Humanisme et fermeté
Par Christian
Fremaux avocat honoraire
Je me dépêche
d’écrire un article car s’il n’y a plus d’électricité je ne pourrai faire
connaitre mes « lumières » ! Je plaisante bien sûr mais pas
sur l’énergie. Ceux qui ont aimé l’année 2022 ne vont pas être déçus par les
débuts de l’année 2023 où des projets de réformes importants pour l’avenir vont
être présentés par le gouvernement, discutés et je l’espère votés. L’immobilisme
et le corporatisme ne doivent pas gagner.
Le ministre
de l’intérieur va monter au créneau pour présenter la x-ième loi sur
l’immigration qu’il veut à juste titre choisie et non imposée. Tout le
monde suit les mouvements et les polémiques divers à ce sujet, les camps démantelés
et aussitôt reconstitués un peu plus loin, de l’Ocean viking jusqu’à la place
du palais royal qui abrite le conseil d’Etat un symbole qui a été envahie par
des prétendus mineurs qui ne sont pas juridiquement considérés comme tels mais
qui veulent « leurs droits ». Leurs accompagnants pleurent à leurs
côtés ce qui fait des belles images pour le 20 h. et contrarient les «
nantis égoïstes » qui dinent au chaud à ce moment.
Je n’entre
pas dans la querelle que la France serait un pays d’immigration ce qui
historiquement ne me parait pas exact avant le début du 20-ème siècle ou
du devoir d’humanité d’accueillir tous ceux qui ont décidé à leur insu de leur
plein gré de venir sur notre territoire et de bénéficier sans conditions de ce
qui y existe. La nation pour ceux qui l’ont bâtie et ceux qui la poursuivent
par leurs efforts devient alors secondaire voire inexistante au bénéfice de la
liberté de celui qui arrive sur un lieu de la terre peu important ses
motivations et ses intentions. L’humain aurait des droits partout. Il
va falloir en discuter.
On reparle
de l’opposition humanisme et fermeté comme si ces deux notions étaient incompatibles. La
loi en France est la traduction de la volonté générale du peuple dans un texte
solennel s’appliquant à tous. Elle exprime une norme obligatoire. Elle organise
un équilibre. C’est toujours un acte de compromis avec les avis qui s’affrontent
entre les traditionnalistes dits conservateurs et les pseudos élites qui
veulent éduquer ceux qui ne comprendraient rien et ne penseraient qu’à eux. Il
n'y a ni sauveur qui a La solution ni miracle à attendre car les faits sont
têtus et le déni aggrave les problèmes. Le consensus est rare surtout quand
il n’y a pas de majorité absolue à l’assemblée de par les choix exprès des
électeurs. Je ris - ce qui est rare par ces temps moroses- quand j’entends une
personnalité dire sérieusement : « les français veulent… le peuple exige… ». Qui
lui a dit ? Un sondage n’est pas une vérité établie. On ne me demande pas mon
avis entre les élections tous les 5/6 ans et pas pour les priorités à résoudre.
Mais c’est la démocratie. J’aimerai bien conserver l’identité et la culture de
ma patrie et ses valeurs républicaines. Le multiculturalisme me parait une
fausse/bonne idée. Sans oublier ceux qui croient en la France et y recherchent
une vie plus paisible. C’est un projet humaniste de mon point de vue ?
La loi résulte
de nombreux échanges d’arguments avant le vote, de la conjoncture qui évolue et
de la nécessité ; d’une anticipation sur ce que nous sommes et voulons rester ;
de l’intérêt général dans toutes ses composantes et contradictions. Ce qui
était valable hier ne l’est plus aujourd’hui et encore moins demain. Les droits
de l’homme interprétés façon wokisme et anti-racisme ne sont pas l’évangile. La
force dite injuste de la loi est corrigée par l’équité.
Qui est
contre l’ordre public ? Qui est pour les libertés versus devoirs ? N’a-
t-on pas l’obligation de défendre la collectivité et est -il interdit au pays
de prendre des mesures qui ne plaisent pas aux étrangers et qui permettent de
conserver notre souveraineté ? La fermeté comme dans les familles où tout n’est
pas permis et où on ne peut accueillir tous les copains, les cousins et
apparentés, n’est pas un gros mot. Dire non et poser des limites est parfois
utile et n’est pas liberticide ou une atteinte à la dignité ou à l’existence de
l’autre. L’humanisme n’existe pas dans
le désordre ou la violence. Comment considérer l’homme/la femme/l’enfant si le
chaos règne et si la règle est flexible et dépend des sentiments ?
L’humanisme
date de la Renaissance. De pensée, de doctrine il est devenu une évidence. L’être
humain est au centre de l’union. Cela induit altruisme et bienveillance. Une
émotion est par nature instinctive, naturelle. Personnelle. Mais subjective.
Elle est changeante. Elle ne fait pas avancer le monde et ne fonde pas une
politique publique. Elle en est un des éléments majeurs. Sans être l’Alpha
et l’Omega. L’humaniste affirme sa foi en l’être humain qu’il place
au centre de tout. Comme JJ. Rousseau que Voltaire ne suivait pas
entièrement ! Hanna Arendt y voyait la banalité du mal. L’être humain a
droit au bonheur notion neuve en Europe comme le proclamait Saint- Just avant
de connaitre la guillotine de ses frères en révolution mais la joie et le
bien-être ne se décrètent pas. L’humaniste un brin utopiste veut créer une société
meilleure plus morale selon ses critères, et il devrait s’appuyer sur 3
piliers : la raison, la science, et la connaissance pour faire des humains
libres et responsables. On ne peut qu’être d’accord avec ces prolégomènes. Mais
personne n’a le monopole de la conscience éclairée. Les limites de
l’humanisme sont soit naturelles, soit socio-politiques soit métaphysiques et
spirituelles.
En
2023 et pour l’avenir ces limites existent. On doit en tenir
compte. Erasme qui était le conseiller des princes le rappelle. Montaigne
ne se faisait pas trop d’illusions sur l’homme. Il doutait. « Que
sais- je ? » était sa devise. La vérité n’étant pas univoque,
il faut donc concilier le principe de conviction avec celui de
réalité. L’émotion n’est pas par essence plus légitime qu’un autre principe
républicain. Le droit international d’essence humanitaire et idéaliste-« plus
jamais ça»- ne peut faire obstacle à la volonté de la nation. Il l’accompagne.
Que le débat
sur l’immigration ne se transforme pas en un combat entre les généreux et ceux
qui seraient sans cœurs voire xénophobes. Ou matériellement intéressés. Ce
n’est pas le sujet. Ni un partage de souffrance entre ceux qui subissent ce
qu’ils ne veulent pas et ceux qui ne se sentent pas désirés. On doit unir et
pas cliver si l’on veut une loi qui fonctionne et que les divergences et
craintes soient apaisées. Chacun devra tendre la main vers l’autre. Le manichéisme n’apporte rien. Humanisme et
fermeté vont de pair.