineté.   

M. Bayrou a évoqué un « sentiment » ce qui est une formule édulcorée pour décrire la situation dans laquelle vivent des électeurs (de gauche aussi) dans certains quartiers. C’est un fait il suffit de suivre l’actualité, de comparer, et de savoir que toutes les nations dans le monde sont confrontées aux mêmes défis. On diverge sur les solutions. Un sentiment n’est pas une action. Il permet de vérifier la réalité et l’étendue du problème et d’imaginer avec quels moyens y faire face. Ce n’est en rien la trahison des grandes valeurs de notre civilisation. A défaut de poser la question et d’en discuter arguments contre arguments on n’avance pas.  

Et si M. Macron tenait sa promesse de saisir les citoyens sur un ou des sujets qui défraient la chronique et créent un climat délétère ? La ou les questions est le support technique pour se mettre d’accord sur les causes et trouver des solutions consensuelles pour les effets. On appelle cela de la démocratie et non de la politique politicienne ou un plébiscite même si l’auteur de l’interrogation est la cible. 

On avait déjà le débat sur le sentiment ou non d’insécurité. On a un peu évolué car les statistiques sont formelles, les sondages confirmatifs et les drames sont vécus quasiment en direct. Naturellement on évoque un minimum les victimes survivantes pour s’intéresser surtout au sort des coupables et de leurs détentions dites inhumaines.

Personnellement j’ai plus que le sentiment que la violence est débridée et qu’il faut sévir fortement ce qui n’est pas incompatible avec de l’humanisme. Qu’il faut revoir le statut judiciaire des mineurs et leurs réinsertions outre la punition pour ceux qui sont « récupérables ». Que selon des théories qui n’ont plus cours la prison est l’exception même pour des délinquants avérés. Que les responsables des trafics ne craignent pas grand-chose car ils sont organisés à l’extérieur et ont de gros moyens avec une main d’œuvre jeune à bas coût. J’attends de voir l’effet concret des annonces que j’approuve des ministres de l’intérieur et de la justice aidés par la diplomatie, chacun étant dans son couloir avec ses contraintes, mais se rejoignant sur les objectifs.

M. Faure et Mme écologiste ont demandé au premier ministre « Rodrigue as-tu du cœur ? ». M. Bayrou, François de son prénom, qui ne manque pas de lettres mais n’a pas les yeux de Chimène pour la secrétaire nationale des verts et négocie avec le social -démocrate allié à LFI, pourrait répondre en rétropédalant que « le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas ». Mais surtout de la raison. Il est préférable d’être pragmatique car les problèmes ne sont pas du sentiment : ils sont têtus, très concrets.

M. Bayrou doit persister et signer car selon ce que j’ai entendu les binationaux ne sont pas en cause. Ils sont des citoyens égaux aux autres. Les réfugiés ne sont pas concernés, nos principes demeurent. Ceux qui travaillent et paient impôts et taxes ne sont pas visés. Ils ont vocation à être régularisés après examen de leurs cas personnels d’autant plus que des patrons ont besoin d’eux. J’ai l’impression diffuse que la gauche qui se vante d’avoir obtenu des reculades contre une non-censure -ce qui ne règle pas à terme nos déficits et notre dette abyssale- craint que les partenaires sociaux trouvent une solution pour les retraites. Ce qui déconsidérerait un peu plus la classe politique. Il faut un contre feu !

A la place de submersion parlons de débordements ou d’inondations mais pas de même nature que celles que vivent malheureusement actuellement des désespérés.  Ou naufrage annoncé puisque sur le bateau France il y a des passagers clandestins. En nombre croissant. Sans billets ni identités. Avec un capitaine qui hésite sur le cap à suivre.  

Est-ce être extrémiste que de constater que le sentiment ne remplace pas les actes et les preuves d’amour. Et que le sentimentalisme politique conduit à une impasse ?

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