samedi 12 novembre 2022

La haine à l’état brut

 

                       La haine à l’état brut

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

On vit une époque paradoxale. Il n’y a jamais eu autant de livres et de coaches pour nous révéler à être nous- même et tendre vers le bonheur donc l’absence de conflit, de détestations et de rancœur qui minent la vie. La doxa dominante depuis des années repose sur la moraline, sur l’opinion des donneurs tous azimuts de leçons d’humanité et d’amour, en accusant celui qui ne participe pas à la grand-messe officielle de tous les maux dont celui de sans -cœur, d’égoïste, et de capitaliste attaché aux choses matérielles qui broient l’humain. La France devrait donc vivre dans un état d’euphorie, s’aimer les uns les autres, sans violence, dans la paix et la bonne humeur. Et puisque nous sommes riches nous devons être généreux et ne voir dans l’étranger qu’une chance pour la collectivité. Le siècle sera humanitaire ou pas pour paraphraser Malraux qui parlait de religion. Tel n’est pas le cas.

Pourquoi, qu’avons-nous raté ? Est- ce de notre faute ? Par nous je veux dire moi le citoyen lambda, élevé au lait sous la mère de l’école républicaine, respectueux de la loi même si elle ne me convient pas, pratiquant par l’impôt la solidarité et de temps en temps la charité, étant tolérant mais pas pour tout, étant intégré depuis des générations dans la république en croyant à ses valeurs dont la laïcité et dans la nation. Et en participant aux grands débats qui sont essentiels pour notre identité et notre mode de vie, sans croire à des pseudos vérités révélées seraient- elles scientifiques, ni aux apôtres qui savent tout notamment de ce qui se passera dans des dizaines d’années. De mon petit lopin de terre dans le cimetière anonyme de ma commune rurale de l’Oise je vérifierai et m’exprimerai car le progrès permettra de communiquer de l’au- delà !

En 1995 Mathieu Kassovitz avait produit un film intitulé la haine. L’action se passait dans une banlieue où il y avait de la violence, un manque de respect de tous et pour tout notamment les institutions, et la croyance que certains étaient méprisés et moins égaux que d’autres. Ce fut un choc mais c’était du cinéma. Aujourd’hui la haine est dans la vraie vie et concerne les élites et ceux qui sont selon eux, les damnés de la terre, des persécutés puisqu’on ne les laisse pas s’habiller comme ils /elles veulent, puisqu’on les bride dans leurs croyances et qu’il y a du racisme et de la discrimination structurelles que l’Etat organiserait ! Le wokisme qui sévit dans nos universités et chez les « éveillés » dénonce le patriarcat de l’homme blanc, son attitude post coloniale, son mépris pour les autres notamment les femmes. Mais on ne va pas payer à vie des reproches datés et sans fondement. Je n’y suis pour rien.

De nos jours il faut renoncer à tel projet ou propos s’il dérange ne serait- ce qu’un seul individu ou une minorité. Pour ma part je n’exige ni démission immédiate des orateurs ni qu’ils soient cloués nus aux poteaux de couleurs comme en parlait Arthur Rimbaud quand j’entends des personnalités dépasser les bornes ce qui me perturbe. La liberté d’expression mérite mieux que la mort théorique du pécheur ce qui ne fait pas disparaitre la question posée. Il est préférable d’argumenter et d’expliquer par la raison. Je choisis partialement un exemple concret parmi de nombreux autres journaliers.  On a entendu qu’un très jeune militant et responsable du RN venait de mourir suite à une longue maladie. L’assistant parlementaire d’un député LFI a déclaré qu’il s’en réjouissait, que ledit jeune allait brûler dans les flammes de l’enfer avec les waffen- SS. qui s’y trouvent ! On est confondu par tant de haine et de bêtise. A l’assemblée nationale les débats sont tendus et on s’y apostrophe au lieu de faire des propositions réalistes qui pourraient résoudre partiellement les difficultés ce pourquoi les électeurs défraient les intéressés. Qui ne sont plus des partisans. Jadis on disait je préfère avoir tort avec JP Sartre (de gauche) plutôt que d’avoir raison avec R.Aron (conservateur libéral). La bêtise intellectuelle à front de bœuf persiste. Et je n’ai rien contre les animaux. On se lâche. L’idéologie est mortifère et nous citoyens qui faisons tourner le pays pour produire de la richesse, nous subissons. Et encaissons les vilenies.

 Le climat délétère est produit par ceux / celles (je déteste l’écriture inclusive) qui se croient nos élites et parce qu’ils ont été élus pour nous représenter tous (avec une tenue correcte et non débraillée pour faire peuple) dans l’intérêt général. Ils se croient autorisés par l’immunité du parlementaire à tout dire et à démolir celui /celle qui n’est plus un concurrent-adversaire mais un dangereux ennemi. Sûrement fasciste et raciste. La haine est à tous les niveaux même là où on devrait donner l’exemple. Dans la rue tout peut donc arriver. J’ai du mal à m’y faire et comprendre comment des hommes et des femmes éduquées- on le croit-et héritiers des valeurs républicaines universelles peuvent mépriser l’autre ardemment.

 L’éducation n’est pas la panacée surtout si les religions s’en mêlent. Il faut convaincre que nos valeurs peuvent faire gagner concrètement tout le monde. Tout le reste n’est que bavardage. Des citoyens dégoûtés de ces débats indignes et qui ne font pas avancer le pays ont lâché l’affaire et ne vont plus voter. Je pense qu’il faut faire le contraire puisque nous sommes dans un pays démocratique où le bulletin de vote est une arme. La haine ne peut crier victoire. La force n’aboutit à rien. L’émotion non plus. L’autorité est nécessaire pour remettre de l’ordre dans l’intérêt des libertés et du climat sociétal.

Avec la nouvelle affaire de bateaux de migrants on s’est fait plaisir. Un député RN a été sanctionné car quelle que soit l’interprétation de ses propos on ne dit pas du mal du genre humain à l’assemblée nationale même si le débat de fond est légitime. LFI a surjoué l’indignation. On est toujours pris dans ses contradictions et la patrouille veille. M. Darmanin a mangé son chapeau sur la fermeté pour les migrants, le gouvernement ayant accepté que le navire accoste à Toulon. Le droit international et celui de la mer n’ont servi à rien. Tout ceci dans un climat de violence verbale et de dénonciation de ceux qui n’auraient pas d’empathie. Faut -il rappeler que déjà il y longtemps M. Giscard d’Estaing avait dit à M. Mitterrand : « vous n’avez pas le monopole du cœur ». Rien n’a changé. Sauf dans la formulation. Nos jeunes ambitieux bavasseurs ont moins de vocabulaire et pas le sens de la mesure. Ils manquent de hauteur de vues. La haine devient vigilante et coupeuse de têtes.

La seule religion qui vaille est celle de l’homme. L’humanisme est la solution puisqu’il se préoccupe des personnes quelles que soient leurs couleurs, leurs confessions, leurs valeurs. La nation a besoin de cohérence et de grandeur et d’un destin commun avec des objectifs acceptables par tous. On a crié jadis à bas la calotte. Hurlons à bas la violence et la malveillance. J’ai la haine de la haine sans tomber dans les sentiments lyophilisés qui font pleurer mais ne font ni de la bonne littérature ni une politique efficace. Puisqu’on vient de commémorer le 11 novembre 1918 décrétons l’armistice.    

        

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