La démocratie jeu ou enjeu ?
Par Christian Fremaux
avocat honoraire
Nous avons
une sorte de demi-premier ministre car issu au forceps de la moitié du corps
électoral, les tirés au sort de l’arc républicain. La flèche n’a pas atteint le
milieu de la cible mais M. Bayrou centriste a une jambe à droite et l’autre à
gauche. Les yeux aussi. J’applaudis des deux mains. La démocratie peut -elle
être une pâte à modeler ? Les citoyens ont entendu que le peuple ne comprenait
rien et votait mal. Nous allons l’instruire et lui donner ce qu’il mérite avançaient
des donneurs de leçons pitoyables mais affamés de pouvoir. L’extrême centre va
gouverner. L’ouverture va de soi. La démocratie reste- t- elle ce qu’elle
devrait être ?
Il y a eu trois blocs choisis par les électeurs
et personne n’a gagné. On va en faire disparaitre deux en coupant aux extrêmes
et l’unique rescapé fissuré mais reconstitué sur un programme négocié va
partager les manettes avec chacun des participants. Qui vont promettre sauf LFI
de ne pas voter une censure par principe. Les autres s’abstenant. La Constitution va être gelée et devenir une règle
non applicable ! Et l’état de droit dont on nous bassine ? Est -ce un
jeu de bonneteau ? Et qui sont les perdants car dans un jeu de cartes biaisées
il y a toujours des vilains et des tricheurs ?
Est-ce cela
notre modèle de démocratie dont on s’enorgueillit et que l’on veut rendre
universel ? Nos élites minoritaires prises isolément se disputent en
rejetant la faute sur l’autre et en désignant les ennemis du peuple. Personne
ne veut céder et les citoyens devraient s’esbaudir en disant merci aux sauveurs
payés pour cela ? Si les citoyens
n’approuvent pas quel est le plan B ?
Seuls 50 %
des électeurs ont été désignés pour faire partie de l’arc républicain sans que
l’on sache qui a la légitimité d’exclure les non- sélectionnés ? Quand j’étais maire- adjoint dans ma petite commune
rurale je tendais la main à tout le monde et aux élus dont je connaissais le
sens de leurs votes qui n’était pas le mien. Je leur parlais et on prenait des
décisions collectives dans l’intérêt de tous : pourquoi ne serait- ce pas
possible dans un gouvernement de sauvegarde de l’intérêt commun ? Les bannis
de la gouvernance ne sont pas des sous -citoyens. Le centriste doit tendre les
bras sans tomber dans un gouvernement Benetton politique. On a besoin de
personnalités fortes.
« Pour grands que soient les rois ils
sont ce que nous sommes : ils peuvent se tromper comme les autres
hommes » a écrit Pierre Corneille. L’intérêt général n’est pas la somme
des intérêts particuliers, certains ne le savent pas.
La
démocratie ce n’est pas le gouvernement d’une partie du peuple pour elle ou ses
amis ou d’un clan qui apporte la lumière, surtout si l’électricité coûte
cher ! En prétendant détenir la vérité. Et en trouvant des boucs
émissaires par fonctions ou emplois ou confessions ou opinions ou votes. On
connait cela ailleurs dans les dictatures de toute nature. En Syrie les
djihadistes maquillés en gentils arrivent au pouvoir. Nous on coupe les cheveux
en quatre dans notre cour d’école en exigeant des récompenses et en ne voyant
pas ce qui est existentiel !
La
démocratie est fragile. Ce n’est pas un jeu. Ni un enjeu car elle est et doit
être renforcée comme les valeurs républicaines. À l’extérieur près de nous, on
dérape sacrément. Prenons quelques exemples pour exorciser ce qui pourrait
advenir.
Alors que l’Union
Européenne veut attirer à elle tous ceux qui se réclament de la liberté, de la
paix donc de la démocratie, la présidente de la commission de Bruxelles non
élue a profité des difficultés politiques internes et passagères de la France ou
d’autres pays pour prétendre avoir finalisé l’accord du Mercosur. Les
agriculteurs sont vent debout. M. Macron a posé un cierge en inaugurant Notre-
Dame : non il n’y aura pas de signature dans ces conditions. Est-ce de la
démocratie européenne ?
La Cour Constitutionnelle
de Bucarest a carrément annulé le premier tour des législatives au prétexte
d’ingérences étrangères par tik-tok. Le candidat roumain arrivé en tête n’est
a priori- mais pour qui ? - pas conforme aux attentes plus libérales et
européennes. Est-ce de la démocratie à la Roumaine ?
En Géorgie
la présidente Franco- Géorgienne refuse selon elle avec raison, d’accepter le
verdict des urnes tourné vers l’Est car le projet de rapprochement avec
l’Europe est reporté ou retardé. Mais il y a eu un vote. Est-ce de la
démocratie à la Géorgienne ?
Sauf erreur
ces pays lorgnent vers les principes et valeurs de l’Union Européenne. Nous
devons donc donner l’exemple sans pour autant faire la courte échelle aux extrêmes
qui sont contre la république ou qui ont des idées entrainant divisions et
conflits. Plus on sera efficace concrètement plus la colère s’apaisera et moins
il y aura d’excès.
Si on écarte à vie de tout pouvoir des
millions d’électeurs dits extrêmes peut être un jour majoritaires seuls à force
d’être méprisés, est- ce de la démocratie à la Française qui prône
l’égalité et la liberté d’expression ? Attention à une abstention
massive ou une rébellion face à des irresponsables sectaires. Et fiers de leurs
tactiques !
Puisque nos méthodes conduisent au chaos modifions
les. Il est possible que l’adversaire soit de bonne foi et ait une bonne
idée : pourquoi ne pas la voter ? La démocratie c’est aussi admettre
que l’autre peut avoir raison. Et si l’on essayait des compromis. Reculer
n’est pas abdiquer : c’est parfois nécessaire pour mieux sauter.
Tous les responsables représentatifs doivent
être conviés à la table. On écoute puis on décide. Notamment d’instaurer la
proportionnelle idée fixe de M. Bayrou. La démocratie est l’union et le respect
des votes qu’ils plaisent ou non. La fracture date de 2005 quand les
électeurs par référendum ont répondu non à la question sur la Constitution
européenne et qu’en 2007 les parlementaires par le traité de Lisbonne ont
décidé que c’était oui. Plus tard en juillet 2024 on a subi le front
républicain avec ce qui s’est passé entre les deux tours. Ces manœuvres
laissent des traces. Adieu la confiance.