La haine à l’état
brut
Par Christian Fremaux avocat honoraire
On vit une époque
paradoxale. Il n’y a jamais eu autant de livres et de coaches pour nous révéler
à être nous- même et tendre vers le bonheur donc l’absence de conflit, de détestations
et de rancœur qui minent la vie. La doxa dominante depuis des années repose sur
la moraline, sur l’opinion des donneurs tous azimuts de leçons d’humanité et
d’amour, en accusant celui qui ne participe pas à la grand-messe officielle de
tous les maux dont celui de sans -cœur, d’égoïste, et de capitaliste attaché
aux choses matérielles qui broient l’humain. La France devrait donc vivre dans
un état d’euphorie, s’aimer les uns les autres, sans violence, dans la paix et
la bonne humeur. Et puisque nous sommes riches nous devons être généreux et ne
voir dans l’étranger qu’une chance pour la collectivité. Le siècle sera humanitaire
ou pas pour paraphraser Malraux qui parlait de religion. Tel n’est pas le cas.
Pourquoi, qu’avons-nous
raté ? Est- ce de notre faute ? Par nous je veux dire moi le citoyen lambda,
élevé au lait sous la mère de l’école républicaine, respectueux de la loi même
si elle ne me convient pas, pratiquant par l’impôt la solidarité et de temps en
temps la charité, étant tolérant mais pas pour tout, étant intégré depuis des générations
dans la république en croyant à ses valeurs dont la laïcité et dans la nation. Et en participant aux grands débats qui sont essentiels
pour notre identité et notre mode de vie, sans croire à des pseudos vérités révélées
seraient- elles scientifiques, ni aux apôtres qui savent tout notamment de ce
qui se passera dans des dizaines d’années. De mon petit lopin de terre dans le
cimetière anonyme de ma commune rurale de l’Oise je vérifierai et m’exprimerai
car le progrès permettra de communiquer de l’au- delà !
En 1995
Mathieu Kassovitz avait produit un film intitulé la haine. L’action se passait dans
une banlieue où il y avait de la violence, un manque de respect de tous et pour
tout notamment les institutions, et la croyance que certains étaient méprisés
et moins égaux que d’autres. Ce fut un choc mais c’était du cinéma.
Aujourd’hui la haine est dans la vraie vie et concerne les élites et ceux qui
sont selon eux, les damnés de la terre, des persécutés puisqu’on ne les laisse
pas s’habiller comme ils /elles veulent, puisqu’on les bride dans leurs
croyances et qu’il y a du racisme et de la discrimination structurelles que
l’Etat organiserait ! Le wokisme qui sévit dans nos universités et chez
les « éveillés » dénonce le patriarcat de l’homme blanc, son attitude
post coloniale, son mépris pour les autres notamment les femmes. Mais on ne va
pas payer à vie des reproches datés et sans fondement. Je n’y suis pour
rien.
De nos jours
il faut renoncer à tel projet ou propos s’il dérange ne serait- ce qu’un
seul individu ou une minorité. Pour ma part je n’exige ni démission
immédiate des orateurs ni qu’ils soient cloués nus aux poteaux de couleurs
comme en parlait Arthur Rimbaud quand j’entends des personnalités dépasser les bornes
ce qui me perturbe. La liberté d’expression mérite mieux que la mort théorique
du pécheur ce qui ne fait pas disparaitre la question posée. Il est
préférable d’argumenter et d’expliquer par la raison. Je choisis partialement un
exemple concret parmi de nombreux autres journaliers. On a entendu qu’un très jeune militant et
responsable du RN venait de mourir suite à une longue maladie. L’assistant
parlementaire d’un député LFI a déclaré qu’il s’en réjouissait, que ledit
jeune allait brûler dans les flammes de l’enfer avec les waffen- SS. qui s’y
trouvent ! On est confondu par tant de haine et de bêtise. A l’assemblée
nationale les débats sont tendus et on s’y apostrophe au lieu de faire des
propositions réalistes qui pourraient résoudre partiellement les difficultés ce
pourquoi les électeurs défraient les intéressés. Qui ne sont plus des
partisans. Jadis on disait je préfère avoir tort avec JP Sartre (de gauche)
plutôt que d’avoir raison avec R.Aron (conservateur libéral). La bêtise
intellectuelle à front de bœuf persiste. Et je n’ai rien contre les animaux. On
se lâche. L’idéologie est mortifère et nous citoyens qui faisons tourner le
pays pour produire de la richesse, nous subissons. Et encaissons les vilenies.
Le
climat délétère est produit par ceux / celles (je déteste l’écriture
inclusive) qui se croient nos élites et parce qu’ils ont été élus pour nous représenter
tous (avec une tenue correcte et non débraillée pour faire peuple) dans
l’intérêt général. Ils se croient autorisés par l’immunité du parlementaire à
tout dire et à démolir celui /celle qui n’est plus un concurrent-adversaire
mais un dangereux ennemi. Sûrement fasciste et raciste. La haine est à tous les
niveaux même là où on devrait donner l’exemple. Dans la rue tout peut donc
arriver. J’ai du mal à m’y faire et comprendre comment des hommes et des
femmes éduquées- on le croit-et héritiers des valeurs républicaines
universelles peuvent mépriser l’autre ardemment.
L’éducation n’est pas la panacée surtout si
les religions s’en mêlent. Il faut convaincre que nos valeurs peuvent
faire gagner concrètement tout le monde. Tout le reste n’est que
bavardage. Des citoyens dégoûtés de ces débats indignes et qui ne font pas
avancer le pays ont lâché l’affaire et ne vont plus voter. Je pense
qu’il faut faire le contraire puisque nous sommes dans un pays
démocratique où le bulletin de vote est une arme. La haine ne peut crier
victoire. La force n’aboutit à rien. L’émotion non plus. L’autorité est
nécessaire pour remettre de l’ordre dans l’intérêt des libertés et du climat
sociétal.
Avec la
nouvelle affaire de bateaux de migrants on s’est fait plaisir. Un député RN a
été sanctionné car quelle que soit l’interprétation de ses propos on ne dit pas
du mal du genre humain à l’assemblée nationale même si le débat de fond est
légitime. LFI a surjoué l’indignation. On est toujours pris dans ses
contradictions et la patrouille veille. M. Darmanin a mangé son chapeau sur la fermeté
pour les migrants, le gouvernement ayant accepté que le navire accoste à
Toulon. Le droit international et celui de la mer n’ont servi à rien. Tout
ceci dans un climat de violence verbale et de dénonciation de ceux qui
n’auraient pas d’empathie. Faut -il rappeler que déjà il y longtemps M. Giscard
d’Estaing avait dit à M. Mitterrand : « vous n’avez pas
le monopole du cœur ». Rien n’a changé. Sauf dans la formulation. Nos
jeunes ambitieux bavasseurs ont moins de vocabulaire et pas le sens de la mesure.
Ils manquent de hauteur de vues. La haine devient vigilante et coupeuse de
têtes.
La seule
religion qui vaille est celle de l’homme. L’humanisme est la solution puisqu’il
se préoccupe des personnes quelles que soient leurs couleurs, leurs confessions,
leurs valeurs. La nation a besoin de cohérence et de grandeur et d’un destin
commun avec des objectifs acceptables par tous. On a crié jadis à bas la
calotte. Hurlons à bas la violence et la malveillance. J’ai la haine de la
haine sans tomber dans les sentiments lyophilisés qui font pleurer mais ne font
ni de la bonne littérature ni une politique efficace. Puisqu’on vient de
commémorer le 11 novembre 1918 décrétons l’armistice.
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