Convictions privées et responsabilités
publiques
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Soyons
franc. Ce qu’on guette ce sont les clashs entre membres d’un même mouvement aux
affaires. Ils arrivent vite et régulièrement. Et chacun commente.
On demande à
un ministre d’être efficace quoiqu’il pense. De suivre la politique qui
concerne tous les citoyens de tous camps et les grands principes du
gouvernement où il a été volontaire pour participer. De ne pas reprendre
l’antienne de l’opposition sécurité et justice qui sont compatibles avec
un peu de courage et moins d’idéologie. De ne pas en faire qu’à sa tête et de
ne pas créer son propre arc républicain donc d’exclure des millions d’électeurs
qui ont droit à la protection de l’Etat. D’écouter ceux qui ne sont pas
d’accord avec lui car toutes les idées sont bonnes à prendre et personne n’a
raison contre tous les autres. Puis d’assumer par solidarité les décisions prises
.Les mettre en œuvre et de ne pas reculer ou s’excuser au moindre mouvement de
protestations. La rue ou des groupes de pression ne sont pas les décideurs et
les patrons. Ils n’ont pas par nature la solution miracle. Les magistrats
indépendants que l’on respecte non plus mais qui sont tenus d’appliquer la loi.
Et l’état de droit qui résulte des urnes.
La
démocratie est un équilibre fragile. Les citoyens expriment leurs volontés par
leurs votes. Avec le parlement qui représente la nation tout entière et un
exécutif nommé qui va définir des politiques publiques où il ne faut aucun
perdant. L’interprétation des choix des électeurs comme ceux de juillet dernier
est parfois difficile et personne ne peut dire avec autorité et insolence « les
français pensent que …». Il n’y a même pas eu de majorité incontestable, une
coalition pouvant en être un équivalent mais cela se discute au nombre de voix
récoltées par chaque parti. La modération est donc de mise. Le rassemblement
nécessaire.
La liberté
d’expression et d’avoir des pensées et des convictions personnelles est
fondamentale. La gauche entre autres la défend avec vigueur à condition que
l’on professe les mêmes idées qu’elle. Sinon il y a une présomption de
culpabilité et de risques. Pour les militants la tolérance est à géométrie
variable et il faut faire ce que je dis, pas ce que je fais. En Mai 68 on
apprenait qu’il n’y avait pas de libertés pour les ennemis de la liberté.
Ce slogan serait actuellement désolant et montrerait que l’homme/la femme
politique n’a pas progressé. Alors que nous avons besoin d’une République
apaisée et de l’union pour réussir à sortir de nos problèmes vertigineux.
Pendant la
composition au forceps du gouvernement Barnier qui a fait un peu bidouillage,
la gauche républicaine a refusé de se mouiller ce qui est son droit. Pendant
les négociations certains ont hurlé pour qu’on ne nomme pas des personnalités
pressenties en raison de leurs prises de position passées contre notamment la
constitutionnalisation de l’avortement ou contre la P.M.A. et le genre et pour
d’autres motifs qui touchent à la conscience des individus. Mais ces pestiférés
n’ont pas à être bannis à vie ! Il n’y a pas que des faits sociétaux à
régler.
On peut
croire ce que l’on veut, se battre sans violence pour que ses idées triomphent,
mais une fois la loi votée on s’incline et on respecte la décision collective.
En douter c’est suspecter l’autre pour ce qu’il est, pour d’où il vient,
pour ce qu’il souhaite et on reste entre soi.
En éliminant ceux qui n’ont pas le bon profil. Cela me parait du
sectarisme et est un danger. Il faut convaincre pas rejeter par avance car les croyances
demeurent et on fabrique des martyrs.
On peut être
conservateur en matière sociétale ce qui n’est ni un délit ni une hérésie
humaine ou sociale et néo-libéral en matière économique voire étatique mais
l’Etat a failli un peu en tous les domaines et il faut revoir ses
périmètres d’intervention. Je n’aime pas les boucs émissaires et ceux qui sont
désignés comme des vampires buvant le sang des plus défavorisés. « Tout ce qui est excessif est
insignifiant » a dit Talleyrand.
Se réclamer
du progressisme n’est pas suffisant.
D’ailleurs parfois le progrès pose des problèmes et aggrave les
inégalités et les discriminations. Chacun a un exemple. Selon des utopistes dits
humanistes le progressisme est une fin en soi. Ecarter tous ceux et celles qui
ne partagent pas l’affirmation que l’innovation résout tout ce qui est un postulat,
n’est pas démocratique.
C’est en
outre contraire en la confiance que l’on doit à l’Homme. II réfléchit,
il fait des expériences bonnes ou mauvaises et il peut ou doit changer
d’avis. Il n’y a que les imbéciles qui persistent dans les dogmes et exigent
d’avoir le dernier mot.
Comme M.
Macron, M. Barnier dans son grand bureau a interrogé tous azimuts extrêmes
compris et a entendu les bonnes âmes inquiètes pour des décisions passées
et les droits acquis. On ne touchera à rien qui a fait polémique. Il faut savoir désamorcer un problème qui
ne se posait pas. Il a changé ses pressentis ou leur a donné un autre rôle mais
il a maintenu. Je ne juge qu’aux actes. M. Barnier doit beaucoup téléphoner
pour s’excuser. Ses ministres n’en ratent pas une.
Je déteste
la repentance ou le déboulonnage de statues ou symboles car on ne juge pas le
présent avec l’air du temps ou l’évolution de la société qui parfois fait
marche arrière quand la nouveauté ou la réforme dite géniale a des effets
collatéraux détestables.
Chacun a le droit de progresser
individuellement et ce qui compte c’est que le char de l’Etat avance et que
l’on prenne des mesures qui servent à quelque chose. Un ministre peut s’améliorer
après un départ hasardeux. On ne lui demande pas de se renier mais de pratiquer
l’ouverture d’esprit. Un opposant aussi. Il faut y croire. Que ceux qui
exercent des responsabilités publiques fassent passer l’intérêt supérieur de la
nation et des Français avant leurs petites personnes et leurs certitudes
parfois étriquées.
Être de
droite n’est pas une tare congénitale. Être de gauche n’est pas l’assurance
d’avoir la science infuse et de détenir la vérité. Être citoyen c’est avoir des
envies à satisfaire. Et vouloir des ministres de bon sens qui calment le
jeu.
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