jeudi 26 septembre 2024

Convictions privées et responsabilités publiques

 

 

   Convictions privées et responsabilités publiques

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

Soyons franc. Ce qu’on guette ce sont les clashs entre membres d’un même mouvement aux affaires. Ils arrivent vite et régulièrement. Et chacun commente.

On demande à un ministre d’être efficace quoiqu’il pense. De suivre la politique qui concerne tous les citoyens de tous camps et les grands principes du gouvernement où il a été volontaire pour participer. De ne pas reprendre l’antienne de l’opposition sécurité et justice qui sont compatibles avec un peu de courage et moins d’idéologie. De ne pas en faire qu’à sa tête et de ne pas créer son propre arc républicain donc d’exclure des millions d’électeurs qui ont droit à la protection de l’Etat. D’écouter ceux qui ne sont pas d’accord avec lui car toutes les idées sont bonnes à prendre et personne n’a raison contre tous les autres. Puis d’assumer par solidarité les décisions prises .Les mettre en œuvre et de ne pas reculer ou s’excuser au moindre mouvement de protestations. La rue ou des groupes de pression ne sont pas les décideurs et les patrons. Ils n’ont pas par nature la solution miracle. Les magistrats indépendants que l’on respecte non plus mais qui sont tenus d’appliquer la loi. Et l’état de droit qui résulte des urnes.

La démocratie est un équilibre fragile. Les citoyens expriment leurs volontés par leurs votes. Avec le parlement qui représente la nation tout entière et un exécutif nommé qui va définir des politiques publiques où il ne faut aucun perdant. L’interprétation des choix des électeurs comme ceux de juillet dernier est parfois difficile et personne ne peut dire avec autorité et insolence « les français pensent que …». Il n’y a même pas eu de majorité incontestable, une coalition pouvant en être un équivalent mais cela se discute au nombre de voix récoltées par chaque parti. La modération est donc de mise. Le rassemblement nécessaire.  

La liberté d’expression et d’avoir des pensées et des convictions personnelles est fondamentale. La gauche entre autres la défend avec vigueur à condition que l’on professe les mêmes idées qu’elle. Sinon il y a une présomption de culpabilité et de risques. Pour les militants la tolérance est à géométrie variable et il faut faire ce que je dis, pas ce que je fais. En Mai 68 on apprenait qu’il n’y avait pas de libertés pour les ennemis de la liberté. Ce slogan serait actuellement désolant et montrerait que l’homme/la femme politique n’a pas progressé. Alors que nous avons besoin d’une République apaisée et de l’union pour réussir à sortir de nos problèmes vertigineux.

Pendant la composition au forceps du gouvernement Barnier qui a fait un peu bidouillage, la gauche républicaine a refusé de se mouiller ce qui est son droit. Pendant les négociations certains ont hurlé pour qu’on ne nomme pas des personnalités pressenties en raison de leurs prises de position passées contre notamment la constitutionnalisation de l’avortement ou contre la P.M.A. et le genre et pour d’autres motifs qui touchent à la conscience des individus. Mais ces pestiférés n’ont pas à être bannis à vie ! Il n’y a pas que des faits sociétaux à régler.

On peut croire ce que l’on veut, se battre sans violence pour que ses idées triomphent, mais une fois la loi votée on s’incline et on respecte la décision collective. En douter c’est suspecter l’autre pour ce qu’il est, pour d’où il vient, pour ce qu’il souhaite et on reste entre soi.  En éliminant ceux qui n’ont pas le bon profil. Cela me parait du sectarisme et est un danger. Il faut convaincre pas rejeter par avance car les croyances demeurent et on fabrique des martyrs.  

On peut être conservateur en matière sociétale ce qui n’est ni un délit ni une hérésie humaine ou sociale et néo-libéral en matière économique voire étatique mais l’Etat a failli un peu en tous les domaines et il faut revoir ses périmètres d’intervention. Je n’aime pas les boucs émissaires et ceux qui sont désignés comme des vampires buvant le sang des plus défavorisés.  « Tout ce qui est excessif est insignifiant » a dit Talleyrand.

Se réclamer du progressisme n’est pas suffisant.  D’ailleurs parfois le progrès pose des problèmes et aggrave les inégalités et les discriminations. Chacun a un exemple. Selon des utopistes dits humanistes le progressisme est une fin en soi. Ecarter tous ceux et celles qui ne partagent pas l’affirmation que l’innovation résout tout ce qui est un postulat, n’est pas démocratique.

C’est en outre contraire en la confiance que l’on doit à l’Homme. II réfléchit, il fait des expériences bonnes ou mauvaises et il peut ou doit changer d’avis. Il n’y a que les imbéciles qui persistent dans les dogmes et exigent d’avoir le dernier mot.

Comme M. Macron, M. Barnier dans son grand bureau a interrogé tous azimuts extrêmes compris et a entendu les bonnes âmes inquiètes pour des décisions passées et les droits acquis. On ne touchera à rien qui a fait polémique.  Il faut savoir désamorcer un problème qui ne se posait pas. Il a changé ses pressentis ou leur a donné un autre rôle mais il a maintenu. Je ne juge qu’aux actes. M. Barnier doit beaucoup téléphoner pour s’excuser. Ses ministres n’en ratent pas une. 

Je déteste la repentance ou le déboulonnage de statues ou symboles car on ne juge pas le présent avec l’air du temps ou l’évolution de la société qui parfois fait marche arrière quand la nouveauté ou la réforme dite géniale a des effets collatéraux détestables.

 Chacun a le droit de progresser individuellement et ce qui compte c’est que le char de l’Etat avance et que l’on prenne des mesures qui servent à quelque chose. Un ministre peut s’améliorer après un départ hasardeux. On ne lui demande pas de se renier mais de pratiquer l’ouverture d’esprit. Un opposant aussi. Il faut y croire. Que ceux qui exercent des responsabilités publiques fassent passer l’intérêt supérieur de la nation et des Français avant leurs petites personnes et leurs certitudes parfois étriquées.   

Être de droite n’est pas une tare congénitale. Être de gauche n’est pas l’assurance d’avoir la science infuse et de détenir la vérité. Être citoyen c’est avoir des envies à satisfaire. Et vouloir des ministres de bon sens qui calment le jeu.      

 

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