mercredi 16 mars 2022

Dictateur

 

                                 DICTATEUR

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.  

Lors de l’émission sur TF1 lundi 14 Mars 2022 où les 8 principaux candidats à l’élection présidentielle répondaient à des questions sur le conflit en Ukraine et un peu sur leurs propositions pour les français dans le prochain quinquennat, le journaliste Gilles Bouleau a posé à chacun la même question : M. Poutine est-il un dictateur ? comme si le vocable pouvait avoir une influence sur les combats ou expliquer la motivation de celui qui est un agresseur patenté.

Tous les candidats même ceux qui étaient soupçonnés d’avoir des penchants pour M. Poutine et pour la Russie ont refusé de répondre à la question au prétexte principal qu’un chef d’Etat réfléchit et ne cède pas à l’émotion, n’insulte pas l’avenir, qu’il n’a pas à qualifier péjorativement un collègue Président qu’il va fréquenter et avec qui il va falloir négocier. Ils ont eu raison. Mais personne n’est dupe face à la concentration de tous les pouvoirs dans les mains d’un seul homme. Les candidats ont donc esquivé une réponse franche et massive sauf M. Jadot l’excellent chef de ceux que certains qualifient de khmers verts ! Il a affirmé que oui M. Poutine était un dictateur. Je pense que ce dernier en a tremblé de peur.

Mais qui doutait que les méthodes brutales du chef de guerre russe ne respectaient pas le caractère humain de la vie, ni les canons du droit international et humanitaire ni les règles du droit de la guerre sur la protection des civils notamment ? Si l’on peut admettre qu’il y a des guerres propres qui ne font qu’un minimum de dégâts ! Au Proche et Moyen Orient, en Afrique avec les divisions internes dans les Etats ou sur des territoires, on constate tous les jours les conséquences des guerres ou de ce qui est appelé à l’est de l’Europe « une opération spéciale extérieure ». La guerre ne se divise pas en bonnes et mauvaises actions. 

La Cour Pénale Internationale [C.P.I] de La Haye a ordonné une enquête sur les actes de M. Poutine et de ses complices qui peut être dans l’avenir seront incarcérés pour génocide, crimes contre l’humanité et de guerre et crimes dits « d’agression ».  Mais observons que ni la Russie ni l’Ukraine n’ont ratifié le traité de Rome de 1998 fondateur de la C.P.I. On en profitera pour examiner ce qu’ont fait les dirigeants ukrainiens dans le Donbass où ils sont accusés de diverses « exactions » pour prendre un mot faible. Dans les causes rien n’est jamais tout blanc ou tout noir malgré les apparences. Et on est solidaire de toutes les victimes.

Le terme dictateur est surtout à usage interne. Ce sont les citoyens russes qui ont déjà connu l’ère soviétique et le goulag qui peuvent qualifier leur président. S’ils osent s’exprimer sans se retrouver en prison ou subir des représailles.  Que nous rapporte à nous démocrates et défenseurs des massacrés et exilés l’épithète de dictateur accolée à M. Poutine ou qu’il soit paranoïaque voire fou ? Qu’il le soit ou non, la guerre reste ce qu’elle est : mortelle.  Et la responsabilité du méchant Poutine est la même. Il y a 50 nuances de dictature ou de totalitarisme mais le résultat est constant : le mal, l’intolérance, la volonté de puissance, la peur de disparaitre ou d’être amoindri, la certitude que sa vérité exclut toute humanité, entrainent des souffrances et des vies brisées. Tout le reste n’est que sémantique. 

Des guerres ont été déclenchées aussi par des dirigeants sains de corps et d’esprit, humanistes déclarés et entourés d’hommes et de femmes raisonnables attachés aux libertés, à la démocratie et au droit. Et dans le respect de la vie la seule querelle qui vaille.  On a vu les conséquences pour les plus récentes en Serbie-Bosnie Herzégovine, en Irak, en Lybie, en Afghanistan, voire en Syrie et chacun a son exemple. Les motifs de guerre étaient louables, d’essence humaniste et libérale vérifiés et avérés du moins en théorie. On combattait pour le bien, pour la civilisation et pour chasser du pouvoir un tyran comme dans la philosophie athénienne. Mais aussi pour défendre des intérêts matériels et stratégiques des Etats ne le rappelons pas trop fort. La décision avait fait l’objet de débats publics et celui qui avait donné l’ordre n’était pas un dictateur. Mais il y a eu la guerre, sale par définition. Il ne faut pas avoir la mémoire courte et sélective.

Que M. Poutine soit un dictateur ce que je déplore peu me chaut. On prend les faits tels qu’ils sont. Serait-il un prétendu démocrate à la mode russe ou de fer que cela ne changerait rien. Saint-Just qui n’hésitait pas à faire couper des têtes affirmait que le bonheur est une idée neuve en Europe. On peut y ajouter que la démocratie telle que nous la concevons est une idée à implanter et conforter en permanence avec ses qualités et ses défauts. Chaque individu a le droit de vivre en liberté sans être à la merci d’autocrates persuadés de savoir ce qui est bon pour leurs peuples ou les autres. Deux guerres mondiales ont déjà eu lieu, évitons la 3 -ème en n’en rajoutant pas. Ce qui n’est pas défendre M. Poutine je le dis aux bien-pensants en proie à l’empathie ce qui est honorable mais ne modifie rien et donneurs de leçons de morale.

Alors dictateur, barbare, mégalomane, despote ou criminel ou tout autre qualification ne changent pas l’action néfaste de M. Poutine. Mais il faudra bien un cessez-le-feu et une sortie de crise qui sont du domaine des diplomates et des politiques. Georges Clemenceau disait que la guerre est une chose trop sérieuse pour la confier aux militaires. Elle est aussi trop grave pour la laisser à un dirigeant totalitaire et « possédé » comme l’aurait dit     Dostoïevski, sauf à le convaincre que son intérêt est de lâcher du lest sans exiger l’impossible à savoir que l’Ukraine perde de fait sa souveraineté. L’Ukraine devra aussi faire des concessions comme renoncer à son adhésion à l’Otan et/ou perdre le Donbass et la Crimée outre Odessa ? On essaie de trouver un compromis sans choisir son interlocuteur. Personne ne doit perdre la face il faut un gagnant -gagnant.Une guerre se termine mais il faut s’assurer d’une paix solide et durable. Charlie Chaplin le génial Charlot a réalisé en 1940 le film « le dictateur » en visant Mussolini et Hitler. Il contribua à mobiliser l’opinion en faveur des démocraties. Il n’empêcha pas la guerre.

 On peut se faire plaisir par le vocabulaire mais l’essentiel est de trouver des solutions concrètes pour arrêter la lutte armée. Et on doit faciliter l’action de notre chef de l’Etat qui maintient à juste titre le dialogue et essaie de trouver des mesures justes et efficaces. Sans que la France devienne une nation co-belligérante.          

mercredi 9 mars 2022

guerre ou paix et justice

 

                                         Guerre ou paix et Justice.

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 Accoler les termes guerre-justice c’est écrire un oxymore comme une douce violence. La guerre entre Etats se termine sur un champ de bataille avec un vainqueur et un vaincu et surtout deux éclopés, ou sur le tapis vert par la diplomatie qui conduit à la signature d’un traité international donc par des clauses de droit. Voire par une juridiction qui rend un avis ou un arrêt qui tranche juridiquement le conflit. Tout ceci peut entrainer ensuite des difficultés d’exécution ou d’interprétation et reconduire aux armes, le 20-ème siècle nous l’a appris. La justice internationale a-t-elle le pouvoir d’arrêter la guerre ou d’ordonner le cessez- le -feu puisque l’Ukraine a saisi diverses instances pour que la Russie soit contrainte de mettre fin à son agression. M. Poutine va -t- il avoir peur des juges ? La paix dépend-elle du droit international ?

Le philosophe Pascal Bruckner écrit que « les européens prenaient la paix [depuis 1945] pour la norme alors qu’elle n’était que l’exception. La parenthèse est fermée. Le réveil est effroyable ». On ne croyait plus au mal et on pensait que l’Europe permettrait l’harmonie par le droit, avec des frontières ouvertes facilitant l’accueil des plus exposés ou des plus utiles, outre des religions pouvant s’exercer dans l’ignorance de ceux qui ne croient pas et sans les nations devenues désuètes. On a péché par bienveillance et naïveté dans le cadre de la mondialisation qui devait abolir tous les antagonismes malgré quelques perdants. Restaient d’autres valeurs historiques pas matérielles mais humaines et spirituelles avec des individus avides de libertés et de démocratie que l’on a négligées. Notamment le poids de l’histoire des populations longtemps sous le joug, l’espoir de vivre mieux et indépendantes avec des ambitions qui ne plaisent pas à certains. Francis Fukuyama avait annoncé la fin de l’histoire après la chute du mur de Berlin et le triomphe de la démocratie occidentale. Il s’est trompé. On vient de faire dans la précipitation une révision urgente et drastique de la nécessité de la nation, de notre protection contre toute menace sur notre civilisation ou simplement sur notre territoire soyons modestes. Ou pour pallier les errements de dirigeants y compris en Europe qui par leurs comportements hégémoniques ou de puissance entrainent des dommages collatéraux loin de leurs bases. Le terrorisme islamique a redistribué les cartes et a choisi la voie de la terreur, la guerre tous azimuts et permanente. Nos yeux se sont dessillés mais parce qu’en France les grands principes démocratiques prévalent à juste titre on hésite encore à considérer que l’on est attaqué par idéologie globale. On prend des mesures préventives et nos tribunaux jugent les responsables des attentats. Nos forces armées sont prêtes à toute éventualité.

 Il y a des dizaines de conflits armés dans le monde sur tous les continents et parfois plusieurs dans un pays ou une même région. Chaque Etat défend ce en quoi il croit ou parce qu’il est concerné directement, et quand il le peut essaie de participer si on veut de lui à résoudre les difficultés des autres peuples. Les victimes se comptent par millions. L’émotion submerge plus ou moins soyons francs selon les intéressés. Un agresseur ne regrette jamais et se trouve des justifications. Les printemps arabes ou celui de Maïdan en Ukraine ont dégénéré ou n’ont pas produit les fruits attendus. Des démocraties illibérales tendent plus vers des démocratures que des états de droit. L’Ukraine vient de s’apercevoir que l’Otan n’interviendrait pas et que l’union européenne non plus puisque ce pays n’en fait pas partie. Morale ou indignation au vu des souffrances humaines et réalisme politique ne se confondent pas. Le président Zelensky vient de déplorer que « les occidentaux ne tenaient pas leurs promesses ». Il n’aura pas d’avions venant d’un Etat de l’atlantique nord sauf à prendre le risque d’élargir les combats à ceux qui les ont fournis. Est-ce vraiment une surprise un Etat n’ayant que des intérêts et pas d’amis selon la formule cynique classique ? L’Ukraine s’est tournée vers des juridictions internationales, faisons- en la distinction.

L’Ukraine a saisi la Cour Internationale de Justice [C.I.J.] créée en 1945 qui siège à La Haye et qui est un organe de l’ONU où la Russie a un droit de veto. Seul l’un des 193 Etats de cette organisation peut saisir la cour et ses 15 juges. La C.I.J. juge des Etats. Des particuliers ou des Ong ne peuvent être demandeurs. L’Ukraine accuse la Russie d’avoir abusé de la convention pour la prévention et la répression du génocide. Moscou soutient en effet qu’il y a eu des génocides contre les pro-russes dans les régions de Donestsk et Louhansk. La Russie ne s’est pas présentée à la première audience du 7 mars 2022.Aucune mesure d’exécution provisoire à titre conservatoire n’est possible. Les avocats de M. Poutine connaissent certainement leur travail. La procédure est longue, très longue.

La Cour Pénale Internationale [C.P.I.] qui siège aussi à La Haye a été saisie. Elle juge des individus et pas des Etats qui peuvent se retrouver en prison après un long procès selon la procédure anglo-saxonne méticuleuse, contradictoire sur preuves, avec accusation et défense. La CPI a été créée en 1998 par le traité de Rome qui doit être ratifié par les Etats. Les Usa, la Chine, Israël en particulier n’ont pas ratifié le traité et la Russie s’est retirée après l’enquête préliminaire engagée et liée à la Crimée en 2014.La cour juge les crimes de génocide ou ceux contre l’humanité ou de guerre. On se bat sur les définitions et le contenu de ces crimes. Puis sur la réalité des faits. C’est interminable.

Enfin l’Ukraine a saisi la Cour Européenne des droits de l’Homme [C.E.D.H.] qui siège à Strasbourg. Ce n’est ni une juridiction de l’union européenne ni une instance française puisqu’elle dépend du Conseil de l ’Europe. Cette institution regroupe 47 Etats dont la France notamment, puis la Turquie, la Russie et l’Ukraine. La procédure est particulière. Un individu peut la saisir. Cela dure des mois voire des années. Mais il y a des cas d’urgence. Elle s’appuie sur la déclaration universelle des droits de l’homme dont l’interdiction de la torture, de la violence, le droit d’expression et de conscience, d’aller et venir… Je ne crois pas que M. Poutine certain de son bon droit ait la même lecture des droits de l’Homme qu’un vulgaire démocrate « ordinaire » : son argument de droit massue est la raison du plus fort !    

La paix doit venir au plus vite du théâtre de guerre, sur le terrain. Le cessez- le- feu permet aux diplomates donc au droit d’intervenir.  Comme la justice interne la justice internationale a un temps long, et n’évitera ni les drames humains ni les désolations.  Ce n’est pas juste. Mais entre ce qu’il ne faut pas faire qui est injuste et l’ambition humaine il n’y a parfois rien. A chacun de faire ce qu’il peut et à l'Etat qui nous représente d’agir.

 

 

  

mercredi 2 mars 2022

La liberté denrée rare sur le marché

 

                  La liberté denrée rare sur le marché.

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 C’est la guerre sur un territoire aux portes de l’union européenne. On est choqué. Elle l’est déjà ailleurs dans le monde en orient notamment où la réaction chez nous est moins grande pour des motifs divers sauf en ce qui est l’immigration.  La politique internationale, les intérêts des puissances, les égos démesurés, et les rancœurs historiques entrainent souvent des conflits. La mobilisation est générale dans les esprits évidemment pour ceux qui ne sont pas en première ligne et les conseilleurs ne peuvent être les payeurs. Les va-t’en guerre défensive pour des raisons idéologiques et des raisonnement tirés des Ong ou de Saint -Germain des prés avec la réponse du faible au fort doivent mettre un silencieux, sur leur verbe bien sûr ! Des êtres humains ont perdu leurs libertés voire leurs vies et souffrent. Il faut les aider sans restriction. Chacun a son opinion sur l’origine de la lutte armée mais quelles que soient ses raisons l’agresseur a tort. La force ne résout rien. Elle envenime et laisse des séquelles. L’histoire nous l’a appris. Les sentiments submergent mais la diplomatie doit gagner. La Russie ne pourra triompher car elle est déjà au ban des nations. Il faut négocier, concilier et qu’il n’y ait ni vainqueur ni vaincu. Facile à écrire j’en ai conscience. Mais l’avenir est en jeu et nos libertés collectives avec. Il faut réfléchir à deux fois avant de s’emparer de la liberté comme d’un étendard qui peut être aussi belliqueux que défensif. Et ne pas affirmer qu’on ira au bout (de quoi ?), qu’on ne cédera jamais : paroles verbales ! Eugène Delacroix a peint la liberté guidant le peuple. Il peut arriver que l’on n’aboutisse nulle part ou qu’il faille retourner en arrière, les divers printemps politiques nous l’ont montré. Mais espérons, car les démocraties sont la seule solution possible et souhaitable.  Avant d’être guillotinée Mme Rolland a soupiré : « Ô liberté que de crimes on commet en ton nom ».

Comparaison n’est pas raison mais il faut savoir parfois en profiter pour réfléchir sur nous- mêmes et voir si on n’est pas des enfants gâtés à propos de libertés. Nous avons l’habitude en France de disperser ou mépriser ce que l’on possède à profusion sans même s’en rendre compte. Le mot liberté est sur toutes les lèvres de nos concitoyens et on est prompt à dénoncer ce qui l’amoindrirait ou serait une atteinte forcément scandaleuse. Peut-on être plus mesuré dans les revendications et tolérant sans juger l’autre avec qui on n’est pas d’accord et en essayant de le comprendre sans l’approuver ou le persuader pour aboutir globalement à une société plus apaisée ? Ce qui n’enlève rien à ceux qui réclament un meilleur sort et combattent les injustices. La liberté qui se trouve sur le marché à l’étranger avec parcimonie et avec une loupe mais qui est plutôt en excellente diffusion en France doit se partager et ne pas être l’apanage de minorités inclusives ou de personnes qui pensent détenir la vérité. La collectivité a des droits. La liberté ne peut être illimitée sinon c’est le désordre et la loi du plus fort, et ne peut résulter que du résultat d’un dialogue objectif. Les ayatollahs de la liberté tous azimuts me critiqueront. Mais j’essaie de ne pas galvauder ce qui est précieux et rare car les mots ont une signification et à trop les interpréter ils se vident de tout sens concret. Prenons dans notre pays peu suspect de dictature ou de totalitarisme les exemples du terrorisme et de la pandémie qui mettent à mal par obligation pratique l’absolu de la liberté. 

 D’abord le terrorisme a obligé nos dirigeants pour préserver nos libertés à faire voter démocratiquement des lois qui ont été qualifiées par certains de liberticides. C’est exact sur le principe. Des libertés ont été quelque peu rognées mais peut-on ne pas se préparer à se défendre contre des actes de guerre et à les sanctionner ,contre la destruction de nos valeurs, de nos choix collectifs, de notre civilisation. Nous avons une culture et un passé que nous devons accepter globalement avec le bon et le mauvais : Clemenceau disait que la révolution est un bloc. Qui peut sérieusement soutenir que le terrorisme n’est pas une attaque pour tuer et déstabiliser, qu’il vient de l’extérieur et encore pire de l’intérieur c’est-à- dire mené par des individus qui ont été élevés en France avec le principe liberté, égalité, fraternité et j’ajoute laïcité, et qui ont profité de la république ? Certes les dispositions légales prises pour lutter contre le terrorisme ont été incluses dans notre arsenal juridique. Et pourraient être utilisés contre ceux qui ne sont pas terroristes, mais délinquants de grande envergure, voire plus modestes ce qui est relatif pour les victimes. C’est un débat concernant l’aspect régalien de la campagne présidentielle et surtout législative qui va suivre. Qui va oser plaider pour les libertés individuelles absolues ? Qui accepterait que le pouvoir exécutif ne prenne pas des dispositions pour protéger la population innocente et pour punir ceux qui nous agressent. Il suffit de lire les comptes rendus de l’actuel procès d’assises qui juge les responsables des attentats de 2015 pour être convaincus que les libertés n’existent que parce que parfois il faut fixer des limites et dire non.Tendre la deuxième joue est réservé à ceux qui croient sans restriction en l’homme bon. Les humanistes ont le devoir de réfléchir et d’allier sagesse et grands principes avec ouverture d’esprit et fermeté.  Jean Bodin a écrit que la seule querelle qui vaille c’est l’homme. Mais parfois la réalité nous rattrape et la liberté peut avoir le visage de Janus. La guerre est une chose trop grave pour la confier aux militaires ou à l’émotion.  

Ensuite la pandémie qui est un autre exemple où les libertés ont été malmenées, mais dans l’intérêt collectif. Le pouvoir toujours avec des votes du parlement a pris des mesures provisoires qui ont concerné nos libertés, celles d’aller et venir, de fréquenter tel ou tel lieu, de devoir porter un masque, et a incité à la vaccination. Certains « résistent » (je n’insiste pas sur le grotesque outrancier de ce terme), car ils veulent être libres de leurs corps, de leur santé donc de mourir ou être malades mais selon leurs choix. Et bien sûr d’être pris en charge si nécessaire dans nos hôpitaux.  Au nom de leur liberté ils refusent toute directive gouvernementale servirait-elle à protéger le reste de la population. La solidarité ne compte pas pour ces rebelles de papier : leurs convictions dominent. C’est un débat de société pour riches puisque dans de nombreux pays il n’y a ni vaccin, ni hôpitaux, ni sécurité sociale, ni solidarité nationale. L’homme / la femme sont ce qu’ils sont avec leurs qualités et leurs défauts. Il faut essayer de les convaincre car le bien n’est pas une donnée naturelle, innée, surtout chez les autres. Il faut plutôt réfléchir au mal en général qui est beaucoup plus difficile à définir et à canaliser ce qui est aussi un problème de liberté(s).  

Descartes a dit que le bon sens était la chose du monde la mieux partagée. Je n’en suis pas certain. Mais je suis sûr que la liberté et la démocratie ne se monnayent pas. Chacun a le droit de vivre selon ses convictions bien que le moi soit haïssable selon Blaise Pascal. Dans le cadre républicain qui soude dans la nation avec ses valeurs et son histoire en ce qui nous intéresse, en écrivant partout liberté comme le poète Paul Eluard en …1942 !          

jeudi 24 février 2022

L’élection notion à géométrie variable ?

 

             L’élection notion à géométrie variable ?

               Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Alors même que la guerre a éclaté non loin de nos frontières, que le sort d’humains est en jeu et qu’il s’agit de la mise en cause de libertés et de souveraineté face à la force quelles que soient les raisons de l’agresseur, ce qui nous touche directement car on ne peut tolérer des violations du droit international et les rapports de force, la vie politique continue. Carpe diem. Car l’échéance finale approche et il ne faut pas rater le vrai départ. Pour l’arrivée c’est plus confus, des crashes sont prévisibles mais on verra. Notre démocratie y résistera.   

Le microcosme politique directement concerné se dispute doctement pour savoir si ce serait un déni de démocratie ou non si des candidats hauts dans les sondages- qu’il ne faut pas confondre avec le vote réel- ne trouvaient pas leurs 500 parrainages et ainsi ne pouvaient pas concourir à l’élection présidentielle. Leurs partisans ne supporteraient pas parait -il ce qu’ils appellent une inégalité de chance et un vice de nos règles de sélection ce qui dure cependant depuis plusieurs élections faut-il le rappeler. Et pourquoi sur les 42.000 élus parrains putatifs seuls environ 10.000 ont -ils répondu ? On devrait se poser cette question de fond à laquelle avec ma petite expérience d’élu local je réponds. Le maire d’intérêt communal déjà contesté pour pratiquement toutes les décisions qu’il prend même s’il les avait annoncées, n’a pas envie d’endosser une étiquette d’un parti qu’il va porter pour le pire et le meilleur pendant tout son mandat et ajouter une couche aux critiques voire agressions qu’il subit quotidiennement même à fleurets mouchetés car la plupart des citoyens sont indulgents et pas violents. Mais pas tous. Nos responsables politiques n’habitant pas systématiquement dans la France profonde et les petites communes où les rapports entre individus sont journaliers et pensant que la transparence devait être totale, ont voté la fin de l’anonymat des parrainages : en en voit le résultat. On assiste à des tractations curieuses puisqu’il est demandé à des potentiels parrains de présenter celui dont ils sont le plus éloigné- c’est du masochisme- et qu’ils ne soutiennent pas. Merci pour cette obscure clarté. L’électeur qui est libre et qui est enjoint de ne pas s’abstenir devra s’y retrouver mais il ne faudra pas ensuite le critiquer si le vote final n’est pas celui qui est attendu et considéré comme démocratique ! Les conseilleurs seront les payeurs ce qui changera.

Qui a intérêt à quoi dans cet imbroglio électoral ? Alors que la règle est ancienne, en 2022 c’est un drame bien qu’aucune majorité politique dans les années passées n’ait vraiment cherché à modifier la loi. La majorité du corps électoral se soucie peu du problème des parrainages car on aura quoiqu’il arrive un(e) élu(e). Le ou la battue estimera qu’il ou elle aurait dû gagner et que des trahisons l’ont plombé et que l’élu (e) n’est pas légitime car son score du 1er tour était étriqué. Ceux qui n’ont pas gagné au tirage des parrainages contesteront tout en prétendant que leurs idées -forcément merveilleuses- n’ont pas été débattues et qu’ainsi le citoyen n’a pas été informé comme il aurait dû l’être. Que sa liberté de choix a été amoindrie. Le grattage n’est donc pas payant.

C’est prendre l’électeur pour un légume - je m’excuse de cette comparaison auprès des végans- et je ne crois pas que le citoyen français certainement l’un des plus politiques au sens civique et non partisan au monde puisse être dupé par ce genre d’arguments simplistes En revanche il appartient au citoyen d’être plus démocrate que la classe politique qui s’est lancée dans cette élection dans un concours de démagogie, de débauchage, de mercato de personnalités qui souvent ne représentent qu’elles, sans pour autant nous expliquer leurs programmes et surtout la faisabilité de ceux -ci (qui va payer quoi puisque les caisses sont vides pour longtemps), sans modifier tout notre arsenal juridique, ou changer la constitution de fond en comble voire la république, ou substituer des quidams tirés au sort à la place d’experts ou des représentants élus, ou ponctionner les riches, ou de déconstruire en peignant tout en vert ou en écrivant en écriture inclusive (difficile à déchiffrer) et non genrée ou racialisée…  Que veut dire participer à une élection, sauf à élire seulement une personnalité qui va incarner le pouvoir sans avoir raison sur tout et que l’on aime plus ou moins. Puis mettre en musique la composition des musiciens que sont les citoyens et accorder les instruments pour éviter la cacophonie ? 

Elle sert à conforter la démocratie c’est-à -dire le gouvernement du peuple en toutes ses composantes parfois contradictoires en lui permettant de les exprimer et de les faire reconnaitre, et par le peuple ce qui est complexe à mettre en pratique surtout par ces temps de burn-out. Etienne de la Boétie avait écrit en 1576 le discours de la servitude volontaire. A notre époque où toute autorité est assimilée à du totalitarisme, où toute contrainte même librement consentie et votée démocratiquement car justifiée dans l’intérêt général est considérée comme liberticide, l’art et la méthode de gouverner sont devenus épiques. L’élection est faite pour rassembler sur les plus grands dénominateurs communs. Elle doit révéler ce qui fait sens, ce qui grandit, ce qui donne de l’espoir et entraine vers le haut. Elle a pour mission de rassurer ceux qui doutent, protéger tout le monde, donner sa chance à égalité de naissance, de déterminismes. L’élection n’est pas faite tous les 5 ans pour gouverner tranquilles sans avoir à rendre des comptes. Mais l’élection c’est aussi de la responsabilité des électeurs. Il est facile de s’abstenir au prétexte que l’on n’entend pas ce qui nous plait ; que les candidats sont médiocres et les promesses jamais tenues ; que le citoyen n’est pas suffisamment consulté et écouté ; qu’il y a des plus égaux que d’autres ; qu’on n’a pas le temps d’aller au bureau de vote ; ou élection « piège à cons » comme en mai 68…

 L’actualité géopolitique sur à peu près tous les continents où les bruits de bottes remplacent ceux des urnes et désormais près de nous, devrait nous inciter à nous ressaisir et aller voter en masse puisqu’on en a le droit. L’élection n’est pas une notion à géométrie variable que l’on utilise au choix, quand on veut, si l’on veut. C’est une obligation permanente et il suffit de se rappeler les combats passés avec des morts dans l’histoire pour être convaincu que l’on ne peut se dérober. Soutenons ceux qui se battent actuellement pour leurs libertés en votant chez nous pour montrer la voie. Les intérêts des nations sont fluctuants et fragiles. Parfois ils tiennent à un pouvoir idéologique, à une volonté de puissance, à un dirigeant qui comme la grenouille veut se faire aussi grosse que le bœuf.     

lundi 14 février 2022

L'Etat a- t-il encore des droits ?

 

                  L’Etat a -t-il encore des droits ?  

                 Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Les débats qui opposent désormais parfois violemment les individus aux pouvoirs tournent autour du même thème : l’Etat peut- il imposer une contrainte quelconque à un citoyen qui se revendique de ses libertés comme par exemple celle de faire ce qu’il veut de son corps et de sa santé serait- ce contraire à l’intérêt général ? La pandémie qui n’en finit plus illustre cette question. L’Etat qui défend l’intérêt collectif a-t-il des droits ? Chacun a pu constater que les démocraties selon le modèle occidental affrontaient les mêmes écueils. Les autres démocraties sont souvent plus proches de l’autoritarisme, de la dictature ou sont des théocraties chez qui on n’ergote pas et où l’on commande sous peine de sanctions parfois définitives.   

Dans les régimes libéraux avec toutes sortes de nuances sur cette appellation, le quidam pour qui on gouverne n’accepte plus de suivre aveuglément les lois bien que discutées et votées selon le processus législatif si elles sont contraires à ses convictions ou à sa conscience ou pour d’autres motifs personnels. La désobéissance civile est revendiquée. Des groupes de citoyens refusent de suivre des injonctions gouvernementales au prétexte que les dirigeants n'y connaissent rien car ils sont loin de la base et que les experts ou les technocrates n’ont pas de bon sens. Ou sont accusés de vouloir imposer une doxa qui vient de l’extérieur comme l ‘union européenne. Chaque individu considère que la démocratie est faite pour qu’il puisse exercer ses droits et que les devoirs concernent les autres.

La démocratie telle qu’elle existait jadis n’a plus la même signification pour beaucoup de personnes. Traditionnellement elle était la gouvernance par et pour le peuple à travers des corps intermédiaires et l’élection par le suffrage universel donnait la légitimité. L’Etat incarne cet équilibre librement consenti. La constitution fixe l’organisation des pouvoirs qui doivent se neutraliser de toute tentation hégémonique entre eux et faire en sorte qu’il ne puisse y en avoir un dominant. Ce n’est pas le règne absolu de la majorité (silencieuse) car les minorités sont protégées et entendues. L’état de droit permet de saisir la justice et de faire triompher son bon droit et ses doutes. L’Etat représentant la volonté générale était respecté et suivi. Ce n’est plus le cas. Même si les devoirs n’ont pas été détaillés par la déclaration des droits de l’homme, l’individu en connait la portée et sait que les valeurs républicaines celles qui sont communes à tous et permettent l’union doivent être suivies car elles visent l’universel donc le bien. A quoi désormais sert l’Etat ?  

L’individualisme a grippé la machine. Il se confond avec l’humanisme. Au nom de sa liberté chacun veut imposer ses choix aux autres quitte à ne pas participer à l’effort de tous. En fonction de ses certitudes et de qui on se croit, on n’a jamais prononcé autant d’interdictions. Il suffit de se dire choqué et on obtient satisfaction :  l’Etat recule ou se couche. S’exprimer devient délicat puisque désormais ce sont les tribunaux qui déterminent ce qu’il est possible de dire ou non. Manger et boire, conduire et rouler, se chauffer, vivre comme on l’entend sont sous la vigilance des procureurs de morale. On est requis d’approuver tout ce qui est dit progressiste de l’humain au vivre ensemble. Et tout ce qui n’est pas dans les normes des minorités est nauséabond, rance. Le nez remplace l’esprit. Cyrano de Bergerac aurait beaucoup de travail. Je n’entre pas dans le débat de ce qui est une chance pour la France. Chacun a sa réponse valable à condition qu’il y ait nation c’est- à- dire le partage de valeurs acceptées par tous, un destin commun, des efforts à égalité et la tolérance pour l’ensemble. Il ne peut y avoir des plus égaux que d’autres ou des communautés à part pour diverses considérations.  C’est pourquoi on a besoin d’un Etat puissant et agile pour que les règles du jeu public soient respectées.

L’Etat symbolisait jadis la neutralité et permettait l’application des principes. Si nécessaire il l’ordonnait. C’est changé. Il n’a jamais été autant décrié. Il est attaqué en justice pour des raisons multiples. L’Etat est un justiciable comme un autre. Les tribunaux lui donnent des injonctions de faire sous peine d’astreintes. L’exécutif est sanctionné, le législatif l’est aussi. On lui demande d’être principalement un distributeur de droits sur le bien- fondé desquels il n’a pas à porter d’opinion. Certains lui préfèrent les comités citoyens, pensent qu’avec quelques clics la consultation populaire est faite et doit être entendue. La vox populi et l’émotion vaudraient loi ce qui serait de la démocratie directe.

Chacun a pu constater que l’Etat n’avait plus le monopole de la violence légitime. Des groupes sont violents au prétexte que l’Etat les provoquerait notamment socialement, qu’il domine, qu’il réprime, qu’il est liberticide. On combat ses fonctions régaliennes. L’Etat ne doit plus être le garant de la cohésion nationale mais le gérant des polémiques et le pompier des incendies causés volontairement dans tous les domaines : les incendiaires se revendiquent de sa protection. L’Etat n’est plus considéré comme le défenseur naturel de l’intérêt général. Il est en concurrence avec des particuliers qui pensent détenir la vérité et qui n’ont que les mots libertés et démocratie à la bouche et avec des entités qui ne voient que leurs avantages. L’Etat est vilipendé lorsqu’il ose évoquer des devoirs ou des contraintes justifiées. Il doit obéir aux oukases et il doit exécuter ce que la rumeur propage.

N'est pourtant pas louis XIV qui veut pour dire l’Etat c’est moi. Il y a manifestement des usurpations d’identité. On craignait l’Etat Léviathan ou Big Brother mais l’Etat s’est vidé de sa substance et il est devenu un moyen au service de quelques-uns et des plus bruyants. La bureaucratie anonyme qui sert l’Etat a augmenté au point de tout compliquer. Mais on n’a pas rénové l’Etat ce qui devrait être un sujet de la campagne présidentielle pour définir ses fonctions prioritaires et lui donner des moyens avec de l’autorité.  

J’aimerai que l’on m’explique comment la société marcherait sans Etat, sans règles obligatoires, sans directions ou objectifs, pour assurer la protection, la redistribution, la solidarité, l’égalité, les libertés et le respect des autres.

L’état de droit permet de vérifier que le pouvoir n’abuse de rien, qu’il respecte les lois et règlements, favorise les libertés et donne l’exemple. Le peuple est souverain mais il a besoin d’être dirigé selon son consentement à travers les normes légales et l’Etat. C’est le pacte social. Ne dégageons pas ce qui marche mais réformons-le par plus de participation citoyenne. Tout pays privé d’Etat court à la catastrophe. Ne galvaudons pas la démocratie républicaine en faisant preuve de démagogie et d’utopie. A ce sujet le chancelier d’Angleterre Thomas More en a perdu sa tête. Il était aussi humaniste.          

         

lundi 7 février 2022

plus on est de fous moins on rit

 

                 Plus on est de fous moins on rit.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Une élection présidentielle c’est sérieux car l’avenir du pays est engagé pour 5 ans voire plus selon les mesures qui seront prises. Si on s’est leurré on ne peut rectifier et engager contre le candidat devenu élu qui a failli un procès civil en dommages -intérêts. Alors que tout   professionnel dans son activité peut voir sa responsabilité engagée en cas de faute ou de préjudice causé par son action ou ses erreurs, le politique ministre est à l’abri de toute poursuite judiciaire sauf devant la cour de justice de la république dans des conditions strictes. Le chef de l’Etat est irresponsable pénalement pendant son mandat. Si le programme choisi et mis en œuvre conduit au désastre voire à la faillite on ne peut s’en prendre qu’à soi-même et regretter son bulletin de vote. Mais c’est tout et l’individu paie les conséquences de son choix. C’est dire si la désignation des candidats par des partis politiques ou à l’issue d’une consultation baroque est importante. Le citoyen doit peser son vote au trébuchet et aller aux urnes ce qui est le devoir minimum de l’électeur. L’abstention n’est pas une option. A défaut il ne pourra que se lamenter de son propre manque de civisme.

Le proverbe dit que plus on est de fous plus on rit. Mais nous n’avons pas de « fous » sauf s’ils ont échappé à ma vigilance .On dispose de ceux ou celles qui croient au miracle par leurs idées ou qui s’y croient avec un ego démesuré comme si sans eux le monde s’effondrerait. Parmi eux certain(e)s sont crédibles. Nous avons actuellement pléthore de postulants qui nous veulent tous du bien ce qui m’émeut avant la vérification que le candidat pour concourir a bien reçu 500 parrainages. Cette règle est destinée à éliminer toute « personnalité » auto déclarée portant un projet et se disant représentatif, mais qui ne fait en réalité que sa publicité ou incarne un lobby ou une idée plutôt fantaisiste, voire une minorité très agissante mais sans aucune audience affirmée. Avant de vouloir convaincre 47 millions de votants encore faut-il persuader 500 parrains qui sont des élus donc au contact du peuple. On sait ce que valent les sondages à un instant précis. Ce n’est pas ce qui donne des droits. Ils reflètent des espoirs, une possibilité mais ils ne peuvent conférer un ticket automatique à être présent dans la course au titre suprême. J’entends ceux qui ont du mal à se faire parrainer et qui disposent d’un électorat potentiel hurler à l’injustice et au déni de démocratie. Ils ont tort. La démocratie n’est pas l’absence de normes et le bon plaisir de chacun. On pourra revoir la loi mais pas pour avril 2022 c’est trop tard. Changer brusquement de règle du jeu alors que le match est commencé est injuste et conduit à la confusion : carton rouge.  

 Après le grattage il y a une chance au tirage ultérieur. Dans la foulée de la présidentielle il y a les législatives qui sont le plus important car un président de la république sans majorité parlementaire ou avec cohabitation politique est un incapable majeur : il ne pourra pas exécuter son programme. Pour être député il n’y a pas de filtre, tout le monde hélas peut être candidat. L’électeur partisan ou non décide. Je préfèrerai des candidats expérimentés professionnellement ou par l’élection de terrain avec cumul possible car être législateur ne s’improvise pas et la formation continue en urgence ne pallie pas l’amateurisme. Il sera ensuite possible pour les années à venir par une réflexion sereine d’instaurer une dose de proportionnelle pour que chacun s’estime être représenté. Mais attention au puzzle ne faisons pas un retour vers le futur. Le parlement ne peut être le lieu unique où tout se décide au nom de la transparence et l’information du peuple. Nos parlementaires ne sont pas là pour faire admettre leurs opinions personnelles avec leurs préférences de société, et obliger les citoyens à un progressisme forcené en voulant changer la vie. Qu’ils se contentent de faire des lois générales et efficaces, ce serait bien. On a besoin aussi d’un patron qui n’est pas omniscient ou jupitérien. Mais il faut de l’autorité, de l’impulsion. La démocratie n’est pas le laisser faire-laisser aller ou de la discussion sans fin. Il est possible aussi de décorréler l’élection des députés de celle du président et d’instaurer des élections à mi- mandat pour vérifier que la majorité est toujours en phase avec le peuple. On serait ainsi condamnés avec joie ou regrets à 5 ans de présidence ferme, mais avec une permission de sortie conditionnelle au bout de 30 mois.   

 On a les élus que l’on mérite. La démocratie est la loi de la majorité et elle a aussi pour vocation à protéger les minorités de tout abus. Ce n’est pas le contraire : les minorités ne gouvernent pas et ne peuvent exiger ce qu’elles réclament au prétexte qu’elles seraient discriminées ou dominées et que de ne pas leur donner raison serait autoritaire. On fait confiance à nos dirigeants à condition qu’ils ne soient pas eux même sous l’emprise d’idéologies ou de bureaucrates ou de la grande finance et de groupes de pression qui n’ont aucune légitimité. Ils doivent rester humbles et ouverts. Corneille l’a déjà dit : « Pour grands que soient les rois ils sont ce que nous sommes : ils peuvent se tromper comme tous les autres hommes » (ou femmes).   

Le quidam croit qu’il a plus la science infuse ou du bon sens que l’expert, le technocrate formé voire l’élu national loin du terrain qui défendraient surtout leurs intérêts. Il aime les comités dits citoyens tirés au sort. Cela se discute car l’électeur pense à lui aussi ce qui est humain, n’est ni forcément compétent ni exemplaire à titre personnel et ne peut donner de leçons. Le citoyen a un rôle actif. Il est responsable pour qui il vote et de ce qu’il advient. Rira bien qui rira le dernier.

Nous avons une candidate nouvelle potentielle de plus. Mme Taubira récidive. Personne n’a oublié ses prises de position quand elle était Garde des Sceaux, son talent oratoire étant exceptionnel reconnaissons-le. A bas les partis pourtant prévus par l’article 4 de la constitution comme concourant à l’expression du suffrage populaire. Elle a été désignée par quelques centaines de milliers de clics dont on ne sait pas d’où ils viennent et de qui. Ces anonymes se sont prononcés sur un panel de personnalités qui n’avaient rien demandé à personne et qui contestent le scrutin et les résultats proclamés. Mme Taubira a triomphé avec mention bien. C’est un mode de désignation curieux. La démocratie a des travers parfois étranges. L’électeur devra élire celui ou celle qui est le plus capable d’agir et de rassembler puis renvoyer dans leurs foyers ceux et celles qui jouent avec le suffrage universel ou les peurs ou le déni de la réalité et qui ne peuvent apporter l’union car les problèmes à régler ne prêtent pas à sourire et à l’improvisation. Plus on est de fous moins on rit.            

mardi 1 février 2022

Qui est pour le désordre ?

                        Qui est pour le désordre ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

C’est devenu paradoxal tant on entend tout et son contraire par ces pré-débats présidentiels. Les repères politiques classiques volent en éclats. Au-delà de l’étiquette affichée on ne sait plus bien qui est vraiment de gauche ou ailleurs et qui est à droite puisque chaque candidat déroule son catalogue de mesures et qu’elles sont souvent semblables avec des nuances dans la méthode ou les effets. Comme au patinage artistique il y a des figures imposées pour causes budgétaires et citoyennes et des figures libres où l’imagination est au pouvoir. Le citoyen sceptique notera et décidera du vainqueur.

Une proposition fait cependant l’unanimité : il faut augmenter le Smic entre 1400 euros et 1500 euros selon la majorité des candidats voire plus s’il faut faire payer les riches notamment les employeurs. On attend de savoir comment c’est possible avec les sous de qui puisque l’Etat ne peut obliger les patrons à payer et qu’il doit commencer par ses fonctionnaires. Il y a aussi des divergences connues. Pendant le débat animé par M. Hanouna, M. Zemmour a parlé de grand remplacement et M. Mélenchon a évoqué la créolisation. Puis ils se sont insultés. Bravo à tous les deux en matière d’exemplarité, de modération et d’éducation eux qui veulent rassembler les français et apaiser les esprits.

Un autre sujet sensible est abordé curieusement : vivre en paix partout et pour tous. On parle de sécurité et justice. Dès qu’un candidat dénonce la délinquance qui grandit et pourrit la vie des braves gens, demande des sanctions fermes pour l’exemple et que les coupables exécutent leurs peines même de courte durée et indemnisent les victimes c’est l’indignation de prétendus tolérants et bien -pensants. Ils vivent souvent hors des quartiers concernés et n’ont jamais subi aucun préjudice personnel mais ils sont bruyamment outrés que l’on ne fasse pas confiance à l’individu. Si on ajoute que l’on souhaite que la justice soit moins laxiste et tienne moins compte de fumeuses excuses sociologiques, sociales ou raciales, on passe ipso facto dans le camp des méchants. Mais la société a évolué et le comportement des individus portés à la violence aussi en se justifiant par leurs libertés. Il va falloir adapter notre législation et notre philosophie de l’humain à l’état réel de la société et des conduites individuelles quelles qu’en soient les raisons. L’autorité n’est pas un gros mot y compris dans la sphère privée et les familles. Le sentiment d’insécurité est un leurre. L’insécurité est. Les bons sentiments peuvent tromper.

Dès l’instant où l’on réclame non de l’idéologie mais du bon sens on s’expose à être catalogué au moins comme fasciste, comme partisan d’une gouvernance sans cœur, de vouloir un Etat Léviathan, d’être liberticide en attaquant les libertés fondamentales. On est taxé d’être extrémiste de droite naturellement puisque l’extrême gauche est morale de droit et dans le camp de la générosité. On est du parti « de l’ordre » donc de la contrainte, de la force même légitime ce qui contrarie ceux qui doivent obéir, les « pauvres » ou forcément des dominés. Comme si l’électeur qui est d’abord un citoyen ne comprenait rien et votait bêtement. Il approuve d’ailleurs majoritairement les restrictions collectives. JJ. Rousseau écartait les faits quand ils ne collaient pas avec ses affirmations et raisonnements.     

Par opposition y aurait-il donc un parti du « désordre » le camp du bien, qui serait composé par les libertaires, tous ceux qui sont contre quelque chose, qui combattent l’Etat qui pourtant leur garantit leurs libertés, qui n’acceptent la loi que si elle les arrange, qui ne voient aucune limite aux libertés individuelles et aux demandes des minorités, heurteraient-elles le plus grand nombre et seraient-elles contraires à l’intérêt général et qui décrètent qu’ils savent, qu’ils ont raison ?

La question est de savoir où mettre le curseur entre les nécessités de l’ordre public qui protège et le respect des libertés de toute nature. Il ne s’agit pas de sacrifier les droits au profit de devoirs et d’affaiblir les principes universels de la république. Nous sommes dans un état de droit avec des élections à tout niveau politique comme professionnel, des comités citoyens pour tout problème, des recours possibles contre toute décision publique, un conseil constitutionnel et de nombreux tribunaux même si ceux- ci ont quelque peu perdu la confiance des justiciables pour diverses considérations. Notre démocratie fonctionne même si on peut encore y améliorer la participation citoyenne. Rien ne laisse présager et nos institutions sont solides à cet égard que l’on se dirige vers un régime sanitaire ou autre totalitaire. Certes l’état d’urgence et les lois votés après les attentats de 2015 ont été plus ou moins intégrés dans le droit commun. Certes encore en raison du virus des mesures exceptionnelles ont été prises dans notre arsenal juridique. Il faudra les démanteler dès la fin de l’épidémie.

 Mais ces circonstances conjoncturelles ne caractérisent pas la volonté de nos politiques quelques soient leurs camps d’en venir à un gouvernement à poigne pour ne pas écrire réactionnaire ou autoritaire voire dictatorial selon les adeptes du grand soir. Qui y aurait intérêt ? Pas le peuple évidemment même s’il est actuellement excédé. Avec son bulletin de vote le citoyen recherche la tranquillité y compris d’esprit. La chienlit ne la favorise pas. La souveraineté populaire a besoin de stabilité et de débats publics sereins.   

Le parti de l’ordre a existé en 1848 sous la 2ème république avec Adolphe Thiers, Odilon Barrot, Alexis de Tocqueville. Leur slogan était « ordre, propriété, religion » et ils voulaient le retour de la monarchie. Ils ont été battus puis ont disparu politiquement. Personne ne mène plus ces combats car la société de 2022 a d’autres préoccupations. Il est donc ridicule d’insulter un adversaire en l’accusant d’être un candidat d’ordre ce qui sous-entend qu’il est dangereux. N’est pas « Big Brother » qui veut.  A rebours tout candidat qui ne se préoccuperait pas de ce sujet régalien ou qui serait dans le déni ou avec des explications alambiquées serait défaillant au-delà des autres difficultés urgentes à traiter et résoudre.

Ordo ab chao selon la vieille formule latine oblige en cas de désordre ou de désorganisation de la société pour des motifs aussi justifiés que parfois fantaisistes à remettre les choses dans le droit chemin. Rappelons-nous la certitude du père Henri Lacordaire : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Ordre et libertés sont compatibles et l’humanisme en découle.  Désordre et libertés illimitées ne peuvent que conduire à l’échec et à fracturer la nation

Salut l’artiste

 

                                Salut l’artiste

               Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 Il n’y a personne qui n’aime pas le divertissement vivant par ces temps moroses, les décors, la musique, les lumières et surtout celui ou celle qui par son talent apporte un supplément d’âme ou de bonne humeur, nous fait rêver ou nous conduit sur les hauteurs vers des sphères inconnues qui nous donnent l’espoir. Les clowns nous donnent de la joie, et parfois des professionnel(le)s de la politique aussi même involontairement. Tout le monde veut en profiter, pouvoir être joyeux pour évacuer le stress des évènements actuels et les menaces que l’on entend régulièrement. La société du spectacle a besoin de participants.

La vie publique n’échappe pas à ce besoin. Chacun sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, mais il faut se raccrocher à quelqu’un ou à un programme pour que l’avenir soit plus attrayant et que nos efforts soient payants. On veut y croire. Les campagnes électorales ne sont en général pas des périodes où l’on s’amuse sauf si les candidats commettent des bourdes, endossent des costumes qui leur seront reprochés, que la justice brusquement s’en mêle en poursuivant pour une affaire croustillante concernant la vie privée fiscale ou de mœurs ou publique avec un petit détournement ou un abus présumé. La présomption d’innocence est remisée au placard, et quand les boules puantes sont lancées on dit que cela ne nous regarde pas mais on est attentif. On peut en rire, jaune naturellement.

 On nous propose aussi des animateurs de débats politiques comme M. « Baba » Hanouna dont son émission est un modèle de violences verbales, de sujets sous la ceinture, d’invectives et d’exagérations nulles pour ne pas les qualifier autrement prononcées par des incompétents, des sectaires, ou par des gens qui n’ont que leur personnalité comme bagage. Le niveau monte ! Mais comme il faut faire moderne M. Baba plait, y compris à Mme Schiappa ministre chargée de la citoyenneté et à d’autres personnalités du monde politique car il est censé avoir l’oreille des jeunes qui sont plutôt abstentionnistes. Et qui sont vite saoulés. Il est vrai que les vieux citoyens - la majorité silencieuse - portent souvent un appareil auditif qui filtre les déclarations et les bêtises, et que les pitreries de M. Hanouna et de ses invités les interpellent moins. Mais cela ne les empêchera pas d’aller voter.  MM. Zemmour et Mélenchon ont débattus sous l’autorité de Baba, se sont presque battus au moins verbalement en s’insultant et le match fut nul, en tous les sens du terme. Vive le show. 

 Ces outrances de la démocratie qui exige la transparence pour les autres que soi sont un passage obligé car l’électeur a besoin de savoir à qui il a affaire, presque de toucher physiquement le candidat et croire qu’il est son sauveur. Les meetings font partie de la campagne électorale. Le fond de ce que propose le candidat est fondamental bien qu’il se réduise en slogans, mais dans notre société du spectacle la forme est essentielle. Il faut savoir innover.

Un meeting politique c’est la réunion d’affidés, de partisans, de laudateurs, réunis dans une salle, avec un décor tricolore, des jeux de lumière, des écrans géants, une musique choisie par le candidat qui galvanise ; puis des chauffeurs de salle qui mobilisent les troupes en dénigrant les adversaires et en encensant le candidat qui fera ce qu’il dit même si on ne sait pas s’il aura une majorité parlementaire ou les moyens de ses ambitions. Enfin l’idole parait celui ou celle qui marche sur les eaux qui vont le porter tel un tsunami vers l’Elysée. C’est beau, c’est poignant, c’est encourageant. On termine par la Marseillaise reprise en chœur, on crie plusieurs fois avec force on va gagner, et le candidat reparti, chacun rejoint ses pénates et reprend le cours ordinaire de sa vie, en priant pour que son candidat persuade une majorité et soit élu. Les feux éteints c’est un exercice un peu tristounet, convenu et attendu, un peu « chiant » si je reprends le vocabulaire Hanounien, mais nécessaire pour souder les militants qui diffuseront la bonne parole et qui auront vu de leurs yeux vus le futur président de la république. Celui-ci ne guérit plus les écrouelles mais qui sait ? et pour lui on arpente les marchés.  

Je n’ignore pas que ce que je décris est considéré comme ringard, dépassé par les réseaux sociaux, les débats à la télévision, les formes de communication par internet et autres moyens de faire connaitre qui on est et ce qu’on propose. Mais il faut des meetings en chair et en os quelles que soient les règles sanitaires et les restrictions qui permettent au candidat de quitter Paris, de venir sur le terrain dans la boue de la ruralité, et de faire savoir aux présents qu’il les aime et fera tout pour eux, néanmoins à tour de rôle selon le thème qu’il développe et le public présent. On peut adapter ses propos à la conjoncture.

M. Mélenchon vient de frapper fort. En 2019 pendant la campagne des européennes il avait délégué un hologramme dont il va encore se servir pour la campagne présidentielle 2022. Ce sera un Mélenchon pour le prix de plusieurs. Ceux qui ne l’aiment pas vont pâlir. Mais il mérite le prix de l’innovation ce qui est déjà une victoire, peut- être la seule ? Il a tenu un meeting immersif, tout le monde n’a pas fini noyé je rassure. On ne sait pas ce qu’il a dit de nouveau sur le ton « modéré » que l’on connait et que les militants veulent entendre. Mais peu importe le contexte a été génial. On aurait dit de l’art abstrait, surréaliste, branché. Les murs étaient des écrans lumineux avec des images, les plafonds étaient recouverts de panneaux de leds, le son était spatialisé, des masques (mais pas des bandeaux et des boules quiès) étaient distribués aux participants. L’orateur en a mis plein les yeux et plein les oreilles. Je ne sais pas s’il a gagné des points dans les sondages, mais il n’a pas perdu la bataille de l’écume, du secondaire et du spectacle digne du Futuroscope. Et le clou était la diffusion de parfums pendant le discours. Ceux qui déjà ne sentaient pas M. Mélenchon s’indigneront et ne changeront pas d’avis même si ses arguments ont l’odeur de la rose ou la senteur envoûtante du cannabis qui rend euphorique -parait -il -ceux qui l’absorbent. Mais quand même salut l’artiste !   

   

jeudi 20 janvier 2022

Elites contre élites

 

           Elites contre élites ou ordre et contre ordre.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Les français aiment critiquer ce qu’ils appellent les « élites » ou experts qui sont loin du peuple et la bureaucratie anonyme et tatillonne qui pense être le garant de l’intérêt général. Mais il arrive que les élites se combattent entre elles. Le citoyen compte les points et essaie de s’y retrouver puisqu’on gouverne pour lui. 

Le gouvernement se décarcasse pour essayer d’enrayer les effets du virus qui circule et tente de trouver des solutions qu’il voudrait quasi obligatoires pour imposer le passe vaccinal et des mesures de protection partout y compris à l’extérieur malgré le débat sur l’efficacité ou non de se protéger dehors. Les parlementaires s’écharpent.  Les préfets s’activent concernant leurs territoires et ce qui est valable à un endroit déterminé ne l’est pas pour un autre. Le virus est donc à danger variable selon les lieux à l’air libre ou non.

Ce qui caractérise la démocratie c’est l’état de droit, c’est-à-dire pour chaque individu ou un groupe l’opportunité de contester les décisions prises par le pouvoir exécutif. Pour cela il faut exercer un recours administratif et à des juges dédiés ou s’adresser aux magistrats c’est-à-dire à l’autorité judiciaire selon la terminologie de la Constitution, qui n’est pas un pouvoir mais qui tend à l’être. Les juges ne sont pas une sous-catégorie d’élites. On se rappelle la théorie de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) chère à Montesquieu qui rejetait l’absolutisme et donc tout abus de pouvoir.   

La crise sanitaire n’a pas échappé à la confrontation avec ce qu’on appelle les élites à savoir des individus soit élus soit nommés par le président de la république et tous les hauts fonctionnaires pour la plupart énarques qui les conseillent et mettent en forme écrite les décisions prises. Dans cette catégorie très supérieure s’ajoutent les juges qui ont pour fonctions d’être les protecteurs des libertés individuelles comme publiques et collectives.

Les juges sont beaucoup décriés. Les citoyens qui les saisissent de tout conflit, les considèrent comme étant une élite indépendante certes mais une élite ce mot fourre- tout contenant ce que chacun veut y mettre, autorités légales comme médias ou personnalités influentes ou avec un pouvoir dont dépend le sort de la société et des habitants. Parfois les élites s’affrontent entre elles. On a vu par exemple l’actuel ministre de la justice être mis en examen par des juges de la cour de justice de la république, et celle-ci convoquer pour interroger des ministres ou ancien premier ministre et conseillers politiques. Donc l’élite.

Dans l’organisation de la justice il y a les arbitres spécifiques du tribunal administratif qui a vocation exclusive à contrôler donc approuver ou annuler toute décision qui émane d’une autorité publique, ministre, maire, préfet, administration…C’est une juridiction qui pratiquement n’existe pas dans d’autres pays mais qui a été conservée depuis Napoléon pour des raisons propres à la France, l’Etat n’étant pas considéré comme un justiciable comme un autre. Cette juridiction est composée de juges qui sont la plupart du temps des énarques et règle les litiges qui viennent des services publics en général, et de l’Etat en particulier de plus en plus. Ce sont énarques contre énarques. Au sommet de la pyramide se trouve le Conseil d’Etat (équivalent de la cour de cassation pour la pyramide judiciaire).  

L’actualité démontre ce qui précède. L’arrêté préfectoral rendant obligatoire le port du masque en extérieur à Paris a été suspendu début janvier 2022 par le tribunal administratif de Paris. Cela ne veut pas dire que la décision est illégale à coup sûr et le tribunal dira plus tard en statuant au fond si toutes les garanties de légalité ont été respectées et si le port du masque était justifié et nécessaire sur l’ensemble de la ville, et strictement proportionné au but recherché à savoir la non- diffusion de l’épidémie et la protection des citoyens. En attendant il n’y avait provisoirement pas de masque obligatoire dans Paris. Cette décision rejoint celle du tribunal administratif de Versailles qui s’était prononcé dans le même sens pour le territoire concerné en jugeant qu’il y avait une atteinte excessive à la liberté individuelle. La justice a désavoué le gouvernement et c’est donc élites contre élites. Mais c’est une victoire à la Pyrrhus car le droit est souple et les énarques-juristes sont inventifs surtout si leur mesure a été retoquée. Après l’ordre il faut attendre le contre ordre c’est bien connu !

Il suffit à l’exécutif de donner des consignes en tenant compte des observations juridiques du tribunal et limiter l’obligation de porter le masque aux périmètres les plus à risques (marchés, arrêts de bus, gares, lieux de cultes, entrées de centres commerciaux, écoles et universités…). Il l’a fait aussitôt. Les préfets ont pu récidiver en publiant un nouvel arrêté motivé pour assurer le respect des gestes barrières qui est donc légal et sauf s’il y a encore un recours. Le citoyen vacciné trois fois peut cependant s’étonner : pourquoi un juge non spécialiste en matière de santé peut -il faire obstacle à une mesure sanitaire de protection collective préconisée par des spécialistes ? On répond que c’est au nom des libertés.

Il convient donc de séparer le but défini par les politiques et les moyens mis en place et gérés par les représentants de l’administration assurant la continuité du service public dans la rigueur et l’équité, enfin avec leurs qualités. Les énarques sont au four et au moulin. Ils définissent les moyens qui ne sont pas toujours de bon sens ou exagérés. Les intéressés ne sont pas en cause. Ils ne doivent pas être des boucs émissaires. C’est le système qui ne va pas en éliminant le citoyen qui a fait connaitre ses choix par l’élection et qui est aussi le contribuable donc celui qui paie et subit les erreurs et qui veut pouvoir vivre en liberté sans contrainte excessive. Le paradoxe d’une démocratie est que le citoyen qui est libre exige des droits illimités et pense qu’on lui rogne ses libertés malgré les menaces. Son ennemi devient l’Etat qui est pourtant le garant de ce dont il profite.

Le chef de l’Etat lui-même issu de l’énarchie a décidé de supprimer l’Ena. Une élite à vie ne lui a pas semblé être la solution surtout si elle doit passer par les fourches caudines des juges issus du même sérail.  On en arrive ainsi à opposer la justice défenseur des libertés individuelles ou le tribunal administratif qui veille au respect des libertés publiques et des grands principes collectifs, à la haute administration qui a la certitude d’être le défenseur unique de l’intérêt général. C’est un conflit de légitimités qui ne peut être réglé que par le politique car il représente le peuple ce qui n’est pas le cas d’une élite serait- elle infaillible.

On peut craindre que le citoyen ne s’y retrouve pas dans ces méandres de droit et ne reconnaisse plus ou pas les prétendues élites qui confisquent de fait la démocratie. C’est l’individu le bénéficiaire. Il y a urgence à simplifier le circuit de décisions et que le peuple y trouve sa place avant que la cocotte siffle trois fois et n’éclate.            

vendredi 14 janvier 2022

le citoyen présumé hors- la- loi civique.

 

             Le citoyen présumé hors-la- loi civique ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

La campagne électorale n’est pas encore vraiment commencée que déjà les noms d’oiseau fusent et que le langage s’est débridé y compris au parlement pendant les débats sur le passe vaccinal. Certains se réjouissent que les futurs électeurs comprennent bien ce qui se dit, d’autres jouent aux vierges offusquées et pensent qu’un chef de l’Etat ne devrait pas dire ça ou doit s’exprimer de façon plus châtiée. Peut-être que M. Macron est un émule du pas encore maréchal Cambronne qui avait répondu merde aux anglais ?  Chacun apprécie selon ses critères personnels car le fond et les vrais problèmes de notre société ne sont toujours pas abordés. On s’enlise dans le sanitaire et le chef de l’Etat a crûment indiqué que ceux qui refusaient de se faire vacciner n’étaient pas responsables donc ne méritaient plus la qualité de citoyens.

Mais peut -on perdre le titre de citoyen si on n’applique pas une loi qui n’existe pas- l’obligation vaccinale - un quasi écrit implicite qui contiendrait cachée une recommandation non contraignante et une interdiction de fait pour des libertés fondamentales comme celles d’aller et venir où l’on veut, participer à la vie sociale, dire ce qu’on pense et refuser d’obéir aux injonctions de l’exécutif qui croit bien faire ? Est-on irresponsable aux yeux du plus grand nombre si on refuse au nom de ses convictions de ne pas répondre à un appel gouvernemental concernant la sécurité collective, et devient-on un hors- la- loi putatif avec perte de citoyenneté ? Les tribunaux vont devoir trancher et peut-être contre les décisions du gouvernement : ce sera un match autorité judiciaire contre pouvoir exécutif donc une confrontation des légitimités au plus haut niveau de l’Etat au nom des libertés. La réponse juridique semble devoir être négative quoique le droit qui n’est pas une science exacte réserve des surprises comme les jugements et arrêts qui souvent dépendent de la conjoncture et de l’appréciation des juges. La loi est l’expression objective de la volonté générale discutée et votée par les représentants du peuple et on ne lui fait pas dire ce qui n’existe pas dans le texte sauf interprétation jurisprudentielle. La morale s’applique à des cas individuels et est subjective. Parfois loi et morale se confondent. On peut en discuter sans fin.

 Le citoyen est la reconnaissance pour un individu d’appartenir à une communauté nationale, à un Etat avec ses droits et devoirs. La citoyenneté s’exprime au travers le civisme avec le vote, la civilité envers les autres ce qui est le respect et pas la violence, et la solidarité surtout quand il y a des difficultés de toute nature ce qui est le cas actuellement. Le citoyen demande à l’Etat de lui garantir ses droits, en compensation de devoirs que l’individu accomplit librement. Être citoyen est un droit naturel et on ne peut perdre ses droits civiques que pour des motifs graves prononcés par un tribunal. Il n’y a pas de bons et de mauvais citoyens car personne n’a le monopole du bien et du mal et peut juger ce que le citoyen doit observer ou non. Il peut y avoir des irresponsables ce qui n’est pas nouveau mais on ne peut interdire de vivre ou priver de leur qualité de citoyens ceux qui ne respectent pas les dispositions sanitaires, fument ou se droguent, boivent, roulent en voiture très vite, ou prennent des risques divers. La surenchère n’aurait plus de fin et bien que l’on soit en période exceptionnelle, il faut essayer d’apaiser plutôt que de crisper. Les normes comportementales dans une démocratie n’existent pas encore. Ce n’est qu’en Afghanistan qu’il y a un ministère de la répression du vice et de la promotion de la vertu ! Si on va sur cette pente on va glisser très bas et on créera une liste à la Prévert qui n‘apportera rien, sera dangereuse et déchirera encore plus le lien social. On doit convaincre et aider ceux qui ne font rien pour se protéger eux-mêmes et qui considèrent qu’ils ne doivent suivre que leur loi, ovni sui generis. L’égoïsme ne passera pas.

Selon le principe de légalité base de notre droit il ne peut y avoir d’infraction sans texte formel et si la loi n’interdit pas on ne peut être coupable. L’article 5 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que : « tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ».  Il appartient au citoyen de prendre ses responsabilités. Mais il faut nuancer sur le droit à faire ce que l’on veut sans tenir compte des autres, car existent des délits avec ou sans un acte positif ou une omission comme la mise en danger de la vie d’autrui, la non -assistance à personne en danger, voire la non -dénonciation de crime ou de délit… C’est au juge de vérifier les faits et de les qualifier pénalement ou pas. Malgré la présomption d’innocence tous les citoyens-justiciables possibles peuvent être des coupables présumés.

La jurisprudence a créé aussi une notion qui étonne. L’abus de droit permet de sanctionner tout utilisation d’un droit ou une clause abusive qui dépasse les limites de l’usage raisonnable de ce droit. Cette construction prétorienne répond à l’intérêt général.

La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres a écrit John Stuart Mill. Un citoyen conscient de ses devoirs met dans la balance ce qui l’avantage ou ne lui nuit pas, et ce qui protège les autres. Ce n’est pas un problème de droit et de sanction ou de menace de déclassement civique. L’article 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen précise : « l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ». C’est l’évidence humaine. On veut tous vivre en bonne santé.

Albert Camus a écrit qu’un homme doit « s’empêcher ». Chaque citoyen quel que soit sa croyance doit participer à la bonne santé collective et à l’éradication de l’ennemi le virus selon sa manière, action qui ne peut être obligatoire car qui détient la vérité ? Personne, ni nos énarques ou politiques ni même les professeurs de médecine qui peinent devant ce qu’ils ne maitrisent pas. Mais pas non plus le quidam qui prétend en savoir plus que des spécialistes et qui n’a pas de responsabilités de droit ou d’élections. Appliquons donc le principe de précaution ce que tous les citoyens devraient approuver.

Sur le débat entre ce qui est interdit ou autorisé, Winston Churchill a eu la formule suivante : « En Angleterre tout est permis sauf ce qui est interdit. En Allemagne tout est interdit sauf ce qui est permis. En France tout est permis même ce qui est interdit. En Urss tout est interdit même ce qui est permis ».      

 

mardi 4 janvier 2022

le symbole

 

                                                   Le symbole.

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Après les vœux des années précédentes classiquement énumératifs que l’on écoutait d’une oreille bouchée, on en était presque arrivé à espérer que le président parlerait naturellement mais qu’il n’y aurait pas de vœux particuliers pour 2022, car ils avaient peu de chances d’aboutir. Rappelons-nous que le 31 décembre 2020 le président de la république nous avait souhaité une bonne année 2021 :  or parmi toutes les contrariétés ou malheurs habituels un nouveau venu à qui l’on n’avait rien demandé la covid-19 est alors apparu en ses états évolutifs et conséquences néfastes. On a fait avec en 2021 et le président nous a dit à la récente fin de l’année dernière avec ses souhaits et un quasi bilan de fin de règne, qu’on le maitrisait et que peut être on allait vaincre ce satané virus qui cause tant de dégâts en remettant en cause nos certitudes et notre organisation publique. J’espère que le chef de l’Etat a raison, c’est mon seul vœu.

 L’année 2022 commence bien.  On a parlé dès les 2 / 3 janvier 2022 du drapeau tricolore donc de la patrie. Divine surprise car ce vague concept pour certains était dit ringard voire belliqueux. Si cela continue dans la réhabilitation des valeurs on va enchainer sur celles de la république, pourquoi pas ensuite par ce qu’est la France dans l’union européenne que notre Président Macron préside, et on va terminer par un feu d’artifice dont nous avons été privés jusqu’au prochain 14 juillet outre la Marseillaise : on va se réjouir que la nation existe, que l’on puisse vivre tous ensemble malgré nos difficultés et différences, et que l’esprit et l’art de vivre Français qui ne se définissent pas mais qui sont un  modèle dans le monde, s’imposent aux yeux des pessimistes et dé -constructeurs divers et de ceux qui ne voient que le verre à moitié vide. Cela n’empêche pas de vouloir et faire en sorte que notre démocratie fonctionne mieux, d’avoir plus de solidarité et d’égalité, et de concilier la fin du mois avec les nécessités de la planète. Au revoir là -haut les idéologues, bienvenue ici -bas aux pragmatiques.

La bonne nouvelle est venue d’une polémique pas aussi subalterne que cela pour ceux qui l’ont initiée sur un sujet majeur même s’il y a des problèmes beaucoup plus graves. Mais tout est symbole on le sait ou le devine car au -delà de l’apparence il y a les principes et surtout ce qui permet d’agir. Je laisse le transcendantal à ceux qui croient. Pourquoi des générations qui nous ont précédé se sont -elles sacrifiées ? Que veut dire combattre dans le sahel aujourd’hui ? Des larmes, de la sueur et du sang sont-ils compatibles avec nos valeurs républicaines issues de 1789 qui encouragent par leurs interprétations contemporaines les droits individuels et la liberté personnelle, dans une société où on oublie les devoirs ? L’autre est-il un ennemi ou un adversaire, me menace-t-il et dois-je être tolérant avec lui ?

Et si tout simplement on aimait la France son pays ? Le drapeau est fait de chair et d’âme. On y adhère viscéralement, charnellement, parfois intuitivement.  En comparaison l’Europe est une désincarnation surtout par ces moments technocratiques et mondialisés. On ne va pas se battre pour la commission de Bruxelles ! Je crois qu’en cas d’urgence vitale nationale il y aurait un sursaut. On suivrait le drapeau tricolore fédérateur et porteur d’espoir. Mais je n’en ai pas la preuve. « Puisque ces mystères nous dépassent feignons d’en être les organisateurs » disait jean Cocteau. La querelle sur le drapeau nous donne l’occasion d’aller à l’essentiel. 

 Alors que l’emballage intégral par Christo de l’arc de triomphe où on ne voyait plus rien ni tombe ni drapeau avait entrainé une polémique uniquement esthétique, le 31 décembre 2021 l’Elysée a fait installer sous l’arc de Triomphe un drapeau européen pour fêter la prise de présidence de l’union Européenne par la France. Casus belli. Immédiatement des politiques classés à droite outre M. Mélenchon ont crié au scandale de ne pas voir le drapeau tricolore flotter aussi sous le monument qui avait été pris d’assaut et martyrisé par les gilets jaunes, le lieu chargé d’histoire devant échapper à leur raison de manifestants autoproclamés pacifistes et de bonne foi. Certes le drapeau tricolore n’est pas installé en permanence, mais il y est de façon immanente. Il est des lieux où souffle l’esprit. Certains socialistes et des verts ont approuvé que le drapeau bleu de l’Europe soit déployé, car il incarne la paix. M. Roussel candidat du P.C.F. a déclaré que le drapeau européen était synonyme de délocalisation, de désindustrialisation, de perte de souveraineté…pas moins. Mme Le Pen en urgence absolue a saisi le Conseil d’Etat -oui des juges que l’on honnit en général car ils se mêleraient de tout en étant partisans ou laxistes, ou les deux à la fois - On n’était pas loin d’une déclaration interne de guerre virtuelle, le drapeau étant le symbole de ce qui fait la France et le supprimer un acte de forfaiture ou une ignoble préemption déloyale de la campagne présidentielle M. Macron n’étant pas encore candidat. On avait l’habitude de le voir dans les évènements sportifs ou dans les manifestations ou les protestations de toute nature. On casse avec le drapeau en mains. L’Elysée a aussitôt clos la polémique sans reculer officiellement mais en enlevant le drapeau du litige. La tombe du soldat inconnu a donc retrouvé sa flamme, sans aucun drapeau pour lui donner du vent ni bleu européen ni tricolore. Je ne sais pas si le citoyen a une idée sur la problématique de cette guéguerre picrocholine mais elle a fait bouillonner les esprits dès la rentrée. 

Né sous la révolution française en particulier en l’an II (1794) le drapeau réunit la couleur blanche de la royauté, et celles qui sont bleues et rouges de la Ville de Paris. Lors de la proclamation de la 2ème république en 1848 le poète Lamartine a réussi à faire écarter le drapeau tout rouge que réclamaient les révolutionnaires au profit du drapeau tricolore en ces termes flamboyants : « le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie…  si vous enlevez le drapeau tricolore… vous enlevez la moitié de la force extérieure de la France … c’est le drapeau de vos triomphes qu’il faut relever devant l’ Europe ».

C’est le seul emblème national selon l’article 2 de la constitution de la Vème république.  Il symbolise les valeurs d’égalité, liberté et fraternité. On peut y ajouter laïcité par ces temps moroses chargés d’épreuves, de défis à relever et d’ambitions à satisfaire pour conforter l’union indispensable.    

vendredi 10 décembre 2021

Violence verbale versus violence physique.

 

                      Violence verbale versus violence physique.

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 Des gentils jeunes militants s’auto- déclarant pacifistes, anti-fa et anti -racistes détestant M. Zemmour ce qui n’est pas encore interdit, se sont invités à son meeting de Villepinte pour le perturber. Une bagarre a éclaté avec ceux qui étaient venus pour écouter le candidat qu’ils le soutiennent ou veulent s’informer et voir la vedette des médias et de la littérature en chair et en os. Il y a eu de la casse et des blessés légers.  La justice est saisie et la polémique enfle. Le Ministre de la justice devant le Sénat a eu cette parole historique familiale et touchante : « ma grand-mère me disait de commencer par ranger ma chambre avant de ranger la rue ». Autrement dit M. Zemmour est victime de n’avoir pas fait le ménage et de n’avoir pas assuré sa propre sécurité puisqu’il a été agressé et que les spectateurs innocents aussi. On n’a pas entendu des tonnerres d’indignations pour condamner cette attaque en règle à la liberté d’expression. On verra ce que diront nos excellences si le toujours président de la République mais en même temps candidat voit ses meetings chahutés ce que je ne souhaite pas.

On en déduit que le ministre met sur le même plan violence verbale et violence physique et que les propos tenus s’ils sont considérés comme inacceptables et provocateurs sont une excuse absolutoire pour ceux qui agissent. C’est une réflexion de droit et morale que je ne partage pas. Chacun a sa conception subjective de ce qui est mal ou non. La liberté de se rassembler en paix est fondamentale et protégée dans une démocratie car on ne trie pas ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Au nom de quelle légitimité pourrait-on séparer le bon grain de l’ivraie ? Les citoyens sont assez avertis et responsables pour aller où ils veulent et entendre tels propos plutôt que d’autres. Ils ne sont pas dupes et n’ont pas besoin que des exaltés de tout bord souvent sans aucune expérience humaine, professionnelle ou politique les guident et leur désignent où est le bonheur avec la lumière qui l’incarne, en rejetant dans les ténèbres ceux qui ne répondent pas à leur profil.

Notre société est violente c’est un fait que le ministre a rappelé. Dont acte après sa déclaration sur le sentiment d’insécurité. L’exercice du pouvoir est salutaire.  La violence est aussi dans les esprits. Les prétendus éveillés ne veulent pas que certaines personnalités politiques, philosophes ou penseurs voire penseuses interviennent dans des colloques, des conférences, à l’université ou à Sciences-po. pourtant censés former intellectuellement et civiquement ceux et celles qui prétendent vouloir diriger le pays dans l’avenir.  C’est consternant. Le débat d’idées est rabougri et strictement encadré et délimité à ce que des minorités pensent en éliminant tout ce qui les gêne, et contre lequel ils sont les muets du sérail faute d’arguments motivés et objectifs. Ainsi au nom de leur liberté d’être activiste, ils interdisent aux autres d’exister par le coup de poing s’il le faut.

On entretient la confusion pour savoir qui est l’agresseur -qui a pris des baffes et des coups tout en en donnant pour se défendre selon lui - et l’agressé dont on a troublé le meeting et ses militants qui ont le droit de se défendre. Seules les âmes bien nées et charitables tendent l’autre joue quand elles prennent un coup sur l’autre. Pour faire plaisir aux manifestants-par exemple des blacks blocks sinon des brebis sur le sentier du bien- faudrait-il les accueillir avec des roses en les laissant accomplir dans la joie et l’immobilisme leur mission préméditée et organisée : détruire celui ou celle qu’ils n’aiment pas ?

On a connu la violence de la lutte des classes, celle de l’Etat, l’exigence de se lever contre le tyran, la résistance à des totalitarismes ou des génocidaires.  Mais notre démocratie française ne mérite pas cette violence et que l’on place sur un pied d’égalité comme semble le suggérer le ministre, la violence verbale -réelle ou supposée- et la violence physique inacceptable quels qu’en soient les motifs. Un ministre qui a naturellement le droit d’avoir ses opinions et de combattre tel ou tel adversaire politique a le devoir de ne pas jeter de l’huile sur le feu, d’être plus prudent dans ses remarques ou bons mots et « ne devrait pas dire  ça », car sans le vouloir il encourage les moins démocrates à agir et à passer à l’acte pensant qu’ils seront compris sinon excusés car ils œuvrent pour le Bien. Avec les idées au bout des doigts et par la force, cela peut déraper.

Comme avocat de la gendarmerie j’étais partie civile devant la cour d’assises anti-terroriste suite à l’assassinat du Préfet Erignac par le commando corse dont M.Yvan Colonna. Celui-ci était assisté notamment par Eric Dupond-Moretti avocat. L’avocat-ministre sait donc que l’on peut passer rapidement du monde des idées à la violence extrême jusqu’à tuer.

Cette modeste réflexion concerne tous les candidats celui ou celle pour qui on va voter et ceux qu’on ne veut pas. La démocratie est la confrontation verbale par la raison, sans utiliser les méthodes parfois de nervis ou d’haineux que l’on dénonce. Dans un état de droit il faut savoir balayer devant sa porte me disaient mon père et grand -père par ailleurs policiers de profession ceci expliquant peut- être cela. Avant de donner des leçons réfléchissons et choisissons la tolérance  qui permet d’entendre tout y compris ce que l’on rejette, même s’il n’y a pas de libertés pour les ennemis de la liberté comme disaient certainement en Mai 68 les parents des militants pacifistes d’aujourd’hui.